Degas: graveur et lithographe
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“Degas: graveur et lithographe,” Les Arts, XV:171, 1918, pp. 11-19 is a text by Arsène Alexandre.
- «nus réalistes de certaines séries dont il faut bien parler, encore que ce soit délicate matière»
Full text
DEGAS, GRAVEUR ET LITHOGRAPHE
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l)K(iAS. — i.A »;ilK\Ki.i Kh;, monoim'»;
serait plus simple de peindre un sujet sur une toile, ou de peindre directement sur le papier, ou alors de taire une véritable gravure tirée à plusieurs exemplaires. Kh! non, car cette peinture transportée sur papier possède à la fois les qualités de la gravure que la peinture sur toile n'au-
rait pas, et une richesse picturale sinon supérieure à celles de la gravure, fùi-ce à l'aqua-tinie, du moins toute dide- rente, et qui emprunte son attrait, un peu mystérieux, pré- cisément aux vertus spéciales du papier, et sa séduction ù cet état intermédiaire entre la peinture et la gravure, sans
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LES ARTS
être proprement ni tout à fait Tune ni tout à fait l'autre.
On comprendra donc aisément que de tels objets ne soient
pas accessibles à beaucoup de cojleciionneurs, puisque le
fait même qu'ils sont uniques, ou rarement doubles, et
triples plus rarement encore, force l'artiste à en demander un prix élevé, et que d'autre part, les préjugés tenaces relatifs à la valeur respective de la gravure et de la pein- ture mettent assez peu d'artistes à même d imposer au
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DEGAS. — AUX AMBASSADEURS,
public une feuille de papier qu'on pourrait à la rigueur payer cher si un dessin y était exécuté directement mais qu'on hésite à considérer comme aussi précieux quand ce dessin y est seulement transporté, fût-ce à un unique exemplaire.
Mlle BKCAT, LITHOGRAPHIE
Quelques très rares personnes avisées autant que peu esclaves des idées courantes avaient du vivant de Degas com- pris l'intérêt et apprécié l'originale beauté de ces ouvrages si à part. Ses monotypes sont une des parties de son œuvre où
DEGAS, GRAVEUR ET LITHOGRAPHE
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DEGAS. — l.A SORTIE DU BAIN, LITHOGRAPHIK
il s'est montré le plus libre, le plus entraîné, le plus endiablé. Il ne se souvenait d'aucun précédent même parmi ses autrts travaux, et ne s'embarrassait d'aucune règle.
De là cette impression un peu de rêve qui se dégage de ces scènes de toilette, de ces couchers à la lampe où le volume des corps est modelé d'une façon aussi insaisissable que puissante, de ces quelques paysages enfin qui demeure- ront dans l'œuvre de Degas comme un de ses plus attrayants paradoxes.
On se rappelle peut-être l'exposition qu'il fit vers 1892 de toute une série de paysages dont aucun n'avait été exécuté d'après nature, et que Degas avait fait pour soutenir cette assertion que le paysage doit non pas se copier, mais s'inventer. Assertion qu'il est, cela va sans dire, loisible de discuter, mais que Degas avait brillamment illustrée. C'étaient des monotypes, seulement rehaussés de pastels.
ce qui leur rendait, pour les amis des genres, valeur de peintures proprement dites. Quelques-uns qui n'avaient pas été enrichis de ces rehauts demeurèrent dans ses cartons, et ils ne sont pas parmi les pièces les moins attrayantes. Un est un magnifique lever de lune, d'une gravité mélancolique fort pénétrante ; et soudain, presque sans changement le même moiif sert de prétexte et de cadre i une Promenade Je famille d'un accent humoristique iriés'Stible.
C'est ainsi que par les jeux de son opiniâtreté. Degas apportait sans cesse des leçons que les artistes intelligents et chercheurs sauront mettre à profit. Et, si les circons- tances ou les hommes, ou lui-même, n'ont pas voulu qu'un tel solitaire fût appelé à donner un enseignement direct. il est déjà, et sera de plus en plus un de ceux qui auront éveillé et formé le plus d'élèves.
ARSÈNE ALEXANDRE.