Outamaro: le peintre des maisons vertes  

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Outamaro: le peintre des maisons vertes (1891) is a monograph by Edmond de Goncourt on Utamaro Kitagawa.

Contents

Full text

OUTAMARO


G. CHARPENTIER et E. FASQUELLE, EDITEURS

11, RUE DE GRENELLE, 11, PARIS.


ŒUVRES D'EDMOND ET JULES DE GOîSCOURT

DANS LA BIBLIOTHÈQUE-CHARFENTIER A 3 FK. 50 LE VOLUME

Edmond de CONCOURT

La Fille Élisa (30e mlile) 1 vol.

Les Frères Zemganno (8e mille) t vol.

La ï'austin (16e mille) 1 vol.

Chérie (16e mille) 1 voL

La Maison d'un Artiste au xixe Siècle .2- vol.

M-e Saint-Huberty, Les Actrices clu xviiie siècle 1 vol.

MUe Clairon (3e mille) — —, — i vol.

Jules de CONCOURT

Lettres, précédées d'une préface de H. Céard (3e mille).. 1 vol.

^dmond et Jules de CONCOURT

En 18" 1 vol.

(jERM.NlE LjLCERTEUX ,....'...... I VOl.

Madame Girva^sais 1 vol.

Renée Mauperin 1 vol.

Manette Salomon 1 vol.

Charles Demailly 1 vol.

ScEUR Philomène 1 vol.

Quelques Créatures de ce temps 1 vol.

Idées et Sensations . 1 voL

Théâtre (Heurielte Maréchal. — La Patrie en danj^en. . . i vol.

La Femme au xviiie Siècle 1 vol.

Portraits Intimes du xviiie Siècle (études nouvelles d"a-

près les lettres autographes et les documents in<5ditsi. ... t vol.

Sophie Arnould, Les Actrices du xviiie siècle 1 vol.

La Duchesse de Chateauroux et ses Sœurs J vol.

Madame de Pompadour 1 vol.

La du Barry 1 vol.

Histoire de Marie-Antoinette I vol.

Histoire de la Société Française pendant la Révolution 1 vol.

Histoire de la Société Française pendant le Directoire 1 vol. L'Art du xviiie Siècle :

Ire série (Watleau. — Chardin. — Boucher. — Laloùr). . 1 vol.

2** série (GreuLe. — Les Saint- Aubin. — Gravelot. — Cochiu). 1 vol.

T série (Eisen. — Moreau-DeLucourt. — Fragoiiard.

— Prudhon t vol.

Gavarnl L'Homme et TOEuvre i vol.

Pages Rétrouvées avec une préface de G. Geffroy

(3 mille 1 vol.

Préfaces et Manifestes Littéraires (3e mille) 1 vol.

Journal des Goncourt (8« mille). En vente t. I à V c vol.

Les Goncourt, par Alidor Delzant. 1 voi.


Paris. — Imp. F. Jmberl, 7, rue des Caneltes.


EDMOND DE CONCOURT


OUTAMARO


— LE PEINTRE DES MAISONS VERTES


DEUXIÈME HILLE


PARIS

BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER

11, RUE DE GRENELLE, H 1891


194888

MAY 26 1915.


PRÉFACE

En^cemois, où j'entre dans ma soixante- dixième année (1), je publie le premier vo- lume d'une série vraiment intimidante, par ce qu'elle demande d'investigations loin- taines et de travail compliqué au logis : une série que je n'ai pas la prétention — qu'on le croie bien — de mener à sa fin.

Mais, il y a un tel charme à travailler dans du neuf, sur des êtres et des objets, où vous

(1) C'est Tannée, dont Theureux peintre japonais, Hokousal, a pu dire : c Qu'il était mécontent de tout ce qu'il avait produit jusqu'alors, et que c'était seulement trois ans après, qu'il avait à peu près compris la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plan- tes, etc., etc. >


Il PREFACi:

nerencontrez pas en avantde vous, un, deux, trois, et même dix précurseurs ! Ça été si intéressant, pour moi, de faire Thistoire des mœurs de la Révolution et du Directoire, avrnit tout le monde! Ça été si intéressant de faire Thistoire intime des femmes et des rlifises du dix-huitième siècle, à peu près îiUïHï^i avant tout le monde, que mon goût du nouveau, du non défloré, m'entraîne, tout vii^ux que je suis, à tenter, pour le siècle humain que j'aime, et qui est humain chez l*^s [leuples des deux hémisphères, à tenter riiistoire de l'art du Japon, à peu près en les mêmes conditions de virginité des docu- nu^nts, dans, lesquelles, j'ai écrit l'Histoire morale et artistique du Dix-huitième siècle el rie la Révolution, en France.

ftlaintenant, n'importe l'endroit, où la mort interrompra cette histoire, j'aurais au doB de la couverture de mon premier volume, pai" cette simple liste de cinq peintres, do deux laqueurs, d'un ciseleur du fer, d'un


PRÉFACE III

sculpteur en bois, d'un sculpteur en ivoire, d'un bronzier(i), d'un brodeur, d'un potier, j'aurais indiqué le moyen et la méthode de raconter à l'Occident, en ses diverses et multiples manifestations, l'art du Japon, le seul pays de la terre, où l'art industriel tou- che presque toujours au grand Art.

Ce 26 mai (jour de ma naissance) J891.

Edmond de Concourt.


(1) Le nom du bronzier Seimln a été oublié sur la couverture.


OUTAMARO


Le peintre japonais, ayant comme nom «lo famille Kitagawa ; comme nom d'intimité You- soiiké ; comme noms d'élève d'atelier, d'abord Nobou-Yoshi, puis Mourasakiya (1) ; — c'est une habitude des artistes japonais d'abandonner leur nom de famille pour prendre un nom de fantaisie — enfin comme nom de peintre sorti de l'atelier, et travaillant d'après sa propre ins- piration, le nom d'OuTAMAUO, est né, d'après: des recherches récentes, en 1754, à Kawagoyé,

(l)Mourasakiya.signifie maison Tnai^?;e,qui est le nom d'atelier d'Outamaro. Il n*a pas signé ce nom sur ies estampes, mais il Ta toujours conservé dans sa vie pri- vée.

t


3 l'art japonais

dans la province de Mousashi, et non à Yédo ; comme le dit, le Oukiyo-yé Rouikô fOuwH,^^ rnaiÉUScrit de Kiôden, complété successivement par Samba, Moumeiô, Guekkin,.Kiôzan, Tané- hiko, etc. — Tunique biographie des peintres japonais, de Técole Oukiyo, à partir de Morono- Imiu, non encore imprimée, mais dont les collée- lioiineurs japonais se communiquent les copies.


II

Outamaro vint tout jeune à Yédo. Après quelques années d'une vie aux domiciles incon- nus, on le trouve habitant chez Tsutaya Jûza- bro, le célèbre éditeur de livres illustrés du temps, dont la marque représentant une feuille de vigne vierge surmontée du sommet du Fuzi-yama, se voit sur les plus parfaites impressions d'Outa- maro, — et qui demeurait alorô à la sortie de la grande porte du Yoshiwara.

Quand Tsutaya Jûzabro déménageait, et éta- blissait sa boutique à Tôri-Abratchô, au centre de la ville, Outamaro Ty suivait, et demeurait avec lui jusque vers l'année 1797, où mourait l'éditeur. Alors Outamaro logeait successive- ment rue Kiûyemon-tchô (1), rue Bakro-tchô,

(1) Ce changement de domicile, en 1797, a fait pren- dre cette date par les biographes de l'artiste, pour la date de sa mort.


4 L ART JAPONAIS

puis se fixait, dans les années qui précédèrent sa niortj près le pont Benkei.

D'abord Outamaro étudia la peinture àTécole do Kano, puis devint élève de Torima Sekiyen, qui semble avoir eu une très petite influence sur son talent, d'après la vue de son Hiàkki y a ghio, les Cent monstres de la nuit, et d'après l'album baptise de son nom, où la femme est la femme Je Koriusai, Shunshô, Harunobou, et n'est pas du tout la femme, que sera la femme d'Outa- ■maro (1).

Leii vrais inspirateurs de la manière, du style d'Oulamaro, sont Shighemasa et Kiyonaga, Kiyunaga surtout, qui a doté le talent d'Outa- maro, même devenu le fondateur personnel de r école dont il est le chef et le maître, d'un peu de l'allongement gracieux de l'ovale de ses fi- gures de femmes, d'un peu de la souplesse molle de ses tailles, d'un peu de Tondoiement volup- leux des étoffes autour des corps.

Cette appropriation du dessin de Kiyonaga,

(1) Dans toutrœuvre d'Outamaro, je ne trouve qu'une seule planche semblant descendre du faire chinois de Sckîyen : c'est un paysage, imprimé en imitation d'en- cre de Chine, faisant partie des six planches du recueil de poésies, ayant pour titre : La nature argentée. (La neige).


OUTAMARO 5

elle saute aux yeux, dans tes deux planches représentant une maison de thé, au bord de la mer, où une femme apporte sa robe de dessus, sa robe noire armoriée, à un seigneur japonais prenant une tasse de thé : une composition, qui, si elle n'était pas signée Outamaro, serait prise par tout collectionneur japonais, pour un Kiyo- naga, une composition que M. Hayashi croit avoir été exécutée dans Fatelier de Kiyonaga, vers Tannée 1770, mais bien certainement pas après 1775, et à une époque, où le peintre avait à peine ses vingt ans, s'il les avait.

Elle est également sensible cette appropria- tion dans la belle impression montrant cette grande femme, à la robe semée de fleurs de ceri- sier sur fond rouge, et à laquelle on apporte une poupée de lutteurs, et qui, toujours d'après le sentiment de M. Hayashi, aurait été publiée avant 1775.

Elle existe même enfin cette appropriation, dans les six admirables planches des guesha célé- brant le Niwaka, le Carnaval du Yoshiwara, dont la première édition serait de 1775, et où les planches, tout en appartenant un peu plus à Outamaro, sont signées du style puissant, de la rablure un peu junonienne, si Ton peut dire, donnée à ses femmes par le maître, qui a pré-

1.


6 l'art japonais

i'édû d'au moins vingt ans dans la vie, le pein- tre des Maisons Vertes, mais où encore Oula- iiKiî emprunte à Kiyonaga des détails, comme wliii de ces jolis accroche-cœurs échevelés autour des tempes et des joues, apportant aux ligures un si amoureux caractère.


III

La première connaissance que fît le public japonais du talent d'Outamaro, ce fut dans Til- lustration de romans populaires, dans Tillustra- tion de ces livres de petit format, à la couverture jaune, au lirage en noir, au papier commun, à l'impression un peu à la diable, et qui s'appel- lent au Japon, Kibiôshi, livres jaunes, tirant leur nom de la couleur de leurs couvertures : — publications à bon marché, et d'une grande vente, auxquelles Tartiste travailla depuis le jour de ses débuts, en 1783, jusqu'en 1790.

De ces petits livres à cinq sous, j'ai un exem- plaire sous la main : c'est l'histoire du sapèque de Aoto, par Kioden Kitao Masayoshi. Aolo-ga- Zeni, ancien juge bien connu, perdit un jour, dans une rivière, un sapèque, et eut Tidée d'en- gager des hommes pour le retrouver, ce qui lui coûta cent fois plus, que la petite pièce de mon-


8 l'art japonais

naîe qu'il avait perdue. A la suite de quoi, il dit : c Ce qui est payé aux hommes n'est pas perdu, mais ce qu'on laisse dans la rivière, ne porte pas d'intérêt, » En ce petit livre, il y a déjà un rendu spirituel des attitudes et des mouvements de grâce de la femme, et dans une composition représentant une lutte d'hommes et de femmes, commence à se montrer, chez l'artiste, une cer- taine connaissance des formes anatomiques.

Le succès de ces petits livres imprimés en noir, amenait les éditeurs à lancer dans le pu- blic des séries d'un format plus grand, d'une exécution plus soignée, et où, tous les ans, le talent d'Outamaro grandit. Ce sont : le bouquet DE LA parole, 1787 ; les moineaux de yédo, 1788 ;

LES DIFFÉRENTES CLASSES DE LA POPULATION JAPO- NAISE, 1789; LA DANSE DE suRUGHA, 1790, etc, etc.

En 1785, débutaient, comme ses aides dans rillustration des livres jaunes, Mitimaro et Yukimaro, deux élèves qu'avait formés Outa- maro.


IV

A ses débuts, Outamaro se singularisa par une originalité. C'était Thabitude des artistes de ce temps, de faire un peu leur popularité avec la popularité des acteurs qu'ils représen- taient, et en ce pays, où les vieux, les jeunes, les hommes, les femmes étaient et sont encore fanatiques des célébrités théâtrales, de mettre à proflt, pour leur nom, la vogue d'un tel ou d'un tel. Outamaro se refusa à dessiner des comé- diens, disant fièrement : « Je ne veux pas bril- ler à la faveur des acteurs, je veux fonder une école qui ne doive rien qu'au talent du pein- tre ».

Et quand, dans la pièce de Ohan-Tchôyé- mon, l'acteur Itikawa Yaozô avait un immense succès, et que son portrait dessiné par Toyo- kouni, obtenait un débit considérable, lui, Ou- tamaro représentait la pièce, mais seulement


10 l'art japonais

figurée par d'élégantes femmes, jouant dans des compositions imaginaires , démontrant ainsi dans celte série d'images, que les dessinateurs de Técole vulgaire, qui avaient répété ce sujet, à la façon de Toyokouni, étaient une troupe sur- gissant de leurs ateliers, une troupe comparable à des fourmis sortant du bois pourri (1).


(1) En dépit de son hautain mépris pour les composi- tions de ses confrères, représentant des scènes de théâtre, je ne sais pas si Ouiamaro en a dessiné lui- même plusieurs, mais je puis assurer qu'il en a dessiné une, que j'ai sous les yeux. C'est un long sourimono d'un format beaucoup plus grand qu'à l'ordinaire, ou est figuré un drame japonais, dans lequel sont réunis dix- sept acteurs.


Après les Kibiôshiy les livres jaunes, à Tim- pression en noir, Outamaro aborde l'image en couleur, dans des gravures polychromes de grand format, dans les Nishiki-yéy {nishiki, brocart, soie aux dessins artistiques, et yé, peinture, dessin, image) : gravures polychro- mes, où, d'après ses biographes, Outamaro atteint « le sublime de la beauté et du luxe».


Ces merveilleuses impressions commencent par être des compositions formées de deux, de trois, de cinq, de six, de sept feuilles.

Dans les impressions composées de sept feuilles, qui ne sont pas nombreuses, citons :

Cortège de l'ambassadeur de Corée, repro- duit dans un Niwaka ("carnaval) par des guesha (chanteuses et danseuses).


i2 l'art japonais

Un interminable défilé de femmes à pied et à cheval, escortant une des leurs, dans une litière ressemblant à une châsse : toutes ces femmes roiffées d'étranges chapeaux verts pointus, et habillées d'harmonieuses robes, où le bleu, le vert, le mauve, le jaune, rappellent la décora- lion des porcelaines chinoises de la famille verte, — colorations qui ont eu une si grande influence sur Taquarelle des maîtres japonais, antérieurs à Outamaro.


Dans la série des impressions composées de cinq feuilles, citons :

La fête des garçons.

Une femme penchée sur un album, près d'une autre femme, le pinceau à la main, s' apprêtant à peindre : toutes deux regardées par un enfant dans une pièce, où sur un chevalet tournant couronné d'un petit parasol, est fixé un kaké- mono représentant, en un rouge, couleur de sang, le terrible Shôki, l'exterminateur des dia- bles, une sorte de patron des garçons.

Et donnons ici, d'après M. Anderson, la lé- gende de cet exterminateur des diables :

Chung Kwei, le chasseur des diables, un des mythes favoris des Chinois, passait pour être


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un protecteur surnaturel de TEmpereur Ming Hwang (713-762 de notre ère) contre les mau- vais esprits qui hantaient son palais. Son his- toire est ainsi racontée dans le E-honko-ji- dan : L'Empereur Genso fut pris une fois de la fièvre, et dans son délire, il voyait un petit démon en trainde voler la flûte de sa maîtresse Yo- kiki {Yang-Kwei-fei)j au même moment un ro- buste esprit apparut,saisitledémon,etle mangea. L'Empereur lui ayant demandé son nom, il ré- pondit : « Je suisShinshi Shôki, de la montagne de Shunan. Pendant le règne de l'Empereur Koso (Kao-tsu) de la période Butoku (618-627 de notre ère), je ne pus obtenir le rang, auquel j'aspirais dans les emplois supérieurs de l'Etat, et de honte je me tuai. Mais à mes funérailles, je fus élevé par ordre impérial, aune dignité pos- thume, et maintenant je cherche à reconnaître la faveur qui m'a été octroyée. C'est pourquoi je veux exterminer tous les démons sur la terre » . Genso se réveilla, et trouva que sa maladie avait disparu. Il donna alors à Godoshi l'ordre de peindre l'exterminateur des diables, et d'en distribuer des copies dans tout l'Empire.

Le marché du jour de l'ai^.

Le Marché ayant lieu pendant les dix der-


14 l'art japonais

niers jours de Tannée, et qui se tient devant la

  • ^rande porte du temple d'Assa-Kousa. Une

foule marchant au milieu de montagnes de ba- quets, de tamis, d'ustensiles de ménage, et que ï^urmonte çà et là, porté sur une tête, un cadeau du Jour de TAn, particulier au Japon : une lan- gouste sur un lit de fougère, un tortil de paille jiour chasser les diables des maisons, etc. Au plus pressé de la foule, où deux fillettes pour no pas se perdre, se tiennent reliées par un morceau d'étoffe serré entre leurs mains, un garçonnet élève en l'air, au bout de ses bras, ime petite pagode, une pagode -joujou à vendre.

L AVERSE.

Une pluie torrentielle, noyant, sabrant le paysage.

Une jeune fille se bouchant lés oreilles au bruit du tonnerre lointain. Un enfant en illeurs tendant ses petits bras à sa mère, pour qu'elle le prenne sur elle. Partout des para- jiluies qui s'ouvrent avec précipitation. Et dans ia planche du milieu un couple amoureux, courant abrité sous le même parapluie, la femme dans le joli élancement de l'Atalante du jardin des Tuileries ; le couple rejoint et suivi


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de tout près par un ami, emboîté dans la vitesse du trio.

Je ne connais pas d'image donnant une re- présentation, plus réelle, plus voyante, et pour ainsi dire, plus en Tairdes jambes de gens se livrant aune course affolée.

Le grand nettoyage d'une maison verte a la

FIN DE l'année.

Les servantes, en toilette du matin, se livrant au nettoyage à fond de la maison, qui a lieu vers les derniers jours de décembre, et dans le boulvari des meubles et des paravents ren- versés à terre, faisant fuir avec les balais, les plumeaux, l'eau du lessivage, de petites troupes de souris.

Dans mon 'premier travail, j'avais cru cette impression composée seulement de trois im- pressions, parce que c'est l'état où on la trouve d'ordinaire, mais elle en a cinq.

La quatrième planche représente une femme soulevant sous les bras, pour le mettre sur ses pieds, un jeune japonais tout ensommeillé, qu'il est l'heure de mettre à la porte, et dont la main lâche cherche à attacher son sabre à sa ceinture.

La cinquième planche représente le réveil


46 l'art japonais

(l'an vieillard, si drolatique dans ses contorsions ol son étirement ridicule, qu'une femme se sauve en riant.


Quant aux compositions de trois feuilles (TOutamaro, ces images tryptiques, particuliè- nment affectionnées par les artistes japonais, sont innombrables.

Citons-en quelques-unes dans les genres les plus différents :

Le premier jour de l'an.

Un intérieur, où se tire une loterie au moyen d'une devinette assez originale. Une femme (U'ésente un tordion emmêlé de ficelles, aux Iniuts dénoués, et le lot est gagné par celle qui < lioisit le brin déficelle, auquel est attaché le loi. Dans le fond, une femme apporte un lot, pour remplacer le lot qu'on est en train de tirer.

Le mariage. Le daimio et la femme noble sont assis en face l'un de l'autre. La mariée a devant elle les trois coupes, dans lesquelles elle doit boire trois fois: ce nombre trois ayant une signification, car multiplié il fait le nombre neuf, regardé là-bas


OUTAMARO 17

comme le nombrele plus productif dans la mul- tiplication des espèces.

Et pendant que dans le fond une femme rem- porte les deux bouteilles de saké offertes aux kamiy çsprits, une femme, à côté de la mariée, a sur un plat un poisson sec, qu'on ne mange pas, mais qu'on sert superstitieusement comme por- tant bonheur aux mariés, une autre femme ap- porte de la soupe dans des bols de laque aux dessins d'or, une autre femme fait chauffer le saké dans une théière au long manche, appelée tchôshi (1).

(i) Voici la description du mariage, donnée par Ha- yashi, dans la livraison sur le Japon, publiée par Gillot.

Le cadeau des fiançailles se compose de deux robes de soie, blanche et rouge, de trois lùts de saké, de trois poissons; mais dans la classe pauvre, ce cadeau se réduit à une robe de coton.

La dot n'existe pas, mais la mariée apporte de quoi monter son ménage, en vêlements, en meubles, en objets d'usage journalier, et dans un mariage riche, ces objets qu'on transporte constituent un véritable cortège.

La cérémonie du mariage consiste à remplir la for- malité du Sakadzuhi (coupes spéciales à saké). La salon principal est le lieu choisi. La fiancée prend d'a- bord la place de la maîtresse de la maison, le prétendu s'asseoit à la place de l'invité principal, en cas ordinaire. L'homme porte le costume officiel et la femme la robe blanche. Les parents et les amis y prennent place selon Tordre indiqué.

La cérémonie est présidée par une dame d'hon-

2.


18 l'art japonais

Danse d'une guesha dans un palais de daimio.

Dans un palais, à la succession de bâtiments à jour au milieu de jardins, montrant les person- nages dans ces légères perspectives. aériennes du pays, une danseuse en robe rouge, danse, un chapeau de fleurs sur la tête, un chapeau de fleurs au bout de chaque main, regardée admi- rativement par les femmes de premier plan, et tout au fond, tout au fond, par le daimio et ses intimes.

Dans la planche de droite, c'est une femme étendue à terre dans une pose de triste affaisse- ment, et comme prête à s'évanouir, près d'une lettre tombée à côté d'elle.

Dans la planche de gauche, c'est le peintre littérateur Kioden Masayoshi, — oui, le peintre lui-même portant sur sa manche son nom — s'éventarit avec un éventail, où est écrit : // est bon pour un poète^ d'être un maladroit y

neur chez les seigneurs ou par un intermédiaire chez le peuple. On porte devant Thomme trois coupes à saké, placées sur un présentoir spécial. L'homme prend d'abord la première coupe, et boit à trois réprises diffé- rentes. Ensuite il commence la seconde coupe qu'il offre à la femme. Elle y boit à trois reprises, puis commence la dernière coupe, et l'offre à l'homme qui l'achève en trois fois. Ceci accompli, le mariage est conclu. Viennent ensuite le dîner et la fête.


OUTAMARO 19

car si ses vers avaient le talent d'ébi*anler le ciel et la terre y il serait vraiment bien malheu- reux! C'est sur cet éventail, un Kioka, une petite poésie légère, une petite poésie ironique, moquant une poésie lyrique du septième siècle, affirmant, que le vrai poète a le pouvoir de faire trembler par ses vers le ciel et la terre.

A propos de cet éventail, à propos de l'éven- tail décoré soit de feuilles d'or, soit de peintures d'oiseaux et de fleurs, soit de kioka, — de l'éven- tail d'un usage si général chez tous les japonais de tout sexe, et à toutes les heures de la vie, di- sons que les meilleurs, les plus artistiques, se fa- briquent à Kioto, et racontons la curieuse ori- gine de l'éventail.

Sous le règne de l'Empereur, Tenji, vers Tannée 670, un habitant de Tomba, voyant des chauves-souris ployer et déployer leurs ailes, eut ridée de faire des éventails à feuilles, qui par suite portèrent à cette époque, le nom de Kuwahori, ce qui signifie chauve-souris.

Il est deux espèces d'éventails au Japon, l'une dite Sensiiy qui se plie, et l'autre de forme ronde qui ne se plie pas, et qu'on fabrique avec le bambou pu le chamœ cyparis obtusa.

Il est une troisième espèce d'éventail fort riche, et qui sert aux danseurs, soit pour battre la me-


20 l'art japonais

sure ou développer des gestes gracieyx, qu'on appelle uckiwa, et qui est quelquefois en soie.

Pendant la période de Kuwambun, un prêtre nommé Gensei, célèbre par son goût artistique, et par ses poésies, se mit à fabriquer lui-même à Fukakusa, des éventails d'une perfection ad- mirable, éventails qui acquirent une grande ré- putation, et qui étaient connus sous le nom de Fukakusa uchiwa.

Cette composition de la danse d'une guèsha dans un palais de daimio, où Outamaro met en scène son confrère Kioden Masayoshi, a tout l'air d'avoir été tirée en couleur, d'après un dessin d'une scène de la vie réelle au Japon, ce qui est assez rare dans l'œuvre du maître.

Un prince japonais, tenant à la main un pa- nier de coquillages, au milieu de porteuses de sel.

C'est la mise en scène d'une histoire ou d'une légende d'un prince, relégué en exil dans une île (1), où il était devenu l'amant de deux sœurs

(1) Sans doute Tîle de Fatsisio, île pénitentiaire, ou étaient déportés les princes et les courtisans en disgrâce, et employés à fabriquer et à orner, d'après le dire de M. Fraissinet, les admirables robes du musée de la Haye<


OUTAMARO 21

porteuses de sel, qu'il eut toutes les peines à abandonner, quand il fut rappelé et rétabli dans ses honneurs.

Le combat entre ses amours et ce qu'il de- vait à son rang, a donné lieu aux scènes les plus touchantes, dans un roman intitulé Matzu- gazé-Mourasàmé : les noms des deux pêcheu- ses. Et l'anecdote amoureuse et sentimentale a fourni également nombre de pièces de théâtre.

Une harmonieuse planche est la composition représentant des femmes, la nuit, s' amusant à attraper, des lucioles.

Elles sont là, six jeunes femmes, dans leurs robes doucement voyantes, au milieu du clair- obscur des pâles ténèbres d'une nuit tiède d'août, elles sont là qui font tomber, avec des écrans, les lucioles lumineuses des branches d'arbres, en mettant dans cette chasse une grâce ingénument maladroite. Et l'on voit une fillette s'aventurer, les jambes nues, en un ruisselet,pour s'emparer des vers luisants, bril- lant dans les roseaux, pendant qu'un petit gar- çon et une petite fille portent les boîtes qui leur servent de prison, en regardant curieusement dedans.


22 l'art japonais

La culture des gravures a yédo, la produc- tion CÉLÈBRE DE CETTE VILLE.

Une première planche montre Tintérieur d'une boutique, aux murs couverts de kaké- monos, au plafond tout rempli d'images en couleur suspendues à des ficelles, pendant qu'un marchand forain vient acheter des im- pressions, que lui montre une femme. La seconde planche, de la plus grande rareté, et que possède seul à Paris M. Gonse, nous introduit dans l'atelier, où une femme entaille le bois avec un ciseau qu'elle frappe à coups de maillet, où une autre femme appuyée à une table s'apprête à tracer lesfilets d'une planche, tandis qu'une troi- sième femme, accroupie dans un coin, aiguise ses outils sur une pierre à repasser.

Dans la troisième planche, on voit dans la pièce du fond, en ces compositions allégoriques qu'aiment les Japonais, on voit Outamaro, sous la figure d'une femme, soumettre à une autre femme, qui serait la personnification de l'édi- teur, un dessin à graver.

PÈLERINAGE A ISÉ.

Dans un endroit célèbre par ses levers de soleil, à Isé, près de ces deux rochers sortant de la mer, reliés par un câble en paille, près


OUTAMARO 23

de ces rochers sacrés, appelés Miôto-Iwa (ro- chers du couple) et regardés comme Temblème d'un mari et d'uîie femme, et auxquels les jeunes mariées viennent adresser des prières pour le bonheur de leur mariage et la naissance d'en- fants, une société de femmes sur la plage, s'amusent à ôter leurs chaussures et à marcher, pieds nus dans le flot, leurs longues robes rele- vées des deux mains.

Femmes en voyage.

Une originale composition représentant trois femmes en avant d'une moustiquaire, sous laquelle trois autres femmes, à demi visibles, à demi effacées derrière le treillis, font les pré- paratifs du coucher, en causant avec les femmes du premier plan.

On se rencontre là, avec une des tentatives habituelles en même temps qu'avec une des réussites du pinceau de l'artiste, d'opposer à des femmes en pleine lumière, des femmes dans une pénombre verte, des femmes à Tétat de jo- lies ombres chinoises derrière un châssis de papier, et Outamaro a un goût si grand de ces oppositions, et de ces êtres ou de ces parties d'êtres, montrés dans le clair obscur de la dé- teinte des milieux que, dans l'impression en


24 ^ l'art japonais

couUair des « Teinturières », il fait se pencher poil!' un baiser, un enfant vers la figure de sa jH^ilt; sœur, curieusement pourprée, du ton de la grande bande violette, à travers laquelle on voit son visage (1).

Les grues de yoritomo.

Une réunion de jeunes femmes, sous un ciel rost!, tout éclairé de grues blanches voletant datii^ rair,une poésie à la patte, et dans laquelle untj Japonaise passe la petite bandelette chargée (Ttît nture, aune autre Japonaise, tenant une grue, à laquelle elle va donner la liberté.

Composition rappelant, d'une manière allégo- gori^iue, une anecdote de la vie de Yoritomo (2), qui, sur le ouï dire, que les cigognes vivaient mille ans, fit, un jour, donner l'envolée à mille cigognes, avec le jour et Tannée de leur envo-

{{) Très souvent, Outamaro cherche des effets orî- ginmx de peinture dans ces reflets mettant sur les per- surittc's et les visages, des teintes bizarres, étranges, im- prL'vurs, c'est ainsi qu'une grande tête de courtisane vous a|ip liait, la figure à moitié rosée du voile rose qu'elle Lionl devant elle, et avec sur la peau, le semis de pois LUiir, qui font l'ornementation du voile.

(2) L'usurpateur Minamoto Yoritomo, dont l'avène- ment lermina la lutte des clans de Taira et de Minamoto, fui hi premier shogun héréditaire, titre qui lui fut con- féré en li90de J.-C. ' •


OUTAMARO •• 25

lée, attachés à la patte, et Ton prétend, au Japon, que Ton a retrouvé de ces cigognes au seizième siècle.

Mais parmi ces images tryptiqueSy peut-être la plus recherchée, la plus rare de toutes est celle des PLONGEUSES, des pêcheuses d'awabi, de coquilles qu'on mange.

Cette triple planche se trouve être la compo- sition, où se dévoile, delà manière la plus osten- sible, le nu de la femme (1), tel que le compren- nent et le rendent les peintres japonais. C'est le nu de la femme, avec une parfaite connais- sance de son anatomie, mais un nu, simplifié, résumé dans ses masses, et présenté sans détails, en des longueurs un peu mannequî- nées, et par un trait qu'on dirait calligraphié.

(1) En fait de nu, . nous avons, sans remonter à un autre siècle, la publication, quelques années avant, de la planche en couleur du bain de femmes de Kiyonaga où le grand artiste précurseur d'Outamaro, nous a donné . le contour gracile de deux ou trois jeunes femmes nues, et les jolies indiscrétions de morceaux d'autres corps,, sous des peignoirs entr'ouverts, et encore ce joli bas de corps d'une femme, qui, la tête et le torse masqués par un store, ne laisse voir d'elle qu'une jambe posant à terre et une jambe remontée sur la marche d'une es- trade, et une main qui essuie l'entre-deux des deux jambes. C'est du très savant, du très réel nu , mais

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36 l'art japonais

La feuille de gauche représente une femme nui , le bas du corps voilé d'un lambeau d'étoffe rtjiï^^G, coulée au bord de la berge, une jambe (lujà dans la mer, avec un fiissonnement dans U.\ rorps appuyé sur ses deux mains rejetées ^(t'ii iè^e elle, et avec la rétractation en Tair d'un [i'wA qui semble se reprendre à deux fois, pour l'nlrcr décidément dans l'eau. Au-dessus de sa [vb.% est penchée une seconde pêcheuse, qui lui [ïiontre de son bras étendu, quelque chose (luiid l'abîme.

La feuille du milieu, nous montre assise une |RH hcuse, une cotonnade bleue jetée sur les i'paules, peignant sa chevelure ruisselante il'iau, pendant qu'un enfant nu, la tette de- hutiL

Lfi feuille de droite nous fait voir une pè- cJieuse, son couteau à ouvrir les coquilles dans h\ bouche, et en ungracieux contournement du Loiv^e, tordant des deux mains le boutdel'étoffe mouillée entourant ses reins, pendant qu'une ai heteuse agenouillée, choisit une coquille dans ,suii panier.

Ces grandes, ces longues femmes, au corps

ttii je ne trouve pas le grand style de la forme et de la lij^fiç, caractérisant les Plongeuses.


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tout blanc, à la dure chevelure rîoire éparse, avec ces morceaux de rouge autour d'elles, dans ces paysages paiement verdâtres, sont des ima- ges d'un très grand style, ayant un charme qui arrête, surprend, étonne. (1)

Il existe une autre planche tryptique des Plongeuses.

Cette composition représente, en un premier compartiment, deux femmes se déshabillant dans une barque; en un second, une plongeuse remontant dans une barque, aidée par sa cama-

(1) Cette planche que j'ai payée, il y a cinq ou six ans, 40 francs, vient d'être achetée 1,050 francs à la vente Burty, par M. Samuel. Du reste, c'est une planche de toute rareté ! On n'en connaît plus que trois épreu- ves en France, chez M. Gonse, chez M. Duret, chez moi, et une épreuve en Amérique, chez Boumgarten, à New- York. Hayashi qui la fait chercher au Japon, n'a pu jus- qu'ici en obtenir. Pour moi, je ne crois pas qu'il y ait deux états, je crois, ce qui arrive assez souvent dans les es- tampes japonaises, que sans retirage nouveau, il y a des modiiîcatious dans le coloriage de l'impression des planches : c'est ainsi que la femme achetant un awabi est en robe toute verte dans l'épreuve de Burty, et que dans mon épreuve et celle de Duret, elle a une robe violette et verte.

Toutefois, il est incontestable que l'épreuve de M. Gonse, qu'elle soit d'un second ou d'un premier état, est incomparablement plus belle que l'épreuve de Burty.


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rade; en un troisième, là plongeuse nageant au moment où elle va plonger sous Teau, — et de la rive, des promeneusesregardantles plongeuses. Dans cette impression en couleur, les femmes sont plus petites, plus mignonnes, d'une svel- tesse toute gracile, et avec la délicatesse mai- gre de leur corps sous leur épaisse chevelure noire mouillée, elles' ont dans Teau quelque chose de la fluidité vague des apparitions che- velues, sous lesquelles les Japonais représentent les âmes mortes, revenant sur la terre.


VI

Puis après ces grandes compositions, ce sont des séries pour albums, de six, sept, dix, douze, vingt planches, etc., séries dont quelques-unes ont paru simultanément avec les grandes com- positions, mais dont la plupart ont été exécu- tées postérieurement.

Et dans ces séries, encore mieux peut-être que dans les grandes compositions, la Japo- naise apparaît, pour ainsi dire, dans la trahi- son de ses occupations journalières de la mai- son et du jardinet. La Japonaise apparaît se do- rant les lèvres ; s'enlevant le duvet de la figure avec le rasoir du pays ; faisant des deux mains le nœud de sa ceinture, portée derrière quand elle est une femme honnête, portée devantquand elle estune courtisane, — faisant ce nœud, en rete- nant parfois avec son menton contre son cou, quelque roman illustré de là-bas ; pliant des soie-


30 l'art japonais

ries, un coin de TétofTe dans sa bouche, aimant à mordiller; arrangeant des iris dans un cornet; baignant un oiseau ; fumant une pipette d'argent ciselé; ajoutant à ses doigts des ongles d'ivoire pour jouer du koto ; peignant un kakémono ou un makimono ; écrivant des poésies sur des ban- delettes, qu'elle attache aux premiers cerisiers en fleurs; tirant de l'arc dans une chambre, avec les flèches piquées à la portée de sa main ; s'amusant à cacher sa figure sous le masque joufflu, au gros rire d'Okamé (1).

(1) Ce masque au front étroit, aux bajoues énormes, à la grosse hilarité dans une bouche en cul de poule : ce masque attaché presque dans tous les vestibules des maisons japonaises, comme une invitation à la bonne humeur des visiteurs, c*est la figuration sous laquelle les Japonais se représentent la déesse Odzoumé qui joue ce rôle dans cette célèbre légende mythologique du Japon.

La puissante déesse, née du mariage de Isanagni et de Izanani, les deux premières divinités mâles et fe- melles, créatrices du Japon, la déesse du Soleil, auquel son père avait donné le commandement du ciel, qu'elle gouvernait du haut de la colonne, où elle avait fait son ascension, était sans cesse tourmentée par les malices méchantes de son frère, le dieu de la Lune, dont l'Em- pire était la Mer bleue, et qui finissait par. lui jeter à la tête le cadavre d'un cheval pie, qu'il avait écorché de la tête à la queue : brutalité qui lui avait donné une telle frayeur qu'elle s'était blessée avec la navette qui lui ser- vait à tisser dans le moment. Et en sa frayeur, la


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Et ce n'est pas tout bonnement sur le papier le ressouvenir, dans un trait spirituel, de Toc- cupation de la femme, c'est dans sa réalité absolue le retracement d'après nature, de l'atti- tude, des poses, du geste familier de cette occu-

déesse s'était retirée dans une grotte, dont elle avait fermé l'entrée avec une porte massive, fait d'un gigan- tesque rocher.

Le ciel et la terre, h la suite de cette retraite de la déesse, avaient été plongés dans les ténèbres, que les dieux les plus méchants avaient rempli d'un bourdonne- ment, qui avait amené une épouvante générale.

Ce fut alors que tous les dieux, assemblés dans le lit desséché de la rivière Amenoyasou (rivière de la paix du ciel) tinrent un conseil pour apaiser la déesse, et tirant du fer des mines célestes, le dieu Itchi Koridomé» assisté du divin forgeron Amatsoumoré, réussit à for- ger un miroir immense et parfait, représentant l'au- guste divinité d'Isé.

Pendant la fabrication de ce miroir, d'autres dieux plantaient le Kodzou (Broussonieta) et Vasa (chanvre) et mêlant l'écorce du premier à la fibre du second fai- saient des vêtements pour la déesse, et d'autres dieux lui bâtissaient un palais, et d'autres dieux lui fabri- quaient des bijoux et lui façonnaient un sceptre sacré dans lehois du sakaki.

Après avoir tiré un augure favorable d'un os de che- vreuil, jeté dans un feu de bois de cerisier, l'un des dieux déracinant un grand arbre, y suspendit le miroir, et se mit à chanter le pouvoir et la beauté de la prin- cesse, au milieu du cocorico d'un innombrable rassem- blement de coqs.

Et le dieu Takadjira, (aux bras puissants) fut posté


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pation, enfin la surprise de la mimique parti- culière, qui caractérise toute race d'un pays, toute société d'un temps. Et vous avez la Japo- naise en tous les mouvements intimes de son

près de la porte de la caverne, au moment où la déesse Oudzoumé, les cheveux ornés de mousse, les manches relevées à Taide d'une liane, se mettait à jouer d'un flageolet de bambou, accompagné par un dieu pinçant les six cordes de six arcs, renversés à terre, avec le frois- sement des tiges d'une herbe rèche, tandis que les autres dieux battaient la mesure avec des planchettes de bois. Puis Odzoumé se mit à danser, en chantant :

Dieux contemplez la porte. Voyez la majesté de la déesse !

La déesse du Soleil entendant les grands éloges jqu'on faisait d'elle, dit : « Dans ces derniers temps, les hom- mes m'ont beaucoup implorée, mais jamais rien d'aussi beau n'est arrivé à moi. » Et poussant légèrement la porte de sa grotte, elle dit encore « Je m'imaginais que par suite de ma retraite, le Japon était plongé dans les ténè- bres. Pourquoi Oudzoumé danse-t-elle, et pourquoi les dieux se tordent-ils de rire ? >

" Oudzoumé répondit à la déesse du Soleil : « Je danse, et ils rient, parce qu'il y a ici une divinité (faisant allu- sion au miroir suspendu)une divinité supérieure à la votre.

Ce disant, Oudzoumé lui montrait le miroir, et comme la déesse avançait un peu la tête pour le voir, Takad- jira, le dieu aux bras puissants, la saisit par la main, la tira dehors de sa grotte, et une corde de paille de riz placée derrière elle, l'empêcha d'y rentrer.

Or, Okamé, c'est le nom jrulgaire de la déesse Oud- zoumé.


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corps ; vous Tavez, dans ses appuiemënts de tête sur le dos de sa main, -quand elle réfléchit, dans ses agenouillements, les paumes de ses mains appuyées sur les cuisses, quand elle écoute, dans sa parole, jetée de côté, la tête un peu tournée, et qui la montre dans les aspects si joliment fuyants d'un profil p«rdu ; vous Tavez dans sa contemplation amoiireuse des fleurs qu'elle regarde aplatie à terre ; vous l'avez dans ses renversements, où legèrenient elle pose, à demi assise, sur la balustrade d'un balcon ; vous l'avez dans ses lectures, où elle lit dans le volume tout près de ses yeux, les deux coudes appuyés sur ses genoux; vous l'avez dans sa toilette, qu'elle fait avec une main te- nant devant elle son petit miroir de métal, tan- dis que de l'autre main passée derrière elle, elle se caresse distraitement la nuque de son écran ; vous l'avez dans le contournement de sa main autour d'une coupe de saké, dansTattouchement délicat et recroque>dllé de ses doigta de singe, autour des laques, des porcelaines, des petits objets artistiques de son pays; Vous l'avez enfin la femme de l'Empire du Lever du Soleil, en sa grâce languide, et en son coquet rampe- ment sur les nattes du parquet. Feuilletez ces milliers d'image, et à chaque


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feuille les aimables tableaux. Regardez ces femmes, à la rêverie prêtant à de si charmantes altitudes derrière les shoji[i)\ regardez cette jeune fille assise à la devanture d'une maison, assise appuyée par derrière sur ses mains ou- vertes, une jambe relevée sur le coffre qui lui sert de siège, et l'autre jambe pendante, le pied sorti de la chaussure tombée à terre ; regardez cette jolie musicienne, suivie de sa porteuse de scficfmisen, marchant pour se rendre à la mai- son, où elle doit faire de la musique, marchant comme avec une espèce de grâce peureuse, dans cette nuit noire, sous un ciel qui semble ëloilé de la neige qui tombe ; regardez ces deux

|ïl Une caractéristique de l'habitation japonaise, dit M. Remy dans ses Notes sur le japon, est l'étendue des ouvertures qui^ sont réservées. Il n'y a de murailles que du côté exposé à la pluie, autour de la porte, au niveau des dépendances, cuisines, cabinets. Encore ces imirailles faites de madriers noircis ou de lattes. enduites d'argile et de mortier ne vont pas jusqu'à terre, elles sont supportées par le plancher, qui est toujours sus- pendu à 50 centimètres du sol, sur des poteaux donnant a [a maison l'apparence d'une construction sur pilotis.

Il reste entre les poteaux de la construction, de larges ouvtTtures béantes, qui sont fermées par des cloisons mobiles de deux ordres différents. Les unes solides et for- niùos de larges volets de bois, se posent sur la bordure du plancher, et montent jusqu'au toit en glissant dans les rainures, et rappelent nos fermetures de magasins. Elles


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jeunes filles allongées de tout leur long sur le parquet, les deux coudes à terre, les deux mains opposées Tune à Tautre, et luttant à qui fera baisser la main de son amie; regardez ces deux fillettes qui se font des confidences, un bras passé autour du cou, et dont les deux mains libres se joignent devant elles, dans un mouve- ment de prière ; regardez encore, regardez tou- jours...

Et c'est un défilé de ces élégantes femmes, à l*étoffement du haut du corps, à l'enroulement resserré autour des reins et des cuisses d'une robe, qui plaque et leur donne, selon l'heu-


ne s'emploient que la nuit, et en prévision des trem- blements de terre, on y réserve de petites portes per- mettant de fuir lestement, en cas de danger. Les autres cloisons qui limitent les appartements, proprement dits, sont placées à un mètre en arrière des premières, de telle sorte que la surface du plancher laissée libre entre elles, forme un balcon pendant le jour, un corridor pendant la nuit. Cette cloison intérieure nommée shoji est une véritable curiosité du Japon, à cause du rôle qu'y remplit le papier. C'est un cadre de sapin suppor- tant un grillage rectangulaire serré dans des baguettes de bois, sur lequel sont tendues et collées des feuilles de papier blanc et mince, qui remplacent le verre — et derrière lesquelles, disons-le, les gens qui] passent pren- nent ce caractère d'ombres chinoises, que reproduisent les images.


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reuse expression de Geffroy « la courbe d'un sabre », robe dont l'élargissement en bas se ré- pand et tournoie, à leurs pieds, en vagues et en remous d'ondes.


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De toutes ces séries, la plus joliment par- lante aux yeux, est la série intitulée Seirô jùni- toki, qui se traduit par les : douze heures des MAisop^s vertes. Oui, les douze heures du Japon répondant aux vingt-quatre heures de l'Eu- rope, oui, rheure de la Souris, qui est minuit; Theure du Bœuf, qui est deux heures; rheure du Tigre, qui est quatre heures; Theure du La- pin, qui est six heures ; l'heure du Dragon, qui est huit heures; Theure du Serpent, qui est dix heures; l'heure du Cheval, qui est midi; l'heure du Mouton, qui est deux heures; l'heure du Singe, qui est quatre heures; l'heure du Coq, qui est six heures; l'heure du Chien, qui est huit heures ; l'heure du Sanglier, qui est dix heures : — ces douze heures japonaises, Outa- maro les a symbolisées en d'élégantes attitudes et de charmants groupements de femmes.

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38 l'art japonais

Et jamais Outamaro n'a eu une linéature plus délicate de la femme, en ses mouvements de grâce, que dans cette série, en même temps que le peintre des belles robes de l'Orient, n'a ja- mais montré en ces femmes, comme habillées des couleurs lumineuses de Tanétnone, un goût d'habillement plus distingué, et n'a fait nulle part un choix plus original des soieries, aux douces et chatoyantes couleurs. Des roses, d'un rose si peu rose, qu'ils semblent s'aperce- voir à travers un tulle, des mauves se dégra- dant si joliment en gorge de pigeon, des verts de la nuance vert d'eau, des bleus, bleutés seu- lement du rien d'un linge passé au bleu, et toute une série de gris indicibles, des gris qui tremblent teintés de reflets lointains, tout à fait lointains, de couleurs voyantes.


L

VIII

C'est que pour ses robes, la Japonaise a le goût des colorations de nature les plus distin- guées, les plus artiste^ les plus éloignées du goût, que l'Europe a pour les couleurs franches.

Les blancs que la Japonaise veut sur la soie qu'elle porte, sont : le blanc d'aubergine (blanc verdâtre), blanc ventre de poisson (blanc d'ar- gent) ; les roses sont : la neige rosée (rose pâle), la neige fleur de pêcher (rose clair) ; les bleus sont : la neige bleuâtre (bleu clair), le noir du ciel (bleu foncé), la lune fleur de pêcher (bleu rose) ; les jaunes sont la couleur de miel, (jaune clair), etc. ; les rouges sont : le rouge de jujube, la flamme fumeuse (rouge brun), la cendre d'argent (rouge cendré) ; les verts sont : le vert de thé, le vert crabe, le vert crevette, le vert cœur d'oignon (vertjaunâtre),le wrf/?ot^55ô


iO L ART JAPONAIS

t h' h il US (vert clair jaunâtre) ( 1 ) : toutes couleurs 1 uiïj[mes et charmeressespourFoeil du coloriste, toutes couleurs aux adorables nuances, dites f^MiKses chez nous.

Maintenant, si le trousseau d'une mariée, un |irii aisée au Japon, comporte douze robes d'ap- (►;Mjil:une robe bleue brodée de tiges de jas- nun cl de bambous, pour le premier mois ; une tube vert de mer à fleurs de cerisiers et à car- rf*iuix,pour le second mois; une robe rouge l'iairsemée de branches de saule, pour le troi- iii6mc mois ; une robe grise, ou le coucou, Toi- soau de bon augure conjugal est peintou brodé, [lour le quatrième mois ; une robe jaune terne, rouverte de feuilles d'iris et de plantes aqua- tif]ues, pour le cinquième mois; unerobe orange, .^iir lequel sont brodés des melons d'eau, pour le dixième mois, où commencent les pluies et le miJî issement de ces melons ; une robe blanche, mouchetée de /fOîmo^/s, de fleurs pourpres en rîochettes, dont la racine médicale et comes- tiblo est assimilée par les gourmets aux nids dfî l'hirondelle salangane, pour le septième nioiïi ; une robe rouge parsemée de feuilles de

(1^ La Maison d'un Artiste par Edmond de Goncoiirl. ChiirpcntierlSSl.T. 1".


OUTAMARO 41

mimosi ou prunier du Japon, pour le huitième mois ; une robe violette, ornée de fleurs de la matricaire, pour le neuvième mois, une robe olive, parsemée dechanips moissonnés, traversés par des sentiers, pour le dixième mois; une robe noire, brodée de caractères allusifs à la glace, pour le onzième mois ; une robe pourpre, rem- plie de signes idéographiques exprimant les ri- gueurs de rhiver, pour le douzième mois, — si donc il y a, je le répète, ainsi que l'affirme M. Fraissinet- dans son Japon contemporain , ces douze robes, une robe par mois dans le trous- seau d'une Japonaise aisée, quelle autre garde- robe avait encore une grande courtisane, et les luxueuses et originales robes, qu'a peintes Ou- tamaro dans le vestiaire du Yoshiwara.

Or, Outamaro ^us a peint des robes vio- lettes, où, dans la dégradation rosée du bas de la robe, des oiseaux courent sur les branches d'arbres en fleurs, des robes violettes, à tra- vers lesquelles zigzaguent, tissées en blanc, les caractères-insectes de l'alphabet japonais, des robes violettes, où il y a des éboulements de farouches lions de Corée, en des couleurs de vieux bronze ; — des robes mauves, au ton légè- ment bistré, fleuries d'iris blancs sur leurs tiges vertes ; — des robes bleues, de ce trais bleu, que

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ïâ l'art japonais

Ui Chine a baptisé bleu du ciel après lapluiey .sous de larges pivoines paiement roses ; — dos robes grises, branchagées dans tous les sens de raniilles et de tortils d'arbustes blanchâtres, Ilhu- donnant Taspect de robes peintes en gri- saille ;^ — des robes vert pois, comme émaillées de il en r s de cerisiers roses ; des robes vertes, d'un veil li'eau incolore, disparaissant sous ces fleurs de pawlonia, qui sont les armoiries de la famille régtiaîile: des fleurs aux tiges violettes, aux trois iari^i^s feuilles blanches; — des robes pourpres, >jllunnées de cours d'eau, où la bordure du bas monlre la promenade de canards mandarins ; - t\i^^ robes d'un brun fauve, où pendillent des grappes de glycines ; — des robes noires, quifont de si beaux repoussoirs en cet étal de robes de conleurs, des robes noires, fleuries dechry- saiilliemes ou d'aiguilles de pins, brodées eh blaue ; des robes noires, aux feuilles lancéolées de ealadium couvertes de neige; des robes noires uu de roses /a?/, dans des corbeilles de sparterie, se liuu vent mêlées à des écrans, à des sceptres de ffirji mandement; — des robes, des robes, des robes, où il y a des passages de grues héraldi- ques, des treillis imitant des cages, où volètent des oiseaux, des grecques mêlées à des éventails, des têtes de Dharma peintes à l'encre de Chine,


OUTAMARO 43

de petits bouquets de hachures entrecroisées, disposition de robe qu'affectionne le dessin d'Outamaro, et sous laquelle il faille portrait des femmes aimées : enfin, toutes les choses et les êtres de la nature vivante et inanimée, et qui mé- ritent à ces robes d'être appelées des robes-ta- bleaux.

N'oublions pas les jolies robes claires, où il y a des reproductions de ces diffuses étoiles de mer, peintes de toutes les couleurs : ces robes à fond blanc ; celle-ci traversée de bandes roses vagues et non arrêtées, avec lesquelles les Ja- ponais traduisent sur la laque et les étoffes, les nuages pourpres du coucher du soleil ; celle-là ioute historiée d'oisillons azurés.

Et sur les robes de couleur, Outamaro met des ceintures aux teintes sourdes, des ceintures très souvent vertes, aux dessins jaunes de vieil or, dont les tons ont une parenté avec les tons des vieilles étoffes passées, et recherchent par- fois un certain vert, appelé au Japon Yama bato iro^ couleur de pigeon des montagnes, et que le mikado avait seul le droit de porter autrefois.

Et en ce pays, où les tons éclatants des vête- ments sont réservés aux enfants, quand Outa- maro est amené à faire riches ses robes, ce merveilleux couturier apporte un soin, un art à


44 l'art japonais

éviter Téclat criard, le voyant canaille. Quand il décore une robe foncée de papillons , au lieu de papillons vivement colorés, il y peint des papillons fauves, jaunâtres, s'harmonisant avec le fond ; quand il la décore de pivoines, il ne les choisit jamais d'un seul ton, et atténue leur blancheur par une teinte purpurine ; enfin, buand il la décore d'arabesques, il s'ingénie à tuer le ronflant de la décoration, par le sérieux de la tonalité des arabesques sur un fond neutre.

Et toujours, toujours la sobriété dans Torne- mentation, et ces semis de prédilection sur les robes dô quelques fleurettes, ressemblant aux pétales rapportées sur le pli d'une manche, sur une épaule, d'une promenade sous des arbres à fleurs.


IX


Après les douze heures des maisons vertes qui n'ont rien de bien spécial aux « Maisons Vertes > et qui représentent douze attitudes de ^courtisanes, aux heures du matin, du soir, du jour, de la nuit, la série, la plus parfaite à mon sens, serait la série des six enseignes des PLUS CÉLÈBRES MAISONS DE SAKÉ, figurées par six courtisanes : une série originale, dont chaque planche représente dans le haut le barillet de saké dans son enveloppe de sparterie, sur la- quelle se détache en noir la marque du fabri- cant, et surmonté à gauche par une branche d'arbuste fleuri, à droite par une coupe en laque rouge contenant une inscription. Au dessous, un peu dans l'arrangement de nos fi- gures héraldiques au bas d'un écusson, est age- nouillée ou accroupie, une belle du Yoshiwara, en Tan 1790.


46 l'art japonais

Je ne connais pas, je Favoue, dans aucun payt*j d'impressions d'une harmonie aussi déli- i'îousement mourante, et où les colorations ^ïcnlbIent faites de ce qui reste de couleur dans le ^^ûdet d'eau où on a lavé un pinceau : des rolnrations qui ne sont plus pour ainsi dire des couleurs, mais des nuages qui rappellent ces couleurs.

Et ces six femmes, aux si douces colorations, s'enlèvent d'un fond jaune, de dessus une natte Iinnrpre.

Une belle série encore, est celle où Outamaro ^c fait l'interprète de la préface de l'Histoire Ai^.s ronins, qui dit : « une nation où les actes (iv noblesse et de courage des hardis samou- raf\ ne seraient pas publiés, serait compa- ra! ^ie à une nuit sombre, dans V obscurité de laquelle on ne verrait pas scintiller uneétoiley> ri vulgarise, avec la tendance allégorique de son esprit à tout reproduire par la grâce de la femme, les douze tableaux des quarante-sept ro- nins tORMÉS PAR LES PLUS BELLES FEMMES. {Komei-

Bijin Mitate Tchûshingura), série, où dans' t[f R groupements mouvementés et de gracieux r lacements de femme , au milieu de claires étoffes , se détache avec une puissance presque drama- Ijqiiej la robe noire d'une femme.


OUTAMARO 47

Je citerai enfin les enfants déguisés en six POÈTES. 1790. {Tôsei Kodomo Rokkasen), une suite de six planches, aux couleurs sourdes, amorties, où les rouges un peu brique, les jaunes un peu œillet d'Inde, les mauves un peu roux, les verts un peu olive, ont une petite pa- renté avec les couleurs que recherchaient les tapisseries Louis XIII.

Puis après ce sont : les six poétesses —

LES SIX BELLES FIGURES DE YÉDO, COïTipOSéeS QUX

six cours de la rivière Tamagawa. — les

CINQ JOURS DE FÊTE. LE CONCOURS DE LA FIDÉLITÉ

DES AMOUREUX, Ctc, CtC,

N'oublions pas parmi ces suites d'impres- sions en couleur, une seconde, une troisième suite de compositions, inspirées parles quarante- sept ronins.

N'oublions pas non plus la « Fabrication de la soie » ou plus littéralement : Les ouvrières du TRAVAIL DES VERS A SOIE, Joshoku Kuiko Tewûza- gusa, une série inférieure aux douze heures des MAISONS vertes, ct aux SIX enseignes des maisons DE saké, mais une série qui a cependant une grande célébrité au Japon.

Cette monographie peinte représente, en douze planches, l'ëlève du ver à soie.


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Le soin do l'élerv^eur, dit le japon a l'exposi- tion UNIVERSELLE, doit être surtout dans la sé- lection des graines, et il doit préférer les car- ions provenant de Yonesawa, de Yamagawa, de Neda; et les graines de première qualité se re- connaissent à Tuniformité de la grosseur des ceuTs, d'une couleur noire violacée, et à leur adhérence au carton, dont le toucher ne les dé- tache pas.

Pour faire éclore les œufs, on sort les car- Ions des Luîtes, vers le 20 mars, et Téclosion des graines qui viennent d'une couleur bleuâtre, a lieu le 30 mars, et la première planche nous re- présente les ouvrières, faisant délicatement tom- ber les vers sur une feuille de papier, que l'on recouvre de son de millet.

Les planches 2 et 3 représentent la cueillette du mûrier et le hachage des feuilles, dont on donne aux ver*?, cinq fois par jour.

Alors le prï^niier sommeil, qui a lieu dix jours après Téclosion, et au moment où le ver com- mence à [ircndre une couleur blanchâtre : som- meil pendant lequel on répand sur la feuille de papier contenant les vers, une couche de son de rix, au-dessus duquel on tend un filet sur le- quel montent les vers, à leur éveil. Succèdent dans les planches, un second, un troisième, un


OITAMARO 49

quatrième sommeil, où, au bout de trois jours, on donne aux vers des feuilles de mûrier entières.

Puis, quand les ouvrières voient les vers prêts à filer, qu'elles les voient monter le long des bords du panier, elles les prennent à la main, pour les mettre dans le mabushi, paille ondulée, leur donnant toutes les facilités pos- sibles pour filer.

Et les dernières planches nous font assister au renfermement du ver à soie dans le cocon, à la transformation de la chrysalide en papillon, àla semaille des œufs qu'une femme dirige surle papier, par un fil attaché à la patte du papillon, enfin, au chauffage des cocons dans l'eau bouil- lante, et aux diverses manipulations, à la suite desquelles ils deviennent une bande d'étoffe.


L'histoire de la peinture au Japon, depuis qu'on y a peint, depuis la fin du cinquième siècle jusqu'au dix-huitième, elle est dans la succession de trois écoles.

Au commencement, c'est V École boudhiquey une école sortie des hauts plateaux de l'Asie, de rinde savante, et qui apporte avec la religion de Cakya Mouni, sa peinture à la Chine, au Ja- pon, à tout TExtrême-Orient : peinture repré- sentant l'être humain dans une espèce d'immo- bilité sacrée, évitant de lui donner la ressem- blance, se refusant à en faire un portrait, figu- rant sa face d'après un rituel d'art, avec des abréviations systématiques, — et de la réalité de sa personne, ne reproduisant que le détail et la richesse de ses vêtements.

De cette peinture religieuse sortent deux écoles profanes.


OUTAMARO 51

U École de Tosa, créée par un membre de l'illustre famille Foujivara, à la fin de grandes guerres civiles, de féroces fièvres militaires, au milieu d'une société constituée, comme notre Europe féodale avec sa vie de château. Une école rendant, en un faire précieux et en un style d'art aristocratique, la vie seigneuriale, et aussi bien la vie de batailles que la vie de re- traite amoureuse et artistique dans le yashikiy et dont l'illustration du roman d'amour Gen-zi Mono-gatariy écrite par la poétesse Mura-saki Siki-bu, est un spécimen révélateur du plus haut intérêt.

V École de Kano créée par Kano Massano- bou, l'école nationale aux yeux des Japonais, l'école des audaces et de la bravoure du faire , l'école tantôt aux écrasements du pinceau, tantôt aux ténuités d'un cheveu, l'école aux paraphes du trait, à l'exécution qu'on appelle en japonais, gouantai (1), rocheuse, c'est-à-dire heurtée, rude, aux contours anguleux, : une école où il y a un peu un abus du procédé, du chic d'atelier japonais, et appartenant encore tout entière à une esthétique aristocratique.

AlU fond, ces deux peintres n'étaient, dans

L'Art JAPONAIS, par Louis Gonse. Quanlin, 4883.


O^ L ART JAPONAIS

leurs peintures et leurs dessins, que des peintres dt!s classes nobles, ne touchant aux autres classes qu'avec un ennoblissement de leur pin- ceau. Or il arrivait que dans les dernières an- nées du dix-septième siècle, un transfuge de Té- role de Tosa, Moronobou(l) rompant avec les formules classiques, était le précurseur de Té- colû qu'allait vraiment fonder Outamarb.

Et l'école que fondait Outamaro, était l'école iVnn art sortant de la convention, allant au pcu| Je, et apportant la représentation des scènes iii limes de la vie vulgaire, dans la réalité des poses, des attitudes, des mouvements, enfin, doTiTiant le spectacle, pour ainsi dire, photogra- pliîquc de l'existence intérieure de la femme de l'Empire du Lever du soleil : I'école de la VJH, Ouki-yo-yé : — ouki, signifiant celui qui flotle au dessus, qui surnage; — yo monde, vie^ temps contemporain ; — yé peinture.


(i\ Les Origines de la Peinture dans V Histoire^ par M. Bing, dans les livraisons 13 et 14 du Japon artis-


XI


Dans les planches consacrées à la femme, il est une série, que dis-je, une série, au moins toute une centaine d'impressions, et qui se nomme la collection des « Grandes Têtes » , où la tête de la femme est représentée, presque de grandeur naturelle, avec un peu de son buste. Ces impressions, dont la tête est toujours repré- sentée avec ce hiératisme qui fait toutes les têtes à peu près semblables, mais avec ces fins sourcils arqués, une des beautés de la femme les plus appréciées au Japon, ont pour nous seulement l'intérêt du morceau de robe qui couvre les épaules, la poitriïie de ces femmes, rintérêt de l'éventail ou de l'écran qu'elles tien- nent au bout des' doigts.

Mais dans cette grandeur, la perfection de l'impression est admirable, et le gaufrage, cette chose si peu artistique chez nous, si artistique

5.


5i l'art japonais

chez eux, mettant le blanc relief d'un chrysan- thème ou d'un pétale de cerisier, sur une robe bleue ou mauve, le blanc relief d'un entrelac dans une bordure, joue le trompe-l'œil d'un échantillon d'une robe de là-bas avec le ressaut de ea brodcine (1).

Ces impressions des «Grandes-Têtes» exé- cutées on gi*ande partie, selon Hayashi, vers 1793j sont curieuses non seulement par leur beauté, mais par le renseignement précieux qu'elles nous donnent sur les imitations, les plagialSj les vols de la signature de l'artiste, faits par ses confrères, et où Outamaro, pour mettre en garde le public contre les faux cir- culant sous son nom, signe ses Grandes-Têtes : le vrai Onlamaro.


\i) Le ^'aulrage, ceUe introduction du relief dans la peinture, Ips Japonais l'ont essayé même avec une grande dtiJicatessti dans la figure humaine, en le détachement du contour extérieur d*une oreille, de la courbure aqui- line d'un jk-z, des deux pétales de fleurs avec lesquels ils rendent les lèvres.


XII


D'après les biographes, la vie d'Outamaro est assez uniforme : le jour il le passe chez son édi- teur Tzutaya Jûzabro, où il a un atelier; la nuit, il la passe au Yoshiwara. Et le chemin n'est pas long de Tatelier aux Maisons Vertes, car la maison de son éditeur est contre le por- tail du Yoshiwara. Ceci explique la connais- sance approfondie du Quartier des Fleurs par l'artiste.


XIII

Chez ce peintre de la femme des Maisons Vertes, il y a un côté curieux, c'est la tendance de son pinceau à représenter la maternité, à figurer la mère dans l'occupation tendre de son enfant.

Rien de comparable dans les images de l'Europe, aux planches d'Outamaro sur l'allai-; tement. Ce sont les penchements de tête de notre Vierge sur le divin bambino] c'est la con- templation extatique de la mère-nourrice ; ce sont les enveloppements amoureux de ses bras, l'enroulement délicat d'une main autour d'une cheville, en même temps que la caresse de l'autre derrière la nuque de l'enfant, sus- pendu à son sein.

Outamaro nous peint la mère berçant l'en- fant; le baignant dans la cuve de bois, la bai- gnoire du pays; lui retroussant, le peigne entre


OLTAMARO 57

les dents, sa petite queue ;^ soutenant par une main passée dans sa ceinture lâche, ses pre- miers pas; Tamusant de mille petits jeux; lui faisant prendre une bille dans sa bouche, lui donnant peur avec, posé sur sa figure, un mas- que de renard, cet animal légendaire dans les contes de nourrice du pays, et même dans le chapitre des quadrupèdes de TEncyclopédie JAPONAISE, affirmant que le renard soufflant sur les os d'un cheval qu'il ronge, fait jaillir un feu follet qui Téclaire et qu'il vit cent ans, et qu'alors il salue la Grande-Ourse, et se métamorphose.

Entre toutes ces planches, une planche mex- veilleuse de réalité, est celle où une mère japo- naise fait faire pipi à son enfant, les deux mains de la mère soutenant les mollets des deux jambes écartées du petit, pendant que dans un geste habituel à l'enfance, les deux menottes du bambin jouent distraitement au-dessus de ses yeux.

En ces assemblages, en ces groupements de la mère et de l'enfant, où l'existence des deux êtres n'est, pour ainsi dire, pas encore complètement séparée, et où, des entrailles de la mère, la vie de l'enfant semble être passée sur ses genoux, sur ses épaules, une des planches les plus heureuses est celle-ci :


58 l'art japonais

une niîjre a son enfant sur son dos, penché en avant par-dessus son épaule, et tous deux se regardent dans Teau du creux d'un tronc d'ar- bre, et leurs deux figures paraissent se réunir, â(i rapjirocher, s'embrasser presque, dans le re- fiètement de ce miroir de nature.

Pariiii ces impressions consacrées à la mater- nité, it est une série, où le peintre nous fait A^oir, gambadant au-dessus de la tête de leurs mères, de gros enfants, aux bras et aux jambes

  • ^n gorges, avec des plis de graisse aux jarrets et

aux poignets, et qui apparaissent dans leur plé- thorique nudité, habillés seulement d un petit tablier, tels qu'on rêverait les enfants de leurs Irîpotents lutteurs.

II et^L encore plusieurs autres séries consa- crées h la mise en images, de l'enfance dans les hoîi^^ d'un marmot herculéen, à la peau couleur d'acajoUjCiu'on voit dans le YéhonSosi, prendre inlrepidement par la queue un jeune ourson, et Tiitlrier avec violence à lui — un héros futur — altailé, nourri, élevé par une femmeà la tignasse noire, sauvagement échevelée, et qu'on pren- drait pour une Geneviève deBrabant, du temps des Cavernes.

Voici, du reste, l'histoire, pas mal légendaire, de ce marmot, nommé Kintoki. Minamoto-no-


OUTAMARO 59

Yorirnitsu (mort en 1021) faisait, un jour, une chasse sur la montagne Ashighara, de la pro- vince de Saghami ; n'y trouvant aucun gibier rare, il poussait aux endroits les plus reculés de la montagne, et là, il trouvait un enfant à l(i musculature d'un jeune hercule, à la peau toute rouge, qui jouait avec un ours. Interrogé par Yorimitsu, l'enfant alla chercher sa mère — la femme habillée de feuillage et de sa terrible chevelure noire, qui, en langage noble, en lan- gage de la cour, déclara qu'elle ne voulait pas se faire connaître. Aussi est-elle désignée sous le nom de {Yamaouwa (mère de montagne). Toutefois la mère de montagne accéda au désir de Yorimitsu qui lui demandait à se char- ger de Tenfant, en lui disant qu'il était le fils d'un grand général de Minamoto, tué dans une guerre contre Taira, et qu'elle Télevait dans la montagne, pour en faire un héros.

Et Tenfant devenu grand, prenait bientôt le nom de Sakata-no-Kintoki, du territoire à lui accordé pour ses mérites par Yorimitsu, qui en avait fait un de ses quatre grands officiers.

C'est alors que dans la montagne de Oyéya- ma, de la province de Tampa, vivait un grand diable (un brigand) nommé Shûten-dôji, pillant les provinces environnantes, y enlevant sans


60 l'art JAPOiNAlS

vergogne les jeunes femmes, et qui, avec ses diables, battait les soldats des gouverneurs de provinces. Des plaintes arrivèrent à la cour, et Yorimitsu fut chargé de mener une expédition contre le brigand. Mais au lieu d'emmener avec lui un corps d'armée, il se fît seulement accom- pagner de Kintoki et de ses trois grands offi- ciers, déguisés en pèlerins. Et ayant grisé de saké les brigands, et se mettant à danser avec eux, pendant que Kintoki luttait à la force du poignet avec Shûten-dôji, et lui tenait en riant les mains, Yorimitsu tirant tout à coup son sa- bre comme un éclair, lui coupait la tête si vite, que, la tête coupée, on dansait encore au bout delà salle, sans se douter de la chose.

Il s'ensuivait une bataille générale, mais les cinq héros, parmi lesquels Kintoki faisait des prodiges de valeur, se rendaient maîtres des diables démoralisés par la mort de leur chef, et brûlaient leur repaire, et ramenaient chez elles les femmes enlevées.

Kintoki est encore le héros d'une autre aven- ture. Yorimitsu tomba malade d'une blessure faite par une araignée monstre. Et Kintoki avec ses trois camarades parvint à découvrir le nid de cette gigantesque araignée de terre t^usi- ghumOj et eut le bonheur de la tuer.


OUTAMARO 61

Et ici parlons de Momotaro, de l'autre enfant légendaire qui, avec Kintoki, sont les deux en- fants en honneur auprès des petits japonais, et dont les faits et gestes remplissent les albums, destinés à l'enfance de ce pays.

La fable raconte qu'il y avait autrefois un vieil homme et une vieille femme, et pendant que le vieil homme coupait des bûches dans la naontagne, la vieille femme lavait du linge à la rivière. Or, pendant qu'elle lavait, elle voyait de loin, de très loin arriver sur l'eau une grosse, une énorme chose Touge, qu'elle reconnut pour «ne pêche momOy mais une pêche bien extraor- dinaire. Elle- attendait son mari pour l'ouvrir. Et grand fut l'étonnement du vieux ménage d'y trouver un bel enfant, qu'ils nommèrent momo- taro (enfant de la pêche). L'enfont devint bien- ^tôt un charmant grand garçon. C'était le temps, où les insulaires d'une île dans la mer venaient manger les habitants de la côte. Il partit pour l'île, avec spn chien, son singe et son faisan, et accomplit de si charmantes choses à l'aide des trois animaux, que le roi de l'île s'engagea à ne plus venir manger les habitants, et c'est depuis cette promesse, que le Japon est sans inquié- tude.


XIV


Dans les premières années du siècle présent, le talent (l'Outamaro, en sa production inces- i^Rnte, perd son originalité, se fait commun, dcviont banal. L'artiste vieillit avec Thomme.

Lui, si hostile à la représentation des choses Ihédlrales, entraîné parle succès de Toyokouni, qui commence à devenir son rival, il se met à trailcr des sujets choisis dans les pièces de Ihéàtre, il exécute des Miti-Yuki (compa- gnons amoureux).

Et dans ces compositions ainsi que dans les aulrtji?, les longues femmes, les créatures élan- cdt.^^ de sa première manière, engraissent, ron- dissciit, s'épaississent, et les contours féminins ile^iennent chez lui gros, sans avoir le gras de Ktyonaga.

Puis maintenant, dans ses compositions, il introduit auprès de ses femmes, qui remplis-


OUTAMARO 63

saient à elles seules les premières imaginations de son pinceau, il introduit des masculins cari- caturaux, des masculins comiques, des mascu- lins grotesques (1), à Teffet de contrastes, de re- poussoirs.

L'artiste n'a plus l'attention de séduire par celte gentillesse idéale, dont il revêtait la femme, il s'efforce, par la présence de ces « vilains hommes », de flatter le public d'alors, plus amoureux, dans l'image, de la drôlerie que de la beauté réelle, — du public d'alors, dont le goût est comparé par Hayashi, au goût de cer- tains collectionneurs d'ivoires modernes de Yokohama qui, dit-il, « préfèrent la grimace à l'art. »


(1) Il y a chez Oulamaro, peudant la belle époque de son talent, une telle résistance à mettre au milieu de ses femmes, un homme, un vilain homme, que dans la planche tryptique de son Grand Pont sur la Soumida, l*homme qui lient un parasol au-dessus de la tête d'une femme, est si habilement dissimulé, que si on ne met pas une grande attention à regarder l'image, on peut croire que ce parasol tient tout seul sur sa tête.


XV


Mais voici qu'à ce moment de Tépuisement de la verve d'Outamaro, paraît un livre, où il ap- porte au public une illustration documentaire du logis de ses nuits et de ses jours, et qui fait du peintre célèbre, un peintre tout à fait po- pulaire.

Ce livre est le Sei-rô yé-ho7i Nen-jû Gkiô-jï

,Sei — vert

Hô — maison à étage

Yé — dessin

lion — livre

Nen — année

Jn — dans

(ihiQ — ce qui se passe

Jî — chose

Livre dont la traduction courante est :

Annuaire des maïso:ns vertes, mais dont la traduction mot à mot serait plutôt : Livre illus-


OUTAMARO 65

tré des choses qui Repassent, pendant l'année y dans les Maisons Vertes.

Maintenant de ce livre, imprimé en couleur, et composé de deux volumes de notre format petit in-octavo, donnons une description détail- lée d'après les indications fournies par Téditeur.

Le texte est par Jipensha Ikkou.

Les dessins sont de Kitaghawa Mourasaki-ya Outamaro, avec la collaboration de ses élèves :

Kikumaro.

Hidémaro.

Takimaro.

Le graveur sur bois se. nomme Foujï Katzu- mouné.

Le tireur des planches Kwak-shôdôTôyémon.

L'éditeur Kasoûsaya Tusouké (de son nom ar- tiste Jou-ô), habitant Yédo, grande rue du Pont du Japon (le Nihonbashi.)

Le livre est imprimé pour la nouvelle année 1804.

La couverture du livre, en papier bleu ten- dre, est gaufré avec des damiers, représentant les lanternes qu'on porte dans les promenades du Yoshiwara, revêtues des armoiries des célé- brités des Maisons Vertes de Tannée (1). Le

(1) Au Japon, les armoiries ne sont pas Tattribut ex- clusif de la noblesse; toutes les classes y ont un droit, et

6.


66 l'art japonais

revers de la couverture du premier volume porte récran de commandement, que tient dans sa main le juge des lutteurs. Dans cet écran, im- primé en rouge, se trouve au milieu le titre de l'ouvrage, flanqué à droite et à gauche des noms crOuLamaro cl Jipensha Ikkou, comme homma- ge à leur talent, en même temps que la repré- sentation de cot écran signifie que le livre se porte comme le juge du Yoshiwara.

Le carré de poésie, en tête du premier volume, est décore d*une branche de pommier en fleur et d*une ligG de camélia rouge. Les vers sont de Sandara-hùshi, qui dit:

« 0, cloche de Vaube^ si tu comprenais le cœur gros des adieux^ tu mentirais volontiers ^ au lieu de sonner les six coups. »

Le carré de poésie, en tête du second volume, entouré de chrysanthèmes et de momichi, ren- ferme une description de la rivière Soumida, à la hauteur du Yoshiwara.

L'encadrement de la table des matières repré- sente le portail de Tenceinte du Yoshiwara. Les lignes de dessus pour le texte, les lignes du dessous pour les illustrations.

même les Y élu, les parias japonais, relégués loin des habitations de leurs compatriotes, portent des armoiries.


OUTAMARO 67

A la fin du deuxième volume, est annoncée une prochaine édition d'une seconde série de Fouvrage, publication qui n'a pas paru, à cause d'une discussion entre le littérateur et l'artiste. Jipensha Ikkou, attribuant le succès dudit ou- vrage à sa prose, Outamaro à son illustration.

De Iannuaire des maisons vertes, tiré en cou- leur, il existe quelques exemplaires en noir, dont je possède l'un : un exemplaire dont Outamaro et ses confrères faisaient tirer tout d'abord un petit nombre, à leur usage, pour essayer à l'aquarelle la coloration des planches impri- mées.

Dans la préface, le préfacier Senshûro nous apprend, que bien que cet ouvrage porte le nom d'annuaire, il n'est pas pareil à celui de la cour desEmpereurs du quatorziènie siècle, ou le texte est composé uniquement de petits poèmes, niais qu'au contraire ce nouvel annuaire est inspiré par la vie réelle, une vie réelle toute joyeuse. Et il ajoute que le livre donne la physionomie animée de Yoshiwara, pendant les quatre sai- sons par Vélégant pinceau d'Outamaro, pour rillustration, et par la spirituelle plume-pin- ceau de Jipensha Ikkou, pour le texte.

D*abord quelques explications. L'Europe a des idées très fausses sur la prostitution japo^


W L'aBY JAPO.XAfe

rififa^r do moins sur la prostitution remontant ail Hiècle dernier et aux premières années du »il'f: le actuel. Les cinquante Maisons Vertes du Yo^bîwara, et les centaines hors Tenceinte, de- Vïii*^ril surtout leur fastueuse existence, leur tijfl^-ndeur, non à la population riche de Yédo, Fu>M aux étrangers, mais aux ambassadeurs, aux cf jarres d'affaires provinciales, commerciales, <lf-> trois cent soixante princes accrédités, prèsdu Stir^^un, et qui vivaient dans sa capitale sans \tnir famille. Puis la femme de la Maison Verte h\M pas la basse prostituée àTimage de lapros- liliK-ûr de chez nous, la femme qu'on possède vu franchissant le seuil de la maison, la femme a Itnrs de classe, la femme des nagaya » ainsi (| Il c.n l'appelle et qu'elle existe là-bas. La femme 4i' Il Maison Verte est la courtisane.

VX l'origine et la consécration de ces courti- h^aji^îs en maison, se perd dans la nuit des temps, (hi constate leur existence sous l'Empereur SI ni m ou, dès le huitième siècle, et le Man-yô- shfff recueil de poésies antiques est plein de pii^i (iH qui les célèbrent.

(l'est sous Shôji-Jin-yemon, qu'a été créé le Yu-liiwarade Yédo, vers 1600, par ordre de ruuUïrilé administrative. L'emplacement se liuiivait alors tout près de la résidence du Sho-


OLTAMARO 69 .

gun. Plus tard, en 1657, à la suite d un grand incendie, un nouveau terrain a été accordé dans le faubourg d'Assa Kousa, où Ton a bâti un quartier enfermé dans une enceinte, et le hui- tième mois de cette année l'inauguration du Yoshiwara avait lieu. Les maisons sont séparées par cinq rues, dont la rue principale estla rue du Milieu, où il n'y a que des maisons de thé (1) (tchaya), en façade dans toute l'étendue de la rue. Et la propreté et la beauté de ces maisons de thé, occupant les deux bords de la rue du Milieu, font douter, selon l'expression de Ji- pensha Ikkou, si l'on est sur la ferre. L'on trouve la réglementation du Yoshiwara dans le Daïzen, et le Saïken contient, de la façon la plus détaillée, tous les noms des courtisanes et des musiciennes des maisons de thé.

Du reste, sur ces femmes dont s'occupent, tant et tant, la peinture etla poésie du Japon, écoutez l'auteur du texte des Maisons Vertes :

Les filles du Yoshiwara sont élevées comme des princesses. Dès V enfance, on leur donne V éducation la plus complète. On leur apprend la lecture, l'écriture, les arts, la musique, le


i. La maison de thé est uniquement un restaurant, un café.


70 L*ART JAPONAIS

titv, le parfum. (Le jeu des parfums ressemble iiu jeu du thé : on compose des parfui^s qu'on hrùt(>^ et il faut deviner àTodeur ces parfums.) Elire sont tout à fait comme des princesses, élevées au fond des palais... Alors pourquoi tvfjarder à une dépense de mille rios'! {Un rh.) lie Koban vaut une livre sterling.

El ici un détail très particulier. Ces femmes venues des différentes provinces de l'Empire du (£ Lever du Soleil » avec leurs patois, l'ont dé- f^apj^ris ce patois, et parlent une langue archaï- que spéciale au Yoshiwara : la langue noble, la langue poétique, la langue de la cour du septiè- me au neuvième siècle, un peu modernisée.

Or, entre ces daimios, ces seigneurs lettrés et ces femmes ayant reçu une éducation de f^M-amles courtisanes « le contact des deux épi- {leniies » n'avait pas lieu immédiatement, car ces Iiro:-tiluées en maison avaient dans le choix, un peu lie la liberté de la prostitution libre chez non-. En effet, les planches de cette suite irOulamaro, vous montrent les formalités des relations, l'espèce de cérémonial qui y préside, et les trois visites presque indispensables, pour arriver à l'intimité : la première visite, qui n'est qu'une introduction galante auprès de la fcmmej la seconde, qui est le redoublement de


OUTAMARO 71

la première visite, avec Toctroi de quelques pri- vautés, enfin la troisième visite, appelée la visite (le la connaissance mûre.

Maintenant il ne serait peut-être pas sans intérêt de donner un plan de ces habitations de plaisir, les plus grandes maisons de Yédo, de ces habitations contenant dix à vingt courtisa- nes de première classe, contenant cinquante à soixante courtisanes de seconde classe, ayant chacune un petit appartement.

Elles sont ces maisons, presque toutes, en re- traite sur le trottoir, et ce petit recul est planté d'arbustes mettant de la verdure et des fleurs sur la façade de la maison.

L'entrée est en général sur la droite. C'est derrière une porte à coulisse, en treillage artis- tiquement ouvragé, une anticharnbre au sol en terre battue, au fond de laquelle il y a une marche en pierre, sur laquelle on dépose ses chaussures, les gueta et les zori, les gueta en paille fine, lésion en bois. De là, on entre dans le grand salon, une espèce de hall, au plancher comme toutes les autres pièces, recouvert de tatamijde fines nattes blanches, doublées d'une d'une paille de riz très serrée, d'une épaisseur de sept centimètres-^ sur lequel le marcher esl tout moelleux


7â L*ART JAPONAIS

Au milieu s'élève Tescalier montant aux éta- ges supérieurs, ;aux chambres : cet escalier re- pj'i^senté toujours dans les images des Maisons \ ( rtes, avec en haut, des courtisanes penchées s^iM la rampe, pour leurs tendres adieux aux clients.

Le grand salon communique avec deux ou Irui^ petits salons, qui sont des endroits où l'on fii'd attendre les clients, quand il y a trop de roonde dans le grand salon.

A gauche est le bureau avec la caisse, et à (Iroile et en retour sur le jardin, la salle où se IÎL4inent les employés, la salle à manger, les [juins, la cuisine.

Sauf quelques chambres, données aux privilé- 1^1 eos delà maison, qui veulent être de plain-pied ïLveii le jardin, tous les appartements des fem- unis sont au premier et au second étage.

Derrière la maison s'étendent au-delà desga- lorica à jour, ces grands jardins, représentés <lan3 les impressions, fleuris tout roses, enca- Jnuit les architectures légères, remplies de lu- mière et de soleil entrant par les immenses baiesj par les murs-fenêtres.

Voici les dix impressions formant l'illustra- lioii du premier volume :


OUTAMARO- '7i^

I. Souhaits du Jour de l'An àNakano-tchô (la rue du Milieu).

IL Inauguration des nouvelles couvertures.

m. Début d'une scAm^d,

IV et V. L'exposition des femmes,, la nuit^ aux baies donnant sur la rue.

VL Le fleurissement de la rue du Milieu.

VIL L'absence de la maîtresse de la Maison Verte.

VIIL Début d'une musicienne chanteuse.

IX. Fête des lanternes.

X. Niwaka, (La fête improvisée ou Carna-- val.)

PREMIÈRE IMPRESSION

Les Souhaits du Jour de VAn.

Au retour du premier jour du nouvel an, c*est une grande animation dans le Yoshiwara.

Depuis cinq jours, on s'occupe de la décora- tion du pin, de la plantation devant les mai- sons, de grandes branches au milieu de tronçons de bambous, reliés par des cordes.

Une plantation, où dans le décor des Maisons Vertes, les Japonais apportent le plus grand soin, à ce que les branches de pin fassent face à l'entrée des maisons et tournent le dos à la rue,

7


74 l'art japonais

[lar suite de Tidée superstitieuse que « tourner le dos » est, par tout le globe, la négation de i 'amour.

C'est le deuxième jour qu'a lieu la sortie des courtisanes, pour souhaiter dans la rue du Mi- lieu, la nouvelle année à leurs connaissances des autres maisons. Une sortie qu'on nomme t)ô-if:hû (voyage), et dont le va-et-vient à lieu entre les rues transversales de Kioto et de Yédo.

Un concours de toilettes, où chaque établis- ^enient a sa mode particulière, où chaque fem- me est laissée libre en son goût, et où d'ancien- nes liabitudes sont gardées, et où la maison Shijyôro a conservé les sandales d'autrefois, et fie les a pas remplacées par la chaussure en bois laqué {kamagheta)y inventée par Fouyô de Hishiga, et portée aujôurd'huipar tout le monde.

Et c'est tout ce jour, dans la rue du Milieu, un processionnement, où les manches de soie brillent, et où les robes brodées répandent dans Vair les plus délicieux parfums.

DEUXIÈME IMPRESSION

Inauguration des nouvelles couvertures (1).

(il Le lit à Teuropéenne est inconnu au Japon. De minces matelas de ouate, nommés fton, rangés, le jour^ dftns des armoires, sont étalés, le soir, sur les nattes, sur


OUTAMAftO 75

Les nouvelles couvertures et les nouveaux coussins, offerts par Tami de cœur, sont exposés dans le salon principal de la maison. Et là, la courtisane est félicitée des belles choses qu'elle a reçues, et c'est l'occasion d'une petite fête, pour laquelle la maîtresse de la maison envoie ses plus excellents poissons, son meilleur saké,

Alors que la courtisane reçoit ces objets de nuit dans son appartement, elle fait des pré- sents aux femmes et aux hommes employés dans -la maison. Et la première nuit qu'elle étrenne sa couverture et son coussin, il est d'usage qu'elle fasse la politesse d'envoyer à tout le monde de la maison et aux amies, le sara- zin ou le gâteau de riz.


les tatami. Leur épaisseur est de 2 à 3 centimètres. On en emploie rarement plus d'un ou de deux. Il n'y a pas de draps. L'enveloppe du fton est de cotonnade ou de soie ; on s'y étend tout habillé, en hiver, plus ou moins nu, Tété. Lacouverture est représentée par un autre fton qui a la forme d'une houppelande et présente des man- ches. L'oreiller, nommé makoura, est un bloc de bois^ haut de 10 à 12 centimètres, dont la face supérieure, longue de 20 centimètres et large de 5, porte un petit coussin cylindrique, enveloppé de papier, et maintenu par le milieu. Le makoura, un véritable supplice pour un Européen Il était autrefois nécessaire aux Japo- nais des deux sexes, à cause des coiffures compliquées, qui ne se renouvelaient que tous les deux ou trois jours.


16 l'art japonais

De son côté, Tami de cœur a le devoir de dis- tribuer des foulards de coton teints, où sont en- trelacées les armoiries de l'amant et de la cour- tisane. Et en revanche, les employés de la maison lui offrent, ainsi qu'un présentoir de mariage y une^^caisse où sont plantées une bran- che de pin, de bambou, de prunier, et pour les remercier, l'amant leur distribue le bouquet (fleur en japonais), carie cadeau d'argent s'ap- pelait fleur dans ce mondé rafflné. Du reste, il y avait en ce temps, en ces lieux de plaisir, une certaine pudeur à propos de la question d'ar- gent. Durant les heures ou les journées passées avec la courtisane, on ne sortait jamais d'ar- gent de sa poche, et jamais il n'en était demandé par les femmes, on payait seulement à la sortie, la note de la maison.

Au fond, ce jour de la nouvelle couverture était très favorable à la réputation de la femme, quand la literie était riche, distinguée, somp- tueuse. Et c'est cejour-lày dit l'auteur des Mai- sons Vertes, que V homme sans usage qui ré- clame une seconde baguette à manger ^ quand on lui offre des baguettes qui s'ouvrent en deux, qui demande qu'on lui serve quelque chose de meilleur , quand on lui sert un arami (poisson à os tendres),... que C homme repu-


OUTAMARO 77

gnant, que V homme antipathique peut gagner par son cadeau^ le cœur de la courtisane. ... Et Jipensha-Ikkou ajoute : Dans ce monde , il faut essentiellement s'occuper de Véclat extérieur de votive amie. Soyez généreux pour la dépense ^ et ne négligez aucune attention. En les grandes circonstances, devancez vos rivaux, et faites-vous aimer par les employés, en leur offrant le bouquet de temps à autre. Du moment que vous êtes bien vu et bien connu dans la maison, vous pouvez tout, et alors tout est plaisir pour vous.

TROISIÈME IMPRESSION

Début d'une Shinzô.

La grande courtisane s'appelle O^ran. Chaque Oïran a sous sa direction deux fillettes, nom- mées Kamourô. Les Kamourôs arrivées à un certain âge, deviennent des Schinzôs. Plus tard, elles débutent et deviennent des Oïrans. Là, sont données les formalités de cette céré- monie, où il est question du noircissage des dents, ce signe distinctif des femmes mariées. Lorsqu'un Japonais est en rapport avec une schinzô, passée oïran, et qu'il est disposé à payer l'opération, il peut obtenir d'elle qu'elle se

7.


78 l'art japonais

fasse noircir les dents. Alors c'est une espèce de mariage valable au Yoshîwara, et la courtisane- ne peut pas accepter une proposition d'ami sé- rieux, ou tout au moins, au su de l'homme qui a payé le noircissage de ses dents. Oui, elle est censée n'avoir pas d'autres relations.

QUATRIÈME ET CINQUIÈME IMPRESSIONS

L'exposition des femmes^ la nuit,

aux baies treillissées de la maison donnant

sur la rue.

Le descripteur, après un éloge d'Outamaro et une description sommaire de ces deux plan- ches qui sont de petits chefs-d'œuvre, cherche à guider le choix du passant parmi ces femmes, par des observations assez psychologiques :

Celle qui se plonge dans la lecture d'un livre, sans se préoccuper du bavardage des autres, est celle qui vous entretiendra le plus agréablement, une fois que vous serez entré

dans son intiînité Celle qui, de temps en

temps, chuchote avec ses voisines, se cache le visage pour étouffer son rire, et regarde un homme dans le blanc des yeux, est capable de vous rouler avec une rouerie surprenante.... Celle qui a ses mains dans sa robe, à la hau- teur de la poitrine, et le menton dans le cou,


OUTAMARO 79

et regarde longtemps en Vair^ est celle qui étouffe son chagrin de cœur. Oh, elle ne sera pas amusante les premières fois y mais le jour où vous aurez gagné son cœur, elle ne vous

lâchera plus Celle qui bavarde, plaisante

et rit avec la sous-maitresse, et se retourne brusquement, pour entendre le refrain d'un passant, est une créature fort capricieuse. Si vous êtes de son goût, vous serez tout de suite son chéri Celle qui s'occupe à écrire plu- sieurs lettres, est la femme qui veut faire une clientèle. Devenir son amant de cœur, sera difficile, mais si vous êtes vieux, laid, inca- pable d'être aimé par les autres femmes, vous aurez avec elle Véclat tout puissant de votre or... Celle qui, toute jeunette encore j passe son temps à jouer, est demeurée une innocente, vous pourrez faire d'elle ce que vous voudrez...

SIXIÈME IMPRESSION

La plantation des cerisiers à Nakano-tchô.

Durant le troisième mois (calendrier de la lune), on pose tout le long de la rue du Milieu, des cerisiers en fleurs, et c'est une journée pleine d'animation, et où la rue est remplie de promeneurs et de promeneuses.


W l'art japonais

Une grande composition de Toyokouni, une bande de cinq planches, vous représente cette plantation et la promenade qui s'y fait. Cette plantation est curieuse^ parce qu'au moment où commencentleurs pousses de fleurs, les cerisiers sont plantés en pleine terre, et figurent une allée de parc qui n'a rien d'une rue de ville, et dans cette sorte de forêt improvisée, c'est un va-et- vient de superbes courtisanes, dans le petit cortège de leurs kamourôs et de leur shinzôs, se faisant avec peine un passage, à travers la foule des Japonais, jeunes et vieux, leur jetant au pas- sage des regards et des compliments amoureux. Et c'est vraiment charmant le spectacle des fonds, où à travers la floraison de neige des ceri- siers, couvrant tout, il y a l'apparition d'angles riants de maisons, de bouts de toits, de co- quets morceaux de femme.

SEPTIÈME IMPRESSION L'absence de la maîtresse de maison. Une planche que ne décrit pas Jîpensha- Ikkou, est une planche, où la sortie de la maî- tresse de maison, sans doute pour une excursion dans la campagne, pendant la saison de la florai- son des cerisiers ou des chrysanthèmes, amène un cache-cache formidable» dans lequel des


OUTAMARO 81

femmes qui fuient la main qui va les saisir, tom- bent à plat ventre.

HUITIÈME IMPRESSION Début d'une chanteuse musicienne. C'est dans le grand salon, au milieu de la curiosité générale des femmes, et des têtes ten- dues passant par Tentre-deux des portés, le début de la chanteuse, précédé d'une distribu- tions d'écrans, où est écrit son nom, au milieu de vers célébrant sa personne et son talent.

NEUVIÈME IMPRESSION La Fête des lanternes. . Cette fête, appelée Torô, et qui a lieu au mi- lieu de Tété, montre toute la maison, occupée à attacher des lanternes. Et dans cette fête les lanternes ont peintes, sur leur transparence éclairée, les caricatures les plus drolatiques.

DIXIÈME IMPRESSION

Niwaka [la fête improvisée ou le carnaval).

Espèce de carnaval de là-bas, où toutes les chanteuses sont déguisées en hommes, avec les cheveux coupés à la façon de jeunes garçons.

Maintenant voilà Tillustration du second vo- lume qui ne contient que neuf planches.


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8â l'art japonais

I. Le premier jour du huitième mois.

II. La contemplation de la pleine lune.

III. La première entrevue.

IV. La connaissance mûre.

V. Le lendemain matin.

VI. La reconduite.

VII. La pénalité du Kourouwa (Enceinte du Yoshiwara.

VIII. La fabrication des gâteaux de riz pour la fin de Tannée.

IX. La peinture d'un Ho-ô dans une Maison Verte.


PREMIÈRE IMPRESSION Le 'premier jour du huitième mois.

Dans la grande chaleur du mois (fin d'août et commencement de septembre) c'est la céré- monie du costume blanc, de la mise par toutes les femmes de robes blanches, qu'elles vont promener, une journée, dans la rue du Milieu : une exhibition de robes-tableaux, qui a autour d'elle la curiosité de toute la ville.

Car pour cette promenade de quelques heu- res, des robes blanches ont été peintes par les plus grands peintres japonais, et dans un ou-


OUTAMARO 85

vrage spécial sur les courtisanes, il existe une robe gravée d'après Korin, et que le peintre avait décorée pour la célèbre Ousoughoumô.

DEUXIÈME IMPRESSION

Contemplation de la lune.

Une impression, où Ton voit sur une terrasse^

des courtisanes en compagnie d'amants, les

yeux aux ciel, dans la contemplation d'une

belle. nuit d'été.

Oui, — c'est constaté par Jipensha-Ikkou, — leur éducation a doté les femmes du Yoshiwara d'un sentiment poétique, et la lumière argentée de l'astre nocturne, dans la sérénité mélanco- que des belles nuits d'été, les fait se répandre, ces poétesses improvisées de la Lune, en des rê- veries d'un lyrisme élégiaque.

Et ce sont les vers de la courtisane Kumaï : « Ce n*est qu'en admirant à deux, que la Lune m'est belle. Quand je suis seule, elle m'inspire trop de sentiments attendris! » Et les vers de la courtisane Azuma : « Et ce soir, à qui sera la douceur de 7non être, en ce monde passager, avec mon corps flottant. »

Et les vers de la courtisane Kameghiku : Oh ! que le reflet du clair de'June se reflète


84 l'art japonais

brillamment sur Veau de la 5oz/meV/a^ à l'image

de son existence), mais que V automne de

Vautre côté des nuages (la vie honnête) méfait

envie! >

Et les vers de la courtisane Miyako :

(( Bien que je ne sois qu'une femme de rien,

ici-bas, la Lune éclaire mon cœur d'un rayon

consolateur, »

Et les vers de la courtisane Miyaghino :

« Que de fois je me sépare die U homme, dont

je ne distingue plus l* ombre, sous la lune de

l'aube, (l) »

TROISIÈME IMPRESSION

La première entrevue, la première con- naissance, la première nuit.

La première nuit, si le quidam ne plait pas, la courtisane est libre de ne la passer avec lui.

Et c'est l'occasion de rappeler cette histoiie qui ne serait pas«ne légende. La célèbre Takao, citée dans le Kwaghaï Maurokou, a refusé le prince Dati de Sendaï, à cause de sa passion pour un amant de cœur. Le prince ayant vaine- ment usé de tous les moyens pour l'avoir, Tin-

(1) Les cinquante courtfsanes poétesses. — Notes sur le quartier des fleurs.


OUTAMARO 85

vitait aune promenade en bateau, et après l'avoir tuée, la jetait dans la Soumida.

« Si vous n'êtes pas agréé la première fois, et que vous soyez patient, dit Jipensha Ikkou, vous pouvez, dans la seconde visite, remplir la formalité du redoublement. A la troisième vi- site, il est nécessaire d'atteindre à la connais- sance mûre. Il est bien entendu que pour celui quia pu coucher la première fois, le redouble- ment de la visite est de rigueur.

Un détail assez curieux et assez inconnu, c'est que le Japonais faisant une station dans une Maison Verte, change de costume, prend, c'est l'expression, Tuniforme de la maison : ce cos- tume faisant là, chaque homme l'égal de tout autre homme.

QUATRIÈME IMPRESSION

La connaissance mûre. La « connaissance mûre » est précédée d'un souper tête à tête, où l'on mange dans des bols et dans des assiettes aux armoiries de la femme, et où l'on se sert de baguettes d'ivoire, dont l'usage est regardé comme un engagement de mariage. Elle est suivie, cette connaissance mûre, d'un bouquet général, c'est-à-dire d'une distribution d'argent à tous les employés, hom-

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86 l'art japonais

mes et femmes de rhabîtation,qui sont quelque- fois cinquante dans les grandes maisons. Et à la suite de cette soirée et de cette nuit, il se dit : Madame a fait un ami sérieux.

Et si celui qui est arrivé à la connaissance mûre, peut payer les frais de deux ou trois jours de séjour ou d'une semaine, c'est, selon l'expression de l'imprimé, la jouissance d'une vie maritale, qui n'est qu'une suite de passe- temps et de distractions dans le plaisir.

CINQUIÈME IMPRESSION

Le lendemain matin, La cinquième planche représente le matin de la nuit passée dans la Maison Verte. Nettoyage de la maison, préparation d'une tasse de thé^ pendant qu'en dépit du bonheur intérieur que lui prête le livre, l'a7ni sérieux, assis sur le bord d'une baie vitrée de papier, regarde mé- lancoliquement le paysage neigeux, en se bros- sant les dents.

SIXIÈME IMPRESSION

La reconduite,

La mise sur les épaules de la robe de celui-ci,

Tencapuchonnement de celui-là par une autre

femme, les tendres « au revoir » à un dernier par


OUTAMARO 87

une troisième femme, gracieusement appuyée des deux mains sur la rampe de l'escalier, enfin toutes les coquettes amabilités de l'adieu.

SEPTIÈME IMPRESSION

La pénalité du Kourouwa (Enceinte du Yoshiwara.)

Lorsqu'un Japonais adonné son armoirie(de famille ou d'invention) à une courtisane, et qu'il lui a fait une infidélité, c'est une grande honte pour la femme. Aussi a-t-elle le droit de le punir ! Dans ce but, elle distribue dans Ten- ceinte des femmes de ses amies qui guettent l'infidèle, découvrent la maison où il se rend, attendent sa sortie, s'emparent de sa personne de force, l'amènent à la courtisane, chez la- quelle on lui fait toutes les misères imaginables, pas par trop méchantes toutefois.

Et la septième planche vous donne la repré- sentation du coupable, habillé en fillette, habil- lé en Kamourô, demandant, agenouillé, son par- don, dansleriredetouteslesfemmes que partage l'oïran, victime de sa trahison.

HUITIÈME IMPRESSION

La fabrication des gâteaux de riz de la fin de Vannée,

La huitième planche vous introduit au milieu


88 l'art japonais

de la fabrication des gâteaux de riz pour le Jour derAn,avectoutlemondedelamaisonnée : fem- mes, sçrviteurs, servantes, enfants, travaillant à la confection de grands et de petits gâteaux.

NEUVIÈME IMPRESSION

La peinture d'un Ho^-ô {oiseau fabuleux] dans une Maison Verte.

Dans Tadmiration enfantine de femmes, dont Tune pour voir de plus près, est à quatre pattes sur le plancher, un peintre est en train de peindre surtout un panneau d'un mur de lasalle de l'exposition des courtisanes, un gigantesque Eo-ô — un peintre qui, par ses habitudes, pour- rait bien vraisemblablement être Outamaro (1).


Aux temps, où a paru le livre des Maisons Ver- tes, les femmes se livrant à la prostitution dans le Yoshiwara, se divisaient en quatre classes.

La l^e : les femmes de Nakano-tc/iôf (celles qui font la grande promenade) ;

La 2™e : les femmes de Tchôna mi {une cldisse

(i) Cette dernière planche du second volume d'Outa- maro n'est pas mentionnée dans la salle des illustra- tions. Du reste, cette table est assez négligemment faite, et le texte et les illustrations ne concordent pas toujours.


OUTAMARO 89

jouissant à peu près de là même considération que la première) ;

La 3«ïe : les femmes de Koghôshi (la petite grille) ;

. La 4^e : les femmes de Kiri-missé (boutique de détail).

Le nombre des maisons de première classe était le tiers de la seconde, celui de la seconde n'était que le dixième de la troisième classe, et le nombre de la quatrième était d'un quart supé- rieur à la troisième.

Donc il y avait très peu de maisons de pre- mière classe, et le nombre des grandes courti- sanes était fort restreint, et en général, c'étaient seulement les grandes courtisanes, que le pin- ceau des peintres, comme Outamaro, reprodui- sait.

Au fond, sur une population de deux millions d'habitants, que comptait Yédo à la fin du dix- huitième siècle et dans les premières années du dix-neuvième siècle, il n'y avait que 6.300 fem- mes, dans le Yoshiwara,etsurces 6.300 femmes, on ne comptait que 2.500 prostituées de toutes classes (1).

(1) On le voit, la prostitution n'avait pas, n'a pas même aujourd'hui un développemept aussi grand que Font pré-

8.


90 l'art japonais

Maintenant, au service des Maisons Vertes se rattachent deux classes d'hommes et de femmes, dont les attributions sont assez mal définies, et dont les conditions d'existence sont très peu connues enEurope: les taïkomati elles guesha.

Le taïkomati était une espèce "d'homme de compagnie amusant, de cornac drolatique, de cicérone élégant de la prostitution, prié ainsi (\neld,giœsha^ au salondes noces, par l'invitation de la maison de thé, et chargé d'apporter de la gaîté dans la réunion. Ces taïkomati étaient.


tendu les voyageurs du siècle passé, du siècle présent. C'est l'occasion pour M. Hayashi de s'élever dans une note, à la suite de la traduction du livre de Jipensha Ikkou, contre l'accusation d'immoralité faite au Japon, et de s'écrier que les Anglais, qui ont passé une semaine à Paris, déclarent que c'est la ville la plus corrompue du continent, et de se demander, ce que pourrait penser un Français des Anglais, si on le transportait à Londres, dans certaine rue, à neuf heures du soir. Et il affirme que le Boudhisme et le Confuciusisme ont apporté à sa nation des éléments de moralité tels, que s'il y avait un moyen, selon son expression, de laver les cœurs, la lessive morale du Japon, serait la lessive la moins sale des lessives, faites dans les cinq parties du monde.

Et dans la révolte de son patriotisme, il maltraite, sur un petit ton de colère fort amusant, notre ami Loti, l'ac- cusant d'avoir pris pour une grande courtisane, une rashamerij (littéralement mouton), une femme galante d'une race inférieure, et à l'usage spécial des étrangers.


OUTAMARO 91

disent les Japonais, deshommes très intelligents, très spirituels, au courant de tout ce qui se pas- sait à Yédo. Et des hommes d'un caractère à ne pouvoir jamais se fâcher avec eux. Puis d'une discrétion à laquelle on pouvait tout confier, et n'importe quel secret, sans la moindre crainte! Des gens ayant une parole sur laquelle on pou- vait facilement compter, et par là-dessus une honnêteté, passée à Tétat de proverbe! Ils n'ac- ceptaient rien que le gage payé par la maison, et la fleur (le rouleau d'argent) qu'il est d'usage de leur offrir.

Les taïkomatiy dans leur bas métier, avaient une très bonne éducation, une instruction très suffisante, une instruction comparée malicieu- sement à l'instruction d'un candidat ayant échoué à l'académie de Seïdô (le centre scienti- fique de Yédo). Et même en dehors du Yoshi- wara, pour qui était un peu argenté^ il y avait un intérêt à engager un taïkomati pour une pro- menade en bateau, pour une excursion sur la digue de la Soumida,car il n'existait pas une mi- nute d'ennui avec ce diable d'homme, qui n'était juste bavard qu'autant que vous le vouliez, et qui avaitle talent de se faire, avec ungrandtact, le compagnon assorti de votre humeur. Une vraie ressource que cet homme, quand vous


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92 L*ART JAPONAIS

aviez trop bu, pour rectifier les erreurs de la note, et mettre dans sa poche, en sûreté, votre portefeuille et vos objets précieux ! Vous repo- siez-vous sur la digue, dans une baraque à thé, pour mieux admirer la Soumida à travers le paysage neigeusement rosé des cerisiers en fleurs? c'est vous qu'on servait le premier, au milieu de la foule. Entriez-vous dans un res- taurant? vous aviez la meilleure cabine, et le menu commandé par votre compagnon, était exécuté dans la perfection. D'ailleurs ils étaient connus partout, et une maison mal vue par les iaïkomati ne pouvait marcher. Etiez-vous en nombreuse société de g^t^esAa, il fallait un taïko- mati qui se chargeât de la direction, et tout allait au mieux, et il mettait en belle humeur toute la troupe des guesha. Une science à part, une science par lui acquise au Yoshiwara, qui faisait que les plaisirs avec le prix de ses services vous coûtaient moins cher, que si vous vous chargiez de la dépense par vous-même.

Les taïkomati savaient chanter, danser, jouer la comédie, mais se gardaient bien,enleurs talents d'agréments, de ne jamais porter om- brage aux guesha, et ils ne condescendaient jamais à prendre du service dans les Maisons Yertesdedeuxièmeclasse. Les accompagnateurs


OUTAMARO 93

de gens fréquenlant cette classe s'appellent No-- daïko, qui a le sens méprisant de taïko des champs, de taïko n'appartenant pas au Yoshi- wara.

Les guesha (1), chanteuses ou danseuses qui fréquentent la grande rue du Milieu, s'appellent kemban. Elles vont toujours, deux par deux, ayant la défense de coucher avec un homme de la ville dans le Yoshiwara, et cette surveillance de l'une par l'autre, les sauve d'occasions, où elles pourraient faiblir (2). Dans le cas d'une faiblesse, la chanteuse est expulsée de Yoshi- wara. En général, leur conduite passe pour être irréprochable, et c'est l'explication de tant de mariages de femmes de cette classe avec des hommes fort distingués.

La guesha et les taïkomati sont sous la di- rection du bureau central des artistes, sis à Nakano-tchô. Dans ce bureau, les fiches en bois dans lequel sont écrits les noms, pendent accro- chées par ordre alphabétiquô. Arrive l'invita-


(1) M. Hayashi a fait Tobservation qu'il existe encore chez les guesha^ tous les types qu'a reproduits Outa- maro, au commencement du siècle.

(2) On dit que ces femmes font vœu de chasteté jus- qu'à l'époque de leur mariage, qui ne peut avoir lieu, que lorsqu'elles sont sorties d'une maison de thé.


94 l'art japonais

tîon à la maison de thé, formulée dans une lettre contenant les noms des chanteuses de- mandées. Et aussitôt l'engagement, on retire les fiches des noms engagés, et on les porte sous les fiches des Maisons Vertes, qui se trouvent sur un autre mur : une tenue de livres très ingénieuse.

Les maisons de deuxième classe ont des chanteuses attachées à la maison, et qui y habi- tent.

Les Maisons Vertes ne peuvent pas inviter directement les guesha ni les taïkotnati : c'est toujours par Tintermédiaire du bureau des artistes, que se fait Tinvitation. On ne peut pro- longer au-delà des heures connues, sauf le cas de grand incendie (1), et si cela arrive, \n.thaya doit payer une indemnité, et on lui refuse l'en- gagement d'artistes, pendant un temps indiqué par le règlement.

Lorsqu'on vient inviter la guesha pour une partie en dehors du Yoshiwara, il faut faire la commande plusieurs jours d'avance, etparl'in-

(1) M. Rodolphe Lindau écrit que pendant un assez long séjour à Yédo, il se passait à peine une nuit, sans qu'il entendît sonner le tocsin, et affirme que l'âge moyen des maisons japonaises ne dépasse pas quinze ans.


OUTAMARO 95

termédiaire de la maison, et les guesha font la promenade ou le petit voyage avec vous, tou- jours accompagnées d'un employé de la maison de thé et d'un ou de deux porteurs de boîtes de rinstrument de musique à trois cordes, appelé schamisen.

Une recommandation curieuse. Les taïko- mati et les guesha^ se trouvant dans les appar- tements des courtisanes, leur doivent le respect qu'un serviteur doit au maître, car il est de ri- gueur que les grandes courtisanes soient trai- tées comme des princesses.


XVI


Le Yoshîwara a été peint par tous les peintres japonais. Kitao Massanobou a fait la : Nouvelle

ILLUSTRATION DES JOLIES FEMMES LETTRÉES DU YOSHI- WARA ; Shunshô et Shighemasa : Le miroir des MAISONS vertes; Hokkei : Les douze heures au yoshiwaba; Harunobou : Les belles femmes des MAISONS vertes, etc, etc. Je m'arrête...... sachez

que M. Hayashi a, dans la bibliothèque qu'il possède au Japon, plus de deux cents livres, concernant le quartier élégant de la prostitution. Mais chez presque tous les peintres japonais, les images du Yoshiwara sont des prétextes à des groupements de femmes un peu idéaux, à de fastueuses théories dans la rue du Milieu, à des exhibitions d'éclatantes robes brodées, à de la mise en scène picturale de femmes ne signi- fiant pas les habitudes, les caractères, le mé- tier de la courtisane du Yoshiwara.


OUTAMARO 97

Il n'y a guère qu'un peintre, il n'y a guère qu'Outamaro, qui raconte -avec du dessin et de là couleur, la vie privée de jour et de nuit de ces femmes, — et fait curieux! — le peintre rival d'Outamaro, le peintredont les longues et sveltes figures de Japonaises vous laissent parfois in- certain dans Tattribution, et vous font chercher la signature, oui, Toyokouni a publié un livre sur les Maisons Vertes. Et il est vraiment inté- ressant d'étudier ce livre, et de le comparer au livre d'Outamaro, d'autant plus que les deux livres sont de la même époque; les Maisons Vertes d'Outamaro ayant été publiées en 1804 et les Maisons Vertes de Toyokouni en 1802.


Mais ayant d'analyser ce livre, je voudrais, pour donner une idée de cette prostitution, si différente de la prostitution brutalement sen- suelle de l'Occident, montrer un côté de la prostitution presque poétique, de l'Empire du Lever du Soleil, de la prostitution, avec cette chambre de prostituée où il y a desin.'^truments de musique et une bibliothèque, quoique le do- cument que je republie, après M. Rosny, soit d'une date plus récente que les illustrations d'Outamaro et de Toyokouni, et d'un temps,

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98 l'art japonais

où commence à se faire rinfiltratîon des étran- gers dans le Yoshiwara (1).

Ce document, c'est une chanson populaire, sinico-japonaise, appelée : Etude de fleurs au YOSHIWARA. Ecoutez cctte chanson :

« Voyez donc sur cette fleur ces deux jolis papillons. Pourquoi voltigent-ils sans se sépa- rer?

— C'est sans doute, parce que le temps est beau, et qu'ils se sont enivrés du parfum des fleurs.

— Nous aussi, allons, comme ces papillons, visiter les fleurs.

— Avez-vous étudié la science des fleurs ?

— Je Tai étudiée sous la direction d'un ex- cellent maître du Yoshiwara.


(1) Voici la description à vol d'oiseau que fait du Yoshiwara M. Rodolphe Lindau, en 1865 :

« Le Yoshiwara forme une sorte de ville à part, isolée de Yédo par des murailles et des fossés, on y pénètre par une seule porte, qui est gardée nuit et jour par un poste de police. C'est un parallélogramme régulier, me- surant un kilomètre 1/4 en circonférence. Quatre rues longitudinales et trois rues transversales, coupées à angles droits, le divisent en neuf quartiers séparés par des grilles en bois, que Ton ferme à volonté, et qui permettent d'exercer une surveillance sévère. »


OUTAMARO 99

— Voilà la grande porte.

— Ne connaissez-vous aucun professeur ?

— Je connais le professeur Komourasaki (Pourpre foncée).

— Veuillez attendre un moment, le profes- seur Ousougoumo (Nuages légers), va venir.

— Le professeur se fait attendre bien long- temps; je ne sais absolument pas pourquoi ?

— Les professeurs du Yoshiwara perdent beaucoup de temps, à cause des complications de leur toilette. D'abord ils aiment à employer, pour Tarrangement de leur coiffure, la pom- made de Simomoura et les cordonnets (1) de Tsyôzi. Il en est qui adoptent la mode de Kat- souyama, d'autres préfèrent celle de Simada. Ils ne s'aperçoivent pas que leur peigne d'écaillé et leurs aiguilles de tête en corail, pour les- quels ils dépensent mille livres, augmentent leurs dettes. Poudre de riz pour le visage, poudre de riz pour le cou, fard pour les lèvres, et jusqu'à du noir pour les dents (2), il n'y

(1) En japonais : moto-yui, c'est une espèce de petit cordon avec lequel les Japonais attachent leurs che- veux.

(2) En japonais : ha-guro. On désigne ainsi une sorte de poudre avec laquelle les femmes japonaises ont l'ha- bitude de se noircir les dents.


iOO l'art japonais

a rieQ chez eux qui ne .décèle la prodigalité.

Un instant après, le professeur se présente.

En vérité, il est très joli, 'distingué, aimable. A ses sourcils se dessine la brume des monta- gnes lointaines, à ses yeux s'attachent les fré- • missements des vagues d'automne ; son profil i}^[ élevé, sa bouche petite, la blancheur de ses donts fait honte à la neige du Fuzi-Yama ; les c (larmes de son corps rappellent le saule des champs, pendant Tété. Son vêtement de dessus est orné de dragons volants, brodés en fil d'or sur du velours hoir. Elle porte une ceinture on brocart d'or ; en un mot, sa toilette est irré- prochable.

— Je suis venil m'entretenir avec vous à l'effet d'entreprendre Tétude des fleurs.

— Mais avez- vous bien réfléchi, combien est fatigante cette étude ?

Veuillez-venir dans ma chambre.

  • * j

La description de ces chambres étant connue de tout le monde, il est inutile d'en parler avec diUail. Sur l'estrade (1) disposée pour recevoir

il) Dans les habitations de chambres japonaises, il y a une partie de chambres surhaussée, et ou se placent ordinairement les nattes qui servent de lit.


OUTAMARO 101

six nattes, on a suspendu trois stores du pein- tre Hôïtsou (1), représentant des fleur» et des oiseaux. On y a rangé le jeu de sougorokou (2), le jeu de go (3), des ustensiles pour faite chauf- fer le thé, une harpe, une guitare, un violon. A coté, dans une bibliothèque, on trouve depuis la célèbre histoire des Ghenzi, de Mourasaki Sibikou (4) jusqu'aux romans de TaménagaSio- misoui.

Voici la chambre, et voilà le cabinet de toi- lette de la courtisane, tout aussi bien que celui delà femme honnête, le cabinet de toilette à' l'aspect élégant.

Une petite fenêtre, à peu près de sôixànte-dix centimètres et en saillie à l'extérieur, et fermée


(1) Peintre célèbre de Yédo.

(2) Espèce de jeu de jacquet pour lequel on fait usage de dés.

(3) Sorte de jeu de dames très compliqué, et qui con- siste à gagner du terrain, tout en faisant le plus de pri- sonniers possible à l'adversaire. On y emploie des jetons de deux couleurs.

(4) En japonais Gen-zi-mono-gaiari C'est l'histoire romanesque de la célèbre famille de Ghenzi ou Minamo- to, qui tire son origine des filles du mikado Saga (810 à 823). L'auteur, Mura-saki Siki-bu, qui vivait sous le règne d'Itsi-doô (987-1011) était une des femmes les plus recherchées de la cour tant pour sa beauté que pour son talent.

9.


i02 l'art japonais

par un treillage en bambous des plus artistiques, forme, sur son rebord intérieur la table de la toilette. Une sorte de chaudron en cuivre sert de cuvette pour se laver. Un seau en bois, cerclé de bambous, contient l'eau qu'on transvase au moyen d'un godet à long manche.

Les objets de toilette de la femme sont dans un petit meuble en laque noir et or. Un miroir de métal est placé sur un chevalet laqué, et cou- vert d'un morceau de soie brodée. Ce petit meuble renferme également les parures des femmes qui se composent de peignes en écaille de tortue, en laque d'or aux motifs les plus va- riés, et d'épingles de coiffures en or, en argent, — ' les seuls bijoux des Japonaises.

Or donc, lorsque le professeur se présente pour la seconde fois, il est habillé de ses* vête* ments de lit, comprenant une casaque de crêpe rouge, surmontée d'une robe de nuit de satin violet, ornée de pivoines et de lions (1) brodés arvec des fils d'or. II laisse tomber en arrière ses noirs cheveux, capables d'enchaîner le cœur de mille hommes, et permet d'apercevoir un corps


(i) Cest une erreur, les Japonais n'ont jamais peint des lions, la robe représente des chiens de Fô, au milieu d'un champ de pivoines.


OUTAMARO i03

dont la blancheur mortifierait la neige elle- même. Sa figure, au sourire de prunier, est sem- blable aux fleurs de poirier, émaillées de gouttes de pluie.

— La fleur est faible ; de grâce, arrosez-la souvent.

En parlant ainsi, la fleur de péchera rougi, comme le soleil quand il se couche (1).


Revenons au peintre Toyokouni, à Tillustra- tion de son ouvrage intitulé : les moeurs d'aujour- d'hui [Yéhon Imayô'Sugata), dont le premier volume représente des femmes honnêtes de toutes les conditions, mais dont le second volu- me est tout entier consacré au Yoshiwara.

C'est la grande courtisane, au moment de sa sortie pour une promenade dans la rue du Mi- lieu, entre ses deux shinzôs, dont Tune met la dernière main à sa toilette, et ayant à sa suite ses deux petites kamourôs qui s'apprêtent à la suivre.

C'est la yaritéy la sous-maîtresse, une femme

(1) Anthologie japonaise. Poésies anciennes et moder- nes des insulaires du Nippon, traduites en français par Léon de Rosny. Paris, Maisonneuve et Gie. 1871.


10 i l'art japonais

âgée, chargée de la direction de la maison, disant à l'oreille de la grande courtisane, qu'on la de- mande au salon.

C'est la fête du carnaval, telle qu'elle est àpeu près reproduite par Outamaro, au milieu de l'apport de grandes caisses de bois laqué, con- tenant les schamisen, et avec les gueska, en garçons.

Une planche curieuse, est le bureau de la, maison, nous révélant dans les détails de l'image, son mobilier spécial : les casiers rem- plis de lettres aux longues enveloppes, le livre de caisse et le livre des comptes courants, la planche laquée en brun, où s'écrivent au pin- ceau chargé de blanc, les choses à faire, les ordres à donner, les petits événeihents journa- liers. Là-dessous, le coffre à argent sur lequel il y a un rouleau de papier à lettres, une écri- toire, un kakémono roulé, un éventail fermé, un petit pot à thé, (tchiàré) dans son sac de soie.

Dans un coin, au-dessus d'un cabinet, l'ar- rangement d'un autel, au tond duquel s'élève une petite pagode, entourée de flambeaux pour l'illumination, et devant une bouteille de saké au milieu de lettres contenant des présents (des bouquets) d'argent. Au mur , . accrochées


• OUTAMARO 105

des enfilades de cocotes en papier, des enfi- lades de petits ronds rouges, représentant em- bryonnairement de petits enfants, qui sont des porte-bonheur , et avec ces porte-bonheur, encore un masque d'Okamé, dont le sourire dans le vestibule des maisons, est nous Tavons déjà dit dans la croyance du Japonais, une invi- tation à la bonne humeur du visiteur. « Le sou- rire, a'dit le premier roi du Japon, Ooanamou- ti, est la source du bonheur et de la fortu- ne. y>

Au milieu de la pièce, la maîtresse est assise, une main appuyée sur sa pipe, toute droite po- sée contre terre, pendant qu'une servante lui masse les épaules, et qu'une femme couchée à plat ventre, examine des carrés de soie, éten- dus sur la natte du plancher.

Ces quatre planches de Toyokouni nous montrent la prostitution de la première classe, mais avec la cinquième planche, nous entrons dans la prostitution de la deuxième, de la troi- sième classe, — et cette cinquième planche, c'est le salon d'exposition des femmes, d'où à travers les barreaux de la fermeture, une diseuse de bonne aventure prédit de la rue aux femmes,* l'avenir.


lOâ l'art japonais

Puis c'est rintérieur de la maison (1), pen- dant les heures inoccupées, où on voit les fem- mes dans des poses lasses, agenouillées sur le rebord de la grande baie, regardant stupide- ment le paysage, ou assis sur ce rebord, le dos tourné à la rue, s'étirant nerveusement, ou penchées sur des terrines, mangeant goulûment de petits crabes bouillis, pendant que dans le fond on en voit une, le corps déhanché, le eau tordu, la bouche grande ouverte, son petit nez ridicule en Tair, et ses sourcils en accents cir- conflexes, dans son délire musical, s'égosiller


(1) Voici Tassez triste table&u, que fait M. Rodolphe Lindan d'une de ces expositions, dans son voyage au- tour DU japon, publié en 1864 : € Nous nous étions ap- prochés d'une de ces djorodja, et à travers les bar- reaux de la grille, nous distinguâmes une salle spa- cieuse, garnie de nattes en bambou, et faiblement éclairée par quatre grandes lanternes en papier de cou- leur. A nos côtés, se trouvaient une douzaine de Japo- nais qui, la figure collée contre la grille, examinaient, comme nous, ce qui se passait dans la salle. Il y avait là, huit jeunes filles magnifiquement habillées de lon- gues robes d'étoffes précieuses, accroupies sur leurs ta- lons, suivant l'usage du Japon. Elles demeuraient droites et immobiles, les yeux attachés sur la grille qui nous séparait d'elles, et ayant dans leurs regards bril- lants, cett3 fixité particulière à ceux qui.ne se rendent pas compte de ce qu'ils voient. Leurs beaux cheveux, d'un noir de jais, étaient arrangés avec art et ornés de


OUTAMARO *07

de la façon la plus drolatique, en s'accom- pagnant frénétiquement du schamisen.

Enfin, c'est la vie de ces femmes dans les iardins.

Et c'est une femme montrant à une antre le tatouage d'amour de son bras, portant le nom de son amant de cœur, quelquefois son ini- tiale, son armoirie.

Et c'est encore la toilette de la femme de ces maisons, se coiffant, se maquillant, se noircis- isant les dents.

Mais nous voici descendus tout en bas de la


longues épingles en écaille jaune. Elles étaient daxts la première jeunesse, la plus âgée comptait TÎBgt «oc à peine, les plus jeunes n'avaient guère plus de quatorze ans. Quelques-unes se faisaient remarquer par leur beauté , mais toutes avaient un air résigné, fatigué, in- différent surtout, qui s'accordait mal avec leurs jeunes visages,. et qui faisait peine à voir. Exposées comme le sont les bêtes curieuses dans une ménagerie, exami- nées et critiquées à loisir par chaque curieux, pour êftre vendues ou louées au premier offrant, ces nmlheu- reuses présentaient un spectacle qui me causa Timpres- sion la plus pénible. Une vieille femme parut à ren- trée de la salle et prononça quelques mots ; Tune des jeunes filles se leva aussitôt, mais avec la lenteur d'un automate. Il y avait, dans cette manière de se mouvoir* quelque chose d'inconscient comme chez les animaux dressés, qui exécutent, sur Tordre de leur maître, cer- taines manœuvres dont ils ont l'habitude. »


408 l'art japoxals

prostitution^ là, où descend bien rarement le pinceau d'un peintre japonais. Sur -la porte d une maison de thé, des courtisanes regardent, comme avec une curiosité dégoûtée, de hi- deuses vieilles femmes, couvertes de haillons, des aïeules raccrochant dans la rue, près des en- trepôts de bois, et se livrant à la façon de nos pierreuses, en plein air, à côté de chiens montés les uns sur les autres. .

Dans cette série, signalons une planche qui a un grand caractère en ce pays de l'eau : c'est la basse prostitution de la rivière et du fleuve, figurée dans la nuit du ciel, dans la nuit du paysage, dans la nuit de l'eau morte, par une longue femme noire aux pieds nus, une femme immobilisée toute droite, et qui se dé- tache, dans les ténèbres, sur la blancheur d'une barque au toit de roseau.

En ce livre sur le Yoshiwara, Toyokouni, souvent l'égal d'Outamaro dans ses planches tryptiques, est battu par son rival. Ses femmes n'ont pas Téiégance de corps, la grâce contour- née des mouvements, l'aristocratie physique de la prostituée japonaise. Même il n'existe pas parmi ses images, Tesprit du dessin, la vie de la composition, la surprise d'un rien delà volupté de la femme de Tendroit. Puis la note comique,


•?^


OUTAMARO 109

queToyokouni semble chercher de préférence, dans la représentation des scènes du Yoshiwara, ajoute de la trivialité au commun du travaiL Du reste, pour juger le talent des deux peintres émules, il n'y a qu'à mettre en regard l'Expo- sition des femmes d'Outamaro et TExposilion des femmes de Toyokouni : celle du premier est une petite merveille, celle du second est une planche, très, très ordinaire.


m


XVII


La femme japonaise est petite, petite, petite et rondelette. De cette femme, Outamaro a fait la femme élancée, la femme svelte deses impres- sions : une femme quia les longueurs des pen- sées ^ des croquetons d'avant midi de Watteau. Peut-être, avant Outamaro, Kiyonaga Pavait fait comme lui, plus grande que nature, mais charnue et épaisse.

Le visage de la Japonaise est court, ramassé, il a un peu de l'aplatissement de nos masques à bon marché, et un rien dans les traits du cabos- sage de ces morceaux de carton, enfin ce visage, sauf l'intraduisible vivacité douce des yeux noirs, il est tel dans sa forme ronde, que nous le re[>résentent Harunobou, Koriusai, Shunshô.

Eli bien, de ce visage, Outamaro a fait pres- que un ovale long! Et peut-être dans le hiéra- lisme du dessin de la figure humaine au Nippon,


OCTAMARO 111

qui condamne le peintre à ne reproduire les yeux, que par deux fentes avec un petit point au milieu, le nez que par un trait de calligra- phie aquilin, et le même pour tous les nez de l'Empire du Lever du Soleil, la bouche, que par deux petites choses, ressemblant à des pétales recroquevillés defleurs, Outamaro estle premier, qui ait glissé dans ces visages d'une convention si peu hunlaine, une grâce mutine, un étonne- ment naïf, une compréhension spirituelle, — et le premier, qui tout en conservant les lignes et les formes consacrées, mais en les amenant presque d'une manière invisible à des lignes et à des formes humaines, dans certaines plan- ches du beau temps de son talent, met autour de ces lignes, tant de choses de la vie des vrais portraits, qu'en regardant ces figures, vous ne vous apercevez presque plus du hiératisme de ce visage, de ce visage universel, qui est de- venu par miracle, chez Outamaro, une physio- nomie particulière pour chaque être humain, réprésenté en ses images.

Enfin la femme, dans Tingrate façon de la re- produire, imposée à l'artiste par l'art de son pays, Outamaro s'efforce et réussit à l'em- bellir, à l'élégantifier, disons le mot, à l'idéa- liser. Car Outamaro est un peintre idéaliste


itâ l'art japonais

liste de la femme, mais un peintre particulier, un peintre idéaliste de son type, de son phy- sique, de sa construction anatomique, mais tout en restant le peintre le plus naturiste de ses attitudes, de ses mouvements, de la mimi- que de sa gracieuse humanité.

Et comme les études -d'Outamaro se portent presque toujours sur la femme des « Maisons Vertes i c'est la courtisane qu'il idéalise, et dont, selon l'expression d'un Japonais, — et l'expression est à noter, — il fait une déesse.


XVIII

L'élrange,rinvraisembIable,l'incroyablechez ce dessinateur, ce dessinateur idéaliste de la femme, c'est, quand il le veut, il se fait le des- sinateur le plus exact, le plus rigoureux, le plus photographique, de Toiseau, du reptile, de la coquille, oui, de la toute petite coq[uille, c'est quand il le veut, Tillustrateur le plus soucieux en même temps que le plus artistique de l'his- toire naturelle qui soit. Et la reproduc-ion de ces êtres et de ces choses de nature, il faut les voir dans ces trois livres portant pour titre :

Yéhon Momotidori. Les cents cuieurs (oi- seaux).

Yéhon Moushi Yérâbi. Insectes choisis.

Shiohi-^o-tsuto. Souvenirs delà marée basse.

Ah! ce sont d'autres dessins que les fameux velins de notre fameux Cabinet d'histoire natu- relle, et des dessins reproduits par des impres-

iO.


114 l'art japonais

ëions en couleur, comme aucun pays de l'Europe n'est encore arrivé à en imprimer.

Dansie VéhonMomotidori, Les cents crieurs, la charmante impression que celle des « co- lombes picorant » en son apparence d'un fin dessin à la plume, simplement lavé d'eau bleutée. Quelle admirable impression que celle de ce canard, qui grâce à un léger relief, sem- ble être peint à l'aquarelle sur son plumage, un rïen soulevé. Mais quelle merveille que cette autre impression, représentant des « grues et un m ar tin-pécheur chassant » des grues qui ne sont, pour ainsi dire, en leur silhouette carac- téristique, en leur savante construction, qu'un gaufrage blanc, et ce martin-pécheur à demi- ï?til>mergé dont la moitié de corps plongeante en la rivière est un prodige du rendu de Tévanouis- sement de la couleur et de l'estompage de la forme sous Feau.


XXI

Dans le Yéhon Moushi Yérabi, insectes CHOISIS, des planches tout à fait extraordinaires comme les jeux d'une grenouille dans une feuille de nénuphar, comme la poursuite d'un lézard par un serpent ; et dans toutes ces im- pressions, le détachement étonnant de la che- nille, de la sauterelle, du cerf-volant sur la douceur du vert des feuilles, sur la douceur du rose des floraisons, et encore dans ces impres- sions le trompe-l'œil du bronze vert du corcelet des scarabées, de la gaze diamantée et émerau- dée des ailes des libellules, enfin, l'introduction si savante, si habile dans la coloration des in- sectes, des brillants et des reflets métalliques, que la lumière fait apparaître sur eux.

Mais en dehors de la perfection miraculeuse des impressions en couleur de ce livre, il est d'une curiosité toute particulière poU;r l'écrivain


116 l'art japonais

français étudiant le talent de l'artiste, car il renferme en tête de ce volume une préface écrite par Toriyama Sékiyen, le maître d'Outa- maro, célébrant le naturisme (sorti du cœur) de son petit, de son cher élève Outa.

Et voici cette préface, dont je dois la traduc- tion ainsi que la traduction du texte des Maisons Verletî de Jipensba Ikkou, à Tintelligent, au savant, à Taimable M. Hayashi, et, il faut le dire hautement, auquel tous les japonisants de l'heure actuelle sont redevables de tout Tinté- rôt documentaire de leurs travaux.

ff Reproduire la vie par le cœur, et en dessin ner ?a structure aupinceaUy est la loi de la pein- iure. U étude que vient de publier maintenant, mon élève OutamarOy reproduit la vie même du monde des insectes. Cest là, la vraie peinture du cœur. Et quand je me souviens d'autrefois, je me rappelle que dès V enfance, le petit Outa obser^ vait le plus infime détail des choses. Ainsi à tauto7nne, quand il était dans le jardin, il se mtUaiten chasse des insectes, et que ce soit un criquet ou une sauterelle, avait-il fait une prise, il gardait la bestiole dans sa main, et s'amusait à r étudier. Et combien de fois je Vai grondé, dans l'appréhension quHl ne prenne Vhabitude de donner la mort à des êtres vivants.


OUTAMARO 117

Maintenant quHl a acquis son grand talent du pinceau^ il fait de ces études d'insectes^ la gloire de sa profession. Oui^ il arrive à faire chanter le brillant du tamanushi (nom d'insecte), de ma- nière à ébranler la peinture ancienne^ et il em- prunte les armes légères de la sauterelle pour lui faire la guerre^ et il met à profit la capacité du ver de terre^ pour creuser le sol^ sous le sou- bassement du vieil édifice. Il cherche ainsi à pénétrer le mystère de la nature avec le tâtonne- ment de la larve, en faisant éclairer son chemin par la luciole, et il finit par se débrouiller, en attrapant le bout de fil de la toile de Varaignée.

Il a eu foi en la publication des kiôka des Maîtres ; quant au mérite de la gravure (de la taille en bois), il est le fait du ciseau de Fouji Kdzumouné.

Uhiver de la T année de Temmei {1181). Toriyama Sékiyen (1).

On le voit clairement, cette préface est un mani- feste révolutionnaire de Técole profane, de /'e'co/e vulgaire (appelée oukiyo-yé) contre la vieille peinture des écoles boudhistes de Kano, de Tosa.

(1) On lit sur le cachet noir : Toriyama, et sur le blanc Toyofousa.

On remarquera que Sékiyen appelait familièrement Outamaro, Outa toutcouit.


XX

Toutefois, de tous ces livres d'histoire natu- relle artistique, le plus exquis est le ShioM-no-

ISUtO, SOUVENIRS DÉ LA MARÉE BASSE, fOéSieS SUT

les coquillages par les membres dune société littéraire.

Une première planche vous représente des femmes et des enfants cherchant des coquilles sur une plage, dont la mer s'est retirée, et c'est après une suite de planches imprimées en cou- leur, rendant le coloriage impossible des co- quilles aux taches diffuses de pierres précieuses, de ces coquilles de nacre, de ces coquilles de burgau poHé noir, de ces coquilles à Vœil de rubis radié j rendant là, vraiment sur le papier, l'accidenté microscopique de ces coquilles, aux piqûres de mouche y de ces coquilles striées, feuilletées, lamelleuses, tubuleuses, vermicu- laires, de ces coquilles frisées en choux de mer.


PUTAMARO 119

OU aiguillées de piquants, comme le dos des hérissons.

Et le livre se termine par une planche, repré- sentant le jeu de kai-awasséy un jeu spécial aux jeunes Japonaises, qu'on voit accroupies, dans un joli intérieur, autour d'un rond de co- quilles.


XXI

Outamaro n'est pas seulement regardé au Japon, comme le fondateur de TEcole db la vie, n'est pas seulement considéré comme un admi- rable dessinateur d'oiseaux, de poissons, d'in- sectes, il est admiré comme un des grands maîtres de la peinture du printemps : peinture qui, au Japon ne veut pas seulement dire la peinture du renouveau de la terre, mais ce que nous qualifions en Europe de « peinture légère. »

Je possède un rare album, daté de 1790, et ayant pour titre : Foughen-zô ou promenades au temps de la FLORiVisoN DES CERISIERS (1) qui douue

(1) Il n*est pas un goût plus sincèrement national, dit M. Bousquet, dans le jâpon de nos jours, que le penchant des Japonais pour les scènes de la nature, leur amour de la végétation et des fleurs. Non seulement les riches entourent leurs demeures de plantations, mais il n*est si modeste cabane, dont le seuil ou la cour ne contienne quelque arbuste, et dont un vase de fleurs n'égayé Tin-


OUTAMARO 121

ridée de cette peinture, en mettant dans la flo- raison des arbres à fleurs de la province de Yoshino-Yama, de jolies promeneuses.

A cette série se rattachent les albums : Yéhon Waka-yébisUy poésies japonaises du premier jour DE l'an, Yéhon Guin-sékai, poésies sur la neige ; Yéhon Kiôghétsubôy poésies sur la lune.


térieur... Au printemps, on va voir fleurir les pruniers mumé à Mumeyaski, sur le Tokaïdo un peu plus tard, en avril, on se rend en foule à Muko-Sima, à Ileno, à Oji, pour admirer la neige rose qui tombe des cerisiers, formant un merveilleux contraste avec la sombre ver- dure des sapins qui les entourent. Du matin au soir, ces jardins sont remplis de promeneurs de tout âge et de toute condition, auxquels de petites cases de bambou, ornées de lanternes de papier, offrent un abri provi- soire. On sert des gâteaux, du thé, des infusions de fleurs de cerisiers. On y vend des joujoux. Des jeunes filles y font de la musique, et tout inspire le bonheur, l'insouciance et la gaîté. En juin, vient le tour des fudsiy glycines. Les pique-niques s'organisent. Les poètes déploient leur verve, et attachent un madrigal aux bran- ches de l'arbre qui les a abrités. Peu de temps après, c'est encore sur le bord de sa rivière, que. le peuple de Yédo va admirer les iris, qui poussent en quantité con- sidérable, variés de couleur et d'aspect, au milieu des marécages voisins. Enfin en automne, le kiku chry- santhème est la fleur favorite. Les jardins, où elle est cultivée, ne désemplissent pas, jusqu'au moment où les frimas viennent tuer les fleurs, et confiner les Japonais chez eux.

11


XXII

Outamaro a dans son œuvre toutes sortes de compositions, et de compositions, où l'imagina- tion de l'artiste témoigne d'une grande ingé- niosité.

Je citerai, par exemple, la série des Quatre dormeurs, où Outamaro, donnant dans la petite image du fond de la planche, la reproduction d'un dessin ancien de maître, fait, pour ainsi dire, de l'œuvre consacrée, une parodie spiri- tuelle par une grande scène de sa composition, une scène qui n'est pas sans rapport avec les scènes de l'Histoire ancienne, interprétées par le crayon puissamment bouffe de Daumier.

Je citerai encore cette série, où contraire- ment à Grandville cherchant aux animaux des silhouettes humaines, Outamaro donne à des hommes, grâce à sa savante étude des bêtes, donne par le contournement et la déformation.


OUTAMARJ 123

une similitude inquiétante avec certains ani- maux (1).

Je citerai enfin, dans, un tout autre ordre , cette série où l'on voit, en tête de chaque plan- che, une paire de hésicles, dont Tun des verres porte : Yeux de parents, et l'autre : Ensei- gnements y et dont la vraie traduction est : Con- seils de parents y — et qui semblent une suite de petites actions de la vie privée, faites comme sous le commandement de ces vieux yeux, et à l'effet de les contenter et de les réjouir (2).

[{) Et le peintre est servi, aidé dans ces métamorphoses, par un des habillements les plus primitifs, ainsi que le décritM.Remy dans ses Notes médicales sur le Japon : des sandales de paille aux pieds, les membres inférieurs nus, une serviette blanche passée entre les jambes et attachée à la ceinture, une veste à large manches ouverte, sur le devant, un chapeau hémisphérique sur la tête contre le soleil, un mouchoir bleu pour s'essuyer la figure : c'est là tout le vêtement du Japonais du peuple, quand il n'est pas seulement habillé de tatouages.

(2) Il y a même chez Outamaro des ingéniosités, non pas non seulement dans l'invention des sujets, mais dans le faire. C'est ainsi que le Japon artistique a donné une servante d'une maison de thé, une servante que la légende de l'image nous apprend servir dans la maison Manibat et qui, dans l'original sur une feuille de papier, mince comme une pelure d'oignon, et où on la voit à la fois de face et de dos, est imprimée avec une telle exactitude de repérage, que la feuille, traversée par la lumière, ne laisse apercevoir qu'un seul personnage.


XXIII

Parfois Outamaro abandonne la représenta- tion de la vie réelle, et se laisse aller à des ima- ginations charmantes dans le chimérique. On connaît de lui une série d'une douzaine de planches, intitulée : Les bons rêves : c'est au- iant de gagné , où derrière la tête de l'homme ou de la femme qui dort, il montre, dans le loin- tain de la planche, il montre en action, le rêve qu'ils font.

Un rêve qui leur sort, non du cerveau, mais de la poitrine, et un peu à la façon d'un phylac- tère sortant de la bouche de nos saints, et qui, dans l'image japonaise, s'étend et s'élargit en forme de cerf-volant.

On voit le sommeil d'une fillette évoquer une exquise dînette, qu'elle mange gourmande- ment; on voit le sommeil d'une charmante jeune fille, dont le visage transparait à travers


OUTAMARO 125

récran rabattu sur ses yeux, et qui rêve qu'elle est devenue une princesse, dont le norimon traverse la campagne sous l'escorte d'une nom- breuse troupe de femmes de compagnie et de service; on voit le sommeil d'une courtisane du Yoshiwara, la transporter dans un petit inté- rieur, où la prostituée sortie de la prostitution, se livre avec l'homme aimé, aux soins du mé- nage; on voit le sommeil d'un vieux domestique de samurai, le faire revivre au beau temps, où il était raccroché dans la rue, par une basse fille encapuchonnée.

Et dans cette série humoristique, il n'y a pas seulement les rêves des êtres humains, il y a les rêves des bêtes; et l'on assiste au som- meil d'un vieux chat, rêvant aux jours alertes et voleurs de son jeune âge, où il dévorait le poisson apprêté pour le repas de son maître, en dépit de ses efforts pour lui arracher de la gueule, en dépit de l'énorme bambou apporté par la femme pour le battre.


il.


XXIV

CJutamaro jouissait de la plus grande popu- larité.

Au commencement de ce siècle, un voyageur de la province d'Ivakî, qui continuellement était en course dans la région du Nord pour SCS affaires, et qui se trouvait être, en même lenips, un amateur passionné de gravures, visi- tant lescoUectionneurs des villes où il passait, ce voyageur affirmait que dans toutes les provinces du Japon, Outamaro était considéré comme le plus grand maître de l'Empire, tandis q e Toyo- kouni était très peu connu.

Moi même, dans les images, je découvre un curieux témoignage de cette popularité : c'est un j^ourimono, ayant tous les caractères du do.'îsin du maître, et qui est bien certainement d'un de ses élèves. Or, ce sourimono repré- scute un grand bateau de plaisance, dont la


OUTAMARO 127

cabine est remplie de femmes, de femmes à Télé- gante figuration desquelles travailla le pinceau de l'artiste , pendant toute sa vie : un bateau portant en gros caractères Outamaro, le bateau Outamaro{i).

A Tappui de ce récit du voyageur japonais, et de l'image du bateau Outamaro, Ton conte que dans les dernières années de la vie d'Outa- maro, son atelier était, toute la journée, assailli d'éditeurs lui faisant des commandes, absolu- ment comme s'il n'existait pas d'autre artiste que lui au Japon.

Le talent Outamaro était même apprécié en Chine, dont les bateaux marchands débarquant à Nagasaki, achetaient, en grand nombre, ses impressions en couleur.


(1) L'appellation a été facilitée par la fin du nom porté au Japon par tous les bateaux, et qui est ma.ro.


XXV

Parmi les peintres contemporains, en dehors <lc Toyokouni, qui a été le rival et le concurrent ilOutamaro, et qui, dans ses compositions a ou le même objectif de grâce, il est un autre maîlre, avec lequel parfois Outamaro a la plus grande parenté, et dans les impressions duquel il faut quelquefois, au meilleur connaisseur des estampes japonaises, chercher la signature, fjour être bien sûr que l'image n'est pas du fon- dateur de TEcoLÊ DE LA VIE. Ai-je besoin de nommer Yeishi, dont les femmes d'un aspect plus ingénu, plus mystique, on peut même dire plus religieux, enfin, plus femmes de nos mi- niatures moyenâgeuses, ont les longueurs Il H cites, les petits cous frêles, les avant-bras litaigres, en même temps que la nonchalance orientale des attitudes et des mouvements des femmes d'Outamaro.


OUTAMARO 1 â9

Il est encore entre les deux peintres une plus grande ressemblance, c'est qu'eux deux seuls, dans la coloration de leurs Nishiki-yé, ont édité des planches coloriées, ainsi que la « Pro- menade du petit daimio, un moineau sur la main >, ont édité des planches, dont le charme harmonique est obtenu par Tunique emploi tiiir un fond jaunâtre, du bleu, du vert, du violutj avec dans ces trois colorations, le noir d'une robe ou d'une ceinture : — un charme à la fois doux et sévère, un charme demi-deuil.


XXVI

Dans ses compositions, il arriva quelquefois à Outamaro de faire allusion aux hommes du pouvoir, au bout d'un pinceau spirituellement allusif. N'ai-je pas indiqué dans une série sur Taïkô, le héros vainqueur des Coréens, Thomme populaire de la fin du 'seizième siècle, une planche, où il estreprésenté courtisant un jeune seigneur, dont Tarmoirie est très reconnaissable sur sa manche. Est-ce bien un jeune seigneur du temps de Taïkô Hidéyoshï.

Enfin, mal en prit au peintre de toucher à la politique la dernière fois qu'il le fit, lorsqu'il publia la planche ayant pour légende : Les plai- sirs DE TAÏKÔ AVEC SES CINQ FEMMES DANS l'eST

DE LA capitale; uue planche tryptique repré- sentant le héros à la tête de singe (1) rendant

(1) Une curieuse statuette en bois du général Sarou, f du général singe » a été reproduite dans la 34« livrai- son du Japon artistique.


OUTAMARO 131

la coupe de saké qu'il vient de vider, au mo- ment où un homme agenouillé lui présente sa coiffure officielle, le kammuri, la coiffure du plus haut titre, et que sous les arbres en Heurs, dans le pourtour d'un rideau de soie, où se répètent en violet ses armoiries, s'avance avec un port de reine vers l'illustre guerrier, entouré de femmes, l'épouse légitime, tenant à la main un éventail fermé, et sur ses cheveux dénoués et répandus sur ses épaules, portant comme coiffure, deux grandes touffes de chry- santhèmes en or et en argent.

Cette impression, à l'apparence innocente, serait un rappel de lafin du fameux Taïkô, tombé au déclin de sa vie dans le libertinage et la dissolution des mœurs, un rappel sanglant à lyenari, portant le nom honorifique de Dun- kiô-in, le onzième shogun de la famille de Tokugawa, le shogun régnant dans les der- nières années de l'existence d'Outamaro, et qui, paraît-il, était une sorte de Louis XV volup- tueux et amateur des arts, ainsi que l'a été le monarque français.

Outamaro était condamné à la prison par les autorités de Yédo, prison dont il sortit le corps affaibli et malade.


XXVII

Bien avant de iavoir qu'Outamaro était une Borje de peintre officiel dn Yoshiwara, un jour, en feuilletant, avec Hayashi, sa suite des Dur2E HEURES, devant la sixième planche, re- ji ré sentant cette femme gracieusement lon- guette, habillée d'une robe pâle, étoilée de des- sins tels que des étoiles de mer, à l'azur délavé et i'omme noyé dansTeau, cette femme, à la- EjijfUIe une mousmé présente, agenouillée, une Ins^e de thé, et dont le cou frêle, un haut d'é- pftiile voluptueusement maigre de phtisique, un j>elitaein pointu, sortent de l'étoffe tombante, jcî (lisais à Hayashi :

— L'homme qui a dessiné cette femme devait être un amoureux du corps de la femme?

— Vous l'avez dit, me répondit Hayashi, il est mort d'épuisement.


OUTAMARO i33i

En effet, Outamaro est mort dans sa maison du pont de Benkeï, de Tabus du plaisir, et un peu de son séjour en prison, et encore, à la sortie de la prison, de son travail sans trêve et sans repos, pour satisfaire à toutes les com- mandes en retard, et aux nouvelles commandes arrivant tous les jours.


i2


XXVIII

Tout peintre japonais a une œuvre érotique, a ses shungwa (ses peintures de printemps). Le peintre des Maisons Vertes, avec son talent appartenant à la grande prostituée, au riche amour vénal, ne pouvait ne pas avoir, en son immense production, son œuvre libre, des images à la Jules Romain, un enfer en style bibliographique.

Mais vraiment la peinture érotique de ce peuple est à étudier pour les fanatiques du dessin, par la fougue, la furie de ces copulations, comme encolérées; par le culbutis de ces ruts renversant les paravents d'une chambre; par les emmêlements des corps fondus ensemble; par les nervosités jouisseuses de bras à la fois, attirant et repoussant le coït; par l'épilepsie de ces pieds aux doigts tordus, battant l'air; par ces baisers bouche à bouche dévorateurs; par ces pamoisons de femme, la tête renversée à terre, avec la petite mort sur leur visage, aux yeux clos, sous leurs paupières fardées; - enfin par cette force, cette puissance de la linéature, qui fait du dessin d'une verge, un dessin égal à la main du Musée du Louvre, attribuée à Michel Ange.

Puis, quoi! au milieu de ces frénésies animales de la chair, des recueillements savoureux de l'être, des affaissements béats, des cassements de cou de nos peintres primitifs, des attitudes mystiques, des mouvements d'amour presque religieux.

Parfois dans ces compositions érotiques, des imaginations drolatiquement excentriques, comme ce croquis, montrant le rêve luxurieux d'une femme, ayant rejeté ses couvertures loin de son corps en chaleur, et qui voit une farandole de phallus, battant et dansant sous des robes japonaises, en s'éventant avec d'immenses éventails : une composition tout à fait originale, sortie de la cervelle et du pinceau d'un artiste, en une heure de caprice libertin.

Parfois des planches terribles, des planches qui font un peu peur. Ainsi sur des rochers verdis par des herbes marines, un corps nu de femme, un corps nu de femme évanoui dans le plaisir, sicut cadaver, à tel point qu'on ne sait si c'est une noyée ou une vivante, et dont une immense pieuvre, avec ses effrayantes prunelles en forme de noirs quartiers de lune, aspire le bas du corps, tandis qu'une petite pieuvre lui mange goulûment la bouche.

Et encore dans ce livre étrange qui a pour titre : Yéhon-Kimmo-Zuyé, L'ENCYCLOPÉDIE ILLUSTRÉE POUR LA JEUNESSE, et dont les dessins ont une certaine parenté avec les livres des écrivains à l'imagination déréglée, aux concepts extravagants, à ces livres un peu fous où, selon Montaigne, «l'esprit faisant le cheval échappé, enfante des chimères», dans ce recueil astronomique, astrologique, physiologique, hétéroclite, ce sont des espèces de rébus philosopho-pornographiques où la sexualité des humains se change en cartes du ciel et de la terre, où la mentule des hommes se transforme en bonshommes fantastiques de planètes inconnues, où les parties naturelles de la femme deviennent tantôt un oiseau de proie apocalyptique, tantôt un paysage où l'on reconnaît le Fuzi-Yama.

Outamaro a donc été l'imaginateur d'un certain nombre d'albums en noir et en couleur, où se retrouvent les qualités du dessinateur, mais où le nu de ses courtisanes à poil n'a plus, pour moi, la grâce qu'elles agitent et remuent dans leurs longues et enveloppantes robes.

Il est toutefois quelques compositions dignes du maître. Dans le livre intitulé : LE PREMIER ESSAI SUR LES FEMMES, il est un charmant dessin : le dessin d'une femme, les bras passés, les bras passés de loin autour du cou de son amant, et sa tête dans un penchement de colombe amoureuse, tombée contre la poitrine de l'homme qu'elle caresse de sa nuque, tandis que le bas des deux corps est soudé dans le rapprochement sexuel.

Dans MILLE ESPÈCES DE COULEURS, il est une planche amusante. C'est une femme laissant tomber sa lanterne, à la vue de quatre pieds sortant de dessous une couverture, de quatre pieds dont deux très poilus, avec à peu près cette légende dans la bouche de la femme : «Comment quatre pieds dans le lit d'une seule personne!»

Une planche épouvantante d'Outamaro comme représentation de la Luxure, nous fait voir un monstre, un énorme homme à la chair pâle, exsangue, toute semée de tire-bouchons de poils, la bouche hideusement déformée par le spasme du plaisir, vautré, aplati sur le corps délicat et gracile d'une jeune femme : une planche où dans la jouissance physique d'un être humain, bien certainement le dessinateur a cherché à rendre la jouissance du crapaud, par un ressouvenir de série, où le petit éventail placé en haut de chaque planche indique une imitation d'animal par un homme, et où par les attitudes et la gesticulation, c'est dans une planche presque la transformation d'un homme en crapaud.

Cette planche fait partie d'un album en couleur ayant pour titre : LE POÈME DE L'OREILLER, une merveille d'impression, d'une harmonie dont, je le répète, aucune impression européenne n'approche, et où la clarté des corps s'enlève si lumineusement des couleurs de vêtements de soie, éparpillés sous les ébats amoureux, et où la tache fauve des monts de Vénus se détache si voluptueusement sur la blancheur à peine rosée de la peau féminine.

Le recueil a pour première planche une composition originale. Cet Outamaro, qui dans sa série fantastique est tout à fait inférieur à Hokousaï, et qui n'a rien de pareil aux cinq têtes terrifiques de ce maître, possède le fantastique dans l'érotisme. Et voici ce que représente cette planche : une divinité marine, violée sous l'eau par des monstres amphibies au milieu de la curiosité des petits poissons cherchant à se glisser avec les monstres, tandis qu'accroupie sur le rivage d'un îlot, une jeune fille, une pêcheuse demi-nue, regarde l'étrange et trouble spectacle de l'abîme, toute molle, toute ouverte à la tentation.

XXIX

Oulïimaro mourait à Yédo, en 1806, le troi- i^ième jour du cinquième mois du calendrier lu- naire (1). Dans les anciens exemplaires deOu-

(i) L'année japonaise a douze mois, comme la nôtre. Le premier mois dans la langue poétique, et dans la langue parlée à la cour du mikado, s'appelle le mots aimable, à cause de la bonne amitié qu'on suppose, en- gendré*? parles cadeaux et les visites du Jour de l'An. Le nom du deuxième mois, c'est le mois où Von double ^€S vêtements, et c'est l'époque des grands froids. Le troisième mois, est le mois de la résurrection ou du f^orjjmnncement du printemps, très précoce sous ces latitudes. Le quatrième mois, le mois du deutzia, fleur ressemblant au jasmin. Viennent ensuite les mois fJe Kl Si'ckeressef le mois des missives, parce que, selon l'an^-ieime coutume, l'on s'écrivait alors des lettres de féljeiialions; puis les mois de la chute des feuilles, de iQ lonijife clarté, le mois sans dieu où la divinité, du tonnerre est censée mourir, sans être remplacée par une fi< lire, le mois de la gelée blanche, et enfin celui de 1-1 course des maitres, qui, dans les derniers jours de Tannùer sous le coup des affaires à terminer, sont toujour>5 par voies et par chemins.


OUTAMARO 141

kiyo-yé Rouikô, la date de la mort d'Outamaro est faussement donnée, comme ayant eu lieu le huitièmejour, du douzième mois de la quatrième année de Kwansei, qui est Tannée 1792. Or, TAnnuaire de Yoshiwara ayant été publié en 1804, et la planche représentant un « Olympe japonais » étant daté : Le jour de Van 1805, la vraie date de la mort d'Outamaro est posté- rieure : c'est la date de 1806, donnée dans un exemplaire d'une date plus récente, possédé par un amateur de Tokio, qui a bien voulu en faire faire une copie pour Hayashi, lors de son dernier voyage au Japon.


XXX

Le portrait, tel que nous l'exécutops en Eu- rope, Ut portrait représentant les traits exacts^ les linéaments rigoureux, les particularités d'un^ figure, ne se fait point au Japon, — sauf pcut-iïtre, tout à fait exceptionnellement, le parlrait de quelque prêtre ou quelque bonze. II n'y a donc pas à s'attendre à rencontrer un portrait, gravé ou dessiné, d'un visage d'artiste japonais. Heureusement que les peintres de là- ba*^ ont eu, parfois, la fantaisie de laisser d'eux, non une image de leur visage, mais une sil- |jou*iUc de leur personne. C'est ainsi que la tradition fait de deux ou trois planches d'Ho- kousfiï, des figurations du maître.

Pour la représentation d'Outamaro, nous avons mieux que des planches problématiques, nous avons la douzième impression de la série dos Tableaux de quarante-skpt ronins rep^ésen-


OUTAMARO 143

tés par les plus belles femmes^ qui nous mon- tre, dans la nuit d'un jardin du Yoshiwara, un homme au milieu de courtisanes, rendant une tasse de saké vide, à une femme penchée au- dessus delmi. Et sur le pilastre, au pied duquel l'homme est assis, est gravé : « Sur une de- mande, Outamaroa peint lui-même son élé- gant visage. »

L'inscription ne ment pas. Si ce n'est pas le visage, dont le dessin a toujours le hiératisme des figures d'album, c'est l'homme qui est élé- gant, et tout plein d'une recherche coquette dans le soin de sa chevelure, si bien relevée sur le haut de la tête, si bien peignée sur les faces, en l'attitude théâtrale avec laquelle il semble poser à terre, dans la distinction sobre de son costume, de sa robe de dessus, cette robe noire, toute semée de petits pois blancs, qui la font ressembler au plumage d'une pintade, — et au haut de la poitrine, se lisent dans deux petits ronds de soie jaune, d'un côté, Outa, et de l'au- tre, Maro.

Ici parlons d'une planche tirée de ce livre erotique intitulé : Le poème db l'oreiller (1788) qui montre, Outamaro, passé du jardin dans la maison, et dans une intimité beaucoup plus grande avec une créature de l'endroit.


lîi l'art japonais

C'est une grande composition en largeur, dans laquelle, au-devant d'une baie ouverte de terrasse, où monte la tige verte d'un arbuste, est couché sur un banc, un homme dont la figure qui fait face, est cachée par une femme viu! (le dos, Tembrassant sur la bouche, et ne laissant voir du visage de Thomme qu'un peu de joue, et un morceau de menton, que sa main a pit!5, et autour duquel elle tourne dans un empoignement passionné.

En cette composition erotique, il y a dans l'arrangement, le dessin, le coloris, comme un art amoureux de la reproduction de la f fi mine, de son abondante chevelure, de sa nuque frêle, de sa robe à la couleur foncée, seméfi de petits bouquets clairs, faits de ha- cliuros entrecroisées, et aussi comme un art amoureux de la reproduction de l'homme, de sa pose molle, de sa sensualité élégante, de sa partjsse voluptueuse, de l'interruption de l'allée tit venue de son éventail, portant la petite poé- sie allusive à la situation de l'artiste, comparée au bec de la grue, que l'on voit souvent dans les netzkés, pris dans une coquille bivalve : € Le bec fortement pincé par Vamajouri (co- i]{u\[e), r oiseau ne peut plus s'envoler, y> — et un éventail gris comme sa robe, la robe à l'imi-


OUTAMARO 145

tation d'un plumage de pintade, qu'il porte déjà, dans son portrait authentique, en le dernier des Tableaux des quarante-sept ronins, formées par les plus belles femmes, et qui me le fait tout à fait reconnaître.

Oui, la planche n'est pas signée, ne port*^ rien qui indiqua la personnalité de l'artiste, et cependant ce quelque chose d'intuitif, de révé- lateur, ce quelque chose d'inexplicable, éprouvé à la première vue de cette estampe, et dont on ne peut donner l'explication par des mots ou des phrases, me dit que: c'est peint par Outa- maro lui-même, un second portrait d'Outamaro, en conversation intime avec une courtisane aimée du Yoshiwara, peut-être la femme si sou- vent reproduite par son pinceau, la belle Kise- gawa — et tout me confirme dans cette présomp-^ tion,même l'anonymat, en cette planche indis- crète, de la figure de l'artiste, dissimulée par un baiser de femme.


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XXXI

Outamaro mort, sa veuve se remaria avec un de ses élèves, Koîkawa-Shuntiô, qui prit le nom d'OutsmiarOy et qui continua, sous ce nom, à exécuter les commandes faites au défunt. De là, dams l'Œuvre d'Outamaro, bon nombre d'im- presinons postant la signature du Maître, à la composition banale, aux têtes sans expression, aux colorations inharmoniques.

ËtTon n'a pas à compter seulement avec les impressions du mari de la veuye, pas à compter seulement encore avec les faux qui se produi- sirent au milieu de la grande popularité de Far-» tiste, eî le forcèrent, un moment, comme je Tai déjà dit, à signer ses planches : le vrai Outa^ marOj mais il faut rejeter encore, je le crois bien, un certain nombre de ses planches, faites dans son atelier par ses élèves Kikumaro,


OUTAMARO 147

Hidémaro, Takimaro, et autres, qu'il leur laissa signer de son nom.

Il arrive même que cet artiste d'un talent tout personnel , au commencement de sa car- rière, permit à Kiyonaga d'exercer une telle do- mination sur son œuvre, et vers la lin de sa car- rière, se laissa aller parfois à tellement ressem- bler à Toyokouni, parfois à tellement ressem- bler à Yeishi, que les collectionneurs, en cette dissemblance et cette infériorité d'un certain nombre dlmpressions, où ils ne retrouvent pas la belle maturité de la puissante jeunesse, Tori- ginal faire bien portant de l'artiste, se deman- dent aux jours <ie scepticisme qu'ont parfofe les collectionneurs, s'il n'y a pas eu plusieurs Oo- lamaro.


XXXII

D'après quelques kakémonos (en japonais : la chose qu'on accroché)^ parvenus en Europe, 4l'aprës Faquarellage d'une dizaine de bandes ile papier ou de gaze, la seule peinture connue au Japon, nous pouvons apprécier, nous pou- ►vons juger la peinture d'Outamaro.

Cette peinture, elle a la douce clarté, l'har- monie des tons délavés de ses impressions, en même temps que la hardiesse d'une touche de premier coup tout à fait remarquable, et que ne nous donne qu'incomplètement l'impression en couleur.

Dans ma collection, il est une Japonaise, vue de dos, représentée avec ce mouvement dans la marche, du ventre en avant, mouvement habi- tuel à la femme de là-bas, et soutenant d'une main qu'on ne voit pas, la lourde retombée de sa robe et de sa ceinture relevées.


OUTAMARO 149

Une pochade à l'encre de Chine, sur un pa- pier qui boit, et exécutée avec la furie, l'empor- tement, qu'un artiste européen met seulement parfois à son fusinage* De noirs écrasis de pinceaux mêlés, à deux ou trois balafres de ver- millon, ressemblant à des dessous de sanguine, -et où s'entrevoit, dans le barbouillage artiste, en bas de la queue de la robe, des toits de tem- ples couronnant des tiges de cryptomérias, eten haut, une frêle nuque de femme aux petits cheveux tortillonnés, au-dessus de laquelle s'é- tale une coiffure, ayant l'air d'un grand papil- lon, les ailes ouvertes.

Un autre kakémono de la même famille, et d'un /a/re semblable, est un kakémono appar- tenant à M. Hayashi. C'est une danseuse mi- mant une danse de caractère, une ancienne danse noble, sous le vêtement archaïque de cette danse.

Elle est coiffée du petit bonnet en forme d'our- Bon,t/e6o5Ae attaché sursescheveuxrépandus sur ses épaules, par un cordonnet noué sous le men- ton, etla danseuse se mouvant et se développant dans l'ample robe, tient de ses deux mains, ra- 4)aissé contre sa hanche, l'éventail uchiwa.

Encore une pochade enlevée à l'encre de Chine, sur un papier un peu foncé, où il y a

13.


150 l'art japonais

seulement une teinte rougeâtre sur la robe, et le carmin de Tattache de son bonnet et des glands de sa ceinture.

Un kakémono tout à fait supérieur, c^est celui d'OutamarOy que M. Binga exposé aux Beaux- Arts.

Il représente, dans un gracieux contourne- ment du corps, une femme attachant, de ses deux bras levés en Tair, une moustiquaire, au- dessus d'un enfant, étendu le dos à terre, les jambes en Tair : Sur Je joli ton gris du papier de Chine de la composition, se détache le vert de la moustiquaire, un rien de rouge du tablier de Tenfant nu, le noir puissant de la ceinture de la femme, une ceinture laquée, où s'enlèvent des branches de fougère brillantées sur le mat du fond de l'étoffe. C'est d'un effet extraordinaire, cette opposition de trois tons dans cette grisaille.

Une autre kakémono de ma collection vous montre une japonaise déroulant une poésie; Elle a cette figure gouachée de blanc, qui donne à presque toutes les femmes des kaké- monos, l'aspect pierrot, et est habillée d'une robe couleur rouille, au bas de laquelle se dresr sent des tiges d'iris aux fleurs blanches, et une ceinture noire, traversée dé bandes d'oisillôiiS,


OUTAMARO 151

du jaune rouge de la robe. Toujours comme dans le kakémono de M. Bing, roppositibn d'wn noir de laque avec des teintes délavera grâftde «au. ;

Enfin, mon travail terminé, on me fait toît, chez Bing, un immense kakémono, un kali^ mono de trois mètres SO centimètres de largeur sur deux mètres, 40 centimètres de hauteur,^un kakémono remplissant tout un panneau d'uiift pièce, et sur lequel est représentée une comgio- sition, où Ton compte vingt-six femmes. C'est là vue perspective d'un tournant de là galerie intérieure d'une « Maison Verte » aù-dessors d'un jardin aux arbustes couverts de neige, où sont groupées et joliment étagéès en de paa^es^ seux arrêts, où en des inontées rapides d'escar tiers, ces courtisanes, aux pieds nus, sous leurs somptueuses robes : des femmes jouant avec un petit chien, des femmes portant une colla- tion, des femmes se parlant du haut en bas de l'escalier, penchées sur les rampes avec d'élo- quents gestes des mains, des femmes la pensée distraite, un bras entourant le pilastre de bois contre lequel elles sont appuyées debout, des femmes faisant de la musique, des femmes, fri- leusement accroupies autour d'un brasero, sur lequel bout une théière, — et dans le fond, une


15Î l'art japonais

fetnine qui passe, portant sur son dos, dans un sac vert, des objets de literie.

Une composition où se retrouvent les types, les attitudes, la grâce des gestes d'Outamaro, mais dans un faire rapide, un peu grossement décoratif, sans limpidité dans Taquarellage ; une composition non signée, mais qui par la provenance serait incontestablement du maître, et dont voici quelle serait l'histoire. Sous le coup d'une des nombreuses appréhensionsd'em- prisonnement, qu'aurait éprouvées Outamaro, à la siiîte de la publication d'une planche sati- rique, l'artiste se serait caché pendant quelque temps chez un ami, dans une province éloi- gnée, et cet immense kakémono aurait été le remerciement de l'hospitalité qu'il avait reçue.


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XXXIIl

Outamâro, nous Tavons vu, de son vivant, avoir un grand nombre d'imitateurs de sa ma- nière,, qu'ils se soient formés à son école ou ailleurs; après sa mort c'est un plus grand nombre encore, et parmi lesquels figure en pre- mière ligne le nouveau mari de la femme du défunt. Mais ce sont des bas imitateurs, des pla- giaires, Outamaro n'a au fond qu'un élève qui l'ait continué avec des qualités personnelles. Cet élève est Shikimaro.

Certes, dans son livre qui a pour titre : Zenseï Tagû-no-Kurabé, réunion de femmes en grand

ÉPANOUISSEMENT DE BEAUTÉ, IcS fcmmCS, tOUtCS

longues qu'elles sont, dans l'amplitude, l'en- goncement, l'ondoiement des robes, dans la somptuosité écrasante des étoffes, dans la sur- charge des dessins et des broderies, n'ont plus la distinction élancée des femmes d'Outamaro;


154 l'art japonais

elles prennent un peu trop de la massivité de Tépithète portentosa, donnée par les Latins à leurs matérielles déesses, en même temps que leur grâce est plus tortillée, plus contorsionnée, disons-le, plus théâtrale.

Puis encore, ce n'est plus la discrète harmo- nie des colorations du maître. Il n'y à plus dans ces impressions, les transparences et les finesses des impressions d'Outamaro et de ses contem- porains — c'en est fini enfin de ce je ne sais quoi, qui leur ôte l'apparence de papier peint, que vont avoir les impressions modernes.


XXXIV

Ah ! les belles impressions de la fin du dix- huitième siècle et du tout premier commence- ment du dix-neuvième ! Ah ! les belles impres- sions d'Outamaro, qui ont pour les yeux de Tamateur de goût, le charme séducteur du fe- rag^erf'arf(l).Oui,ces impressions quiparaissent

(1) Ici une question. Est-ce que la beauté de ces im- pressions, on doit la mettre tout entière au compte du .peintre, et n*en tenir aucun compte au graveur, ainsi que ça paraît se passer au Japon, où le nom du graveur ne signant pas d'ordinaire, arrive bien rarement an pu- blic. Eh bien, je le croirais assez. Là-bas le- graveur ne me paraît être absolument que l'ouvrier du peintre, et travailler toujours sous son inspiration, et même n'avoir du talent que sous son œil. Je verrais dans cette surveil- lance de l'imprimeur, des raisons de l'habitation de toute la vie d'Outamaro chez son éditeur, où se trouvait l'ate- lier delà gravure. Et en effet la preuve de ce que j'affirme, «'est quand le peintre est mort, ou que vivant, le graveur ne tire plus sous sa surveillance, le tirage ne se ressem-


156 l'art japonais

n'avoir rien perdu à la vulgarisation mécanique- ment industrielle qui les popularise, et qui sem- blent être demeurées, dans leur interprétation par rimprimeur, des dessins du maître, — des impressions qui ont gardé la clarté, la limpidité, Taqueux de Taquarelle !

Oh, quand vous les mettez à côté des impres- sions modernes, quel contraste entre leurs har- monieux verts, leurs harmonieux bleus, leurs harmonieux rouges, leurs harmonieux jaunes, leurs harmonieux violets, avec les verts qui font mal aux yeux, les bleus durs, les rouges noirs, les jaunes vilainement couleur d'ocre, les vio- lets de cotonnade! Quel contraste entre leur transparence, et le ton mat, sans profondeur, de ces images dont les colorations râpeuses ont Tair faites avec des poudres de couleur à bon marché.

Qu'on regarde chez M. Gonse cette épreuve de la libellule dans les pavots, du livre des Insec-

ble plus. — Oui, au Japon, le tirage n'est pas le tirage indifféremment mécanique de notre tireur européen ; chaque tirage en ce travail non hâté de la commande pressée, est la tentative d'une réussite meilleure, l'effort vers l'obtention ûe quelque chose non obtenu jus- qu'alors, la satisfaction que se donne l'ouvrier, de faire sortir de dessous le bois, une image autre que la précé- dente ; une image plus parfaite, une image, pour ainsi dire nouvelle.


OUTAMARO 157

TES CHOISIS, — non l'épreuve dulivre qui est déjà très belle dans les éditions anciennes, — mais une épreuve du tout premier tirage, une épreuve d'essai peut-être, ce n'est pas de l'impression, c'est un dessin avec toute la finesse, la légèreté, le côté main (T homme d'un vrai dessin, d'une chose non reproduite à plusieurs- exemplai- res. Qu'àcôté,on regarde cette planche représen- tant deux femmes et une petite fille , àl'entrée d'un pont, ce n'est pas encore vraiment une impres- sion, c'est une aquarelle, une aquarelle, où le re- lief délicat de la broderie rehaussée d'un peu d'or fait si bien, car du gaufrage, de ce décor chez- nous de confiseurs, ils en ont fait un accessoire d'art dans leurs impressions ; et qu'on regarde, chez M. Gillot, toutes ces surprenantes épreuves, où il y a un si doux évanouissement de la cou- leur, une diffusion si tendre des tons, qu'ils vous apparaissent, ainsi que les colorations d'une aquarelle baignant un moment dans l'eau, ou plutôt, ainsi que les colorations moelleusement lumineuses des miniatures d'enfants, jetées à l'état d'esquisse par Fragonard, sur le gras d'une feuille d'ivoire.

Mais dans ce nombre énorme, invraisembla- ble d'impressions admirables, parlons un mo- ment de ces séries au fond d'argent, avec les

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158 l'art japonais

miroirs, devant lesquels les femmes font leur toi- lette, ces miroirs au cadre, et au petit chevalet, laqués en vraie laque. Parlons de ces impres- sions , aux mille détails d'une exécu lion précieuse , au rendu par mille petits traits, de la naissance fourmillante des cheveux, sur les tempes et sur le front, — des cheveux qui ne sont dans les impressions modernes qu'une masse confuse, boueuse (1), de ces impressions, ou dans l'ar- gentement du fond, mettant sur ces images comme un blanc reflet lunaire, les femmes, en leur discrète coloration, ont des chairs rose-thé, et apparaissent dans des robes bleu turquin, rose groseille, jaune d'or vert, enfin habillées de couleurs d'unetendresse,que jen'ai rencontrées sur aucune estampe coloriée d'aucun pays.

Du reste, les fonds, ça été toujours une grande préoccupation chez Outamaro. Il n'a jamais consenti à donner à ses femmes, comme fond, la blancheur crue du papier, les enlevant tantôt sur une teinte jaune paille ou orange, dont il brisait l'uniformité par de petits nuages d'une poussière micacée, à la fois noire et brillantée, tantôt sur une teinte grise ayant quelque chose

(1) C'est surtout à la finesse et à la netteté du travail de la gravure en bois dans les cheveux, que se recon- naissent, à première vue, les bonnes épreuves.


ÔUTAMARO 159

dans son travail du piétinement de la mei", sur une plage qu'elle a quittée. Plutôt de les laisser- blancs, ses fônds^il les fera traverser de Tondu- latioii d'une vague violette ou tabac. Parfois, ainsi que dans la série dont nous venons de par- ler, ses fonds autour des figures montreront comme Targentenient baveux du passage d'un colimaçon, produit par de l'argent ou par du blànc d'argent fait avec de l'ablette. Parfois ses fonds auront une apparence de métal oxydé, en un rappel des fonds de son prédécesseur Shi* rakou : — fonds bizarres, étranges, surprenants, avec leurs coloriages audacieux sur le métal, dés fonds sur lesquels, on dirait vraiment qu'en ces images de papier, le peintre $ voulu la pa- tine multicolore des bronzes japonais. Enfin lé croirait-on, cette recherche de ce qui peut ac- cidenter un fond, a été tellement grande, tel- lement poussée à l'ingéniosité, chez Outamaro, que dans une épreuve de choix, du « Bain chaud donné par une mère à son enfant », le bas de la planche est artistiquement empoussiéré du char- bon pilé, avec lequel on chauffe un bain.

Dans cette étude des belles impressions, la col- lection de M. Gillot nous offre les éléments de comparaison les plus instructifs, par la réunion de plusieurs états différents de la même compo-


460 l'art japonais

sition. Voici par exemple pour le « Nettoyage du

MATIN d'une maison VERTE, A LA FIN DE l' ANNÉE, »

trois états diflférents de coloration : un premier état, ou dans la linéature des contours les plus fins, c'est un assemblage de teintes délavées, et presque entièrement tenues dans des tons verdâtres, jaunâtres; un deuxième état, où se se perçoit comme l'introduction de soupçons de tons bleus et violets ; un troisième état dans ses couleurs naturelles, toujours harmonieuses, mais d'une polychromie moins distinguée.

Uue autre impression des plus curieuses est l'impression de « La princesse descendue de

9ON CHARIOT IMPÉRIAL, ET SE PROMENANT DANS LA

CAMPAGNE » qui est une impression à Tétat ordiixaire où domine le violet, et qui dans ce premier état de coloration, semble une tentative essayée par l'imprimeur, pour donner la sensa- tion d'une planche au tirage fait avec de l'or, et où tous les tons sont jaunes ou d'un bistre jau- nâtre, au milieu desquels se détachent les beaux noirs des roues laquées du chariot impérial.

Des résultats au fond obtenus par des moyens techniques (1), par l'épaisseur de papiers moel-


(1) On sait que dans la pâte du papier fabriqué avec l'écorce de l'arbrisseau, nommé en japonais KozOt


OUTAMARO 161

leux, OU la coloration n*est pas uniquement à la surface, mais a pénétré, a traversé le papier, en sorte que !e gros de la coloration est bu et retenu dans rintérieur, et qu'il n'apparaît d'elle que la transparence à travers la soie du papier japo- nais, à l'instar d'un ton sous un glaçage.

Mais ce n'est assez, il existe dans ces impres- sions, une décomposition de la couleur qui aide encore à l'illusion d'un lavage à l'aquarelle, aux tons rompus par le pinceau, une décomposition non seulement produite par l'air, par le jour, par le soleil, mais une décomposition voulue. C'est là, la conviction de Thabile imprimeur en couleur, M. Gillot,une décomposition préparée à l'avance (1) par des substances mêlées aux cou- leurs, par des jus d'herbe, par des secrets du métier qu'on ignore, et qui font des roses si pâles, des verts si délicieusement jaunes de vieille mousse, des bleus si languissamment malades des mauves où il y a de la gorge de pigeon : une décomposition qui, dans les aplats, où joue la


BroxjLSSonetia papifer, est ajoutée une substance lai- teuse, préparée avec de la fleur de riz, et une décoclion gommeuse du Hydrangea paniculata et de la racinede YHibisçus MenichoL

(1) Bracquemond me disait avoir fait des essais sem- blables sur des colorations de porcelaine.

14.


162 l'art japonais

couleur, amène des veînages, des marbrures^ des agatisations, comme il s'en rencontre dans les malachites, les turquoises, les pierres dures, et prépare ces dessous si extraordinaires, si adorablement nues, presque changeants, et n'ayant plus, si j'ose le dire, l'immobilité d'une teinte plate, sous le décor, sous la richesse de la broderie d'une robe.

Dans la recherche de l'harmonie générale r imprimeur va encore plus loin : l'épreuve qu'il tire, il la tâche, oui, il y jette des salissures, ressemblant à l'empreinte, qu'aurait pu prendre la planche en couleur dans le frottement d'une planche en noir, encore humide; mais comme ces saliÉ^sures ne sont répandues que sur les ter- rains, les boiseries, qu'elles ne touchent jamais aux visages, aux chairs des femines, il est incon- testable que ces salissures sont l'œuvre de rimpriaiour, sur l'indication du peintre.

Maintenant, qu'on le sache bien, les impres- sions, surties de dessous ce tirage d'art, n'é- taient pas, comme quelques-uns le disent, des impressions à l'usage du gros public, elles s'a- dressaicMït aux amateurs délicats, aux hommes de lettres, vivant autrefois au Japon dans Tintir- mité des artistes, aux femmes des daimios, et elles demeuraient de luxueuses images, jusqu'au


OUTAMARO 163

moment où elles sont devenues, dans les premiè- res années de ce siècle, de la marchandise vul- gaire, entre les mains d'éditeurs, désireux de faire de l'argent et s'adressant au goût de la basse classe, et sur du mauvais papier avec des bois mal coupés,remplaçant les colorations dis- crètes, amorties, harmonieuses des anciennes impressions, par des colorations criardes, ca- nailles : colorations contre la brutalité desquel- les, en 1830, le peintre Hiroshighé, lutta en vain pour ramener les colorations du dix-hui- tième siècle.


1


CATALOGUE RAISONNE

DE L'ŒUVRE

PEINT ET GRAVÉ

DU

MAITRE JAPONAIS


PEINTURES DU MAITRE


Kakémonos, — Éventails. — Dessins pour la gramtre. — Makimonos erotiques.

La peinture japonaise exécutée uniquement à l'aquarelle ne se produit guère que sous trois formes : le kakémono ou le makimono; Téven- tail; l'esquisse ou plutôt le dessin terminé, le dessin a l'apparence d'un dessin de graveur, fait par le maître pour la taille de la gravure en bois; — et encore ce dessin est-il toujours à l'encre de Chine, le peintre n'essayant ses co- lorations, que sur quelques épreuves tirées en noir pour lui et ses amià.

Dans les voyages au Japon et les descrip- tions d'objets d'art .du pays, il n'est pas parlé de kakémonos d'Outamaro conservées dans les IVIusées ou les collections de princes, et Hayashi n'ja pu me renseigner que sur un seul q^'il possède là-bas.


J68 l'art japonais

C'est un kakémono d'un faire très délicat, très léger, d'un lavage d'eau très limpide, représentant, sur un papier brunâtre, dans un médaillon, trois têtes de femmes : la tête d'une princesse chinoise coiffée d'un oiseau de métal; la tête d'une princesse japonaise, les cheveux dénoués sur les épaules ; la tête d'une femme de la cour.

M. Anderson dans- la grande collection des Japanese paintings, formée par lui, et cédée au British Muséum, en 1882, ne signale pas de kakémono d'Outamaro,et Hayashi n'en connaît pas en Amérique.

Les kakémonos que nous pouvons donc dé- crire, se bornent à ceux-ci :

Le kakémono de la femme qui attache une moustiquaire au-dessus de son enfant couché à terre, appartenant à M. Bing.

Le kakémono de la Japonaise déroulant une poésie, et le kakémono de la Japonaise vue par derrière, et d'une main qu'on ne voit pas soute- nant la retombée de sa ceinture et de sa robe : deux kakémonos qui sont ma propriété.

Le kakémono de M. Hayashi, représentant une danseuse mimant une danse de caractère, une esquisse rapide de premier coup.

Enfin le kakémono de trois mètres de lar-


OUTAMARO 169

geur de Bing, auquel il faut peut-être donner, pour pendant, un autre kakémono à peu près de la même grandeur représentant, éclaboussée d'or, une autre « Maison Verte » à l'époque du printemps, où sont peintes plus de quarante femmes, mais où je ne trouve pas le caractère d'Outamaro dans sa maturité, mais qui, à la ri- gueur, pourrait être un kakémono de la jeu- nesse de l'artiste.

Quant auxéventails, M. Wakaïl' ancien associé de M. Hayashi posséderait au Japon, sur papier argenté, un artistique éventail d'Outamaro, re- présentant une Japonaise en pied, d'un travail ' cursif,mais d'une grande habileté et d'un grand charme, — éventail qui serait monté en kaké- mono.

Pour les dessins d'Outamaro exécutés pour la gravure, on n'en connaît pas, ainsi qu'on connaît des dessins d'Hokousaï chez quelques amateurs, ainsi qu'on connaît des dessins d'Hokkeï chez M. Duret.

Outamaro a aussi laissé des makimonos, ces rouleaux de plusieurs mètres, où se déroule en largeur une composition, et où il aurait mis les meilleures qualités de son talent.

M. Hayashi posséderait au Japon un de ces rouleaux erotiques, d'une hauteur de trente-cinq

15


170 l'art japonais

centimètres sur une largeur de cinq mètres, à peine teinté sur papier écru de la Chine, et res- semblant assez à de certaines impressions de Shunman : des grisailles dans une tonalité lé- fçèrciment mauve, avec des riens de colora - lions discrètes, çà et là, et comprenant neuf scènes d'une exécution admirable. Le posses- seur déclare que les expressions, les attitu- des, les mouvements sont tellement de la nature et de la vie, qu'on oublie qu'on est en face d'une réprésentation erotique, et parlant du fini et la variété de Tornementation des robes, et au milieu de cela, de la valeur du noir de laque des chevelures dénouées de femmes, il aflirme qu'à son avis, c'est la plus, belle œuvre connue d'Outamaro.


k


LIVRES JAUNES


{Kibiôshi)

De ces petits livres, imprimés en noir, (d'un format de 17 centimètres de hauteur sur 12 de largeur), voici une bibliographie qui m'est don- née par Hayashi :

Histoire sommaire d'un coquet galant. Mi- nari-daïtsûjin Riaku-yenghi.

Petit livre, en 3 volumes, publié en 1781.

Livre de compte de reçus des mensonges. (?a?i- tori-tchô. Petit livre, en 3 volumes, publié en 1783.

Histoire de depuis (1). Sorekara iraïki. Petit volume, publié en 1784^

(i) Beaucoup de titres de ces petits volumes sont pres- que intraduisibles en français.


172 l'art japonais

L'univers au travers de la haie. Daïsen- sèkai Kakinosoto, Texte par San va. Petit livre, en 2 volumes, publié en 1784.

Détails sur la seconde liaison de Kajiwara. Kffjitvara saïken Nidono-ô. Texte par Shihô Sanjiii.

Petit livre, en 2 volumes, publié en 1784.

La profondeur de la pensée qu'on ne connaît PAS. HitO'Shirazu Omoïfukai. Texte par Shi- kilïiK

Petit livre, en 2 volumes, publié en 1784.

(Capacité militaire de Nitta. Nïtta tsusenki. Texte par Sadamarou.

Petit livre, en 2 volumes, publié en 1784 (1).

Oatamaro aurait laissé passer les années I78S, 1786,1787, sans publier délivres jaunes; il reprend la publication de ces petits livres, en

1788-

{{) M. Hayashi fait remarquer que les illustrations de ces livres devaient être faites avant 1784, et que le suc- cès d'Outamaro les a fdt imprimer tout d'un coup. L'année suivante/ 1785, ses deux élèves, Mitimaro et Yukimaro, publient quatre ouvrages, ce qui prouve, dit-ilt qu'à cette époque Outamaro n'était plus un jeune débutant.


OUTAMARO • 173

. La femme de neige du yoshiwara. (Au 1®' jour du 8® mois). Yuki ouna Kurmoa hassaku. Petit livre sans date.

Les septièmes des douze zodiaques Kammuri- Kotoba^ Nanatsumé jûnihishiki.

Petit livre, en 3 volumes, publié en 1789. •

Contes a l'ouverture du fourneau. Robiraki hanashi-Kutikiri. Ce sont de§ contes à l'occa- sion de la petite fête, qui consacre, à chaque retour d'hiver, le premier usage du chauffage pour la maison et le thé.

Petit livre, en 2 volumes), publié en 1789.

Le sapèque d'aoto. Tamamighaku Aoto-gha- zéni. '

Petit livre, en 3 volumes, publié en 1790.

Histoire de la longévité de yutchôrô. Yût^ chôrô Kotobuki banashi. Petit livre en 3 volumes, publié en 1790.

Les devoirs envers le maître et envers les

PARENTS SONT UN AMUSEMENT. TckÛkÔ ASOblSki"

goto. -

Petit livre, publié en 1790.

15.


174 L*ART JAPONAIS

Instruction sur place par les oreilles. Sa-- kusiki Mimigakumon, Petit livre, publié en 1790.

Contes des amourettes que je n'aime pas en- tendre. Ouwaki banashi.

Petit livre, en 3 volumes, publié en 1790 (1).


Outamaro aurait arrêté, en ce temps, la pu- blication de ses petits livres jaunes, renfer- mée, on le voit, entre Tannée 1783 et Tannée 1790, où a paru Thistoire du sapèque de Aoto*

A ces livres jaunes, il faut joindre les petits livres également imprimés en noir, du format des mangwa, et qui sont :

Le bouquet de la parole. Yéhon Kotoba-no- hmm^ publié en deux volumes, en 1787.


(l) L'ouvrage manuscrit Aohon Nempiô, Table des LIVRES JAUNES avec les dates, dont s'est servi M. Hayashi pour la rédaction de ce catalogue, n'indique le nom d'Oulamaro, qu'à partir de l'année 1781, où il commence, mais il est très probable qu'Outamaro a dû publier de petits livres jaunes antérieurement à cette date, sous un pseudonyme que l'on ignore.


OUTAMARO


175


Les moineaux de Yedo. Yékon Yédo-sKzumé. Poésies illusirées sur les endroits célèbres de Yédo, publiées en trois volumes, en 1788*

Poésies sur la voie l.\ctée, Kiôka Yéhon Amanoghawa, Un beau volume aux belles gra- vures, illustré de douze planches, et publié par le fameux éditeur Tsutaya, en 1790,

La danse de surugha. Yéhon Sm^gha-no- mai. Poésies sur les endroits célèbres de Yédo, publiées en trois volumes, en 1790-

Sgènes de la vïe. Yéhon Tatoyébushiipoémm aux allusions rythmiques), publiées en trois volumes, sans date.

Parmi ces livres imprimés en noir, je trouve encore dans la collection particulière de M* Bing, un petit livre, qui a pour titre Kan- nm boiikourOf Sac de la patienxe avec l'épi- graphe A'ejJ^^ faire crever r antre delà colère, un petit volume curieux ou les bonshommes ont sur leurs figures, les traits humains, rem- placés par des caractères, sous lesquels les Ja- ponais représentent les bons et les mauvais gé^ nies, et où une planche nous fait voir un pê-


176 l'art japonais

cheur retirant une quantité de ces têtes dans son éjiervier.

Un autre petit livre noir d'Outamaro, faisant partie de la même collection, et ayant pour titre Akéno harow, nouveau printemps, aurait été im- primé en 1802.


LIVRES EN COULEUR (1)


La natore argentée (la neige) Yéhon Guin sékai.

La neige au Japon, en ce pays de monticules et d*arbres pittoresques, est pour les poètes^ un motif d*inspiration.

Et là, Tadmiration de la neige descend des classes lettrées au peuple. Hayashi cite ce mot d'une servante, craignant de tacher le beau lapis du sol, et s'écriant un matin : « Ah! la nouvelle neige ! ce marc de thé, où le jetterai-je ? *

Et la pièce de vers de la maîtresse de Yosi- tsûne, connue sous le titre : Les Tracés des pas DANS LA ^^E1GE, ct qui dit : Je pense amoureuse- ment aux vestiges de tliomme qui a pénétré dans ta montagne de Miyosino, en se f rayant


(1) Je classe dans celte série les albums granda ou petits, qui ont un texte» un avant-propos» une préface.


178 l'art japonais

un chemin au milieu de la neige qu'il foulait des piedSy c'est curieux de la rapprocher cette poésie amoureuse sur l'amant exilé, du propos charmant de cette autre servante : « Oh de grâce, madame, ce matin, ne m'envoyez pas au mar- ché, le petit chien a fleuri la cour avec ses pat- tes. Je ne voudrais pas effacer cette délicate peinture avec mes gros sabots de la campa- gne j »

. Ce livre, à la suite d'un concours de poésies, ouvert à certaines époques de chaque année, et où ces poésies sont éditées en un volume, était illustré par Outamaro, de six impressions en couleur sur le même thème, que celui proposé aux poètes : La neige.

L'Admiration folle de la lune. Yéhon Kiô- qhétsubô.

Livre in-quarto, illustré de cinq planches doubles, publié en 1789,

Poésies japonaises sur la promenade du prin- temps. Yéhon Waka Yébisu.

Livre in-quarto, illustré de cinq planches doubles, publié sans date.

Le NUAGE des fleurs db cerisier. Yéhon Hana^ no-Kumo.


OVTkM\J\0

Livre in-quarto, publié sans date.


179


Fleurs des quatre saisons. Yéhon Shiki-nO' hana^

Compositions représentant des femmes, avec des fleurs à la première et dernière page des volumes : des fleurs jaunes de Kirià japonica pour riiiver, des narcisses pour le printemps, des iris pour Tété, des chrysanthèmes pour l'au- tomne.

Dans ce volume, une charmante impression représente un intérieur pendant un orage ^ où l'on voit un homme fermant les volets de bois, un enfant pleurant, une femme dans la pénom- bre verte d'une moustiquaire se bouchant de peur les oreilles : impression dont Outamaro a repris certains détails pour sa grande planche dû r Averse.

Livre en deux volumes, publié en 1801,


FiGuuE DE FmuEH, F ughenzô (en sanscrit S€i- mania Chadra) déesse boudhique de la classe Bodhisatawa, Fughen se traduit en sage univcr- seL

Cette déesse est adorée au Japon parallèle- ment avec Manju Manjiishirisaiawa, et dans


180 l'art japonais

sou illustration de ce livre, Outamaro fait allu- sion a la beauté vertueuse de la femme.

Un livre in-quarto, illustré de cinq planches doubles, publié en 1770.

De cette déesse Fughen, représentée sur un élci>haat, M. Gonse possède une petite image en couleur, qu'il croit faire partie d'un livre in- connu.

Annuaire des Maisons Vertes. Seirô-Yéhon Nenjû Ghiô'ji.

Livre imprimé avec la collaboration de Kiku- maro, d'Hidemaro, de Takimaro avec un texte/ de Jipcnsha Ikkou, et publié par l'éditeur Ka- aousaj a Tûsouké, en Tannée 1804.

Un petit livre, composé de la réunion de dix images de femmes à mi-corps.

Un petit livre composé de la réunion de dix images de femmes en buste, montrées dans tous les détails de leurs toilettes.

Un petit livre portant le cachet de Wakai, où sont figurées les occupations journalières de la vie des femmes au Japon, et en des groupements en pied de deux femmes, ou dune femme avec un enfant.

Ce livre ainsi que les deux autres, et qui font


\


OtTAMARU


Ui


tous les troisj partie des raretés bibliographie ([UCB, possédées par M* Gillot, semblent Être de la bonne imjïrcssion et du beau tirage du com- mencement du siècle.

Enfin un petit livre de la collection de M. Du- ret, ayant pour titre : Les Mœurs des femmes selon leur étai, et représentant:

l — Une danseuse ancienne; 2« — Une maîtresse de Uoto ; 3* — Une poétesse ; i"* ^ Une courtisane; 3° — Une nourrice; g*» — Une schinzô (apprentie-courtisane) ; l"" — Une messagère d'une princesse; 8"^ — Une veuve ; 9^ — Une coiffeuse ; 10" — Une docto- resse; 11 — Une tireuse de flèches et ven- deuse d'arcs; 12 — Une paysanne; 13" — Une marchande de bûches; 14^ — Une danseuse sacrée, niko\ 15^ — Une marchande ; t6^^Unes/t/oA'wm^(celle qui recueille Teau de mer pour le sel).

Un charmant exemplaire d'un petit volume du temps du gran*l dessin d'Oulamaro, et à la .sobre coloration.


Dans la série des livrer en couleur apparte- nant spécialement h T histoire naturelle, on connaît :

16


182 l'art japonais

Souvenirs de la marée rasse. ShioM-na-tsuto :

Poésies sur les coquillages par les membres d'une Société littéraire.

Livre d'un format grand in-octavo, et con- tenant indépendamment de la planche fron- tispice représentant une promenade au bord de lamer, et de la dernière planche représentant le jeu de Kai-awassé, six planches doubles de coquillages.

Livre publié vers 1780.

Les insectes choisis. Yéhon Mushi-yérabi : Livre ayant plusieurs éditions, dont les dernières sont tout à fait inférieures aux pre- mières, et dont les éditions les plus complètes renferment 15 planches.

Livre publié en 1788, et ayant en tête une préface de Toriyama Sékiyen.

Les cent crieurs (Concours de poésies sur les oiseaux^. Yéhon Momotidoriy livre publié par Tsutaya Jûzabrô.

M. Gonse possède deux éditions de ce livre.

La première édition contient huit composi- tions à double feuille.

La seconde édition endeux volumes, renferme quinze compositions, dans l'ordre suivant :


Premier volume.


183


1, Hibou sommeillant sur un vieux tronc d'arbre, près de plusieurs rouges-gorges, — 2, Poules d'eau et grues, — 3, Bec-figue et passe- reau, sur une branche fleurie de chrysanthème blanc- — 4, Pigeons, au milieu de feuilles mo- michi cl d* aiguilles de pins, jonchant la terre, — 5, Ghoueltc et geai, sur une branche de pru- nier mort. — 6. Martin pêcheur sur une tige de roseau, et canards mandarins, — 7. Aigle et émouchet, sur une branche de prunier fleuri.

Deuxième volume,

— 8* Mésanges, sur une branche de pêcher en fleurs, — 9, Cailles et râle de genêt, au milieu des joues, — 10, Gros bec et pivert, sur un troue de pin, — 11. Faisan ordinaire, poule faisane et bergeronnette^ au milieu des rochers. — 12, Faisan de la ChinCy et hirondelle volant à tire d^aile, — 13. Verdiers, sur des brindilles de bambous, — 14. Roitelelj sur une branche de gênet fleuri, et hérons, dans les roseaux. — 15. Coq et poule.

Suite DES cents crieurs. Véhon Momotidori Kôhen : Ne serait-ee pas le second volume, regardé


ïî*i l'art japonais

comme la seconde édition de Yéhofl Momo-

(idorit


Un livre à joindre aux cent crieurs, est ce livre que possède seul à Paris, M. Gonse, et ilunt on n'est pas sûr, que le nombre de dix planches soit le nombre des planches de Tou- wage complet. Il porte pour titre : Copies iMïisEAux ÉTRANGERS joar uu fonctionnaire de Nfffjasaki, pour être présentées au shogun.

L Perruche à longue queue. — 2. San- Ëunnet, dans les branchesd'uncerisier en fleurs. — 3, Fauvette, au milieu de pivoines. — 4. llin'hequeue, parmi des fleurs d'eau. — 5. Fai- sans de la Chine argenté, coq et poule. — 6. Perdrix grise d'Europe. — 7. Loriot picorant des nèfles du Japon. — 8. Rouge-gorge, sur une br:mche de momichi. — 9. Geai, sur une bran- elio de camélia fleuri. — 10. Gelinotte.

En outre de ces séries, il existerait dans un format dépassant le format des « cent crieurs » une suite de grands oiseaux dont M. Gonse possède une impression représentant un fau- con sur un branche de prunier en fleurs, et dont M. Bing possède une grande cigogne, toute droite dressée sur une branche de sapin ^ à ^ôté d'un nid où il y a sept petits, poussant


OVTAMARO


i8S


des cris d*alarme, devant un danger inconniu A ces livres sur les coquilles , les insectes, les oiseaux, joignons ces fragments de livres tenant un peu à la botanique*

M. Gillot possède les planches séparées d'un livre, qui vraisemblablement est un des nom- breux livres faits là-bas, pour la composition de bouquets et leur arrangement dans les vases: talent d'agrément, qui fait, au Japon, partie de Féducation d'une jeune fille distinguée.

Ces planchea tirées en noir avec quelques ava- res colorations jaunes, sont au nombre de sept. Elles sont toutes signées d'Outamaro-

Quatre autres planches plus grandes, etd'unc impression précieuse, venues du Japon dan& un lot d'Outamaro, et qui lui sont attribuées, mais d'un dessin et d'une coloration un peu chinoises, me semblent d'une attribution dou- teuse.

Parmi les planches décoratives, empruntées par Outamaroà l'histoire naturelle, citons en* core des planches de la collection particulière de M, Bing, d'un grand style, dans une tonalité -un peu archaïque.

Ce sont deux impressions: Tune, où à côté d'une plante de la mer se traînent deux crabes, rautrc, où se voit une tige de chrysanthème, au

16.


186 l'art japcïnais

pied entouré d'une botte de paille de riz, ap- puyée sur une bêche Japonaise.

Et encore deux planches d'une série dont nous ne devons avoir en France que des im- pressions isolées, et dont la seconde a été tirée sur papier ordinaire et sur crépon. La première représente deux caisses de fleurs superposées, au dessus d'un puits japonais; la seconde repré- sente un crapaud tenant dans sa gueule un vase en forme d'une feuille de lotus à demi déroulé, dans lequel est une tige d'arbuste aux fleurs jaunes et violettes.

Je retrouve enfin pendant l'impression dei» épreuves, deux planches de cette série; l'une, c'est une tortue portant, dans un vase semblable à celui du crapaud, un bouquet de chrysanthè- mes; l'autre, c'est un dieu Yébisu, tenant au- dessus de ses deux mains, dans un vase de spar- terie, une branche de cerisier en fleur.


Donnons maintenant les quelques planches en couleur isolées, publiées par Outamaro dans les ouvrages illustrés par ses confrères.

Dans OtokO'foumi-outa, Recueil de poésies LÉGÈRES illustré par plusieurs artistes, et renfer- mant une si belle planche d'Hokousai, Outamaro


OUTAMARQ


187


a dessiné l'inlcrieur d'une maison de thé, où dans une pièce décorée d\in paravent, représen- tant le Fuzi-yama, est préparée une collation, au milieu de femmes, dont Tuno porte un oiseau dans une cage*

Dans Haru-no-iro. Couleur du printemps, un livre de Kioka (poésies légères) illustré par divers artistes, et qui a paru en 1794, Outa- maro^a dessiné une feuille, représentant un repasseur de miroirs.

Dans le Haigu-rakou-rhitQU-tsou, Portraits DES ACTEURS DE YÉDo par Toyokouni et son élève Kounimasa (1789-1793). Outamaro, en outre du frontispice, composé avec les accessoires de la danse de No, a dessiné la petite planche re- présentant un acteur, assis qui fume, en regar- dant la sortie de trois femmes du théâtre»


GRANDES IMPRESSIONS

(NishikUYé)

Ces grandesimpressions, composées générale- ment de trois, de cinq, et même de sept planches, en ce pays de paravents et de portes à coulisse, sont collées les unes au bout des autres, sans un verre qui défende des détonations de Tair (1), les charmants revêtements de ces parois mobi- les. Quelquefois les compositions de maîtres célèbres sont montées dansune bordure d'étoffe,, enfermée dans une baguette de laque.

IMPRESSIONS COMPOSÉES d'uNE OU DEUXf PLANCHES

Les trois manières»

Planche qui représente avec trois physiono- mies de femmes, la manière de rire, la manière de pleurer, la manière de se mettre en colère.

(1) Cela explique l'état fatigué» enfumé de la plupart de ces impressions, et la difficulté de les rencontrer dans les conditions, où Ton possède les estampes européennes.


OUTAMARO


18»


Cea femmes je crois un peu grises de saké, sont offertes comme une traduction du proverbii japonais qui dit; « Quand on a bu, ta manière sori. >

Flanche unique, qui peut être aussi bien celle d'une série non continuée, que d*une planche à partr

Composition où Ton voit une femme accrou- pie sur ses talons faisant danser sur le haut d'un écran, un singe que regardent deux enfants, De^ caractères rouges, semés sur la planche, nous apprennent qu'une superstition du pays veut que cette danse chasse des maisons, la petites vérole.

llayashi croit que la composition est complète en une seule planche.

Paire de courtisanes.

Impression composée de deux planches.


IMPRESSIONS TRYPTIQUES Le PREMIEU JOUB DE i!m.

Impression tryptique décrite plus haut.

Femmes montées sur une estrade improvisée, attachant en Tair des branches de pin, des colo- quintes, des pièces de poésie.


190 l'art japonais

Les préparatifs d'une fête à Toccasion du Jour de l'An.

Impression tryptique.

Le mariage.

Impression tryptique décrite plus haut.

Le mariage après la cérémonie.

Lamariéechangedecostume,devantungrand miroir en laque, posé à terre, au milieu de fem- mes préparant sa nouvelle toilette.

Impression tryptique.

Sept femmes de la cour d'un daimio, sept longues et élégantes femmes, coiffées de cette cornette faite par une bande de soie roulée au- tour de leur coiffure, arrêtées dans un paysage, où un rideau de verts iris, fleuris de toutes les couleurs, leur montent jusqu'à la ceinture, masquant tout le bas de leurs robes.

Composition du style le plus noble et de la plus grande rareté.

Impression tryptique.

Dans un paysage, tout rosé de la floraison des cerisiers, sous uu tendelet violet, est réunie une nombreuse société de femmes nobles. Dans le


OUTAHARO


19Î


fond, on aperçoit un riche norimon posé à terre ; au premier plan à droite, un domestique a la ^arde d'un barillet de saké. Impression tryptique.


EmBARQLE3HENT d'une PttlKCESSE POUE LA TRAVER- SÉE rt'CNE RIVIÈRE.

LeB grandes malles à robes déjà descendues dans le bateau, la princesse va s'embarquer, es- cortée d'une femme portant le fumoir, d'une lemmc chargée du sac à parfums et du petit sabre d'apparat.

Imjiression tryptique*

Princesse descendantjsur un marchepied, d'un

grand cbarriot aux roues laquées, aux revête- ments de soierie, un cbarriot impérial, pendant qu'une femme lui présente un éventail, et qu'elle est regardée par deux femmes dont Tune, est couchée sur une terrasse, et encore par le prince j h peine visible derrière un store. Impression tryptique*

Danse d'une guesha dans vn pal^vis de daimïo* Impression tryptique décrite plus haut.


jy^ l'art japonais

Vj>Ue d'une femme de la noblesse à une autre icmiiu' de la noblesse.

Les deux femmes s' avancent Tune vers Tautre, an seuil d'une habitation, dans un jardinet, où monU; au milieu un grand buisson de chrysan-

f mjiression tryptique.

Hepùs sur une terrasse au bord de la soumida.

U[i jeune prince, dans une société de femmes 4onl l'une emporte sa robe de dessus, où Ton a p e l'çu î t à travers la légère étoffe noire , une lettre ^mcliolée, peut être destinée à la femme empor- (aiit 1k vêtement.

lin[iression tryptique.

Une princesse sortant de son norimon pour liren<Ire le frais au bord de la mer, pendant <]u'inn[; de ses femmes lui met sous les pieds des espèces de babouches, et qu^'une autre ouvre un pîinisul sur sa tête.

Impression tryptique.

Un daimio à cheval, un faucon sur le poing, traverse un petit cours d'eau, dans l'escorte de femmes, l'une portant sa lance, une autre son


OUTAHARO 193

sabre, une dernière on faucon* Le Fuzî-yama dans le lointain. Impression tryptique.

Intérieur d'un daimio où une société de fem- mes s'amuse à regarder danser un jeune prince en roI>e noire, en pantalon-jupe violet, réventail abaissé sur la hanche.

Impression tryptique*

Un hatean plat que fait glisser sur Teau, un homme pesant sur un long bambou. Au milieu, un daimio, un faucon .sur le poing, et entouré de femmes dont Tune se retourne pour embrasser son enfant qu'elle a sur le dos.

Impression tryptique.

Japonaises escortant un charriot impérial. De- vant marche une princesse sur la tête de laquelle une femme de sa suite tient ouvert un riche pa* rasol, et Ton remarque dans rescorte,une autre femme portant au dos un carquois rempli de flèches.

Impression tryptique.

Deux femmes menant en promenade un petit daimio portant sur le poing, en place du faucon

17


194 l'art japonais

avenir, un moineau; Tune des femmes tient sous son bras le petit sabre de l'enfant. Dans la planche de droite une marchande, portant deux paniers sur l'épaule au bout d'un bâton, offre à une promeneuse une aubergine. Impression tryptique.

Une princesse descendue de son charriot im- périal, tendant une bande de papier couverte d'une poésie à un jeune homme, agenouillé à quelques pas d'elle. Cette poésie serait une dé- claration d'amour, et dans sa timidité, le jeune homme a, comme un évanouissement d'amour, dont la défaillance est soutenue par une femme de la princesse, penchée sur l'adolescent.

Impression tryptique.

Danse noble.

. Schizuka, la maîtresse de Yoritomo, au son des tambourins et des flûtes des musiciennes mi- mant une danse de caractère, l'éventail rouge couleur de sa robe, abaissé d'une main, un bras faisant ondoyer le flottement d'une écharpe au- dessus de sa tête.

Le curieux de la composition pour qu'elle ne soit pas trop historique, c'est que Yoritomo, l'il-


OUTAMARO


195


lustre amanl de la femmCj est figuré par une femme qui est censée le représenter. Impression Iryptique,

Trois groupes formés d'un homme et d'une femme, vus jusqu'à la ceinture.

Composition allusiveau voyage de Narihira, grand seigneur poêle, voyageant à Test de Kio- to, pour se rendre au Fuzi-yama, dans un temps, où la ville de Yédo n'existait pas.

Impression tryptique.

Au milieu de grandes herbes folles, prome- nade de femmes portant des lanternes, et sem- blant à la recherche d'un homme qu'une femme cherche à cacher derrière elle.

Un épisode sans doute du roman où Aghémaki cache Soukéroku,


Fête du pîilntkmps ou l'on va chercher dans la campagivï des pousses de pik,

Dans cette planche, au milieu de femmes char- gées de rameaux d*arbres verts, Ton voit deux fillettes se disputer, s'arracher des main» une grande branche de pin.

Impression tryptique.


196 l'art japonais

Promenade admirative des cerisiers en fleurs dans la campagne.

Planche des commencements d'Outamaro,où il n'est pas encore lui, où il n'a pas encore trouvé la sveltesse de la taille de ses femmes, et leur ovale long.

Impression tryptique.

Au bord d'une rivière torrentueuse,xine habi- tation, d'où descend une société de femmes pour regarder le courant,tout chargé de fleurs de ce- risiers. Parmi les femmes restées dans l'habita- tion est une grande fillette, tenant dans ses bras une poupée.

Impression tryptique.

Une société de femmes regardant d'une ter- rasse, à l'époque de la floraison des pivoines, une rivière qui semble couler de ces fleurs, tant les vaguettes en charrient.

Impression tryptique.

La musique, le jeu, la peinture, l'écriture, les quatre occupations agréables.

Une société de femmes, assises sur leurs talons à terre, en des admirations enfantines devant


Ol'TAMARt)


191


des kakémonos étalés sur le sable d^ un jardinet; tandis que dans un pavillon, une femme écrit une lettre à côté d'une femme^laîsant de la mu- Bique, et que dans un autre pavillon très éloigné, deux japonais sont en train de jouer. Impression tryptiquc*

OCCUPATIOÎÎS DE LA VIE PRIVÉE.

Au milieu de femmes occupées de travaux de leur sexe, un jeune japonais jouant dans un coin d^ appartement avec une jeune fdle au sougorokou — un ]Gu ressemblant tout h fait à notre jeu de jacquet.

Impression tryptique.

La danse au piège.

Deux femmes agenouillées, s'eiïorçant d'en- lever au milieu d'un grand nœud lâche d'une cordelette de soie qu'elles font tourner, d'cnle- ver une coupe posée à terre. La perdante est condamnée à danser jusqu'à ce qu elle ait pu saisir dextrement la coupe » au milieu du tournoiement rapide de la corde, qui lui prend le poignet, si elle la manque.

Impression tryptique-

Une plage couverte de monde, au bord de la

17.


198 l'art japonais

mer, où passent des barques chargées de monde. Dans un coin un pêcheur à la ligne, Tatten- lion au poisson qui mord, tout en fumant sa pipe. Au milieu de la planche, un enfant qui s'amuse à faire danser un crabe au bout de sa ligne.

Impression tryptique.

Une rivière, où sur deuxbateaux, des hommes et des femmes se livrent à la pêche à la ligne, et où dans Tair, on voit frétiller un poisson pris à un hameçon.

Impression tryptique.

Promenade aux environs de Kamakouro,-Où Ton voit une femme dans un kago déposé à terre (le kago est le norimon bourgeois.)

Planche tryptique.

Japonaises dans la campagne^ dont Tune lient tendrement son enfant contre sa poitrine, tandis qu'un petit japonais lève les mains en Tair, dans rétonnement d'une envolée d'oiseaux traversant tout le ciel.

Impression tryptique.


outamaro 199

La hécolte des kakis.

Des femmes faisant tomber de grands arbres avec un hambou à crochet, ces espèces d'o- ranges.

Impression tryptique.

Le grand pont de la soumida.

Neuffenimes, dont l'une tient un enfant jouant entre ses bras, neuf élégantes femmes, debout ou accoudées sur la traverse du pont^ cau- sant, s'éventant, regardant l'eau de la rivière couler.

Impression tryp tique.

Promenade de femmes et d'enfants au bord de la Soumida,

Une représentation de la nuit, de son obscu- rité dense, profonde/mystérieuse, qu*aiment à reproduire les maîtres japonais : une com- position vous donnant le spectacle de Til- îuminalion, promenée par des robes d'été de femmes, sur cette plage au noir dune plaque de laque, en face de cette eau ténébreuse que traverse un pont aux pilotis n'en finissant pas, un pont qui a le caractère d'une projection de lanterne magique, sous un ciel d'un bleu


200 l'art japonais

sombre, pailletéd'étoilessi nombreuses, qu'elles semblent des flocons de neige» Impression tryptique.

Pèlerinage de femmes, les pieds nus, dans le flot de la mer, sur la plage d'Isé.

Impression tryptique décrite plus haut.

Une galerie ouverte donnant sur des jardins, une galerie peuplée de femmes, dont Tune ha- bille un enfant, et où, du dehors, une servante tend à une femme, sur le pas de la porte, un bassin et une serviette de coton rouge, pour le débarbouillage de l'enfant.

Impression tryptique.

Les lucioles.

Impression tryptique décrite plus haut.

Une plage, au bord d'une mer, au milieu de laquelle s'élève un îlot vert, une plage ou se promènent des femmes, dont Tune s'appuie sur un haut bambou. A droite un homme rattache sa chaussure, à gauche dans un kago déposé à terre, une femme fume à côté d'une femme.


ÛUTAMARU


201


assise près du petit véhicule, et en train d'allu- mer sa pipette.

Impression tryptique,

Voyage sur Teau, pendant lequel le bateau est accoiàté par une barque ^ où la femme du pê- cheur offre du poisson aux voyageuses occu- pant la cabine, sur le toit de laquelle s'évente d'un grand éventail» le batelier qui y est couché.

Impression trypUque.

Une femme péchant à la ligne dans un grand bateau, conduit par une batelière, et qui est ac- costé par une barque, où est une pêcheuse en train de jeter son filet.

Impression tryp tique.

Une barque, dans laquelle une fillette desha- billée noue un linge autour de ses cheveux, prête à s'élancer de la barque dans Teau, où nagent déjà d'autres enfants.

Impression tryp tique.

Les portraits des beixes femmes célèbres ac- tuelles, (Femmes honnêtes).

Composition imprimée sur fond jaune. Impression tryptique ,


202 l'art japonais

La classe des enfants.

Composition inspirée par la pièce de théâtre portant le titre de : Tenaraï-Kagami. Impression tryptique.

Trois manières de faire lire les enfants. Impression tryptique (1).

Enfants jouant a la guerre.

Un petit garçon faisant le cheval de bataille, un autre portant le drapeau, un autre bran- dissant l'enseigne de général : un assemblage


(1) Sur l'éducation des enfants, donnons cette note curieuse de M. Hayashi, dans la publication sur le Japon, parue dans le Pans illustré.

L'éducation, au moment de la publication de ces estampes, était donnée par les parents et s'appelait : Education du Jardin de famille.

Elle consistait : 1° à apprendre, à lire l'alphabet japo- nais et les caractères chinois les plus utiles; 2° à faire entrer dans l'idée de l'enfant les principes moraux de Confucius, résumés aux devoirs envers les maîtres, les parents, les amis.

Il était d'usage que les parents racontassent aux en- fants, le soir, après dîner, toutes sortes de légendes na- tionales ou d'histoires de la Chine, qui pouvaient servir de modèle de conduite.

Lorsqu'un enfant n'était pas sage, on le menaçait en lui disant qu'il n'entendrait pas telle ou telle histoire, et il obéissait de suite. Ainsi avant d'arriver à l'âge, où Ton


OUTAifAKO


203


au bout de la hampe d*une lance, de petites gourdes retonibanles autour d'une grande gourde, flxée toute droite.

Impression que j'ai Heu de croire une im- sion Iryp tique,

La CULTUBE des GltAVURES A YÉDO, LA PRODUCTION CÉLÈBRE DE CETTE VILLE,

Impression tryptique déjà décrite.

Une impression isolée qui m'est tombée sous les yeux me ferait croire qu'Outamaro a des- -siné une autre composition de trois planches sur le même sujet.

Cette impression représente le mur d'une boutique toute couverte triraages en couleur, au miiieu desquelles sont .suspendues trois ka- kémonos, tandis qu'un japonais agenouillé dé- apprend à lire, les enfarjis connaîssaîenL bien des choses de la vie. Car on ne leur racontait pas des contes de Barbe bleue, des miracles buudhiqiieg, on leur racontait la biùgrapbie des tionames célèbres.

Il y avait aussi des institutions privées, tenues par des maitres et des institutrices, qui non seulement appre- naient aui enfants à lire et à écrire, mais leur ensei- gnaient encore la politesse et les convenances. Ces insti- tutions portait le nom de Tera, temple boudliique, et les élèves s'appelaient Terako^ f enfants de Tera i, Tédu- calicn ayant été donnée prirailivement par des prêtres boudhtques.


204 l'art japonais

ficèle un paquet d'impressions, tandis qu'une femme assise sur une estrade entre deux ou trois feuilles peintes, un cornet, un pinceau un moment abandonné, arrange une épingle de sa chevelure,* pendant qu'un enfant sur ses genoux lui tend une feuille de papier, encore blanche.

Les femmes dans la cuisine.

Dans les deux rares feuilles imprimées, qu'on connaît jusqu'ici de la composition, une femme soufûe le feu dans un bambou, une autre enlève d'un fourneau une théière, dont l'eau se répandant a fait un nuage de vapeur, une der- nière épluche une aubergine.

La troisième feuille qu'Hayashi n'a jamais rencontrée est introuvable.

Impression tryptiqne.

Femme près d'un fourneau entouré de fla- cons et de bouteilles, soufflant du verre dans un bambou, et à laquelle une autre femme apporte une boite remplie de petits bâtonnets.

Impression que je crois tryptique.

Fabrication du saké blanc, du saké pour dames, d'un saké doux à peine fermenté. Un press'oir, dans lequel on voit la fermenta-


OUTAMARO


205


lion du riz jaillirsous la meule de pierre, pressée par l'immense bras de boîSj que deux femmes pesant dessus^ fonttourner à l'instar de chevaux de manège.

La représentalîon d'une fabrication indus- triclie, un peu idéale, une fabrication se pas- sant dans un palais, et où les deux femmes, fai- sant le métier de chevaux de manège, ont tout Fair d'Allégories vêtues des plus belles robes de TE m pire du Lever du Soleil.

Impression tryp tique.

Les teinturières.

Une grande bande d'étoffe violette, tendue entre deux arbres, séchant au soleil, dont une teinturière fait le nettoyage , et qu'attouche

une promeneuse en passant^ et sur laquelle, tenu par sa mcrCj est penché un enfant voulant embrasser sa sœur à travers l'étofl*e, qui lui fait paroi tre le visage pourpre. Impression tryp tique.


Les plongeuses*

Les trois pêcheuses de coquilles comestibles,

appelées au Japon awabi. Impression tryptique décrite plus haut.

18


Î06 l'art japonais

Les plongeuses :

Composition différente de la première.

Planche tryptique décrite plus haut.

Les porteuses d'eau salée (Shiokumi).

Elle sont représentées en leur arrange- ment pittoresque, avec le bâton courbe soute- nant les deux seaux, et leurs jupons de roseaux, ressemblant à de grands pagnes. De Taulre côté de Teau, dans le lointain, les toits des sa- lines, où elles vont porter Teau de mer.

Impression tryptique.

Collation de poésies.

Une des planches représente une femme, en train de tracer au pinceau, une poésie. Le titre de la composition est écrit sur un grand maki- mûso, en haut de la planche.

Impression tryptique.

Un intérieur, où une femme à demi couchée, est appuyée sur une main, posant à terre, et la maintenant soulevée en un gracieux mouve- ment.

Planche où est imprimée une grande pièce rtc poésie dans un cadre rouge en largeur.


OLTAMAHO


207


Planche que je suppose une planche tryp- lique.

Trois femmes comparées a trois philosophes. Impression tiypUque,

Trois poètes (représentés par des femmes). Impression tryplique,

La ^'EIc;E, la liipîe, la fleur.

Dans un compartiment, une femme, qui a encore à la main, le pinceau avec lequel elle vient d'écrire un poème. Près d'elle une amie, les mains retournées, tordues dans un éli- rement de grâce de ses bras tendus, le long d'elle. En une autre compartiment j une femme lisant une lettre, qu'une servante lui apporte*

Impression tryptique*


Le sakÉj qui peut se traduire à peu près ainsi. Ceux qui ont trop bu, sept postures (ivresses) différentes.

C'est la représentation, sous une femme appuyée sur le barillet entouré desparterie, de


208 L*ART JAPONAIS

rivresse morose, de l'Ivresse bavarde, de rivresse dansante, de rivress3 hallucinée qui fait de la musique avec un éventail sur nn balai — et même de Tlvresse paillarde, figurée par la prise des tétons d'une grosse femme débraillée par un vieillard squelette, dans une troisième planche très rare, et qui porte le nombre des ivresses à huit au lieu de sept. Impression tryptique.

Femmes apportant des barillets de saké, au- tour d'une autre femme, dansant un éventail à la main, et au-dessous de laquelle, des êtres aux cheveux rouges des shôjô, des génies du saké, lappent, accroupis à terre, comme des animaux, d'immenses coupes de l'alcool japonais.

Impression tryptique.

Fête, sur une terrasse donnant sur un golfe, aux rives les plus accidentées, et daus laquelle, près d'une collation servie, une femme et un homme jouent à un jeu japonais, où Ton compte sur les doigts des deux mains, opposées les unes aux autres.

Composition toute imaginative dans le goût chinois, et où la coloration, tenue presque abso- lument dans les trois tons, jaune, vert, violet,


OUTAMARO


209


est la coloration des porcelaines de la famille verte.

Impression tryptique.

Les grues de Yoritomo. Impretàâion Iryp tique déjà décrite.

Dans un paysage montagneux, des femmes portant de petites hottes-armoires en bambou, sur leurs épaules, et dont Tune cause avec une laveuse, au bord d'un ruisseau.

Une composition qui rappelle, sous le voile de Tallégorie, la mort du terrible brigand Shuten- dôji de la montagne Oyey ama, tué par Kintoki et ses héroïques amis, travestis en prêtres. Or, ces femmes portent sur le dos les hottes-armoires, dans lesquelles les prêtres, les justiciers de Shuten-dôji, portaient les Boudha et autres figurations religieuses.

Impression tryptique.

Le prince exilé entre les deux porteuses de sel, Matzugazé et Mourasamé. Impression tryptique déjà décrite»


18.


210 l'art japonais

Les trois coupes.

Composition allégorique entre sennins, hom- mes et femmes de longévité. Impression tryptique.

Occupations du printemps.

Pièce allusive aux sept dieux de TOlympe japonais.

L'Olympe japonais est composé de Benten, Bishamon, Daikoku, Yébisu, Fukuroku — Jiu,Hoteï, Juro, les sept Kamis : Benten, la déesse des arts et de Thabileté manuelle, repré- sentée, la tête ceinte d'une couronne d'or, et jouant ordinairement du biwa^ de la mandoline à quatre cordes ; — Bishamon, le dieu et le pa- tron des soldats, cuirassé et casqué, et tenant d'habitude, dans sa main gauche, une petite]pa- gode, où sont enfermées les âmes des dévots, qu'il a mission de défendre ; — Yébisu, le père nourricier du Japon, avec les centaines de pois- sons, de crabes, de mollusques, d'herbes mari- nes comestibles de ses mers, et ses vingt-six es- pèces de moules et de coquillages, le dieu de la mer, le patron des pêcheurs, reconnaissable à son gros fessier dans un pantalon à damier,, à son large rire de polichinelle osque, à sa ligne ou pend un tay^ le poisson préféré du japonais;


OCTAJIIARO


211


— ^DaikokUj le dieu de la richesse, un maillet à la main, assis sur un sac de riz; — Fuku- roku-JiUj le dieu de la longévité, vieillard à barbe blanche, au front conique et démesuré- ment élevé par sa méditation conlinuelle^ ap- puyé sur un bâton de voyage; — Hotei, le dieu de l'enfance portant sur le dos un barillet, rem- pli de friandises pour les enfants qui sont sages, et qui cEt quelquefois figuré avec des yeux tout autour de la tête, à Teffet de voir les enfants méchants ; — enfin Jiiro, dieu de la prospérité, le plus souvent monté sur un cerf, et figuré sous un bonnet carré j déroulant un grand rouleau, un cdit de bonheur généraK Impression tryp tique.


PI^^CEAU AUTHENTIQUE DE DAIKOKIT.

Une planche représente Daikoku, devant une petite table, faisant son portrait sur un kaké- mono, tout entouré de femmes, dont Tune, agenouillée, roule un portrait déjà fuit du dieu, tandis qu'il est dominé par une autre élégante et charmante femme, qui s'apprête à lui tendre une feuille de papier, pour que le portrait qu'il est en train de faire, une fois fini, il en recom- mence un autre pour elle.

Impression tryptique.


iU l'art japonais

Année de bonne récolte. Composition satirique sur les dieux s'amu- SLint à jouer une pièce de théâtre. Impression tryptique.

Lh MAniAGE DE LA DÉESSE RENTEN.

Composition caricaturale représentant le mariage de la déesse, avec une figure à grosse tête, au m il le u de six mannequins grotesques, liguraiil les six dieux — cela dans le rire de femmes, — rire qui fait du visage d'une mousmé une figure pareille aux figures, libidineuse- ment comiques, de certains petits masques en ivoire.

Impression tryptique.

Les dieux un l'olympe japonais.

Autre composition sans titre, où Ton voit, à droite de la planche, une fillette palpant l'énorme ventre de carton d'une figuration de Yébisu, tandis qu'une jeune femme lui présente un fla- con de saké en poterie brune, où est modelé son portrait; de Tautrecôté un Fuyuroku-Jiu, dont le gigantesque front est fait par une amphore surmontée d'une théière : un Fukuroku-jiuécha- faudé de pièces et de morceaux par des enfants,


"1


OUTAMARO 21S

tandis qu'au milieu la déesse Bentcn joue du

schamisen.

Impression tryptique.

Une réunion de femmes dans un grand ba- teau de plaisance.

Composition allégorique, où par divers sym- boles, dans ce bateau dont la proue est faite d'un gigantesque Ho-ô sculpté et colorie^ les sept femmes qui y figurent représentent les sept dieux et déesses de l'Olympe : Hotci, Juro, Bisharaon, Daîkoku, Yebi^îu, Fukuroku-Jiu, Benten.

Impression tryp tique.

Un bateau décoratif à la proue terminée par un dragon, et peuple de femmes représentant rOlympc, par le port qu'elles font sur elle d'un attribut d'un dieu de là-bas : Tune ayant en main le marteau deDaikoku, Tautre la tortue de Jiurô, enfin une autre tenant au bout d'un longbambou passé au-dessus de son épaule, un écran et une boîte à dépêche, raltribut d'un autre dieu.

Composition diiTérente de la précédente.

Impression tryptique.

Un bateau à la carène finissant en te te de llo-


214 l'art japonais

ô, et contenant un Olympe japonais, représenté par des enfants figurant Daikoku, Bischa- mon, etc., et le bateau monté sur des roulettes est traîné par des femmes, dont Tune accroupie sur le côté, allaite un nourrisson, jouant un Hoteï à la mamelle.

Cette impression, sur le modèle d'un grand jouet d'enfant, est curieuse par sa date : le Jour de Pan i805, Outamaro est mort en 1806.

Impression tryptique.

Les plaisirs de taïkô avec ses cinq femmes dans l'est db la capitale. .

Planche décrite plus haut.

Les musiciennes modernes. Une des musiciennes tenant à la main le plectre d'ivoire, dont elle va jouer. Impression tryptique.

Les filles modernes de bon avenir. Impression tryptique.

L'antichambre d'une maison de thé, pendant le Niwaka (le carnaval).

Devant une courtisane et un Japonais assis au fond de la pièce, se tiennent à droite les gue-


OUTAMARD


215


sha, costumées en jeunes garçons, les cheveux coupôs, tandis qii'un M'homati accronpî par terre, et faisant le geste de s'essuyer le front, cause un moment avec la courtisane, ayant dé- posé à côté de lui son déguisement, sa trom- pette et son chapeau coréen , un chapeau vert pointu, surmonté de plumes, Impression tryptiquc.

Courtisanes réunees dans le salon b' honneur. Dans les premières épreuves, le fond est blanCj dans les réimpressions, le fond est rempli, sur les trois planches, parle grand llu-n, qu'on voit peindre par Outamaro, dans la dernière planche du second volume des Maisons Vertes, Impression Iryp tique.

Grande fête de la première sotréë.

Deux courtisanes dans un corridor, regardant dans le .salon, où se passe la fête; une femme accroupie dans une chambre à côté, ayant l'air de tendre Toreille h la musique.

Impression tryp tique.

Le matin dans ltne maison verte. Les adieux adressés par une femme à un Ja- ponais, dont on voit la tête et le torse en la


216 l'art japonais

descente de Tescalier. Dans la planche du mi- lieu, une femme causant avec une amie, la main posée sur les reins d'un homme de service, ac- croupi de dos à côté d'elle. Dans la planche droite, une femme en conversation, à travers une moustiquaire, avec un Japonais fumant sa pipe : conversation qu'écoute une longue et élégante femme à moitié masquée par un para- vent.

Impression tryptique.

Bateau de fleurs rempli de femmes assises dans la cabine, surmontée sur le toit du batelier fu- mant, une cuisse et une jambe nues, impudi- quement jetées par-dessus la balustrade.

Planche tryptique.

Deux courtisanes en buste, tenant chacune sur un plateau en laque, une poupée représen- tant des lutteurs célèbres de l'époque, dont cha- cun porte son nom sur son jupon : l'un s' appe- lant Hiraïshi, l'autre Raïdu.

Impression tryptique ou peut-être une série de trois pour album.

Le théâtre déguisé dans les maisons vertes, Dans le jardin d'une Maison Verte, une femme


OITTAMARG il7

apporte sur un plateau de laque noiVj paur raniusement des courtisanes, uue grande pou- pée tenant un parasol ouvert, qui est la reprc- sentaiion un peu caricaturale d'unacteureonnu. Impression tryptitiue.

Des femmes d'une Maison Verte occupées d'imcillumiriaLion: les unes mettant des lumiè- res dans des lanternes ronges, les autre les sus- pendant à une treille, garnie de glycines en lleurs.

Impression tryptique.

Unk muxÈK WMl

PrcB d'un pont illnniiné de lanternes, la ri- vière tonte couverte de bateaux, remplis dtî femmes, dont Tune penchée sur Teau, est en train de laver unr coupe àsaké, en laquerougc.

Planche tryptique.


Impressions composées de cinq plâncjies

Le MATicné nu Jorn de î/ax.

Impression romposée de cinq planches, dé- crite plus haut.

19


218 l'art japonais

La fête des garçons.

Impression composée de cinq planches, dé- crite plus haut.

La rue de yédo sourouga-tchô, devant les ma- gasins DE soieries.

Des boutiques fermées par des rideaux, et sous le relèvementdesquels, on voit dans le fond , la montre des étoffes étalées devant les ache- teurs, assis en cercle par terre.

Impression de cinq planches.

Les fleurs des cinq fétes.

Cinq femmes, sous un lambrequin violet, semé de fleurs de cerisiers, ayant près d'elle dans un vase ou une applique, un arbuste fleuri de la sai- son, où se passe la fête.

Impression composée de cinq planches.

Promenade de femmes nobles et d'enfants, sous des parasols bleus. A leur suite marche un domestique portant une cantine dans un sac, et le barillet de saké.

Impression composé de cinq planches.

L'averse.

Impression composée de cinq planches, dé- crite plus haut.


OUTAMARO âl9

Chanteuses, fleitrs de yédo.

Impression composéej je crois, de cinq plan*

Les musiciennes :

Une série de cinq femmeSj accroupies sur une natte pourpre, cl jouant du schamiseii, de la fnva, du koma-fouyé, du koîo^ du iossoumi.

Composition des plus charmantesj et que sur- monte une bande ornementale d'un goût déli* cicux : une bande rose semée de fleurs blan- ches de cerisiers.

Impression composée de cinq planches»

Dans la rue, des femmes, des enfants, et au milieu, sur le dos des porteurs, les malles à vêtements, les malles contenant les livraisons faites par les magasins.

Impression composée, je crois, de cinq plan- ches,

SomÊE n' OUVERTURE DE LA SOUMIDA.

Un ciel, ou éclate dans une nuit pleine d'étoi* les un feu d'artiflce, et sur reau, un encombre* ment de bateaux de femmes, au milieu des dis* putes de bateliers.

Impression composée de cinq planches.


220 l'art japonais

Japonaises sûr une terrasse, au bord d'une ri- vière, dont l'autre rive renferme, dans son vert paysage, un grand pont sur pilotis. Couchées, accroupies, agenouillées, ces femmes lisent, prennent du thé, font de la musique.

Impression composée de cinq planches.

Procession d'enfants.

Une marche joueuse d'enfants , dont l'un porte une lance en fer, garni d'une houpe de plumes.

Impression sans doute composée de cinq planches.

Le grand nettoyage d'une maison verte a la fin de l'année.

Impression composée de cinq planches, déjà décrite.

Impressions composées de six planches

Les six tamagav^a.

Promenade des femmes dans la campagne, où un enfant marche dans un ruisseau, près d'une laveuse en train de battre le linge avec un rouleau.


OOTAMARO â2l

Impressions composées de sept planches

Corlègc de T ambassadeur de Corée, repro- duit dans un Niwaka par des gueshas.

Impression composée de sept planches, dé- crite plus haut.


la.


KAKEMONOS IMPRIMES


Dans un catalogue de l'Œuvre imprimé en couleur d'Outamaro, on ne peut passer sous silence ces étroites bandes en hauteur, mesurant en général 25 centimètres sur 60 : ces kakémo- nos imprimés, qui sont au Japon les peintures d'art des logis du peuple, et qu'entoure une monture économique en papier, jouant assez bien et les dispositions et les dessins et le bril- lant des étoffes de soie, servant de monture aux kakémonos de la main des maîtres.

Ce sont presque toujours des compositions pyramidales, ou un homme et une femme se surplombant, amputés par l'étroitessc de la bande, n'offrent au regard que des morceaux, des tranches de leurs corps.

En le nombre infini de ces kakémonos, qui sont pour la plupart d'une exécution un peu rapide, et sans variété dans les motifs, et se répé-


OUTAMARO


-i


2^


lant volontiers avec qijelques changements insignifiants, il en est quelques-uns de plus soignés, de mieux réussis, et dont le faire ap- proche des bons neshiki-yë. J'en cite comme échantillons quelques-uns appartenant à MM. Gonse, Gillot, Hayashi,

Deux femmes, dont Tattention est attirée par quelque chose qui se passe h leur droite ; Tune des deux tient contre elle, le grand chapeau onibrellCj qu'elle a relire de dessus sa tête,

PrÈs d'un homme qui serre et tord dans ses mains un morceau d'étoffe ou de papier^ une femme qui ^e couvre la bouche de sa manche relevée.

Femme debout dans la nuit, habillée d'une robe gorge de pigeon semée de fleurettes , d'une robe entrebâillée, qui laisse voir un de sea seins, au-dessus d'une femme assise sur ses talons.

Une femme marchant dans un coup de vent, en retenant d'une main Tencapuchonnement noir de sa tête qui s'envole, en plaquant contre elle, les plis gonflés et soulevés de son ample robe.

Une éléganlejaponaiseen pied, dans une robe mauve, où sont dessinés, les ailes éployées^ deux grands Ho-ô, et qui a, derrière elle, un plateau en laque, monté sur un riche pied.


^224 L*ART JAPONAIS

Femme tenant contre elle un enfant qui tend les bras vers un petit moulin , que fait tourner au-dessus de sa tête, une autre femme.

Un kakémono imprimé, tout à fait supérieur, aux tons enveloppés, aux tons des plus gros, est un kakémono que j'ai vu chez M. Gillot, et qui représente une femme debout, appuyée contre un treillage, au-dessus d'une femme accrou- pie,-jouant avec un écran renversé.

Finissons par quatre kakémonos imprimés > d'une qualité hors ligne, faisant partie de la col- lection particulière Je M. Bing.

Un kakémono montrant une jolie guesha, coiffée d'épingles d'argent, appuyée sur le man- che d'un schamisen.

Uir kakémono représentant une femme se penchant vers une jeune fille, sul le dos de la- quelle est un enfant, où l'impression est pareille à l'impression des plus délicates planches en couleur d'Outamaro.

Un kakemeno, où l'on voit aux pieds d'une femme, un enfant nu, couché à terre, et qui s'est enveloppé la tête de la traine de la robe de gaze noire de la femme, en sorte que son visage apparaît teinté de la trame noire et fleuri des fleurettes du tissu transparent.

Un kakémono très original. En haut, une


t>i:TAMARO


2â5


femme qui a un poisson au boni de son Ijanu'- çon dans le ciel, dans le bas, un jeune hommo penché en dehors du bateau, et remplissant une coupe, dans lerefletdc son buste dans Feau^ - — le reflet le plus réel qu'un peintre ait jamais fait.


ALBUMS

(Série d'ioi pressions en couleur.)


(.'ent contes fantastiques.

Vue <les planches représente une chambre, où un japonais se cache la tête contre terre, sous les manches de sa robe, devant l'apparition de deux larves : Tune à Téchevelement noir, aver des parties de squelette transperçant sa chair de phtisique; l'autre avec son crâne aux immenses orbites vides, dans lesquels il y a deux petits points noirs, et tirant une langue san- glante, qui sort du trou de sa bouche, comme une flamme que le vent chasse.

Série, dont le nombre d'impressions n'est pas indiqué par le mot cent, qui, en japonais n'a lï'ds le sens précis et arrêté qu'il a en français.

Lls bons pkves, c'est autant de gagné. C'est celle suite de rêves de la fillette, de la


OOTAMAHO


ââ7


proËlituée, du vieux domestique du samurai : rêves décrits plus liaut.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Les quatre dormecrs.

Suite curieuse, où la petite vignette à droite, en te te de la planclie, faisant la marque de la sé- rie, est une grande vignette imilanile dessin de Tencrc de chine, d'un maître ancien, qu'inter- [*rètc, caricature j Outamaro dans son impies- sionen couleur*

Ainsi, dans la planche que j'ai sous les yeux% la vignette représente un prêtre dormant avec doux enfants couchés à ses pieds, et derrière lui un tigre, et la composition d'Outamaro repré* sente une femme dormant avec deuK enfantrt ensommeillés à ses pieds, et un chat derrière elle.

Série composée de 3 planches,

LbS QrrATftES ÉLÉME?îTS POETIQUES : t(l FleVI\

t Oiseau, rAir, la Lune. Série de 4 impressions.

HoîlLOdE [/ÉTÉ,

Série de 12 impressions.


^iH L*ART JAPONAIS

I'leuï^s de la parole.

Série (t'impressioRs, dont le nombre n'est pas iinlJ<[UCj mais qui est très nombreuse.

Les sept poétesses.

Suite de femmes, dans des médaillons jaunes, . sur des [Vuilles blanches gaufrées, d'une exé- culioji Irè!^ délicate.

Série de 7 impressions.

QiJATiiÈ poésies de femmes poètes.

Série de 4 impressions.

Compositions, en haut desquelles, la légende fait allusion aux CentCrieurs, et l'éventail, que Iravtirse la légende, a représenté dessus, un crnbe^ un crapaud.

Une suite d'imitations par des hommes, en leur atlitiide, leur contournement, leur défor- mation, une suite d'imitations très sérieuses du rrabej du crapaud, etc., etc., et cela sous des femmes toutes débraillées, les seins à l'air.

Série (Fimpressions, dont le nombre n'est pas indique.

Le grand guerrier SAKiVTA-NO-KINTOKI ET SA .MÈRE Y.1.MA-0L^WA.

Suite de planches représentant la terrible


)


femme sauvage à rinculle chevelure noire, avec son nourrisson couleur acajou. Plusieurs aérien.


Les DOUZE TABLEAUX DESSCÉXESDES QUARANTE SKPT

RONiNs, fonnéspat^' les pi us belles femmes. Première suite. Série de 12 impressions.

Les ctnq fêtes de la vie de famille. Dans Fancien Japon, il y avait cinq grandes fêtes. C'étaient le Jour de l'An ; — le troisième jour du troisième mois ; la Fête des filles, — le cinquième jour du cinquième mois ; la Fête des y arçons (1), — le septième jour du seplième mois; la Fêle des mariés ou des gens à marier, — le neuvième jour du neuvièuie mois; la Fête des chrysantlièmes, ou lu Fêle de la retraite de la

(l) tors de la fête des garçonsi, chaque Japonais, qui a eu un garçon dans Faniiée, bisse devant sa porte aa liaat d*une immense pcrrlie de bambaii, un poisson de pa- pier [nohOTij, L'atr, s'engoulTrant dan.s sa bouche, gonlîe le corps tout en lier» et on le voit lîotter légèrement au gré du vent. Le poi^ssûn figuré est une carpe, qui re- monte lea torrents d'un vigoureui coup de queue; elle sj^mboHse l'énergie, que Ton souhaite au jeuae homnje, pour Êurmonter les difiicullés de la vie.


230 l'art japonais

vie vulgaire, pour entrer dans une vie philoso- phique ou poétique. Série de S impressions.

Les fleurs de cinq fêtes. Série de cinq impressions.

Amusements des femmes aux cinq fêtes de l'année.

Une des planches représente une femme re- gardant une immense lanterne, où est très ha- bilement figuré un homme, travesti en chat, dansant au son de la musique que lui fait une guesha.

Série de S impressions.

Carton fleuri des poésies des cinq fêtes. Le carton est la petite vignette signant la sé- rie, et qui, dans chaque planche, au lieu d'une image, contient une poésie.

Série dont le nombre n'est pas indiqué.

Le septième signe du zodiaque.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqjué.


f^LTAMABO


â3i


La FKTE des Li\NTEnNES,

Suite d'un format plus petit que les autres suites d'impressions,

Cette fête des lanternes a lieu les 13, 14, IS du septième mois, elle est, en style vulgaire^ « la fête des revenants i Tamamaisouri^ et correspond à nôtre Toussaint.

Dansla chambre principale do chaque maison, on élève un autel, sur lequel on étend des ro- seauXj et au-dessus duquel on suspend les ihai ou tablettes de ceux qui ne sont plus, dans Tes-- pérance que leurs esprits reviendront visiter les lieux, où s'est écoulée leur vie terrestre. Ou tend en travers de l'autel, une corde à laquelle sont suspendus différents fruits, tels que du millet, des haricots d'eau, des marrons, des au- bergines.

Le (3, vers le moment du coucher du soleil, onallunieunf>r/ara, ou tigedo chanvre mouillée et séchée; la flamme qui ne dure qu'un moment î^'appelle moakai~hi^ flamme de compliment, et a pour objet de souhaiter la bienvenue aux esprits, àleur arrivée/Le soir du 15, on allume une nouvelle tige de chanvre, c'est fokouri-bi f la flamme d'adieu », Tadieu que les vivants font aux esprits de leurs parents, de leurs an-

CCti'CS,


232 l'art japonais

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Les mœurs contemporaines. Série d'impressions, dontle nombre n'est pas indiqué.

Les quarante-sept ronins.

Seconde série.

Série de 12 impressions.

Les quarante-sept ronins. -

Dans cette suite, une impression représente '

l'épisode du fournisseur de . costumes et

d'armes, suspecté de trahison.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas

indiqué.

Douze scènes des quarante-sept ronins.

C'est une série de grands médaillons, renfer- mant trois têtes, traitées d'une manière un peu caricaturale.

Série de 12 impressions.

Les femmes fidèles dans l'histoire des ronins. Série d'impressions, dont ïe nombre n'est pas indiqué.


OITAMAR^


233


La vie (immorale) de taïkû.

Dans une planche , Ton voit ïaïkù, faisant la cour à un jeune garçon^ dont !es armoiries sur la manche indiquent clairement le nom et la famille.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Scènes dk la vie japonaise.

Cette suite est formée d'impressions représen- tant des écransjavec en bas, le serpentement de la cordelette rouge et Tctal du gros nœud floche.

Sur Tun de ces écrans, Ton voit un marchand de poissons j le torse nu, un grand couteau à la main^ en train de découper un morceau de pois- son, qu'attend une femme, en jouant avec une des épingles de sa chevelure.

Série d'impressions, dont le nombren'est pas indiqué.

Les PLAisms du printemps. Série d'impressions, dont le nombre n*est pas indiqué.

Les CINQUAKTE-TnOIS STATIONS DU TOKÂÏDO, CHÂ- GUNE COMPARÉE A UNE VIE DE FEMME,

Suite dont la vignette renferme dans un

m.


234 l'art japonais

rond, un charmant petit paysage échancré par la légende, et dont chaque planche représente deux femmes honnêtes, en buste.

Série qui doit être de 55, avec le point de dé-r part et le point d'arrivée, dont on ignore Tachè- vement complet, mais ce qui est très rare dans les impressions japonaises, chacune portant son numéro, et il m'est passé entre les mains la planche 20.

Les bancs de huit endroits célèbres.

Dans les paysages renommés du Japon, les bancs sont sous un kiosque, où Ton sert le thé.

Série d'impressions dont le nombre n'est pas indiqué.

Huit vues de rendez- vous. Représentations de couples d'amoureux. Série de 8 impressions.

Les plaisirs des quatre saisons. Réunion de deux figures à mi-corps. . Série de 4 impressions.

Les sapins aux six aiguilles.

Groupe de femmes à mi-corps, rappelant des


OtTAMABO

scènes amoureuses^ se passant sous les sapins. Se rie de 6 impressions.

Les belles d'aujourd'hui en costume û'été.

Une femme dans une robe claire, en train d'écorcer un melon d'eau, une gourmandise de la saison, que vient de lui apporter un en- fant.

Série d'impressions dont le nombre n'est pas indiqué.

Les sept plaisirs du printemps pour les en- fants.

Série de 7 impressions.


Jeux d'enfants pendap^t les quatre saisons. Série de 4 impressions.

Enfants jouant la pièce des quarante-sept ronins.

Série de 12 impressions.

La MANIERE DE DANSER,

Une planche de cette suite représente une femme tenant les ficelles d'un petit cbarriot, devant lequel un enfant danse.


236 l'art japonais

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Enfants-bijoux. Sept manières de joûer. Série de 7 impressions.

Proverbes des enfants-bijoux.

Cette suite, différente de la suite des Enfants- bijoux, renferme dans la petite vignette du haut de la planche, l'histoire du jeune Sakata-no- Kintoki et de sa mère Yama-ouwa.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas ndiqué.

Les pousses des deux feuilles. Les enfants comparés à Komatï. Série de 7 impressions.

Enfants jouant, comparés aux sept dieux de la fortune. Série de 7 impressions.

Les enfants déguisés en six poètes. Série de 6 impressions, publiée en 1790.

Huit tendresses. (Mères et enfants). Série de 8 impressions.


OITAMARO ï!37

Mères et enfants.

Suite d'impressions aux couleurs très douces, dans de granits médaillons au fond jaune, en- fermés dans des feuilles blanches, gaufrées de petits dessins striés.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Nouveaux dessins a cinq couLEtjRs différentes, (Femmes avec de grands enfants) :

Cette suite tire son nom d'une imitation d'un morceau d 'étoffe, placée en haut de l'image, qui est comme un échantillon de rhabillement de l'enfant.

Série de 5 impressions,

Mauionnettes des enfants.

Femme enlevant en Tair, au-dessus de deux enfants, une poupée, qui pourrait être, sous son bonnet de la noblesse, la représentation ridi- cule d'un grand personnage du gouvernement.

Série d'impressions dont le nombre n'est pas indiqué.

Orgueil des parents de la capacité des en- fants. Une planche de cette suite représente une


238 l'art japonais

mère regardant avec admiration sa fille, écri- vant une poésie sur un éventail.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Education conseillée par les lunettes des

PARENTS.

Série d'impressions, dont le nombre n'estpas indiqué.

Les femmes choisies. (Dames de la cour d'un daimio).

Cette série a, en haut de chaque image, un petit carré contenant de petits objets usuels, dont la réunion pourrait bien former un rébus.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Occupations des douze heures pour les jeunes filles (Femmes honnêtes). Série de 12 impressions sur fond jaune.

Modèles de l'éducation des femmes.

Une des planches de la suite, qui a pour vi- gnette un éventail vert, représente une femme devant un dévidoir, pour la fabrication du fil de coton.


OUtAMARO


239


Série dlmpressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Douze métiers de femmes. Suite de femmes en buste. àSérie de 12 impressions.

Les oL'VdiÈREs mj travail des versa soie.

Il existe un tirage, dont les nuages du haut de la planche où se trouvent les caractères ja- jionals des légendes^ sont jaunes» et les colora- tions tenues presque entièrement dans les cola- rations vertes jaunes et violettes, et un autre ti- rage où les nuances sont roses, et les colora- tions d'une polychromie plus variée* Il y a même des diflercnces de dessin dans le décor des robes de femmes. Hayashi croit que le tirage jaune est le premier tirage.

Série de 12 impressions, série faisant à la fois un album ou une bande de douze planches, qu'on peut monter à la suite F une de l'autre.

Les douze métiers,

1. Une vendeuse de la poudre dentifrice. — 2_ Une maîtresse d'écrilure. — 3. Une pein- Iresse. — 4. Une ouvrière en ouate de soie. — S. Uneflleuse au rouet. — ^6. Unefabrîcante de


240 l'art japonais

ballons. — 7. Une brodeuse en bas-reliefs de soie, appliqués sur les robes. — 8. Une couturière. — 9. Une teinturière. — 10. Une faiseuse de dengaku (à manger}^. — 11. Une tisserande.

Une série de 11 impressions, mais qui doit être bien certainement de douze, pour être complète, un série d'un tirage ancien, que je n'ai rencontré que chez M. Duret, un tirage grisaille, teinté d'un aquarellage à peine co- loré.

L'horloge du beau sexe. Série de 12 impressions.

Concours de charmes.

Des femmes occupées de détails de leur toi- lette.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

La toilette des femmes.

Cette suite tout à fait du commencement d'Outamaro, a quelque chose de la lourdeur de Kiyonaga, sans en avoir la puissance.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.


ULTAMABO


m


Les sept dessins de robks. Série Je 7 impressions.

Teintures de yédo.

Suite portant la signature crOutamarOj cl qui pourrait bien être de son élève Kikiimaro. Séi'ie d'impressions, dont le nombre n'est pas


RoOËS d'été.

Série d*inipressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Habillements de mm robes*

Une série de planches, où Ton voit, en effet, sur le corps de la femme, cinq robes superpo- sées.

Série d impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Nouveau dessins de brocards. Grandes têtes de femmes sur fond jaune. Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué, publiée vers 1800,

Ilurr FEMMES COMPARl^ES AUX H HT FHILOSOPnES*

Série de 8 impressions,

21


â42 l'art japonais

Comparaison des coeurs s'aimant fidèlement.

Cette suite comprend tous les personnages de tous les romans et de toutes les pièces d'amour célèbres.

Nombreuse série d'impressions, dont le nom- bre n'est pas indiqué.

Concours de la fidélité des amoureux. Groupements d'hommes et de femmes à mi- corps.

Série de 6 impressions.

Trois rencontres de deux paires d'amoureux. Série de 3 impressions.

Les cinq fétes des amoureux. Série de 5 impressions.

Poésies d'amour.

Suite de grandes têtes de femmes, sur un fond orange.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Six poésies d'amour.

Une planche de cette suite représente un jeune homme prenant le sein d'une jeune fem- me, approché de sa bouche, comme s'il voulait


otjtamaro M3

la Lêtei% dans la mauvaise humeur du nourris- son , qui fait^ sur le dos de sa mère, un geste de main colère.

Série de 6 impressions.

Disputes d'amour avec cette légende : Nuages devant la lune.

La seule planche que j'ai rencontrée de cette suite, représente une horrible vieille femme, la plus épouvantable belle-mère ^ ou mère d'amant, faisant une scène à la jeune femme, en retirant brutalement parle cou son fils, de son duo d'a- mour.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué,

HlTïT CinCONSTA^CES BE LA VIE COMPARÉES A UUIT ENDEOITS DU JAPON-

Une des planches représente une femme en train de serrer d'un mouvement nerveux sa ceinture, et a pour légende : Tempête dans la chambre à coucher.

Série de 8 impressions.

L'orage des amoureitx*

Groupements de plusieurs figures en buste.


±ï^ l'art japonais

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Scènes d'amour représentées par des marionnet- tes.

Compositions, où les deux marionnettes de rhomme et de la femme, comme posées sur le rebord d'une loge, sont surplombées par les têtes des regardeurs.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué, mais qui serait très nombreuse.

Cinq physionomies de belles femmes. Cette suite porte, en haut de Timage, une loupe.

Série de 5 impressions.

Les dix physionomies des beautés célèbres. Le bon tirage est sur fond argenté. Série de 10 impressions.

Douze physionomies de femmes. Série de 12 impressions.

L'art de choisir les femmes (Courtisanes). Suite qui a pour vignette du haut des plan- ches signant la série, des fragments de bambou


OLTAMAflO


2i5


fendu, au moyeu desquels on tire là-bas labon^ ne aventure,

iSérie de 8 impressions,

L'enf-^ce des guësiia.

Les gueshas commencent par être des dan- seuses, puis finissent pardevenir des chanteuseis-

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Les danseuses ciiojsihs.

Suite de grandes têtes de femmes sur un fond argenté.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué, mais au bas de chaque planche, est nommée la danseuse qui y est représentée*

Compositions sans titre dont Tune représente on guesha jouant du schamisen.

Suite curieuse sur papier ordinaire et sur pa- pier crépon, et où sur le ton crème du fond, sont elTeuillées de légères fleurs de cerisiers, dans lesquelles courent, comnie des insectes, les ca-

Iractères d'une poésie- Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué. Musicienne, autour de la taille de laquelle, un


246 l'art japonais

Japonais a amoureusement glissé son bras et s'est mis à jouer de sa main du «chamisen, que la main de la femme artiste a un moment aban- donné, pour se défendre du baiser qui la me- nace.

Seule planche que j'ai rencontrée d'une suite, dont la vignette, en haut de l'impression, repré- sente un Chinois et une Chinoise jouant de la même flûte.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Les fleurs de yédo (les chanteuses). Série de 7 planches.

Assortiment de grandes courtisanes modernes. Suite sur fond jaune.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Le nouveau choix de six fleurs. (Femmes des Maisons Vertes.) Série de 6 impressions.

Dix états différents. (Femmes des Maisons Vertes).

Série de 10 impressions.


OUTAMÀRO âi7

Courtisane entre ses deux kamourôs.

Série portant la signature trOutamaro, en écriture classique, avec son cachet.

Série d'impressions , dont le nombre n'est pas indiqué.

Courtisanes.

Cette série qui n'a pas de dénomination porte comme marque indicative T enseigne d*une Maison Verte, où des caractères blancs se déta- chent sur un fond bleu, ou si le fond est rouge, il y a toujours un écusson aux caractères blancs sur fond bleu.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Courtisanes et gueshas comparées aux fleubs.

Rien de plus gracieux dans une de ces plan- ches, que la caressante altitude de deux femmes dont l'une accroupie à terre, tient pris et serrés dans ses mains les poignets de l'autre, ayant ses bras passés sur ses épaules, dans un doux aban- donnement de son corps penché sur son dos, sur sa nuque.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas

indiqué.


248 l'art japonais

Courtisanes comparées a six vues de tama-

GAWA.

Seconde suite, publiée entre 1780 et 1790. Série de 6 impressions.

Six belles têtes de yédo, comparées aux six cours de la rivière tamagawa.

Courtisanes figurées sur un fond blanc gaufré, dont le striage représente des flots. En haut de chaque femme représentée, est un petit éven- tail, où se voit une vue de Tamagawa.

Série de 6 impressions différentes de la première.

Courtisanes comparées a des poétesses. Série de 6 impressions.

Les six komati des maisons vertes. Première suite de portraits de courtisanes comparées à la poétesse. Série de 6 impressions.

Les sept komati des maisons vertes.

Seconde suite. Portraits de courtisanes célè- bres, dont les noms sont donnés au-dessus de chacune, et qui s'appellent:

Schinowara de Tsuruya.


OUTAMAIVO


249


Kisegawa de Matsubaya.

Tukigama (eao de cascade}.

Est-ce que cettoKisegawadeMatsubaya, très souvent représentée par Oulamaroj n'aurait pas élé aimée par rartisle ?

Série de 7 impressions.

Les gourtisânes comi^vbéks aux six poètes. Série de 6 impressions.

Huit femmes comparées a huit paysages aux ek- vmoNS DU Yosoiwara.

Suite, où les huit paysages sont représentés, dans la petite vignette du haut de la planche.

Série de 8 impressions.

Les six ee^seignes des plus gélkbres maisoîcs de BAKÈj figurées par six courtisanes. Série de 6 impressions.


Pbemière promenade de la nouvelle toilette. Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Fête duniwaea (carkayal) des maisons Vertes; Des gueshas, travesties les unes avec le cha^


250 l'art japonais

peau coréen sur la tète, les autres coiffées d'un diadème chinois.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

Fête du mwàra.

L* une des planches contient le programme de la fèLe^ et donne le nom des chanteuses : Kin, Fûum, lyo, Shima.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indiqué.

La péte du niwaka.

Suite d'un plus petit format, où dans une plancliQ est représentée le petit Sakata-no-Kin- toki avec sa mère.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas indique.

Les belles femmes a la fête du niwaka des mai- sons vertks.

Série d'impressions, dont le nombre n'est pas

indiqué.

Les norzE heures des maisons vertes. Série de 12 impressions.


OrTAlLillO 251

Représentations toéatrales dans lhs maisons

VERTES,

Série de 10 impressions.

Les courtisanes Dxms les maisons de refuge (lor^ d'un incendie) comparées a iiuît LoaiLiTÉs,

Une série sur fond jaune, avec un petit éven- tail représentant la localité.

Série composée de 8 impressions.

De nombreuses séries de courtisanes n'ayant [►as de titre, mais où les planches portent le nom d'une courtisane, comme ceux-ci :

Kirîegawa (nom d'une rivière) ;

Kana-ôghi (éventail de fleurs) ;

Sameyama (montagne colorée);

llinaiuru (enfant de cicogne).

Courtisanes, parmi lesquelles se trouve en- core Kisegav^'a, la femme qu'aime à répéter Ii^ pinceau d'Outamaro.

Originale série, où les courtisanes sont repré- sentées dans une suite d'éventails présentés en hauteur*

Série d'impressions dont le nombre n'est pas indiqué.


252 l'art japonais

Maintenant, il existe quelques séries faites en collaboration avec des artistes contemporains. Je citerai entre autres, une série exécutée avec Shunyeï, où Outamaro, dans chaque planche, représente deux femmes composant le public, des tours de force qu'exécutent des hercules, des lutteurs à Tanatomie gargantuesque. Dans Tune de ces planches Ton voit le faiseur de tours de force, se tenir sur un seul pied, presque horizontalement au sol, ses mains retournées et tordues au-dessus de son dos, et ramasser

  • avec sa bouche, un éventail posé sur un tabou-

ret; dans une autre planche, c'est un second faiseur de tours, qui, le nez attaché à l'oreille par une ficelle, le détache sans le secours de ses mains, par des contorsions et des grimaces ner- veuses du visage.


SOURIMONOS (1)


Cos petites impressions , supérieures aux Niskiki-fjé, ces impressions miraculeuses, im- ' primées sur un papier qui semble de la moelle Je sureau, en ces couleurs d'une douceur, fondue^ harmonie e^ qu'aucune impression d'au- cun p(Hiplene nous mrjnlre,etaveccet ariislique, amusant, illusionnant gaufrage, et encore avec au milieu des tons enchantés, Tin troduction

  • ^i savante, si juste, si distinguée, de Tor, de T ar-

gent, du bronze ; ces images, qu'on le sache bien, non faites pour le public, mais pour de délicates réunions d'amateurs et de collectionneurs, ces


^ (l) L'expression sourîmono n'est pas absolument juste, c'est plutôt, corame k dit M. Gonsejïnf eiLSOurlmono: le sotinmono classique, îe sourimonod'Hokou,saj\d Hok- kei, de Gakuteï n'exisîant pas encore. Maintenant je ne trouve pa.5 que dans oe5 impressions-Là» Oulamaro ait le fa iVe original de Gakutci dans les femmes, le faire ori- ginal d'Hokkei dans les natures morlc:*^.

22


254 L*ART JAPONAIS

images, composées dans l'amusement des socié- tés de thé, et formant des feuilles détachées de livres d'amis (1), — ces images, Outamaro, pris par ces grandes impressions en couleur, y donna très peu de son travail et de son temps.

Donc on connaît un aésez petit nombre de sourimonos d'Outamaro. Je signalerai toute- fois :

Un grand sourimono, oïi Ton voit Tanlique couple légendaire de Tagasago, imploré, à Toc- casion des grands souhaits, par l'homme et la femme du Japon, et représenté avec leurs attri- buts porte-bonheur: la vieille femme avec le balai, le vieil homme avec cette espèce de fourche — trident, — qui lui sert à rassembler les aiguilles des pins.

Un autre grand sourimono représentant Tu- nique image théâtrale connue, qu'ait dessinée Outamaro.

Dans les représentations, en petit format, de la vie privée, c'est une «Visite du Jour de l'An»,

(1) M. Bing fait observer dans une notule, que les sou- rimonos n'étaient pas exclusivement peints pour les membres des sociétés de thé, que très souvent, ils entou- raient les poésies de lettrés avec lesquels les peintres vivaient en parfaite intimité, ils célébraient dans Til- lustration d'un programme, le talent d'un auteur en re- nom, le talent de musicienne d'une guesha.


OUTAMARn

OÙ une Japonaise remplît la cûupo tlu visiteur de sîiké chaud ; c'est une Japonaise fumant ac- coudée à une petite table, et tournant la tète au chant d'un rossignol, perché sur une branche d'un arbre contre la maison ; c*est une courti* sane causant avec sa kamouro ; c'est une autre courtisane en promenade suivie de ses deux kamourôs.

De ces courtisanes avec leurs kamourôs, M, Gonse aurait cinq ou six petits sourimonos.

Vu petit sourimono comique nous fait voir un montreur de bêtes, faisant danser un singe, afllubléde la tête en carton rouge de la « Danse du Lion ï^ dans Tébahissement d'un enfant qui le regarde.

Un autre petit sourimono de la même famille, est un sourimono, où une fillette caresse avec un semblant de peur, la tête articulée d'un tigre- joujuu !

J*ai encore sous tes yeux un grand souri- mono, où sont trois femmes : une laveuse et deux courtisanes ; la laveuse peinte par Tsuki- maro, une courtisane par Kounisada, et la courtisane à la ceinture argentée, par Oula- maro.

Des sourimonos, il faut le dire, qui n'ont pas un caracttire personnel, et où les gentillettes


i36 l'art japonais

pfHites femmes pourraient parfaitement être prises pour des Hokousaî.

Enfin dans les sourimonos qui représentent des objets de la vie privée, dans ces sourimonos qui, pour moi, sont les sourimonos les plus par- faits, et où la réalité des petits objets artistiques à l'usage des mains japonaises, a été rendu d'une manière qu'on peut dire allant au-delà de la réussite artistique industrielle, je citerai lin seul sourimono :

Un bouquet de chrysanthèmes de toutes cou- leurs, et où des chrysanthèmes blancs se déta- chent en gaufrures blanches sur le blanc du papier, seîrépandant d'un vase en sparterie au- dessus d'un kakémono à moitié déroulé, où Ton entrevoit une femme, à côté de la boîte qui le renfermait.

A ces sourimonos, il faudrait joindre les sept feuilles de cet album ou de ce livre introuvable complet, dont M. Gonse possède cinq planches et M. Bing deux planches.

Des impressions très délavées, et aux colora- tions quelquefois renfermées dans deux ou trois tons, quelquefois réduites à un vert de chicorée teintant seulenàent le paysage.

Voici les cinq planches possédées par M. Gonse :


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l\ — Des chevaux paissant en liberté, au milieu desquels un cheval se roule par terre.

2^ _ Un pécheur à la ligne fumant, tout en surveillant trois lignes.

3«^ —Une apparition de sennin dans le ciel, au-dessus d'une femme qui lave du linge.

i°, — Le piège aux renards^ . g*^, _ Un daimio dormant sur son cheval, con- duit par un paysan*

Voilà les deux planches possédées par Bing.

1«^ ^^ Une blanchisseuse battant le briquet, pour allumer sa pipette.

2'\ — Un seigneur japonais accompagné de son bouffon.

Dans cette manière, M. Bing possède encore quelques impressions d'un faire brutal, d'un faire pareil à celui des sourimonos de KiolOj parmi lesquels, on remarque un vieillard, au miheu d'enfants couchés à ses pieds : une im- pression à limilalion d un dessin à l'encre de Chine, avec un rien de bleuâtre dans les rayu- res d'une pluie d'orage.

  • Une autre sourimono de la collection de M,

Gonse, représente un vieillard de la noblesse, sous un costume chinois, causant avec un guer- rier^ appuyé sur sa lance, dans un paysage cou- vert de neige.


258 l'art JAPOiNAIS

M. Hayashi croit que cette planche ferait par- tie de Gv^rriers célèbres^ une suite publiée de 1775 à 1780, sous Tinfluence de Kiyonaga.

Citons encore dans la collection de M. Gonse, ces pièces tirées en sourimonos.

Trois enfants dansant autour d'une lanterne.

Un mendiant montrant un bras malade à une femme, qu'il cherche à apitoyer.

Un marchand de thé ou de boisson quelcon- que, établi sous un saule, en pleine campagne.

Les souhaits de bonne année aux femmes d'une Maison Verte, adressés derrière un para- vent — par les mandai, ces joyeux danseurs aux vêtements historiés de cigognes et de branches de pin : les deux emblèmes de la longévité, — et qui, le premier Jour de TAn, parcourent les rues, traversent les maisons, en criant : manzaï 77i2nzai, ce qui veut dire : souhaits de dix mille années de vie.

Deux planches en longueur, tirées en sourimo- nos, delà collection de M. Gillot, dont Tune re- présente des hommes mesurant un énorme ar- bre qu'ils embrassent de leurs bras tendus ; dont l'autre représente une paysanne, donnant à têter à son enfant, tandis qu'un garçonnet, déjà grand jette sa ligne dans une rivière.

Ces deux planches, d'un travail un peu rudi-


UIJTAMARO


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lîientciîrej et avec des figures quelquefois un peu traitées en charge, pourraient bien faire [lartie ile la série des sept planches, possédées par MM. Gonse et Bing.

Avec CCS deux imprécisions en souriinonos, <Jillot possède une planche de clievauxen liber- lé un peu différente de celle de M. Gouse, et où lies chevaux légèrement pourpres, légèrement hleuâtres, des chevaux ayant une parenté avec les chevaux de Delacroix, se livrent à un galop furibond, sous un ciel barré par un nuage rouge j fait, comme sur les boîtes en laque de Korin, par de grosses lignes, brisées el interrompues ç à et là, qui les fait ressembler à une suite de longs tiret.s.

Je trouve encore, chez M. Gitlot, une série de (danches tirées en sourimonos^ d'un format pas ordinaire, — des planches qui ont la forme allongée des kakémonos, et qui n*en sont pas.

L'un de cessourimonos (11 S2 c.L15c,) repré- sente une apparition fantastique.

Sur le gris de la nuit qui met au haut du ciel une bande toute noire, une espèce d'homme- goule, dans une robe blanche de fantôme, sa longue chevelure inculte, balayée devant lui par le vent, brandit au-dessus de sa lête» la colère d'une main de squelette, tandis que de sa bou-


260 l'art japonais

che sort une langue zigzagante, comme la mè- che d'un fouet.

Le second sourimono (H 39 c. L 17 c.) repré- sente un homme aux deux sabres, ayant l'air de se sauver du raccrochage d'une femme encapu- chonnéequ'il a dans le dos.

Le troisième sourimono (H 32 c LIS c) repré- sente le groupe d'un homme et d'une femme ; ou la femme appuyée par derrière à Tépaule de l'homme, dans un gracieux mouvement, passe la main par dessus, pour ouvrir le parapluie que l'homme a devant lui.

Ces deux derniers sourimonos sont d un grand style, d'une sobre coloration, un rien fauve, un rien bistrée, de cette coloration du beau temps du maître, en même temps qu'il apportait, dans le décor de ses robes, un archaïs- me très reconnaissable.


LIVRES EROTIQUES

(Shungwa)


LIVRES ET ALBUMS EN COULEUR

Le poème DEL* oreiller : Outamakura.

Grand album en couleur contenant un fron- tispice et onze planches, dont un portrait d'Ou- tamaro, avec un texte.

Le plus beau livre erotique d'Outamaro, publié en 1788,

Publication sans tilre.

Autre album, aux poses très tourmentées, aux couleurs assoupies des impressions de la iin du dix-huitième siècle, et où se voit une femme, tout en faisant Taraour, en train de se recoiffer^ son peigne entre ses dents.

Album composé de neuf planches, publié sans date.

Publication sans titre.


2H2 L*ART JAPONAIS

Un grand album en couleur, sur un fond légè- rement teinté en gris, où les corps, d'un beau grand dessin, se détachent dans leur blancheur, au milieu de robes et d'étofTes paraissant douce- ment aquarellées.

Dans une planche une femme, à la chevelure noire dénouée, a son pied, aux doigts tordus, jeté en Tairet qui se reflète dans une glace.

Un album composé de treize planches, publié sans date.

Ceux qui ont la manie de rire. Yéhon-Waral- jôgho :

Les frontispices de trois volumes sont compo- sés avec des mains, aux tatouages amoureux de Tavant-bras et du poignet, attouchant des parties naturelles d'hommes ou de femmes, l'ne planche représente une guesha,au moment le plus sérieux de l'amour physique, jouant du schamisen.

Livre en couleur, en trois volumes, publié sans date.

Publication sans titre.

Livre en couleur, dont le frontispice est fait par un public de phallus devant un rideau de théâtre, où se tient agenouillé un phallus ac-


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croupi, qui fait un boniment, et à la suite de vv. fi'ontispicedeux planches de marionnettes, avanl les compositions erotiques. Livre en couleur, publié sans date.

Les fleurs tombées* Yénipon Hanafubukt : Livre en couleur, en trois volumes, public en 1802.


LIVRES ET ALBUMS EN NOIR

Tout le monde réveillé* Y^^hon Minamezanu' :

Livre imprimé en noir, où les demi- teinlcâ à l'encre de Chine du dessin, sont Ira- rluites par des étendues d'aquateinte fort déli- cates, et, où apparaissent comme épargnés, de^^ détails fins, fins, ainsi que les microscopiques fleurettes des robes*

Une première planche vous montre une femme et un homme, dont la vue d'un livre ero- tique mêle leurs bouches, derrière le dos du livre,

La dernière planche est vraiment d'une drô- lerie tout à fait amusante. Une femme et un en- fant regardent un site lointain, avec de grandes lunettes^ appuyées sur le rebord d'une baie don- nant surlacampagnej et un Japonais placé tout près, derrière la femme, avec une indication de


264 l'art JAPONAIS

main éloquente vers l'horizon, cherche à attirer au loin Tattention de Tenfanl sur les beautés du paysage, pendant que..... et quedes caractères japonais, jetés à travers l'image, font dire à l'homme : — Vous devez être contente de la lu- nette, elle estbonnej n'est-ce pasl que des carac- tères japonais font dire à la femme : — Oui, très bonne, très bonne! îont dire à l'enfant : — Ma- "inan, pourquoi fais-tu tant de grimaces'}

Le livre, publé en 1786, et signé par Oumataro en collaboration avec Rankokousaï, est curieux par la signature, qui n'existe presque jamaissur les livres erotiques.

Coiffures au peigne de jade. Yéhon Tamatus- highé.

Livre en noir d'une impression beaucoup plus soignée, que les erotiques édités plus tard, publié en 1789.

Le magasin des trésors, Takara-ghura. Livre en noir, en trois volumes, publié sans date.

Lettre secrète de la nuit, Yéhon-Yomizu- fumi.

Livre en noir, en trois volumes, publié sans date.


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MtLLB ESPÈCES DE couLEtms: Tigum-uo-iro. Livre en noir publié en trois volumes, sans date.

•Le miroir secret, Yéhon Mamkaghami. Livre eu noir, en trois volumes^ publié sans date.

Mille puiïktes d'amour, Yéhon IroiioUkuêa, Livre en noir, en trois^volumeSj publié sans date.

La marmite de tsukumaj Tsiimanabé. Livre en noir, en trois volumes, publié sans a te*

Pbemier essai sur les femmes, Yéhon Hi- méhajiuré.

Des frontispices faits avec des oies, des cygnes, des corbeaux.

Livre en noir, en trois volumes, publié sans date.


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TABLE


Kiugriipbie d'Outamai'Q . , . . Catalogue raisonné d*î sou uiuvi'o


t>age i


Paris. — îmii. F, iMUBtiT, 7. rae des CîinolU+s




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