Journaux intimes de Baudelaire  

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"God is the only being who, in order to reign, doesn't even need to exist."--Baudelaire

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Journaux intimes (1864-1867; published 1887) are the intimate journals of Charles Baudelaire. They consist of two parts, Mon cœur mis à nu (1864) and Fusées (1867).

Often cited adagia are Qu’est-ce que l’art? Prostitution., Fucking is the lyricism of the people and Both man and woman know from birth that evil lies at the root of all pleasure.

The title Mon Coeur mis à nu was inspired by Poe's Marginalia, printed in New York in 1856:

"If an ambitious man have a fancy to revolutionize, at one effort, the universal world of human thought, human opinion, and human sentiment, the opportunity is his own — the road to immortal renown lies straight open and unencumbered before him. All that he has to do is to write and publish a very little book. Its title should be simple — a few plain words — My Heart Laid Bare."


Contents

Citations

Mon cœur mis à nu (1864)

  • Il serait peut-être doux d'être alternativement victime et bourreau.
    • Perhaps it would be sweet to be, in turn, both victim and executioner. [1]
  • La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable.
    • A woman is natural: that is to say, abominable.
  • Être un homme utile m'a paru toujours quelque chose de bien hideux.
    • To be a serviceable man has always seemed to me something quite repulsive.
  • Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser.
    • It is necessary to work, if not from inclination, at least from despair. As it turns out, work is less boring than amusing oneself.
  • Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan.
    • There are in every man, at all times, two simultaneous tendencies, one toward God, the other toward Satan.
  • Il n'existe que trois êtres respectables : le prêtre, le guerrier, le poète. Savoir, tuer et créer.
    • There exist only three beings worthy of respect: the priest, the soldier, the poet. To know, to kill, to create.
  • Ne pouvant supprimer l'amour, l'Église a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage.
    • Unable to do away with love, the Church found a way to decontaminate it by creating marriage.
  • J'ai toujours été étonné qu'on laissât les femmes entrer dans les églises. Quelle conversation peuvent-elles avoir avec Dieu?
    • I have always been astonished that women are allowed to enter churches. What talk can they have with God?
  • La femme ne sait pas séparer l'âme du corps.
    • Women do not know how to separate the soul from the body.
  • La jeune fille, ce qu'elle est en réalité.

    Une petite sotte et une petite salope; la plus grande imbécile unie à la plus grande dépravation.

    • This is what a girl really is.<p>A little fool, a little slut; the greatest idiocy united with the greatest depravity.
  • Glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion).
    • To glorify the cult of images (my great, my only, my earliest passion).
  • C'est par le malentendu universel que tout le monde s'accorde.<p>Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s'accorder.
    • It is by universal misunderstanding that we agree with each other.<p>If, by some misfortune, we understood each other, we would never agree.
  • On ne peut oublier le temps qu'en s'en servant.
    • One can only forget about time by making use of it.
  • Faire son devoir tous les jours et se fier à Dieu, pour le lendemain.
    • To do one's duty every day and trust in God for tomorrow.

Fusées (1867)

  • Dieu est le seul être qui, pour régner, n'ait même pas besoin d'exister.<p>Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.
    • God is the only being who need not even exist in order to reign.<p>Whatever is created by the spirit is more alive than matter.
  • L’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale.
    • The act of love strongly resembles torture or surgery.
  • Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste.
    • To love intelligent women is the pleasure of a pederast.
  • Ces beaux et grands navires, imperceptiblement balancés (dandinés) sur les eaux tranquilles, ces robustes navires, à l'air désœuvré et nostalgique, ne nous disent-ils pas dans une langue muette : Quand partons-nous pour le bonheur?
    • These tall and handsome ships, swaying imperceptibly on tranquil waters, these sturdy ships, with their inactive, nostalgic appearance, don’t they say to us in a speechless tongue: When do we cast off for happiness?
  • Je ne conçois guère (mon cerveau serait-il un miroir ensorcelé?) un type de Beauté où il n'y ait du Malheur. Appuyé sur — d'autres diraient: obsédé par — ces idées, on conçoit qu'il me serait difficile de en pas conclure que le plus parfait type de Beauté virile est Satan, — à la manière de Milton.
    • I can scarcely conceive (would my brain be a spellbound mirror?) a type of beauty without unhappiness. Supported by — others would say, obsessed by — these notions, one may conceive it would be difficult for me not to conclude that the most perfect type of masculine beauty is Satan, — as rendered by Milton.
  • Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire.
    • What is intoxicating about bad taste is the aristocratic pleasure of offensiveness.

See also

Full text

Fusées (1897) is the posthumously published text of Charles Baudelaire's intimate journals. Often cited are its dicta "Both man and woman know from birth that evil lies at the root of all pleasure" and "Qu’est-ce que l’art? Prostitution.".

Full text

Part I[2]

I

Quand même Dieu n’existerait pas, la Religion serait encore Sainte et Divine.


Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister.


Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.


L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui puisse être ramené à la Prostitution.


Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de tous.


Qu’est-ce que l’art? Prostitution.


Le plaisir d’être dans les foules est une expression mystérieuse de la jouissance de la multiplication du nombre.


Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. L’ivresse est un nombre.


Le goût de la concentration productive doit remplacer, chez un homme mûr, le goût de la déperdition.


L’amour peut dériver d’un sentiment généreux : le goût de la prostitution ; mais il est bientôt corrompu par le goût de la propriété.


L’amour veut sortir de soi, se confondre avec sa victime, comme le vainqueur avec le vaincu, et cependant conserver des privilèges de conquérant.


Les voluptés de l’entrepreneur tiennent à la fois de l’ange et du propriétaire. Charité et férocité. Elles sont même indépendantes du sexe, de la beauté et du genre animal.


Les ténèbres vertes dans les soirs humides de la belle saison.


Profondeur immense de la pensée dans les locutions vulgaires, tous creusés par des générations de fourmis.


Anecdote du chasseur, relative à la liaison intime de la férocité de l’amour.

II

De la féminité de l’Eglise, comme raison de son omnipuissance.


De la couleur violette (amour contenu, mystérieux voilé, couleur de chanoinesse).


Le prêtre est immense parce qu’il fait croire à une foule de choses étonnantes.


Que l’Eglise veuille tout faire et tout être, c’est une loi de l’esprit humain.


Les peuples adorent l’autorité.


Les prêtres sont les serviteurs et les secrétaires de l’imagination.


Le trône et l’autel, maxime révolutionnaire.


E.G. ou la séduisante Aventurière


Ivresse religieuse, des grandes villes. – Panthéisme. Moi, c’est tous ; Tous, c’est moi.


Tourbillon.

III

Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles? Qui ne les a pas proféré, qui ne les [a] irrésistiblement extorqués? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par des soigneux tortionnaires? Ces yeux de somnambule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique, l’ivresse, le délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus d’une expression d’une férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort. Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition.


– Epouvantable jeu où il faut que l’un des joueurs perde le gouvernement de soi-même!

Une fois il fut demandé devant moi en quoi consistait le plus grand plaisir de l’amour. Quelqu’un répondit naturellement : à recevoir, – et un autre : à se donner.

– Celui-ci dit : plaisir d’orgueil! – et celui-là : volupté d’humilité! Tous ces orduriers parlaient comme l’Imitation de Jésus-Christ. – Enfin il se trouva un impudent utopiste qui affirma que le plus grand plaisir de l’amour était de former des citoyens pour la patrie.


Moi je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. – Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve tout volupté.

IV

Plans. Fusées. Projets. — La Comédie à la Silvestre. ׀ Barbora et le Mouton.

– Chenavard a créé un type surhumain.

– Mon vœu à Levaillant.

– Préface, mélange de mysticité et d’engouement.

Rêves et théorie du Rêve à la Swedenborg.

La pensée de Campbell (The conduct of life).

Concentration.

Puissance de l'idée fixe.

La franchise absolue, moyen d'originalité.

Raconter pompeusement des choses comiques...

V

Fusées. Suggestions. — Quand un homme se met au lit, presque tous ses amis ont un désir secret de le voir mourir; les uns, pour constater qu'il avait une santé inférieure à la leur ; les autres, dans l'espoir désintéressé d'étudier une agonie.

Le dessin arabesque est le plus spiritualiste des dessins.

VI

Fusées. Suggestions. — L'homme de lettres remue des capitaux et donne le goût de la gymnastique intellectuelle.

Le dessin arabesque est le plus idéal de tous.

Nous aimons les femmes à proportion qu'elles nous sont plus étrangères. Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste. Ainsi la bestialité exclut la pédérastie.

L'esprit de bouffonnerie peut ne pas exclure la charité, mais c'est rare.


L'enthousiasme qui s'applique à autre chose que les abstractions, est un signe de faiblesse et de maladie.

La maigreur est plus nue, plus indécente que la graisse.


VII

Ciel tragique. — Epithète d'un ordre abstrait appliqué à un être matériel.

L'homme boit la lumière avec l'atmosphère. Ainsi le peuple a raison de dire que l'air de la nuit est malsain pour le travail.

Le peuple est adorateur-né du feu. Feux d'artifice, incendies, incendiaires.

Si l'on suppose un adorateur-né du feu, un Parsis-né, on peut créer une nouvelle...

VIII

Les méprises relatives aux visages sont le résultat de l'éclipse de l'image réelle par l'hallucination qui en tire sa naissance.

Connais donc les jouissances d'une vie âpre, et prie, prie sans cesse. La prière est réservoir de force. (Autel de la volonté. — Dynamique morale. — La Sorcellerie des Sacrements. — Hygiène de l'âme.)

La Musique creuse le ciel.

Jean-Jacques disait qu'il n'entrait dans un café qu'avec une certaine émotion. Pour une nature timide, un contrôle de théâtre ressemble quelque peu au tribunal des Enfers.

La vie n'a qu'un charme vrai : c'est le charme du Jeu. Mais s'il nous est indifférent de gagner ou de perdre?

IX

Suggestions. Fusées. — Les nations n'ont de grands hommes que malgré elles, — comme les familles. Elles font tous leurs efforts pour n'en pas avoir. Et ainsi, le grand homme a besoin, pour exister, de posséder une force d'attaque plus grande que la force de résistance développée par des millions d'individus.

A propos du sommeil, aventure sinistre de tous les soirs, on peut dire que les hommes s'endorment journellement avec une audace qui serait inintelligible si nous ne savions qu'elle est le résultat de l'ignorance du danger.

X

Il y a des peaux carapaces avec lesquelles le mépris n'est plus une vengeance.


Beaucoup d'amis, beaucoup de gants. Ceux qui m'ont aimé étaient des gens méprisés, je dirais même méprisables, si je tenais à flatter les honnêtes gens.

Girardin parler latin! Pecudesque locutœ.

Il appartenait à une Société incrédule d'envoyer Robert Houdin chez les Arabes pour les détourner des miracles.

XI

Ces beaux et grands navires, imperceptiblement balancés (dandinés) sur les eaux tranquilles, ces robustes navires, à l'air désœuvré et nostalgique, ne nous disent-ils pas dans une langue muette : Quand partons-nous pour le bonheur?

Ne pas oublier dans le drame le côté merveilleux, la sorcellerie, et le romanesque.

Les milieux, les atmosphères, dont tout un récit doit être trempé. (Voir Usher, et en référer aux sensations profondes du haschisch et de l'opium).

XII

Y a-t-il des folies mathématiques et des fous qui pensent que deux et deux fassent trois? En d'autres termes, l'hallucination peut-elle, si ces mots ne hurlent pas [d'être accouplés ensemble], envahir les choses de pur raisonnement? Si, quand un homme prend l'habitude de la paresse, de la rêverie, de la fainéantise, au point de renvoyer sans cesse au lendemain la chose importante, un autre homme le réveillait un matin à grands coups de fouet et le fouettait sans pitié jusqu'à ce que, ne pouvant travailler par plaisir, celui-ci travaillât par peur, cet homme, le fouetteur, ne serait-il pas vraiment son ami, son bienfaiteur? D'ailleurs, on peut affirmer que le plaisir viendrait après, à bien plus juste titre qu'on ne dit : l'amour vient après le mariage.

De même, en politique, le vrai saint est celui qui fouette et tue le peuple, pour le bien du peuple.

Mardi, 13 mai 1856.

Prendre des exemplaires à Michel. Ecrire à Moun, à Urriès, à Maria Clemm.

Envoyer chez Mme Dumay savoir si Mirès...

Ce qui n'est pas légèrement difforme a l'air insensible; d'où il suit que l'irrégularité, c'est-à-dire l'inattendu, la surprise, l'étonnement sont une partie essentielle et la caractéristique de la beauté.

XIII

Notes. Fusées. — Théodore de Banville n'est pas précisément matérialiste; il est lumineux.

Sa poésie représente les heures heureuses.

A chaque lettre de créancier, écrivez cinquante lignes sur un sujet extra-terrestre et vous serez sauvés.

Grand sourire dans un beau visage de géant.

XIV

Du suicide et de la folie-suicide considérés dans leurs rapports avec la statistique, la médecine et la philosophie.

BRIERE DE BOISMONT.

Chercher le passage : «Vivre avec un être qui n'a pour vous que de l'aversion...»

Le portrait de Sérène, par Sénèque. Celui de Stagire, par saint Jean Chrysos-tome. L'acedia, maladie des moines.

Le Tœdium vitae.

XV

Fusées. — Traduction et paraphrase de La Passion rapporte tout à elle.

Jouissances spirituelles et physiques causées par l'orage, l'électricité et la foudre, tocsin des souvenirs amoureux, ténébreux, des anciennes années.

XVI

Fusées. - J'ai trouvé la définition du Beau, de mon Beau.

C'est quelque chose d'ardent et de triste, quelque chose d'un peu vague, laissant carrière à la conjecture. Je vais, si l'on veut, appliquer mes idées à un objet sensible, à l'objet par exemple, le plus intéressant dans la société, à un visage de femme. Une tête séduisante et belle, une tête de femme, veux-je dire, c'est une tête qui fait rêver à la fois, — mais d'une manière confuse, — de volupté et de tristesse ; qui comporte une idée de mélancolie, de lassitude, même de satiété, — soit une idée contraire, c'est-à-dire une ardeur, un désir de vivre, associés avec une amertume refluante, comme venant de privation ou de désespérance. Le mystère, le regret sont aussi des caractères du Beau.

Une belle tête d'homme n'a pas besoin de comporter, aux yeux d'un homme bien entendu, — excepté, peut-être, aux yeux d'une femme, — cette idée de volupté, qui, dans un visage de femme, est une provocation d'autant plus attirante que le visage est généralement plus mélancolique. Mais cette tête contiendra aussi quelque chose d'ardent et de triste, — des besoins spirituels, — des ambitions ténébreusement refoulées, — l'idée d'une puissance grondante et sans emploi, — quelquefois l'idée d'une insensibilité vengeresse (car le type idéal du dandy n'est pas à négliger dans ce sujet); quelquefois aussi, — et c'est l'un des caractères de beauté les plus intéressants — le mystère, et enfin (pour que j'aie le courage d'avouer jusqu'à quel point je me sens moderne en esthétique), le malheur. Je ne prétends pas que la Joie ne puisse pas s'associer avec la Beauté, mais je dis que la Joie est un des ornements les plus vulgaires, tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l'illustre compagne, à ce point que je ne conçois guère (mon cerveau serait-il un miroir ensorcelé?) un type de Beauté où il n'y ait du Malheur. Appuyé sur — d'autres diraient: obsédé par—ces idées, on conçoit qu'il me serait difficile de en pas conclure que le plus parfait type de Beauté virile est Satan, — à la manière de Milton.

XVII

Fusées. — Auto-idolâtrie. | Harmonie poétique du caractère. | Eurythmie du caractère et des facultés. | Conserver toutes les facultés. | Augmenter toutes les facultés.

Un culte (magisme, sorcellerie évocatoire).

Le sacrifice et le vœu sont les formules suprêmes et les symboles de l'échange.

Deux qualités littéraires fondamentales : surnaturalisme et ironie. Coup d'œil individuel, aspect dans lequel se tiennent les choses devant l'écrivain, puis tournure d'esprit satanique. Le surnaturel comprend la couleur générale et l'accent, c'est-à-dire intensité, sonorité, limpidité, vibrativité, profondeur et retentissement dans l'espace et dans le temps.

Il y a des moments de l'existence où le temps et l'étendue sont plus profonds, et le sentiment de l'existence immensément augmenté.

De la magie appliquée à l'évocation des grands morts, au rétablissement et au perfectionnement de la santé.

L'inspiration vient toujours, quand l'homme le veut, mais elle ne s'en va pas toujours, quand il le veut.

De la langue et de l'écriture, prises comme opérations magiques, sorcellerie évocatoire.

De l'air dans La Femme.

Les airs charmants, et qui font la beauté, sont :

L'air blasé,

L'air ennuyé,

L'air évaporé,

L'air impudent,

L'air froid,

L'air de regarder en dedans,

L'air de domination,

L'air de volonté,

L'air méchant,

L'air malade,

L'air chat, enfantillage, nonchalance et malice mêlés.

Dans certains états de l'âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle tout entière dans le spectacle, si ordinaire qu'il soit, qu'on a sous les yeux. Il en devient le Symbole.

Comme je traversais le Boulevard et comme je mettais un peu de précipitation à éviter les voitures, mon auréole s'est détachée et est tombée dans la boue du macadam. J'eus heureusement le temps de la ramasser; mais cette idée malheureuse se glissa, un instant après, dans mon esprit, que c'était un mauvais présage; et dès lors l'idée n'a plus voulu me lâcher; elle ne m'a laissé aucun repos de toute la journée. Du culte de soi-même dans l'amour, au point de vue de la santé, de l'hygiène, de la toilette, de la noblesse spirituelle et de l'éloquence.

Self-purification and anti-humanity

II y a dans l'acte de l'amour une grande ressemblance avec la torture ou avec une opération chirurgicale.

Il y a dans la prière une opération magique. La prière est une des grandes forces de la dynamique intellectuelle. Il y a là comme une récurrence électrique.

Le chapelet est un médium, un véhicule; c'est la prière mise à la portée de tous.

Le travail, force progressive et accumulative, portant intérêts comme le capital, dans les facultés comme dans les résultats.

Le jeu, même dirigé par la science, force intermittente, sera vaincu, si fructueux qu'il soit, par le travail, si petit qu'il soit, mais continu.

Si un poète demandait à l'Etat le droit d'avoir quelques bourgeois dans son écurie, on serait fort étonné, tandis que si un bourgeois demandait du poète rôti, on le trouverait tout naturel.

Cela ne pourra pas scandaliser mes femmes, mes filles, ni mes sœurs.


Tantôt il lui demandait la permission de lui baiser la jambe et il profitait de la circonstance pour baiser cette belle jambe dans telle position qu'elle dessinât nettement son contour sur le soleil couchant!

«Minette, minoutte, minouille, mon chat, mon loup, mon petit singe, grand singe, grand serpent, mon petit singe mélancolique.»

De pareils caprices de langue trop répétés, de trop fréquentes appellations bestiales témoignent d'un côté satanique dans l'amour. Les satans n'ont-ils pas des formes de bêtes? Le chameau de Cazotte, — chameau, diable et femme.


Quand j'aurai inspiré le dégoût et l'horreur universels, j'aurai conquis la solitude.

Ce livre n'est pas fait pour mes femmes, mes filles et mes sœurs. — J'ai peu de ces choses.

— Il y a des peaux carapaces, avec lesquelles le mépris n'est plus un plaisir. — Beaucoup d'amis, beaucoup de gants, — de peur de la gale.

— Ceux qui m ont aimé étaient des gens méprisés, je dirais même méprisables, si je tenais à flatter les honnêtes gens.

Dieu est un scandale, — un scandale qui rapporte.

XVIII

Fusées. — Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.

Il n'y a que deux endroits où l'on paye pour avoir le droit de dépenser: les latrines publiques et les femmes.

Par un concubinage ardent, on peut deviner les jouissances d'un jeune ménage.

Le goût précoce des femmes. Je confondais l'odeur de la fourrure avec l'odeur de la femme. Je me souviens... Enfin j'aimais ma mère pour son élégance. J'étais donc un dandy précoce.


Mes ancêtres, idiots ou maniaques, dans des appartements solennels, tous victimes de terribles passions.

Les pays protestants manquent de deux éléments indispensables au bonheur d'un homme bien élevé, la galanterie et la dévotion.

Le mélange du grotesque et du tragique est agréable à l'esprit, comme les discordances aux oreilles blasées.

Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire.

L'Allemagne exprime la rêverie par la ligne, comme l'Angleterre par la perspective.

Il y a, dans l'engendrement de toute pensée sublime, une secousse nerveuse qui se fait sentir dans le cervelet.

L'Espagne met dans la religion la férocité naturelle de l'amour.


STYLE. — La note éternelle, le style éternel et cosmopolite. Chateaubriand, Alph. Rabbe, Edgar Poe.

XIX

Fusées. Suggestions. — Pourquoi les démocrates n'aiment pas les chats, il est facile de le deviner. Le chat est beau; il révèle des idées de luxe, de propreté, de volupté, etc...

XX

Fusées. — Un peu de travail, répété trois cent soixante-cinq fois, donne trois cent soixante-cinq fois un peu, d'argent, c'est-à-dire une somme énorme. En même temps, la gloire est faite,

[En marge.] De même, une foule de petites jouissances composent le bonheur.


Créer un poncif, c'est le génie. Je dois créer un poncif.

— Le concetto est un chef-d'œuvre.

— Le ton Alphonse Rabbe. — Le ton fille entretenue (Ma boute belle! Sexe volage!).

— Le ton éternel.

Coloriage cru, dessin profondément retaillé.

La prima dona et le garçon boucher.

Ma mère est fantastique; il faut la craindre et lui plaire.

L'orgueilleux Hildebrand.

Césarisme de Napoléon III. (Lettre à Edgar Ney.) Pape et Empereur.

XXI

Fusées. Suggestions. — Se livrer à Satan, qu'est-ce que c'est?

Quoi de plus absurde que le Progrès, puisque l'homme, comme cela est prouvé par le fait journalier, est toujours semblable et égal à l'homme, c'est-à-dire toujours à l'état sauvage! Qu'est-ce que les périls de la forêt et de la prairie auprès des chocs et des conflits quotidiens de la civilisation? Que l'homme enlace sa dupe sur le boulevard, ou perce sa proie dans des forêts inconnues, n'est-il pas l'homme éternel, c'est-à-dire l'animal de proie le plus parfait?

— On dit que j'ai trente ans ; mais si j'ai vécu trois minutes en une..., n'ai-je pas quatre-vingt-dix ans.

...Le travail, n'est-ce pas le sel qui conserve les âmes momies?

Début d'un roman, commencer un sujet n'importe où, et, pour avoir envie de le finir, débuter par de très belles phrases.

XXII

Fusées. — Je crois que le charme infini et mystérieux qui gît dans la contemplation d'un navire, et surtout d'un navire en mouvement, tient, dans le premier cas, à la régularité et à la symétrie, qui sont un des besoins primordiaux de l'esprit humain, au même degré que la complication et l'harmonie ; — et, dans le second cas, à la multiplication successive et à la génération de toutes les courbes et figures imaginaires opérées dans l'espace par les éléments réels de l'objet.

L'idée poétique, qui se dégage de cette opération du mouvement dans les lignes, est 1 hypothèse d'un être vaste, immense, compliqué, mais eurythmique, d'un animal plein de génie, souffrant et soupirant tous les soupirs et toutes les ambitions humaines.


Peuples civilisés, qui parlez toujours sottement de Sauvages et de Barbares, bientôt, comme dit d'Aurevilly, vous ne vaudrez même plus assez pour être idolâtres.

Le stoïcisme, religion qui n'a qu'un sacrement : le suicide!

Concevoir un canevas pour une bouffonnerie lyrique ou féerique, pour pantomime, et traduire cela en un roman sérieux. Noyer le tout dans une atmosphère anormale et songeuse, — dans l'atmosphère des grands jours. Que ce soit quelque chose de berçant, — et même de serein dans la passion. — Régions de la Poésie pure.


Ému au contact de ces voluptés qui ressemblaient à des souvenirs, attendri par la pensée d'un passé mal rempli, de tant de fautes, de tant de querelles, de tant de choses à se cacher réciproquement, il se mit à pleurer; et ses larmes chaudes coulèrent, dans les ténèbres, sur l'épaule nue de sa chère et toujours attirante maîtresse. Elle tressaillit, elle se sentit, elle aussi, attendrie et remuée. Les ténèbres rassuraient sa vanité et son dandysme de femme froide. Ces deux êtres déchus, mais souffrant encore de leur reste de noblesse, s'enlacèrent spontanément, confondant, dans la pluie de leurs larmes et de leurs baisers, les tristesses de leur passé avec leurs espérances bien incertaines d'avenir. Il est présumable que jamais, pour eux, la volupté ne fut si douce que dans cette nuit de mélancolie et de charité ; — volupté saturée de douleur et de remords.

A travers la noirceur de la nuit, il avait regardé derrière lui dans les années profondes, puis il s'était jeté dans les bras de sa coupable amie, pour y retrouver le pardon qu'il lui accordait.


Hugo pense souvent à Prométhée. Il s'applique un vautour imaginaire sur une poitrine qui n'est lancinée que par les moxas de la vanité. Puis, l'hallucination se compliquant, se variant, mais suivant la marche progressive décrite par les médecins, il croit que, par un fiat de la Providence, Sainte-Hélène a pris la place de Jersey.

Cet homme est si peu élégiaque, si peu éthéré, qu'il ferait horreur même à un notaire.

Hugo, sacerdoce, a toujours le front penché, — trop penché pour rien voir, excepté son nombril.


... Qu'est-ce qui n'est pas un sacerdoce aujourd'hui? La jeunesse, elle-même, est un sacerdoce, — à ce que dit la jeunesse.

Et qu'est-ce qui n'est pas une prière? Ch... est une prière, à ce que disent les démocrates, quand ils ch...


M. de Pontmartin, — un homme qui a toujours l'air d'arriver de sa province...

L'homme, c'est-à-dire chacun, est si naturellement dépravé qu'il souffre moins de l'abaissement universel que de l'établissement d'une hiérarchie raisonnable.

Le monde va finir. La seule raison, pour laquelle il pourrait durer, c'est qu'il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci : Qu'est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel? — Car, en supposant qu'il continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du Dictionnaire historique? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du Sud-Amérique, que peut-être même nous retournerons à l'état sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non; car ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes, ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. De la religion, je crois inutile d'en parler et d'en chercher les restes, puisque se donner la peine de nier Dieu est le seul scandale, en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit d'aînesse; mais le temps viendra où l'humanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croient avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême.


L'imagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres États communautaires, dignes de quelque gloire, s'ils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates. Mais ce n'est pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel; car peu m'importe le nom. Ce sera par l'avilissement des cœurs. Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l'animalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d'ordre, de recourir â des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie? — Alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne ; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour s'enrichir, et pour faire concurrence à son infâme papa, fondateur et actionnaire d'un journal qui répandra les lumières et qui ferait considérer le Siècle d'alors comme un suppôt de la superstition. — Alors, les errantes, les déclassées, celles qui ont eu quelques amants et qu'on appelle parfois des Anges, en raison et en remerciement de l'étourderie qui brille, lumière de hasard, dans leur existence logique comme le mal, — alors celles-là, dis-je, ne seront plus qu'impitoyable sagesse, sagesse qui condamnera tout, fors l'argent, tout, même les erreurs des sens! Alors, ce qui ressemblera à la vertu, que dis-je, tout ce qui ne sera pas l'ardeur vers Plutus sera réputé un immense ridicule. La justice, si, à cette époque fortunée, il peut encore exister une justice, fera interdire les citoyens qui ne sauront pas faire fortune. Ton épouse, ô Bourgeois! ta chaste moitié, dont la légitimité fait pour toi la poésie, introduisant désormais dans la légalité une infamie irréprochable, gardienne vigilante et amoureuse de ton coffre-fort, ne sera plus que l'idéal parfait de la femme entretenue. Ta fille, avec une nubilité enfantine, rêvera, dans son berceau, qu'elle se vend un million, et toi-même, ô Bourgeois, — moins poète encore que tu n'es aujourd'hui, — tu n'y trouveras rien à redire; tu ne regretteras rien. Car il y a des choses, dans l'homme, qui se fortifient et prospèrent à mesure que d'autres se délicatisent et s'amoindrissent; et, grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères! — Ces temps sont peut-être bien proches; qui sait même s'ils ne sont pas venus, et si l'épaississement de notre nature n'est pas le seul obstacle qui nous empêche d'apprécier le milieu dans lequel nous respirons?


Quant à moi, qui sens quelquefois en moi le ridicule d'un prophète, je sais que je n'y trouverai jamais la charité d'un médecin. Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l'oeil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et, devant lui, qu'un orage où rien de neuf n'est contenu, ni enseignement ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir, bercé dans sa digestion, oublieux — autant que possible — du passé, content du présent et résigné à l'avenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de n'être pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit, en contemplant la fumée de son cigare : «Que m'importe où vont ces consciences?»


Je crois que j'ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-d'œuvre. Cependant, je laisserai ces pages, — parce que je veux dater ma colère.

Part II MON COEUR MIS A NU (Deuxieme partie des journaux intimes)

Table des matieres

Presentation I 1. 2. 3. II 4. III 5. IV 6. 7. V 8. VI 9. 10. VII 11. 12. VIII 13. 14. IX 15. 16. X 17. 18. XI 19. 20 XII 21. XIII 22. XIV 23. 24. XV 25. XVI 26. XVII 27. 28. XVIII 29. 30. XIX 31. 32. XX 33. 34. XXI 35. 36. XXII 37. 38. XXIII 39. 40. 41. XXIV 42. 43. XXV 44. 45. XXVI 46. 47. XXVII 48. 49. XXVIII 50. 51. XXIX 52. 53. XXX 54. 55. XXXI 56. 57. XXXII 58. 59. XXXIII 60. 61. XXXIV 62. XXXV 63. XXXVI 64. XXXVII 65. 66. 67. XXXVIII 68. 69. XXXIX 70. 71. XL 72. 73. XLI 74. 75. XLII 76. 77. XLIII 78. 79. XLIV 80. XLV 81. 82. XLVI 83. XLVII 84. XLVIII 85.


Presentation

"Un grand livre auquel je reve depuis deux ans: _Mon coeur mis a nu,_ et ou j'entasserai toutes mes coleres. Ah! si jamais celui-la voit le jour, _Les confessions_ de Jean-Jacques paraitront pales. Tu vois que je reve encore."

Lettre de Charles Baudelaire a sa mere (1er avril 1861)

La publication fut posthume, en 1887.

Apparemment, la composition de _Mon coeur mis a nu_ daterait des annees 1852 -- 1866.

C'est initialement pour lui seul, et pour quelques intimes, que Baudelaire a jete sur le papier les bases de ce "livre de rancunes". Sachez, le moment venu, jeter sur certaines crudites, le manteau de Noe.

Ces journaux intimes sont restes a l'etat de feuilles volantes jusqu'a la mort du poete en 1867.

Poulet-Malassis, ami et editeur de Baudelaire, numerote plus tard les fragments (chiffres arabes), les fixe sur des feuilles foliotees (chiffres romains), et fait relier le tout dans des cartonnages.

La presente edition comporte cette double numerotation, en chiffres romains et en chiffres arabes


I 1.

De la vaporisation et de la centralisation du _Moi_. Tout est la.

D'une certaine jouissance sensuelle dans la societe des extravagants.

(Je peux commencer _Mon coeur mis a nu_ n'importe ou, n'importe comment, et le continuer au jour le jour, suivant l'inspiration du jour et de la circonstance, pourvu que l'inspiration soit vive).

2. Le premier venu, pourvu qu'il sache amuser, a le droit de parler de lui-meme.

3. Je comprends qu'on deserte une cause pour savoir ce qu'on eprouvera a en servir une autre.

Il serait peut-etre doux d'etre alternativement victime et bourreau.


II 4.

_Sottises de Girardin_

Notre habitude est de prendre le taureau _par les cornes_. Prenons donc le discours par _la fin_. (_7 nov. 1863_).

Donc, Girardin croit que les cornes des taureaux sont plantees sur leur derriere. Il confond les cornes avec la queue.

Qu'avant d'imiter les Ptolemees du journalisme francais, les journalistes belges se donnent la peine de reflechir sur la question que j'etudie depuis trente ans sous toutes ses faces, ainsi que le prouvera le volume qui paraitra prochainement sous ce titre: Questions de presse; qu'ils ne se hatent pas de traiter de _souverainement ridicule_ une opinion qui est aussi vraie qu'il est vrai que la terre tourne et que le soleil ne tourne pas. Emile de Girardin.

"Il y a des gens qui pretendent que rien n'empeche de croire que, le ciel etant immobile, c'est la terre qui tourne autour de son axe. Mais ces gens-la ne sentent pas, a raison de ce qui se passe autour de nous, combien leur opinion est souverainement ridicule [texte en grec]." PTOLEMEE, _Almageste_, livre Ier, chap. VI.

_Et habet mea mentrita [sic] meatum._ GIRARDIN. [image du texte grec]

"souverainement ridicule"


III 5.

La femme est le contraire du Dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim et elle veut manger. Soif, et elle veut boire.

Elle est en rut et elle veut etre foutue.

Le beau merite!

La femme est _naturelle_, c'est-a-dire abominable.

Aussi est-elle toujours vulgaire, c'est-a-dire le contraire du Dandy.


Relativement a la Legion d'Honneur.

Celui qui demande la croix a l'air de dire: si l'on ne me decore pas pour avoir fait mon devoir, je ne recommencerai plus.

- si un homme a du merite, a quoi bon le decorer? s'il n'en a pas, on peut le decorer, parce que [cela] lui donnera un lustre.

Consentir a etre decore, c'est reconnaitre a l'Etat ou au prince le droit de vous juger, de vous illustrer, etc.


D'ailleurs, si ce n'est l'orgueil, l'humilite chretienne defend la croix.

_Calcul en faveur de Dieu._

Rien n'existe sans but.

Donc mon existence a un but. Quel but? Je l'ignore.

Ce n'est donc pas moi qui l'ait marque.

C'est donc quelqu'un, plus savant que moi.

Il faut donc prier ce quelqu'un de m'eclairer. C'est le parti le plus sage.

Le Dandy doit aspirer a etre sublime sans interruption; il doit vivre et dormir devant un miroir.


IV 6.

Analyse des contre-religions, exemple: la prostitution sacree.

Qu'est-ce que la prostitution sacree?

Excitation nerveuse.

Mysticite du paganisme.

Le mysticisme, trait d'union entre le paganisme et le christianisme.

Le paganisme et le christianisme se prouvent reciproquement.

La revolution et le culte de la Raison prouvent l'idee du sacrifice.

La superstition est le reservoir de toutes les verites.

7.

Il y a dans tout changement quelque chose d'infame et d'agreable a la fois, quelque chose qui tient de l'infidelite et du demenagement. Cela suffit a expliquer la revolution francaise.


V 8.

Mon ivresse en 1848.

De quelle nature etait cette ivresse?

Gout de la vengeance. Plaisir _naturel_ de la demolition. Ivresse litteraire; souvenir des lectures.

Le 15 mai. - Toujours le gout de la destruction. Gout legitime si tout ce qui est naturel est legitime.


Les horreurs de Juin. Folie du peuple et folie de la bourgeoisie. Amour naturel du crime.


Ma fureur au coup d'Etat. Combien j'ai essuye de coups de fusil. Encore un Bonaparte! Quelle honte!

Et cependant tout s'est pacifie. Le President n'a-t-il pas un droit a invoquer?

Ce qu'est l'Empereur Napoleon III. Ce qu'il vaut. Trouver l'explication de sa nature, et sa providentialite.


VI 9.

Etre un homme utile m'a paru toujours quelque chose de bien hideux.


1848 ne fut amusant que parce que chacun y faisait des utopies comme des chateaux en Espagne.

1848 ne fut charmant que par l'exces meme du Ridicule.


Robespierre n'est estimable que parce qu'il a fait quelques belles phrases.

10.

La Revolution, par le sacrifice, confirme la superstition.


VII 11.

POLITIQUE

Je n'ai pas de convictions, comme l'entendent les gens de mon siecle, parce que je n'ai pas d'ambition.

Il n'y a pas en moi de base pour une conviction.

Il y a une certaine lachete ou plutot une certaine mollesse chez les honnetes gens.

Les brigands seuls sont convaincus, - de quoi? - qu'il leur faut reussir. Aussi, ils reussissent.

Pourquoi reussirais-je, puisque je n'ai meme pas envie d'essayer?

On peut fonder des empires glorieux sur le crime, et de nobles religions sur l'imposture.


Cependant, j'ai quelques convictions, dans un sens plus eleve, et qui ne peut pas etre compris par les gens de mon temps.

12.

Sentiment de _solitude_, des mon enfance. Malgre la famille, - et au milieu des camarades, surtout, - sentiment de destinee eternellement solitaire.

Cependant, gout tres vif de la vie et du plaisir.


VIII 13.

Presque toute notre vie est employee a des curiosites niaises. En revanche il y a des choses qui devraient exciter la curiosite des hommes au plus haut degre, et qui, a en juger par leur train de vie ordinaire, ne leur en inspirent aucune.

Ou sont nos amis morts?

Pourquoi sommes-nous ici?

Venons-nous de quelque part?

Qu'est-ce que la liberte?

Peut-elle s'accorder avec la loi providentielle?

Le nombre des ames est-il fini ou infini?

Et le nombre des terres habitables?

Etc., etc.

14.

Les nations n'ont de grands hommes que malgre elles. Donc le grand homme est vainqueur de toute sa nation.

Les religions modernes ridicules

Moliere.

Beranger.

Garibaldi.


IX 15.

La croyance au progres est une doctrine de paresseux, une doctrine de _Belges_. C'est l'individu qui compte sur ses voisins pour faire sa besogne.

Il ne peut y avoir de progres (vrai, c'est-a-dire moral) que dans l'individu et par l'individu lui-meme.

Mais le monde est fait de gens qui ne peuvent penser qu'en commun, en bandes. Ainsi les _Societes belges_.

Il y a aussi des gens qui ne peuvent s'amuser qu'en troupe. Le vrai heros s'amuse tout seul.

16.

Eternelle superiorite du Dandy.

Qu'est-ce que le Dandy?


X 17.

Mes opinions sur le theatre. Ce que j'ai toujours trouve de plus beau dans un theatre, dans mon enfance et encore maintenant, c'est le _lustre_, - un bel objet lumineux, cristallin, complique, circulaire et symetrique.

Cependant, je ne nie pas absolument la valeur de la litterature dramatique. Seulement, je voudrais que les comediens fussent montes sur des patins tres hauts, portassent des masques plus expressifs que le visage humain, et parlassent a travers des porte-voix; enfin que les roles de femmes fussent joues par des hommes.

Apres tout, le lustre m'a toujours paru l'acteur principal, vu a travers le gros bout ou le petit bout de la lorgnette.

18.

Il faut travailler, sinon par gout, au moins par desespoir, puisque, tout bien verifie, travailler est moins ennuyeux que s'amuser.


XI 19.

Il y a dans tout homme, a toute heure, deux postulations simultanees, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan. L'invocation a Dieu, ou spiritualite, est un desir de monter en grade; celle de Satan, ou animalite, est une joie de descendre. C'est a cette derniere que doivent etre rapportees les amours pour les femmes et les conversations intimes avec les animaux, chiens, chats, etc.

Les joies qui derivent de ces deux amours sont adaptees a la nature de ces deux amours.

20

Ivresse d'Humanite. Grand tableau a faire:

Dans le sens de la charite.

Dans le sens du libertinage.

Dans le sens litteraire, ou du Comedien.


XII 21.

La question (torture) est, comme art de decouvrir la verite, une niaiserie barbare; c'est l'application d'un moyen materiel a un but spirituel.


La peine de Mort est le resultat d'une idee mystique, totalement incomprise aujourd'hui. La peine de Mort n'a pas pour but de _sauver_ la societe, materiellement du moins. Elle a pour but de _sauver_ (spirituellement) la societe et le coupable. Pour que le sacrifice soit parfait, il faut qu'il y ait assentiment et joie de la part de la victime. Donner du chloroforme a un condamne a mort serait une impiete, car ce serait lui enlever la conscience de sa grandeur comme victime et lui supprimer les chances de gagner le Paradis.


Quant a la torture, elle est nee de la partie infame du coeur de l'homme, assoiffe de voluptes. Cruaute et volupte, sensations identiques, comme l'extreme chaud et l'extreme froid.


XIII 22.

Ce que je pense du vote et du droit d'elections. Des droits de l'homme. Ce qu'il y a de vil dans une fonction quelconque.

Un Dandy ne fait rien.

Vous figurez-vous un Dandy parlant au peuple, excepte pour le bafouer?


Il n'y a de gouvernement raisonnable et assure que l'aristocratique.

Monarchie ou republique, basees sur la democratie, sont egalement absurdes et faibles.


Immense nausee des affiches.


Il n'existe que trois etres respectables:

Le pretre, le guerrier, le poete. Savoir, tuer et creer.

Les autres hommes sont taillables et corveables, faits pour l'ecurie, c'est-a-dire pour exercer ce qu'on appelle des _professions_.


XIV 23.

Observons que les abolisseurs de la peine de mort doivent etre plus ou moins _interesses_ a l'abolir.

Souvent ce sont des guillotineurs. Cela peut se resumer ainsi: "Je veux pouvoir couper ta tete; mais tu ne toucheras pas a la mienne".

Les abolisseurs d'ames (_materialistes_) sont necessairement des abolisseurs d'_enfer_; ils y sont a coup sur _interesses_.

Tout au moins ce sont des gens qui ont _peur de revivre_, - des paresseux.

24.

Madame de Metternich, quoique princesse, a oublie de me repondre a propos de ce que j'ai dit d'elle et de Wagner.

Moeurs du 19e siecle.


XV 25.

Histoire de ma traduction d'_Edgar Poe_.

Histoire des _Fleurs du Mal_, humiliation par le malentendu, et mon proces.

Histoire de mes rapports avec tous les hommes celebres de ce temps.

Jolis portraits de quelques imbeciles: Clement de Ris. Castagnary.

Portraits de magistrats, de fonctionnaires, de directeurs de journaux, etc.

Portrait de l'artiste, en general.

Du redacteur en chef et de la pionnerie. Immense gout de tout le peuple francais pour la pionnerie, et pour la dictature. C'est le: "si j'etais roi!".

Portraits et anecdotes.

Francois, - Buloz, - Houssaye, - le fameux Rouy, - de Calonne, - Charpentier, - qui corrige ses auteurs, en vertu de l'egalite donnee a tous les hommes par les immortels principes de 89; - Chevalier, veritable redacteur en chef selon l'Empire.


XVI 26.

_Sur George Sand._

La femme Sand est le Prudhomme de l'immoralite. Elle a toujours ete moraliste.

Seulement elle faisait autrefois de la contre-morale. - Aussi elle n'a jamais ete artiste.

Elle a le fameux _style coulant_, cher aux bourgeois.

Elle est bete, elle est lourde, elle est bavarde; elle a dans les idees morales la meme profondeur de jugement et la meme delicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues.

Ce qu'elle dit de sa mere.

Ce qu'elle dit de la poesie.

Son amour pour les ouvriers.

Que quelques hommes aient pu s'amouracher de cette latrine, c'est bien la preuve de l'abaissement des hommes de ce siecle.

Voir la preface de _Mademoiselle La Quintinie_, ou elle pretend que les vrais chretiens ne croient pas a l'Enfer. La Sand est pour le _Dieu des bonnes gens_, le dieu des concierges et des domestiques filous. Elle a de bonnes raisons pour vouloir supprimer l'Enfer.


XVII 27.

LE DIABLE ET GEORGE SAND.

Il ne faut pas croire que le Diable ne tente que les hommes de genie. Il meprise sans doute les imbeciles, mais il ne dedaigne pas leur concours. Bien au contraire, il fonde ses grands espoirs sur ceux-la.

Voyez George Sand. Elle est surtout, et plus que toute autre chose, une _grosse bete_; mais elle est _possedee_. C'est le Diable qui lui a persuade de se fier a _son bon coeur_ et a _son bon sens_, afin qu'elle persuadat toutes les autres grosses betes de se fier a leur bon coeur et a leur bon sens.

Je ne puis penser a cette stupide creature sans un certain fremissement d'horreur. Si je la rencontrais, je ne pourrais m'empecher de lui jeter un benitier a la tete.

28.

George Sand est une de ces vieilles ingenues qui ne veulent jamais quitter les planches. J'ai lu dernierement une preface (la preface de _Mademoiselle La Quintinie_) ou elle pretend qu'un vrai chretien ne peut pas croire a l'Enfer. Elle a de bonnes raisons pour vouloir supprimer l'Enfer.

[fragment non numerote]

La Religion de la femme Sand. Preface de _Mademoiselle La Quintinie_. La femme Sand est interessee a croire que l'Enfer n'existe pas.


XVIII 29.

Je m'ennuie en France, surtout parce que tout le monde y ressemble a Voltaire.

Emerson a oublie Voltaire dans ses _Representants de l'humanite_. Il aurait pu faire un joli chapitre intitule: _Voltaire, ou l'anti-poete_, le roi des badauds, le prince des superficiels, l'anti-artiste, le predicateur des concierges, le pere Gigogne des redacteurs du _Siecle_.

30.

Dans _Les Oreilles du Comte de Chesterfield_, Voltaire plaisante sur cette ame immortelle qui a reside, pendant neuf mois entre des excrements et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haissait le mystere.

Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Eglise a voulu au moins le desinfecter, et elle a fait le mariage.


XIX 31.

Portrait de la canaille litteraire.

Doctor Estaminetus Crapulosus, Pedantissimus. Son portrait fait a la maniere de Praxitele.

Sa pipe.

Ses opinions.

Son Hegelianisme.

Sa crasse.

Ses idees en art.

Son fiel.

Sa jalousie.

Un joli tableau de la jeunesse moderne.

32.

ELIEN (?)

[Texte en grec].

[Image texte grec]

Elien, _Histoire des animaux_ (IX, 62)

"Pourquoi le poete ne serait-il pas un broyeur de poisons aussi bien qu'un confiseur, un eleveur de serpents pour miracles et spectacles?"

Baudelaire, lettre a Jules Janin


XX 33.

La Theologie.

Qu'est-ce que la chute?

Si c'est l'unite devenue dualite, c'est Dieu qui a chute.

Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l'amour, et, dans le mode de la generation, un signe du peche originel. De fait, nous ne pouvons faire l'amour qu'avec des organes excrementiels.

En d'autres termes, la creation ne serait-elle pas la chute de Dieu?


_Dandysme._

Qu'est-ce que l'homme superieur?

Ce n'est pas le specialiste.

C'est l'homme de Loisir et d'Education generale.

Etre riche et aimer le travail.


34.

Pourquoi l'homme d'esprit aime les filles plus que les femmes du monde, malgre qu'elles soient egalement betes? - A trouver.


XXI 35.

Il y a de certaines femmes qui ressemblent au ruban de la Legion d'honneur. On n'en veut plus parce qu'elles se sont salies a de certains hommes.

C'est par la meme raison que je ne chausserais pas les culottes d'un galeux.

Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime ou l'on ne peut pas se passer d'un complice.

36. Etude de la grande Maladie de l'horreur du Domicile. Raisons de la Maladie. Accroissement progressif de la Maladie.


Indignation causee par la fatuite universelle, de toutes les classes, de tous les etres, dans les deux sexes, dans tous les ages.


L'homme aime tant l'homme que quand il fuit la ville, c'est encore pour chercher la foule, c'est-a-dire pour refaire la ville a la campagne.


XXII 37.

Discours de Durandeau sur les Japonais. (Moi! je suis Francais avant tout). Les Japonais sont des singes. C'est Darjou qui me l'a dit.


Discours du medecin, l'ami de Mathieu, sur l'art de ne pas faire d'enfants, sur Moise et sur l'immortalite de l'ame.


L'art est un agent civilisateur (Castagnary).

38.

Physionomie d'un sage et de sa famille au cinquieme etage, buvant le cafe au lait.


Le sieur Nacquart pere et le sieur Nacquart fils.

Comment le Nacquart fils est devenu conseiller en Cour d'appel.


XXIII 39.

De l'amour, de la predilection des Francais pour les metaphores militaires. Toute metaphore ici porte des moustaches.

Litterature militante.

Rester sur la breche.

Porter haut le drapeau.

Tenir le drapeau haut et ferme.

Se jeter dans la melee.

Un des veterans.

Toutes ces glorieuses phraseologies s'appliquent generalement a des cuistres et a des faineants d'estaminet.


40.

Metaphores francaises.

Soldat de la presse judiciaire (Bertin).

La presse militante.


41.

A ajouter aux metaphores militaires:

Les poetes de combat.

Les litterateurs d'avant-garde.

Ces habitudes de metaphores militaires denotent des esprits, non pas militants, mais faits pour la discipline, c'est-a-dire pour la conformite, des esprits nes domestiques, des esprits belges, qui ne peuvent penser qu'en societe.


XXIV 42.

Le gout du plaisir nous attache au present. Le soin de notre salut nous suspend a l'avenir.

Celui qui s'attache au plaisir, c'est-a-dire au present, me fait l'effet d'un homme roulant sur une pente, et qui voulant se raccrocher aux arbustes, les arracherait et les emporterait dans sa chute.

_Avant tout_, Etre _un grand homme_ et _un Saint_ pour soi-meme.

43.

De la haine du peuple contre la beaute.

Des exemples.

Jeanne et Mme Muller.


XXV 44.

POLITIQUE.

En somme, devant l'histoire et devant le peuple francais, la grande gloire de Napoleon III aura ete de prouver que le premier venu peut, en s'emparant du telegraphe et de l'Imprimerie nationale, gouverner une grande nation.

Imbeciles sont ceux qui croient que de pareilles choses peuvent s'accomplir sans la permission du peuple, - et ceux qui croient que la gloire ne peut etre appuyee que sur la vertu!

Les dictateurs sont les domestiques du peuple, - rien de plus, - un foutu role d'ailleurs, - et la gloire est le resultat de l'adaptation d'un esprit avec la sottise nationale.

45.

Qu'est-ce que l'amour?

Le besoin de sortir de soi.

L'homme est un animal adorateur.

Adorer, c'est se sacrifier et se prostituer.

Aussi tout amour est-il prostitution.


[fragment non numerote]

L'etre le plus prostitue, c'est l'etre par excellence, c'est Dieu, puisqu'il est l'ami supreme pour chaque individu, puisqu'il est le reservoir commun, inepuisable, de l'amour.

[Fragment non numerote]

PRIERE

Ne me chatiez pas dans ma mere et ne chatiez pas ma mere a cause de moi. - Je vous recommande les ames de mon pere et de Mariette. - Donnez-moi la force de faire immediatement mon devoir tous les jours et de devenir ainsi un heros et un Saint.


XXVI 46.

Un chapitre sur l'indestructible, eternelle, universelle et ingenieuse ferocite humaine.

De l'amour du sang.

De l'ivresse du sang.

De l'ivresse des foules.

De l'ivresse du supplicie (Damiens).

47.

Il n'y a de grand parmi les hommes que le poete, le pretre et le soldat, l'homme qui chante, l'homme qui benit, l'homme qui sacrifie et se sacrifie.

Le reste est fait pour le fouet.


Defions-nous du peuple, du bon sens, du coeur, de l'inspiration, et de l'evidence.


XXVII 48.

J'ai toujours ete etonne qu'on laissat les femmes entrer dans les eglises. Quelle conversation peuvent-elles tenir avec Dieu?


L'eternelle Venus (caprice, hysterie, fantaisie) est une des formes seduisantes du Diable.


Le jour ou le jeune ecrivain corrige sa premiere epreuve, il est fier comme un ecolier qui vient de gagner sa premiere verole.


Ne pas oublier un grand chapitre sur l'art de la divination, par l'eau, les cartes, l'inspection de la main, etc.

49.

La femme ne sait pas separer l'ame du corps. Elle est simpliste, comme les animaux. - Un satirique dirait que c'est parce qu'elle n'a que le corps.


Un chapitre sur

La _Toilette_.

Moralite de la Toilette

Les bonheurs de la Toilette.


XXVIII 50.

De la cuistrerie.

des professeurs des juges des pretres

et des ministres.


Les jolis grands hommes du jour.

Renan. Feydeau. Octave Feuillet. Scholl.


Les directeurs de journaux, Francois Buloz, Houssaye, Rouy, Girardin, Texier, de Calonne, Solar, Turgan, Dalloz.

- Liste de canailles, Solar en tete.


51.

Etre un grand homme et un saint _pour soi-meme_, voila l'unique chose importante.


XXIX 52.

Nadar, c'est la plus etonnante expression de vitalite. Adrien me disait que son frere Felix avait tous les visceres en double. J'ai ete jaloux de lui a le voir si bien reussir dans tout ce qui n'est pas l'abstrait.


Veuillot est si grossier et si ennemi des arts qu'on dirait que toute la Democratie du monde s'est refugiee dans son sein.

Developpement du portrait.

Suprematie de l'idee pure, chez le chretien comme chez le communiste babouviste.

Fanatisme de l'humilite. Ne pas meme aspirer a comprendre la Religion.


53. Musique.

De l'esclavage.

Des femmes du monde.

Des filles.

Des magistrats.

Des sacrements.

L'homme de lettres est l'ennemi du monde.

Des bureaucrates.


XXX 54.

Dans l'amour comme dans presque toutes les affaires humaines, l'entente cordiale est le resultat d'un malentendu. Ce malentendu, c'est le plaisir. L'homme crie: "O! mon ange!" La femme roucoule: "Maman! maman! Et ces deux imbeciles sont persuades qu'ils pensent de concert. - Le gouffre infranchissable, qui fait l'incommunicabilite, reste infranchi.

55.

Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et si eternellement agreable?

Parce que la mer offre a la fois l'idee de l'immensite et du mouvement. Six ou sept lieues representent pour l'homme le rayon de l'infini. Voila un infini diminutif. Qu'importe s'il suffit a suggerer l'idee de l'infini total? Douze ou quatorze lieues (sur le diametre), douze ou quatorze de liquide en mouvement suffisent pour donner la plus haute idee de beaute qui soit offerte a l'homme sur son habitacle transitoire.


XXXI 56.

Il n'y a rien d'interessant sur la terre que les religions.

Qu'est-ce que la Religion universelle? (Chateaubriand, de Maistre, les Alexandrins, Cape).

Il y a une Religion Universelle faite pour les Alchimistes de la Pensee, une Religion qui se degage de l'homme, considere comme memento divin.

57.

Saint-Marc Girardin a dit un mot qui restera: _Soyons mediocres_.

Rapprochons ce mot de celui de Robespierre: Ceux qui ne croient pas a l'immortalite de leur etre se rendent justice".

Le mot de Saint-Marc G[irardin] implique une immense haine contre le sublime.

Qui a vu S[ain]t-M[arc] G[irardin] marcher dans la rue a concu tout de suite l'idee d'une grande oie infatuee d'elle-meme, mais effaree et courant sur la grande route, devant la diligence.


XXXII 58.

Theorie de la vraie civilisation.

Elle n'est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes, elle est dans la diminution des traces du peche originel.

Peuples nomades, pasteurs, chasseurs, agricoles et meme anthropophages, _tous_ peuvent etre superieurs par l'energie, par la dignite personnelles, a nos races d'Occident.

Celles-ci peut-etre seront detruites.

Theocratie et communisme.

59.

C'est par le loisir que j'ai, en partie, grandi.

A mon grand detriment; car le loisir, sans fortune, augmente les dettes, les avanies resultant des dettes.

Mais a mon grand profit, relativement a la sensibilite, a la meditation, et a la faculte du dandysme et du dilettantisme.

Les autres hommes de lettres sont, pour la plupart, de vils piocheurs tres ignorants.


XXXIII 60.

La jeune fille des editeurs.

La jeune fille des redacteurs en chef.

La jeune fille epouvantail, monstre, assassin de l'art.

La jeune fille, ce qu'elle est en realite.

Une petite sotte et une petite salope; la plus grande imbecillite unie a la plus grande depravation.

Il y a dans la jeune fille toute l'abjection du voyou et du collegien.

61.

Avis aux non-communistes:

Tout est commun, meme Dieu.


XXXIV 62.

Le Francais est un animal de basse-cour, si bien domestique qu'il n'ose franchir aucune palissade. Voir ses gouts en art et en litterature.

C'est un animal de race latine; l'ordure ne lui deplait pas dans son domicile, et en litterature, il est scatophage. Il raffole des excrements. Les litterateurs d'estaminet appellent cela le _sel gaulois_.

_Bel exemple de la bassesse francaise, de la nation qui se pretend independante avant toutes les autres._

L'extrait suivant du beau livre de M. de Vaulabelle suffira pour donner une idee de l'impression que fit l'evasion de Lavalette sur la portion la moins eclairee du parti royaliste: "L'emportement royaliste, a ce moment de la seconde Restauration, allait pour ainsi dire, jusqu'a la folie. La jeune Josephine de Lavalette faisait son education dans l'un des principaux couvents de Paris (l'Abbaye-aux-Bois); elle ne l'avait quitte que pour venir embrasser son pere. Lorsqu'elle rentra apres l'evasion et que l'on connut la part bien modeste qu'elle y avait prise, une immense clameur s'eleva contre cette enfant; les religieuses et ses compagnes la fuyaient, et bon nombre de parents declarerent qu'ils retireraient leurs filles si on la gardait. Ils ne voulaient pas, disaient-ils, laisser leurs enfants en contact avec une jeune personne qui avait tenu une pareille conduite et donne un pareil exemple. Quand Mme de Lavalette, six semaines apres, recouvra la liberte, elle fut obligee de reprendre sa fille".


XXXV 63.

_Princes et generations._

Il y a une egale injustice a attribuer aux princes regnants les merites et les vices du peuple actuel qu'ils gouvernent.

Ces merites et ces vices sont presque toujours, comme la statistique et la logique le pourraient demontrer, attribuables a l'atmosphere du gouvernement precedent.

Louis XIV herite des hommes de Louis XIII.. Gloire.

Napoleon Ier herite des hommes de la Republique. Gloire.

Louis-Philippe herite des hommes de Charles X. Gloire.

Napoleon III herite des hommes de Louis-Philippe. Deshonneur.

C'est toujours le gouvernement precedent qui est responsable des moeurs du suivant, en tant qu'un gouvernement puisse etre responsable de quoi que ce soit.

Les coupures brusques que les circonstances font dans les regnes ne permettent pas que cette loi soit absolument exacte, relativement au temps. On ne peut pas marquer exactement ou finit une influence - mais cette influence subsistera dans toute la generation qui l'a subie dans sa jeunesse.


XXXVI 64.

De la haine de la jeunesse contre les citateurs. Le citateur est pour eux un ennemi.

Je mettrai l'orthographe meme sous la main du bourreau. (Th. Gautier).


Beau tableau a faire: la Canaille Litteraire.


Ne pas oublier un portrait de Forgues, le Pirate, l'Ecumeur de Lettres.


Gout invincible de la prostitution dans le coeur de l'homme, d'ou nait son horreur de la solitude. - Il veut etre _deux_. L'homme de genie veut etre _un_, donc solitaire.

La gloire, c'est rester _un_, et se prostituer d'une maniere particuliere.

C'est cette horreur de la solitude, le besoin d'oublier son _moi_ dans la chair exterieure, que l'homme appelle noblement _besoin d'aimer_.


Deux belles religions, immortelles sur les murs, eternelles obsessions du peuple: une pine (le phallus antique) - et "Vive Barbes!" ou "A bas Philippe!" ou "Vive la Republique!".


XXXVII 65.

Etudier dans tous ses modes, dans les oeuvres de la nature et dans les oeuvres de l'homme, l'universelle et eternelle loi de la gradation, du _peu a peu_, du _petit a petit_, avec les forces progressivement croissantes, comme les interets composes, en matiere de finances.

Il en est de meme dans _l'habilete artistique et litteraire_, il en est de meme dans le tresor variable de la _volonte_.

66.

La cohue des petits litterateurs, qu'on voit aux enterrements, distribuant des poignees de mains, et se recommandant a la memoire du faiseur de _courriers_.

De l'enterrement des hommes celebres.

67.

Moliere. Mon opinion sur _Tartuffe_ est que ce n'est pas une comedie, mais un pamphlet. Un athee, s'il est simplement un homme bien eleve, pensera, a propos de cette piece, qu'il ne faut jamais livrer certaines questions graves a la canaille.


XXXVIII 68.

Glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion).

Glorifier le vagabondage et ce qu'on peut appeler le Bohemianisme, culte de la sensation multipliee, s'exprimant par la musique. En referer a Liszt.


De la necessite de battre les femmes.

On peut chatier ce que l'on aime. Ainsi les enfants. Mais cela implique la douleur de mepriser ce que l'on aime.


Du cocuage et des cocus.

La douleur du cocu.

Elle nait de son orgueil, d'un raisonnement faux sur l'honneur et sur le bonheur, et d'un amour niaisement detourne de Dieu pour etre attribue aux creatures.

C'est toujours l'animal adorateur se trompant d'idole.

69.

Analyse de l'imbecillite insolente. Clement de Ris et Paul Perignon.


XXXIX 70.

Plus l'homme cultive les arts, moins il bande.

Il se fait un divorce de plus en plus sensible entre l'esprit et la brute.

La brute seule bande bien, et la fouterie est le lyrisme du peuple.


Foutre, c'est aspirer a entrer dans un autre, et l'artiste ne sort jamais de lui-meme.


J'ai oublie le nom de cette salope... ah! bah! je le retrouverai au jugement dernier.


La musique donne l'idee de l'espace.

Tous les arts, plus ou moins; puisqu'ils sont _nombre_ et que le nombre est une traduction de l'espace.


_Vouloir tous les jours etre le plus grand des hommes!!!_

71.

Etant enfant, je voulais etre tantot pape, mais pape militaire, tantot comedien.

Jouissances que je tirais de ces deux hallucinations.


XL 72.

Tout enfant, j'ai senti dans mon coeur deux sentiments contradictoires, l'horreur de la vie et l'extase de la vie.

C'est bien le fait d'un paresseux nerveux.

73.

Les nations n'ont de grands hommes que malgre elles.


A propos du comedien et de mes reves d'enfance, un chapitre sur ce qui constitue, dans l'ame humaine, la vocation du comedien, la gloire du comedien, l'art du comedien, et sa situation dans le monde.

La theorie de Legouve. Legouve est-il un farceur froid, un Swift, qui a essaye si la France pouvait avaler une nouvelle absurdite? Son choix. Bon, en ce sens que Samson n'est pas un comedien.

De la vraie grandeur des parias.


Peut-etre meme, la vertu nuit-elle aux talents des parias.


XLI 74.

Le commerce est, par son essence, _satanique_.

- Le commerce, c'est le prete-rendu, c'est le pret avec le sous- entendu: _Rends-moi plus que je ne te donne_. - L'esprit de tout commercant est completement vicie. - Le commerce est _naturel_, _donc_ il est _infame_. - Le moins infame de tous les commercants, c'est celui qui dit: Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d'argent que les sots qui sont vicieux. - Pour le commercant, l'honnetete elle-meme est une speculation de lucre. - Le commerce est satanique, parce qu'il est une des formes de l'egoisme, et la plus basse et la plus vile.

75.

Quand Jesus-Christ dit: "Heureux ceux qui sont affames, car ils seront rassasies", Jesus-Christ fait un calcul de probabilites.


XLII 76.

Le monde ne marche que par le Malentendu.

- C'est par le Malentendu universel que tout le monde s'accorde. - Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s'accorder.


L'homme d'esprit, celui qui ne s'accordera jamais avec personne, doit s'appliquer a aimer la conversation des imbeciles et la lecture des mauvais livres. Il en tirera des jouissances ameres qui compenseront largement sa fatigue.

77.

Un fonctionnaire quelconque, un ministre, un directeur de theatre ou de journal, peuvent etre quelquefois des etres estimables, mais ils ne sont jamais divins. Ce sont des personnes sans personnalite, des etres sans originalite, nes pour la fonction, c'est-a-dire pour la domesticite publique.


XLIII 78.

Dieu et sa profondeur.

On peut ne pas manquer d'esprit et chercher dans Dieu le complice et l'ami qui manquent toujours. Dieu est l'eternel confident dans cette tragedie dont chacun est le heros. Il y a peut-etre des usuriers et des assassins qui disent a Dieu: "Seigneur, faites que ma prochaine operation reussisse!" Mais la priere de ces vilaines gens ne gate pas l'honneur et le plaisir de la mienne.

79.

Toute idee est, par elle-meme, douee d'une vie immortelle, comme une personne.

Toute forme creee, meme par l'homme, est immortelle. Car la forme est independante de la matiere, et ce ne sont pas les molecules qui constituent la forme.


Anecdotes relatives a Emile Douay et a Constantin Guys, detruisant ou plutot croyant detruire leurs oeuvres.


XLIV 80.

Il est impossible de parcourir une gazette quelconque, de n'importe quel jour ou quel mois ou quelle annee, sans y trouver a chaque ligne les signes de la perversite humaine la plus epouvantable, en meme temps que les _vanteries_ les plus surprenantes de probite, de bonte, de charite, et les affirmations les plus effrontees relatives au progres et a la civilisation.

Tout journal, de la premiere ligne a la derniere, n'est qu'un tissu d'horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicites, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d'atrocite universelle.

Et c'est de ce degoutant aperitif que l'homme civilise accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime: le journal, la muraille et le visage de l'homme.

Je ne comprends pas qu'une main puisse toucher un journal sans une convulsion de degout.


XLV 81.

La force de l'amulette demontree par la philosophie. Les sols perces, les talismans, les souvenirs de chacun.

Traite de Dynamique morale. De la vertu des sacrements.

Des mon enfance, tendance a la mysticite. Mes conversations avec Dieu.

82.

De l'Obsession, de la Possession, de la priere et de la Foi.

Dynamique morale de Jesus.

(Renan trouve ridicule que Jesus croie a la toute-puissance, meme materielle, de la Priere et de la Foi).

Les sacrements sont les moyens de cette Dynamique.


De l'infamie de l'imprimerie, grand obstacle au developpement du Beau.


Belle conspiration a organiser pour l'extermination de la Race Juive.

Les Juifs, _Bibliothecaires_ et temoins de la _Redemption_.


XLVI 83.

Tous les imbeciles de la Bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots: "immoral, immoralite, moralite dans l'art" et autres betises me font penser a Louise Villedieu, putain a cinq francs, qui m'accompagnant une fois au Louvre, ou elle n'etait jamais allee, se mit a rougir, a se couvrir le visage, et me tirant a chaque instant par la manche, me demandait, devant les statues et les tableaux immortels, comment on pouvait etaler publiquement de pareilles indecences.


Les feuilles de vigne du sieur Nieuwerkerke.


XLVII 84.

Pour que la loi du progres existat, il faudrait que chacun voulut la creer; c'est-a-dire que quand tous les individus s'appliqueront a progresser, alors, et seulement alors, l'humanite sera en progres.

Cette hypothese peut servir a expliquer l'identite des deux idees contradictoires, liberte et fatalite. - Non seulement il y aura, dans le cas de progres, identite entre la liberte et la fatalite, mais cette identite a toujours existe. Cette identite c'est l'_histoire_, histoire des nations et des individus.


XLVIII 85.

Sonnet a citer dans _Mon coeur mis a nu_.

Citer egalement la piece sur _Roland_.

_Je songeais cette nuit que Philis revenue,_ _Belle comme elle etait a la clarte du jour,_ _Voulait que son fantome encore fit l'amour,_ _Et que, comme Ixion, j'embrassasse une nue._

_Son ombre dans mon lit se glisse toute nue,_ _Et me dit: "Cher Damon, me voici de retour;_ _Je n'ai fait qu'embellir en ce triste sejour_ _Ou depuis mon depart le Sort m'a retenue._

_"Je viens pour rebaiser le plus beau des amants;_ _Je viens pour remourir dans tes embrassements!"_ _Alors, quand cette idole eut abuse ma flamme,_

_Elle me dit: "Adieu! Je m'en vais chez les morts._ _Comme tu t'es vante d'avoir foutu mon corps,_ _Tu pourras te vanter d'avoir foutu mon ame."_

Parnasse satyrique.

Je crois que ce sonnet est de Maynard.

Malassis pretend qu'il est de Racan.






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