Mémoire sur la dynastie des assassins et sur l'origine de leur nom  

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Mémoire sur la dynastie des assassins et sur l'origine de leur nom (1809) by Silvestre de Sacy.

Read publicly by de Sacy on July 7 1809.

A "memoire" on the Assassins, first published in Mémoires d’histoire et de littérature orientales.

In a subsequent letter, de Sacy further elaborates:

"I am led to believe, that among the Ismailites, those only were termed Hashishin, who were specially educated to commit murder, and who were, by the use of Hashish disposed to an absolute resignation to the will of their chief; this, however, may not have prevented the denomination from being applied to Ismailites collectively, especially among the Occidentals." (Silvestre de Sacy, tr. The History of the Assassins: Derived from Oriental Sources)

Analysis

The most acceptable etymology of the word assassin is the simple one. It comes from Hassan (Hasan ibn al-Sabbah) and his followers. The noise around the hashish version was invented in 1809, in Paris, by the French orientalist Sylvestre de Sacy, whom on July 7 of that year, presented a lecture at the Academy of Inscriptions and Fine Letters (Académie des inscriptions et belles lettres)—part of the Institute of France—in which he retook the Marco Polo chronicle concerning drugs and this sect of murderers, and associated it with the word. Curiously, his theory had great success and apparently still has (Jacques Boudet, Les mots de l’histoire, Ed. Larousse-Bordas, Paris, 1998).
Many scholars have argued, and demonstrated convincingly, that the attribution of the epithet "hashish eaters" or "hashish takers" is a misnomer derived from enemies of the Isma'ilis and was never used by Muslim chroniclers or sources. It was therefore used in a pejorative sense of "enemies" or "disreputable people." This sense of the term survived into modern times with the common Egyptian usage of the term Hashasheen in the 1930s to mean simply "noisy or riotous." It is unlikely that the austere Hasan-i Sabbah indulged personally in drug taking. …There is no mention of that drug [hashish] in connection with the Persian Assassins—especially in the library of Alamut ("the secret archives").[3] --New World Encyclopedia

Full text

see also [1]


MÉMOIRES



MEMOIRES


DE


L'INSTITUT ROYAL,

CLASSE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE ANCIENNE.


MÉMOIRE


SUR


LA DYNASTIE DES ASSASSINS, Et sur VEtymologie de leur Nom.

Par m. SIL\/*ESTRE DE SACY.

, JL/ANS un travail que j'aî jmîs, il n'y à pas long-temps, Lufc 19 Maî sous ies yeux de la Classe ( 1 ) , j'aî fait connoître en xlétail Ie« ' ^^ <Iogines de la secte des Ismaéliens, et j'ai remonté , autant qu'il m'a été possible , à l'origine de cette secte et à celle du système religieux ou plutôt philosophique qui la ca- ractérise spécialement. On a dû se convaincre que la doc- trine secrète des Ismaéliens , à laquelle n'étoient initiés qu'un petit nombre d'adeptes , avoit pour but de substî-; tuer la philosophie à la religion, la raison à la croyance « 

(1) Cest l'introdaction de mon Histoire de la religion des Druzes. Tome IV. A .


i MÉMOIRES

la liberté indéfinie de penser à l'autorité de la révélation. Cette liberté , ou plutôt cette licence, nesauroit demeurer long- temps une simple spéculation de lesprit ; elle passe au cœur, et son influence pernicieuse sur la morale ne tarde pas à se faire sentir^ Aussi les Ismaéliens virent- ils naître parmi eux des partis qui réalisèrent toute l'immoralité dont leur doctrine avoit posé les bases, et qui secouèrent avec le joug de la croyance et du culte public celui de la décence et des lois les plus sacrées de la nature. Ce qui se passoit dans les orgies des Karmates^ ce que l'on a imputé plus d'une fois aux Druzes , ce que certaines sectes pratiquent encore aujourd'hui dans la Mésopotamie et dans quelques parties de la Syrie , eût peut-être fait rougir les premiers auteurs de cette doctrine, qui, sans doute, n'avoient pas prévu toutes les conséquences de leur système. Au surplus, ni la liberté indéfinie de penser, qui formoit essentielle- ment le dernier degré de l'enseignement des Ismaéliens, ni la licence qui caractérisa plusieurs branches de cette secte, n'étoient cortrraunes à tcnis ceux qui faisoient pro- fession de la doctrine allégorique , et reconnoissoient la transniission de l'Imamat à I&maël , fils de Djafar Sadek. On ne procédoit même à ladraission des Jiouveaux* pro- sélytes et à leur initiation que far degrés et avec beaucoup de réserve : car, comme ia secte avoit en même temps un but politique et des vues ambitieuses , son intérêt étoit sur-tout d'avoir en tous lieux «m grand nomhre de par- tisans dans toutes les classes àe la société* Il falloit donc s'accommoder au caractère, au tempérament, atjix pré- jugés du phis grand nomjbre : ce que l'oo révéloît aux uns auroit révolté et éloigné pour toujours des. esprits moins


DE LITTÉRATURE. j

hardis , des consciences phi s faciles à aiarmér. Pourvu que l'on pût insinuer , au moyen de la doctrine allégorique, la nécessité de reconnoître la succession légitime au kha- iifat dans ia personne d'Ali et dans celle des imams sortis de son sang par Ismaël, fils de Djafar» et l'obligation de se soumettre aveuglément aux ordres des dais ou mis- sionnaires , comme ministres et interprètes des^ volontés- de Timam, qui se tenoit caché sous les voiles du mystère en attendant le moment favorable à sa manifestation, on s'embarrassoit peu d'introduire le prosélyte dans* la con- noîssance des secrets ultérieurs. Il n est pas étonnant, d'après cela , que les Ismaéliens se soient partagés en plusieurs sectes , dont la doctrine s'éloigne plus ou moins de celle de l'islamisme. Tels furent les Karmates, les Nosaïrîs, les Paternités ou Baténiens d'Egypte , lesDruzes, les Ismaé- liens de Perse , connus sous le nom de Molhed jJ^ (au pluriel o*X-^i.Ai« MalakiJa) ou impies, et ceux de Syrie, auxquels s'applique spécialement le nom d' Assassins.

J'ai fait voir ailleurs que les Kar mates étoient une branche des Ismaéliens, et que la doctrine allégorique étoit établie chez eux avec toutes ses conséquences. De Jà l'insur- rection contre l'autorité, le pillage des caravanes de pèlerins, les insultes aux lieux consacrés par l'islamisme, la profana- tion de la Mecque , l'enlèvement de la pierre noire, &c. Les Nosaïris, qui subsistent encore aujourd'hui dans les mon- tagnes du Liban, sont, suivant toutes les apparences, un rameau de la faction des Karmates. Les Paternités ou Baté- niens d'Egypte se reconnoissoîent eux-mêmes pour Ismaé- liens. Leur dynastie avoit d'abord été fondée en Afrique, vers la fin du troisième siècle de l'hégire , par un daï des

Aij


4 MÉMOIRES

Karmates. Mais Mahdi et ses successeurs » parvenus au but politique de leurs vœux » eurent intérêt à changer un peu de langage ; et, après avoir prêché la rébellion contre les kha- lifes Abbasîdes , ils durent prêcher la soumission à l'au- torité. La doctrine allégorique dut aussi être restreinte ; car 9 s'ils en eussent admis les conséquences , s'ils eussent aboli le culte public , supprimé la prière » le jeûne, le pèlerinage , ils auroîent révolté les esprits et renversé de leurs propres mains le trône où ils venoîent de s'asseoir. Ils devinrent donc , par intérêt , tolérans , observateurs des pratiques extérieures , protecteurs delà hiérarchie ; et ils se contentèrent d'introduire en Egypte, après leur conquête, quelques-uns des signes extérieurs qui caractérisent les Schiites ou sectateurs d'Ali , et que les historiens Arabes

nomment ^lIL41aJ\ ^Ijl^ ïes livrées du schiisme. Mais si , à

l'extérieur , ils se conformoient à la doctrine et aux usages reçus parmi le commun des Musulmans et fondés sur la lettre de TAlcoran et sur la tradition , ils conservoient néanmoins et ils propageoient secrètement leur doctrine allégorique, lis avoient leurs daïs , à la tête desquels étoît

le chef suprême de la secte, nommé Dai-ldont ôWjJ^ ^»>

ou Daï des daïs , qui joignit souvent ces fonctions à celles

de kadhî Ikodhat , sv AÔall ^vs, ou juge suprême. Les

assemblées de ia secte se tenoient régulièrement dans le palais des khalifes , une ou deux fois par semaine. La secte se propageoit par l'admission des nouveaux initiés, hommes et femmes. Dans chaque séance, on lisoit des ins- tructions mystiques, nommées les Conférences de la sagesse

^$sJL , mJI^; elles étolent composées exprès pourcet objet.


DE LITTÉRATURE. y.

lues et approuvées dans les réunions particulières des daïs, réunions qui se tenoient aussi dans le palais >et ensuite pré- sentées au khalife pour recevoir son approbation. Toutes ces pratiques uppartenoient à la secte des Ismaéliens et à celle des Karmates. Divers faits prouvent d'ailleurs sans ré- plique que les Karmates et les Fatémites, sortis d'une source commune» avoient la même doctrine, le même but philo- sophique, et ne faisoient dans le vrai qu'une seule et même secte, quoique divisés par un intérêt politique.

Abou-Taher , chef des Karmates , avoit , en Tannée 317 de rhégîre , inondé la Mecque et son temple sacré du sang des pèlerins, et enlevé la pierre noire. II mourut en 332, ainsi que son frère Abou-Mansour Ahmed ; mais ils avoient deux frères qui leur succédèrent, Abou'lkasem Saïd et Abou'labbas. Ce fut sous le gouvernement de ceux-ci que la pierre noire fut rapportée à la Mecque. Ce qui donna Deu à cette restitution , dît Nowaïri , ce fut une lettre d'O- baïd allah, premier khalife de la dynastie des Fatémites, qui écrivit au chef des Karmates pour lui reprocher la conduite qu'il avoit tenue en cette occasion. « Vous avez, » lui disoit-il, justifié les reproches qu'on nous fait, vous » avez révélé le secret et le véritable esprit de notre doc- » trîne qui conduit à l'incrédulité et à l'immoralité. Si vous » ne restituez aux Mecquois ce que vou^ leur avez pris , » si vous ne remettez ia pierre noire à sa place , et si vous » ne rendez l'étoffe qui couvroit la Caaba, je n'ai plus rien » de commun avec vous, ni en ce monde ni en l'autre. »

Hamza Isfahani , cité par Reiske dans ses notes sur Abou'lféda, rapporte qu'Abou-Taher , de retour à Hadjar après le pillage de la Mecque , reconnut Obaïd-allah pour



6 . MÉMOIRES

son souverain, fit faire les prières publiques en son nom, et len instruisit par une lettre, mais qu'ensuite il supprima ces marques d'obéissance , ayant reçu , au lieu des récom- penses et des témoignages de reconnoissancexju'il espéroit> • Aiou'iféJa, des reproches et des menaces.

p,y^2. " ' Les Karmates setoîent rendus tellement redoutables à

Tempire des khalifes Abbasides par ieurs incursions réi- térées dans la Syrie, qu'il leur fut accordé, du temps des émirs Ikhschidites qui régnoient en Egypte et en Syrie sous le nom des khalifes, une composition an- nuelle de trois cent mille pièces d'or à prendre sur ie trésor public de Damas. Lorsque Djewhar eut soumis l'Egypte aux Fatémîtes , et que la Syrie eut également été conquise pour eux par un autre général, Djafar feen-Fellah, les Karmates crurent <:e moment favorable pour s'agrandir. Hasan, fils d'Abou-Mansour Ahmed, qui les gouvernoit alors , s'avança d'abord jusqu'à Coufa, dans le dessein d'entrer en Syrie. La haine contre les Fatémites détermina Bakhtîyar , prince de la famille de Bowaih ou Bouya, qui remplissoit alors la place d'émir-al^ omara ]j^j^ à Bagdad , à favoriser son entreprise , en lui donnant toutes les armes de l'arsenal de Bagdad, et quatre cent mille pièces d'or à prendre sur Abou-Tagleb, fîls de Naser-eddaula , de la famille de Hamdan. Abou- Tagleb , qui étoit bien aise de trouver une occasion de se venger du ton insultant et menaçant' qu'avoit pris vis-à- vis de lui Djafar ben -Fellah, général des Fatémites en Syrie, paya les quatre cent mille pièces d'or au prince Karmate , et lui fournit en outre àit^ approvîsionnemens et des troupes. Son armée fut encore grossie de tous les


DE LITTÉRATURE. 7

soldats des Ikhschidites» qui , chassés de l'Egypte , avoient reflué dans la Syrie et dans la Palestine, Hasan le Kar-r mate» se voyant ainsi à la tête d'une forte armée, s'avança jusqu'à Damas» dont il se rendit maître » et, après quelques autres conquêtes , il marcha vers l'Egypte. Djewhar , qui y commandoit, ne vit pas ce mouvement sans de très- vives alarmes , et il pressa fortement 'Moëzz , qui n avoit point encore quitté Kaïrowan , de se rendre en Egypte. Moëzz y arriva en effet en 3(^3 , et il écrivit de là au prince Kar- mate , pour lui représenter qu'ils étoient'l'un et l'autre de la même secte , et que c'étoit des Ismaéliens que les Kar- mates avoient reçu leur doctrine. Hasan , ajoute f auteuir duquel Nowaïri emprunte ce récit , savoit bien que les deux sectes n'en étoient qu'une seule ; et, dans le fait , les Ismaéliens et les Karmates s'accordent à faire profession de l'athéisme et d'une licence entière relativement aux per- sonnes et aux propriétés , et à nier la mission prophétique. Mais bien qu'ils soient d'accord sur la doctrine, quand un des deux partis a l'avantage sur l'autre, il ne respecte point la vie de ceux qui suivent le parti contraire, et ne leur fait aucune grâce.

Hasan n'eut point égard aux démarches de Motëzz ; il entra en Egypte, vint jusqu'à Aïn-schems, assiégea le Caire, et se rendit maître du fossé. La perte de Moëzz étoit assur rée, s'il n'eût gagné un des chefs de l'armée du Karmate, qui l'abandonna au plus fort de la mêlée. Hasan fut obligé • de prendre la fuite : bientôt il perdit Damas. Après la mort de Hasan , arrivée en }66 , les Karmates eurent en^ core quelques démêlés avec les princes voisins , jusqu en Tannée 375» où ils disparoissent en quelque sorte de


8 MÉMOIRES

l'hîstoîre. Cependant j'ai apprît par les livres des Druzes» qu'ils régnoient encore àLahsa en 4^^-

Ce que je vien§ de dire des liaisons étroites qui exis- toient , du moins sous le point de vue de Torigine com- mune et de la doctrine, entre les Ismaéliens d'Egypte ou Fatémîtes et les Karmates , ne s'applique pas avec moins de certitude aux Ismaéliens de Perse et de Syrie , connus sous les noms de Molheds et d'Assassins (i). On a bien aperçu que les Assassins de Syrie , si fameux <Ians f histoire / ' des croisades , dépendoient des Ismaéliens de Perse ; mais

/ on n a pas assez connu les liaisons qui existoient entre

ceux-ci et les Fatémites , et il est possible même qu'on ait été détourné de cette idée par ce qu'on lisoit du meurtre il'Amer-biahcam-allah , l'un de c^s khalifes , tué par des Baténiens ou Ismaéliens.

M. de Guignes a cependant indiqué ce rapprochement;

Tiist.des Huns, eii disant que Hasan Sabbah, fondateur de la dynastie

f'zzt et\22! ^^^ Ismaéliens <Ie Perse, avoit demeuré pendant quelque

temps auprès de Mostanser-billah , khalife d'Egypte , et

qMe la religion qu'il fonda avoit quelque rapport avec la

secte dont étoient les Fatémites. L'auteuTr du Tableau gé-

Tom.Lps^. néral de l'empire Othoman en parle aussi, quoique d'une

manière peu exacte , en disant qjtie Hasan Homaïri , fon- dateur de la secte des Ismaéliens de Perse, étoitun scheïkh séducteur , qui , après avoir prêché en Perse et en Syrie en faveur des Fatémi4;es d'Egypte , contre les Abbasîdes


( I ) M. J. Mariti , connu par divers ouvrages , a publié à Livourne > en .1 807, une histoire des Assassins , sous le titre de Afemorie istoriche delpopolo degli Assassini eJelvecchio délia mon'


tûgna, loro capo-sigrtore. Cette histoire est écrite sans aucune critique. Uau<- teury fait descendre les Assassins de» Curdes,etles confond mal-à-propos avec les Schemsis o\]i .adorateurs du

.dc3agdad,



DE LITTÉRATURE. 9

de Bagdad » finit par débiter de faux commentaires sur

i'Aicoran et par élever une nouvelle secte. M. l'abbé

S. Assemanî , de Padoue , dans une dissertation dont je

parierai plus loin , dit aussi, d après l'auteur du Nighîa-

ristan , que Hasan prêchoit en faveur des khalifes d'Egypte,

contre les AbbasMes. Mais ces légères; indications ne suf*

fîsent pas pour prouver le rapport intime qui existoit entre

les FatéiTiites d'Egypte et les Ismaéliens de Perse. Ce rapr

port est plus clairement irvdiqué par l'auteur du Nizam al-

téwarikh, abrégé chronologique de l'histoire des dynasties

Orientales , dont j'ai donné l'extrait dans le tome J V des

Notices et Extraits des manuscrits. Cet écrivain dit que Nt. et E»tr.

Mostahser , khalife Falémite d'Egypte , envoya à Hasan ^ ly^^'^^^'

des patentes de gouverneur et de son lieutenant*

L'histoire de la dynastie fondée par Hasan , et qui sub- sista cent soixante-dix ans , est encore peu connue. I)*Her- belot , et après lui Marigny daîis ses Révolutions des Arabes , et M. de Guignes dans le premier volume de rHistoire.des Huns, ontxionnéla'suite des princes de cette dynastie , mais avec très-peu de détails. Le prélat Et; Evode Assemani , dans son Catalogue des manuscrits Orientaux de la bibliothèque des Médicis à Florence , a pareilifsnient Pag^^i^ fait conndltre la suite de ces princes , d!apcès dés tables x:hronologiques des dynasties Orientales , écrites en langue Turque : il ne l'a accompagnée d'aucun fait. Dans la no- tice du Niiani altéwarikh dont j'ai déjà parlé, j'ai inséré

Soleil et les Vé^idis, On peut juger ideson érudition par T^étymôtogiequ'il donne du nom des Yi^idis: il pré^ tend que ce nom veut dire Jésuites, disciples de Jésus (pag. 40* ^^ ^*^*^


pas plus exact dans ce qu'il dît des AUtoualis et des Naseris ou plutôt JVosairis{'p, 47 et suiv. ). En un mot^ c^est un tissu d'erreurs et d'assertions hasardées.


TOHE IV. B


I "


fo MÉMOIRES

ce que cet abrégé très-court m offroitsur la même dynastie^ Enfin M- labbé S. AsSemanî , de Padoue , a publié, dans le numéro de juin 1806 du journal qui s'imprime en cette vilie, sous le titre de Giornale dell' Italiana letteratura , une dissertation où Ton trouve un peu plus de détails sur cette femiile. Il les a puisés dans le Nighiarisflm. Cela se réduit à quatre ou cinq pt maîtres en 523.

En 525*, sis prirent Mesyat (i) en Syrie: cette place y devînt leur chef-lieu*


(i) Cenomaétéécritetludebien des façons, et Ton pourroi^ douter s'il faut écrire c;>L.a^ Mesyat, ou ti'—iï*** Mesyaf. Schultens, dans


Y Index geograph, qu'il a mis à la suite ^ de la Vie de Saladin par Boha-eddin , lit u>^A .^4 Masyat i Kœhler, au contraire ( Tah^ Syn p. 20, not. 82] » :


Tome IV. C


i8 MÉMOIRES

En 55p, Hasaii, fils de Mohammed^ et petit-fils de Kia Buzurc-umid , abolit toutes ies pratiques de t'isia- misme» et au nom d'un imam caché, dont ii prétendoit avoir reçu un ordre exprès pour cela, ii donnasses sujets toute liberté de boire du vin , et de se permettre tout ce que défend la loi Musulmane. Ii publia que la connoissance du sens allégorique des préceptes rendoit inutile lobser* vation de la lettre , et mérita à la secte le nom de Molheds ou impies.

Hasan , suivant Mirkhond et Tauteur du Nighiaristan , régna peu d'années : il mourut en 5^1 [i i ^^5] » et son fils Mohammed, qui imita son impiété, régna quarante-six ans, et mourut en 606 [ï2op]. Au contraire, suivant/auteur du Nijam altéwarikh, Hasan régna cinquante ans , et mourut en ()07 [i 2 1 o] : son fils n'eut qu'un règne très-court. Selon que Ton admet fun ou l'autre de ces récits, f ambassade du Vieux de la montagne au roi de Jérusalem Amaury I/' tombe sous le règne de Hasan ou sous celui de son fils. Il est donc vrai, comme le dît Guillaume de Tyr, que le

soutîcmqn'i! faut lire uS^tr^^ Mesyaf, Reisk^ ( Annal. Mosl. 1. 111, p. 48 5 )


n'ose décider entre les deux leçons; il penche cependant pour la seconde. Renaudot [Hist, patr, Alex. p. 541 ) écrit Mosiab, On ne trouve ce nom tf e lieu, ni dans le Kamous, ni dans le Dictionnaire des homonymes géo- graphiques de Yakout ; mais dans le

^sM LVt O^^^jA on lit ol — fï-a-».

'Mesyath,

Je suis convaincu que le vrai nom de ce lieu est Mesyat oL«a4 . Dans U lettse Latine apocryphe rapportée


dans la Chronique de Nicolas de Treveth, on lit Messiat, Voici le passage : Leopoldo, duci Austria, Ve^

tus de monte, salutfm Et

scîatis quod litteras ficimus istas m dûtno nostra ad castellum nostrnm Messiat, in dimidio septimbris, anno ab Alexandre ijoj. { Voy. Veter, aliq, scvptor, SpîciL op. 2). L. Achery, to. III, pag. i7;0 Dans le mémoire de M. Rousseau sur les Ismaélis et les Nosaïris -de Syrie, publié dans les Annales des voyages, tcm. XIV, p. 1^1 et suiv. , ce lieu est nommé Mesiadfu


/


DE LITTÉRATURE. 19

prince qui l'envoya avoit banni toutes les pratiques de la religion Musulmane , renversé les mosquées, permis l'usage du vin et de la chair de porc » et les unions incestueuses. Quand on connoîties livres des Druzes » on croit aisément que ce même prince pouvoit avoir lu les livres saints des Chrétiens, et avoir conçu le désir, non pas d'embrasser ia religion Chrétienne , mais d'en connoître plus à fond la doctrine et les pratiques.

£n 588, meurt Sinan , chef des Ismaéliens de Syrie , et fondateur de la puissance de cette secte dans cette contrée.

£n l'année 608 , tous les Ismaéliens , tant de Syrie que de Perse, reprennent, par ordre de Djélal-eddin Hasan, ^mlr d'Alamout , et sixième prince de-cette dynastie , les signes extérieurs de la religion Musulmane, qu'ils avoient quittés par ordre de l'aïeul de ce prince, Hasan, fils de Mohammed et petit-iils de Kia Buzurc-umid.

£n 644 y ^^ ambassadeurs d'Ala-eddin, émir des Is^ maéliens de Perse » se trouvent à un courihai ou assemblée générale des cbefe des tribus Mogoles pour l'élection d'un khan des Tartares. •

£n 668» le sultan Bibars entre sur les terres des Ismaé* liens de Syrie , â leur prend Mesyat.

£niîn le même pince ^ en 670, met fin à leur puissance en Syrie (i).

£lle avoit fini dans le Kouhestan dh% 653, par la soumission du prince des Ismaéliens» Rocn-eddin Khour- schah» à Holagou, la destruction d'Alamout, et le mas-


(i) Mirkhond rapporte que Rocn-


envoya des ordres aux gouverneurs


ic% places qu'il avoit dans la Syrie^


eddin,apréssasoumiçsîonàHoIagou, de remettre ces places aux officiers


de Holagou.

Cij


20 MÉMOIRES

sacre de la famille de Roçn-eddin et d'un grand nombre de Molheds.

Lorsque je dis que les Ismaéliens ont été détruits , tant en Perse qu en Syrie, avant la fin du vu.* siècle de Thégire, il faut entendre cela , non pas de leur secte , mais de la souveraineté qu'ils avoient fondée. On les voit encore plus d'une fois , postérieurement à cette époque , paroître dans l'histoire , er continuer à exercer le métier d'assassins , qui les avoit rendus si redoutables. Un des faits de ce genre sur lesquels les historiens Orientaux nous ont transmis le plus de détails , est leur conspiration plusieurs fois réitérée contre Karasankor. Cet émir, qui avoit été gouverneur ou vice- roi d'Alep pour le* sultan d'Egypte Mélic - alnaser Mo- hammed , fils de Kéiaoun , avoit été obligé de quitter les états de ce sultan , et de se retirer auprès des Mogols de Perse , descendans de Holagou , et auxquels commandoit alors Oldjaïtou-khan, nommé aussi Khoda-bendèh. Le sultan, qui le voyoit avec peine à l'abri de sa vengeance, essaya plusieurs fois de le faire assassiner par des Ismaéliens qu'il envoya exprès pour cela. Il en dépécha à cet efièt, en un^ seule fois, trente-quatre, qui étoient des gens domiciliés à Mesyat, ancien chef-lieu des Ismaéliens de Syrie. Kara- sankor . échappa à leurs coups, et eut recours au même moyen, avec aussi peu de succès, pour faire périr le sul- tan. Cent vingt-quatre assassins Ismaéliens envoyés en- suite par Mélic -alnaser poiîr tuer Karasankor périrent victimes de sa vengeance, sans avoir pu exécuter leur pro- jet. Les Ismaéliens avoient même encore, à cette époque, un chef à Mesyat; car Makrîzi nous apprend que le sultan s'adressa à lui, et lui donna beaucoup d'argent pour qu'il


DE LITTÉRATURE. 21

lui envoyât quelques-uns de ses gens. Dans le récit de ces aventures , c'est toujours Mesyat qui paroît la résidence et lasiie de ces Assassins. Le sultan traita ensuite avec Kara- sankgr et le vizir du prince Mogol, et s engagea à ne plus envoyer d'Ismaéliens pour les assassiner ; mais il observa mal ces conditions. Il chargea de nouveau de lexécution de son projet un Ismaélien qu'on lui a voit envoyé de Mesyat , et qu'il nourrit trente-quatre jours avant de lui donner ses ordres et de l'expédier, lui fournissant chaque jour à boire et à manger» autant qu'il en auroift fallu pour plusieurs personnes. Cet homme , par une méprise , tua un autre émir pour Karasan^or. En vain plusieurs de ces meurtriers furent mis à la torture , on n'en tira jamais aur cun aveu.

La secte des Ismaéliens subsiste encore aujourd'hui ^ comme je le dirai plus loin.

Je passe à l'origine du nom des Assassins,

J'ai dit -f au commencement de ce Mémoire » que les Is^ maéiiens ou Baténiens étoient connus, dans les historiens des croisades , sous le nom d'Assassins. Ce nom a été pro^ nonce et écrit de diverses manières » soit , comme le dit M. Faiconet , par la faute des copistes , soit par l'igno* rance des auteurs mêmes. Parmi ces variations » celles qui ont le plus d'autorité sont les suivantes : Assassini, Asses-* sini, Assissini etHeissessini. Cette dernière, tirée d'Arnold de Lubeck, a l'avantage de conserver l'aspiration qui doit se trouver dans le mot original , puisque Benjamin dé Tudèle écrit en hébreu Haschischin par un beth, et que les auteurs Grecs l'écrivent par un 'x^ , nommant ces sectaires


2z MÉMOIRES

Hist.patr. Al, ^cLotoioi (i), Renaudot écrit aussi Hass'usini, et quelquefois p- 470' Hassassini; mais il ne donne pas Tétymoiogie de ce mot (2).

On a proposé diverses étymoiogies du mot assassins,

DictJtymoiog. Je ne fèrois pas mention de i opinion de M. de CaseiKeuve,

r ^'*. ^^§jf qui veut dériver ie nom des Assassins de l'ancien mot

de i^jo. Teuton sahs , sachs , sahs, coutelas ^ parce qu elle semble se

réfuter d'elle-même , rien n'étant moins naturel que de chercher dans le langage des Teutons l'origine d'une dé- nomination Orientale , si ce savant n'avoit cru pouvoir prouver qae ce nom ne venoit point des langues de l'Asie Cesta Dei per et étoit inconnu aux Sarrasins , par l'autorité de Guillaume , • 'P'^9 • archevêque de Tyr , qui dit : Hos tant nostri quàm Saraceni, tiescimus unde deducto vocabulo, Assissinos vocant. M. de Casç» neuve pousse évidemment beaucoup trop loin la consé^ quence qu'il tire de ce passage , dans lequel Guillaume convient qu'il ignore l'origine de ce nom , mais ne dit nullement qu'elle étoit ignorée des Sarrasins.

^'^ M. Court de Gébeiin dérive aussi le mot assassin, du

teuton sachs; mais ie même mot, comme signifiant la ^-

nastie des Assassins , {mi paroît venir de oLw XJH roi des rois.

Vet. Pm.rei Th. Hyde , qui n'avoit sans doute jamais rencontré la

Mor,p,4p^. dénomination dont il s'agit dans aucun écrivain Arabe,

a cru que ce devoit être le mot hassas ^u^ia* , dérivé de la racine hassa ij*"^ * qui signifie, entre autres choses,

(i) Sx on lit ^fLoiçê dans Anne ne voyons point que les Ismaéliens


Comnéne et Nicétas, c'est certaine- ment une faute de copiste. M. Tabbé S. Assemani a cru que ^^ot pouvoit être le mot Arabe o»^ ^wr (il a voulu écrire j^-*^); mais cette éty- jivologfc ne peut être admise, et nous


soient nommes ainsi par aucun écri- vain Oriental.

(2) lUa Bateniûtum, secia , qui post^ eà Hassissin ab Arabièus, à nostrh Assassini appellati sunt»


Va^y. en Ég. et en S/r, ^.» edît» 1. 1, p» 4^4*


IhU.p. fy.


DE LITTÉRATURE. 23

tuer, exterminer. Cette opinion a été suivie par Ménage et par M. Falconet. M, de Volney a aussi adopté cette éty- mologie , sans en citer aucun garant.

Benjamin de Tudèle parle en deux endroits des Assas- sins : ii écrit leur nom , la première fois en parlant des hiner. A Bat" Assassins de Syrie, par un heth, pit^lî^nV» ; dans le second ^"^^""'P'^^- passage, parlant des Ismaéliens de Perse, qu'il nomme Mola^ hat T\iXrv?M^ i par corruption, ipour Melahedèh •>>cJ^[i) ^ il dit qu'ils reconnoissent l'autorité du vieillard qui réside dans le pays des Caschischiny)if'*)i^j^^^ comme la bien

rendu Baratier , et non , comme Tavoit ridiculement tra- duit Constantin Lempereur , seniorem sua regionis Alca-^ scAiscAin, quasi senes dicas , appellantes. Je remarque ceci pour qu'on ne s'imagine pas, sur une fausse autorité, que le nom d^s Assassins signifiât vieillard, suivant l'opinion de Benjamin de Tudèle. Je ne sais si quelque manuscrit de cet écrivain Juif ne porteroit pas aussi , dans le second passage , Haschischin par un heth^ au lieu d'un caf; au reste, la substi- tution du caf au heth ne surprendra point les personnes instruites dans les langues de l'Orient. J'ajoute qu'en citant Benjamin de Tudèle, je ne prétends pas garantir la réalité de son voyage : mais , quoique vraisemblablement il n'ait


(i) Constantin Lempereur et Ba- rttier ont cru que Molhatéxoh , dans Benjamin, le nom -d'un pays où de- meuroient les Assassins. Le premier a traduit, in regîonan Aîolhathjubipo- pull degynt qui , &c. ; ie second a dit , au pays de Molhat, où sont des peuples (Voy. de Rabbi Benjamin, tom,I, p, 1^6) : c'est une faute. Hv njamin a


bien su que Aioîhat n'étoit pas le nom d'un pays , maïs celui d'un peuple ; car ri dit : ce De là il y a quatre » journées de marche jusqu'à la terre y> des Aiolhat : ce sont des peupler »qfii,&c. (Mém.dei'Acad.des Jiis- cript. r. XVII, p. /jp)- » M. FaU conet a'a point évité cette méprise^


/


zi MÉMOIRES

jamais vu une grande partie des pays qu'il décrit , on ne peut nier qu'il n'ait eu d'assez bons matériaux^

Le savant auteur de la BibL On Clem. Vaticana, Joseph- Simon Assemanî, ayant trouvé, dans le territoire de Tacrit en Mésopotamie , une vilie nommée par les Arabes ^ Hasasa T. II, p. 2i4, kh^\^a^ , et par les Syriens, Beth-hasosonoyè )u«1j« ^ h^^J>^

nu. Dissert. OU Hûsosotiitho i^u*j««a*, s'est imaginé que c'étoit de là

^ ' /-r. que les Assassins dont les historiens des croisades ont parlé,

avoient pris feur nom. Une telle conjecture ne repose sur

aucun fondement historique , et ne mérîtoit pas d'être

Ti>m, Il col adoptée par l'auteur de XOriens Chrisîianus. L'orthographe de

'-^ *' ce nom n*a aucun rapport avec celle du véritable nom

Arabe des Assassins. M. Falconet a rejeté cette conjecture Mém.detAca' d'Asscmani ; mais, par une autre méprise, il a confondu

€.Tvi"p.%J', ^^>A^ Hassasa (i) avec j]^^ Aiai, oii j,}^ Eiai,

ville de Mésopotamie , quoique ces deux noms n'aient aucune consonne commune entre eux.

M. Falconet a indiqué une autre origine du nom des Assassins, origine qu'il rejette lui-même , maïs que je ne dois pas omettre , parce qu'eHe pourroit trouver des appro- bateurs*, et qaefîèctivement elle a eu l'approbation de D. Carpentîer , auteur du Glossarium ad script, medii avi. D'ailleurs cela me donnera lieu de faire quelques obser- Ta^. Sjnria, vations Utiles. Abou'Iféda, dans s» Description de la Syrie, observe que Mesyat , ville qui étoit le chef-lieu de la secte des Ismaéliens en Syrie, est située sur la montagne nom- mée Djabal-assikkin ^jfCS^» c^^^* Comme sikkin veut

( I ) Hasasa jU#(*aab, dit l'auteur du Kamous, est ud bourg proche deKasjv J)^»-Hobcïra.

dire


DE LITTÉRATURE. 2j

dire couteau , poignard , le nom de cette montagne peut si- gnifier montagne du Couteau, et il semble qu'il y ait queique analogie entre cette dénomination , les atrocités reprochées aux Assassins f et leur nom même d'Assassins.

« Nous avons vu, dit M. Falconet, le mont Assikkin, M/m.deVAca- » la montagne du Poignard , être le domicile du comman- ^ '^y^j ^^' «» dant des Assassins en Syrie ; les couteaux dont les Assas^ 1» sins seservoient, nommés sikkin; leur souverain quali-* » fié, par Jacques de Vitry, xJu titre de magister cultellorum; » ses sujets appelés cuhelliferi dans Matliîeu Paris, sicarii » même, dans Guillaume de Neubridge. . .Mais, ajoute »> M. Falconet, toutes ces rencontres, quelqu'heureuses " quelles soient, ne forment qu'une de ces allusions qui » ne sont que trop souvent séduisantes dans la recherche » de forigine des mots, et ne sauroîent prévaloir sur » f étymologie que nous avons d'abord proposée. »

Cette étymologie préférée par M. Falconet est, comifte je l'ai déjà dit, celle que Hyde avoit proposée.

Les réflexions de M. Falconet sont très-justes : mais on peut ajouter , pour leur donner encore plus de poids , I .•xju il n y a réellement pas une ressemblance bien grande entre le mot alsikkin ou assikkin et le nom des Assassins; 2.** qu'il n'est pas certain que Djabal- assikkin signifie la montagne du Poignard. Abou'lféda ne le dit point. On lit, ^MkhulisDes- il est vrai , dans la traduction de Kcehier : De hac denomi- ^'>"^ /%?r'^ natione montis, quâ Assekkin vocatur, quod cultrum signrficat, Reish, dans la mirifcè commentus est Ibn Said. Mais ces mots , qui>d cultrum J^^^i^^ ^'^ signifcat, sont ajoutés par le traducteur, et nous ignorons diiaHtç^e.ijy^. lorigirie singulière que donnoit à cette dénomination Ebn- ^' jto^^iALif. Saïd *, dont l'ouvrage ne nous est point parvenu. Peut-être ^'^^- t^^p-?* Tome IV. D


x6 MÉMOIRES

Sekkin est-il ici un nom d'homme , et &ut-il traduire la montagne de Sekkin." Ct qu'il y a de certain du moins» c'est qu'un personnage nommé Sekkin a joué un grand rôle dans ce pays, vers le temps de Hakem et de l'établisse- ment de la religion des Druzes, et que nous avons, dans^ le recueil des livres sacrés de cette secte , un diplôme daté de la dixième année de l'ère de Hamza, ^\% de Thégire, Man, Ar.de la par lequel Sekkin fut nommé surintendant ou inspecteur n.^'ijS. *"' général d'un diocèse, ou province ecclésiastique, désigné

sous le nom de la presqu'île de la Syrie supérieure , et qui paroît avoir eu pour limites, au midi l'Arabie, au nord Hamat et son territoire , l'Irak à l'orient, et à l'occident la Méditerranée. Il étoit autorisé à avoir sous lui douze daïs ou missionnaires, et quelques autres ministres d'un rang inférieur. Les écrits des Druzes nous apprennent aussi que Sekkin ne se contenta pas de ce grade , et voulut s'ftroger à lui-même un rang plus élevé dans la hiérar- chie; qu'il commit beaucoup de brigandages qui rendirent odieux le nom des Druzes ; enfin qu'il introduisit dans la religion , des nouveautés , un culte idolâtre et d'autres abominations (i). Ce Sekkin est vraisemblablement le même dont Abou'lféda raconte \es intrigues et la mort sous fan ^i^^ en ces termes : Annal Mosi «c En cette même année , au mois de redjeb , se souleva à ' /' ^^9' ,, Misr un homme appelé Sekkin , qui ressembloit à Hakem«  » Il prétendit être Hakem ; il fut suivi d'une troupe de gens » qui comptoient sur le retour de Hakem. Ces gens màr-


(i) Koy^ ce que j'ai dit de Sekkin «tdesa doctrine, dans mon Mémoire sur le culte que les Uruzes rendent


à fa figure d'un veau , inséré dans le tome III de ce recueil, /7iif, /// et suiv*


Trad. manus, des livres reli-


DE LITTÉRATURE. 27

• chèrent donc vers le paiais , dans le moment où le kha- »> life étoit seul et retiré dans ses appartemens, en criant: » Voici Hakenu Ceux qui gardoient la porte en ce moment » furent d abord saisis d effroi; mais ensuite, soupçonnant •> quelque erreur, ils arrêtèrent Sekkin , et il fut mis en croix » avec ses partisans. »

Au J'este, je ne donne ceci que comme une conjecture / à laquelle on pourroit même opposer que Sekkin , comme nom propre d'homme, n'a pas ordinairement xl article. li est bon cependant d'observer que , dans un dès écrits diri- gés contre Sekkin , il est dît quV/ met sa confiance dans les ^^Z^'^'^' montagnes où il fait sa résidence; ce qui fortifie beaucoup t.ii,p,iooo. ma conjecture.

Passons à une autre étymologîe , ou plutôt à deux éty- mologies différentes, proposées par un savant dont l'autorité est d'un grand poids quand il s'agit de littérature Arabe. C'est de Reîske que je veux parier. Cet habile orientaliste suppose que le mot assassins n'est qu'une corruption , et que les Ismaéliens ou Baténiens étoient nommés (JUjUuo^ Hassanini ou Hassan i ci ^ du chef de leur secte , Hasan ben-Sabbah. « Peut-être aussi, dit-il, comme ce nom est » souvent écrit chassassin, ce que les Allemands rendent « par schassasin , leur nom étoit-il en ^Tdihedjassas ^jX^^^a^ : >• ce mot se prononce à-peu-près en arabe, comme en » françois/ chassas, ou en allemand , schassas, et veut dire » espion. >» Je n'ai pas besoin de m'arrêter à discuter ces deux étymologies , dont la première est fondée sur une supposition très-hardie , la seconde est dépourvue de toute vraisemblance. Il suffit de dire que si Reiske eût, comme moi, rencontré le nom des /4jj^ij//ïj écrit en lettres Arabes »

Dij


Annal. Most. tom, m, annot, (2ji),p.yj4.


a8 MÉMOIRES

îl n auroit hasardé ni fune ni Tautre de ces conjectures.

Une étymoiogie bien différente et beaucoupmîeuxfondée en apparence , est celle que M. l'abbé Simon Assemani , professeur de langues Orientales au séminaire de Padoue, a proposée nouvellement dans la dissertation dont f ai déjk parié, et qui se trouve insérée dans le n.*" de juin 1808 du Journal littéraire de Padoue. Elle a pour titre Ragguaglio storico-critico sopra la setta Assissana, detta volgarmente degU Assassin/.

•«Pendant, dit M. Simon Assemani, que je me trou vois » à Tripoli de Syrie , ville voisine de certaines montagnes » qui renferment un reste de cette secte , j'ai souvent en- » tendu lâcher ce brocard rimé contre ceux qui venoierit » à la ville pour leurs affaires , Assissani la moslem we la » nasrani , ysj^ t5 A^""*^ ^ j^uAAAâJ^ , V Assissani n'est ni » Musulman, ni Chrétien ; ce qui veut dire que ces gens » n'ont aucune religion , précisément parce que, suivant la » doctrine de Hasan, ils n'ont aucun culte extérieur (i). » Observons que les historiens des croisades ont transposé » ici les deux voyelles i et ^, et qu'au lieu & Assissani »> ils ont dit Assassini ; et c'est ainsi que ce nom a passé » dans notre langage, pour désigner les scélérats qui com- » mettent un homicide de guet-apens. C'étoit par-là , en « effet, que se distinguoient les souverains de cette secte, » qui envoyoîent par-tout leurs sicaires pour massacrer » quiconque leur déplaisoit.


(i) Ce que dît là M. Assemani n*est pas vrai en général des Ismaé- liens, et ne Ta été, relativement aux Molheds ou Ismaéliens de Perse ^


que sous le règne de Hasan ben- Mohammed , et sous celui de son fils, pendant cinquante ans environ. Yoyr^ ci-dessus, /7â^. 18,


DE LITTÉRATURE. 29

^ Assissani, ajoute le même écrivain, vient d'^ujf/jj^ » àj^jsj^ ^ roche , forteresse , lieu fort et qui offre une retraite '» sûre; et de là Assissani ^L-aaaaqj', en arabe, signifie un n homme qui habite des rochers et des lieux forts, comme » nous dirions un montagnard , un habitant des montagnes. »

Quelque estime que j'aie pour les talens deM. Tabbé Asse- mani, je ne puis point admettre son opinion sur 1 origine du

nom des Assassins. Voici mes raisons : i ."* sisa <àû.j<^ , ou plutôt sisiya Aaaqju^ , ne signifie pas proprement un rocher, mais , en générai , tout ce qui sert à la défense , la corne dun hœuf, l'ergot d'un coq, le bois dune antilope, et par la même rai- son une citadelle, une place forte. 2."* ^jUâ-^ ne seroit point formé régulièrement de A^aû-aa^ , ce devroif être jfc— aaô ; . au contraire , ^ys^a,J<J^ est formé régulièrement de ^jUa-jj^ ^ pluriel de {jpy^ , poulet, d'où se forme aussi le verbe {jiy^ r piauler comme un petit poulet ; du pluriel ^Uo-^aô doit se former 3L— aû-aa^^ marchand de petits poulets , comme de il>^V>*> , pluriel de Aflfc.W*>., poule, se forme (JW^ > ^^^^'

chand de volailles; de ^>-o , pluriel de c->l— âj , livre, , libraire; de \y^, pluriel de J^, feutre, ^>j.-aJ, marchand de feutres; de i^^^Laaô, pluriel de ^jyxLo , coffre, lyAi^j^ , marchand de coff-es ; de 0^'^ 1 pluriel de ÂAôUafc^ ceinturon , ^yvoj^L^ , marchand de ceinturons. Le proverbe rapporté par M. Assemani peut donc s'appliquer aux montagnards ou aux villageois qui viennent vendre des volailles dans les villes, et il voudra dire que ces gens-là sont des hommes sans bonne foi et grossiers, n'appartenant^ à cause de leur profonde Ignorance» à aucune religion*.


30 MÉMOIRES

Je dois observer d'ailleurs que ce proverbe a cours aussi ^'une autre manière i qui pourroit bien être plus conforme à son origine. Au lieu de ^UAAAâJ' , on dit souvent 3^-***^-**^' » comme je le tiens de M. Michel Sabbagh d'Acca; ce qui signifie de la famille de Sasan. Or ce dernier terme est employé par les Arabes pour désigner un vagabond, un aventurier, un homme qui court le monde afin de gagner de l'argent sans rien faire* C'est en ce sens que Hariri fait dire , dans sa quarante-neuvième séance , à Abou-Zeïd Saroudji , per- sonnage de ce genre ;



..JiLN.UlLJ....iiL.M Luw


UiW ^jX\:c\i- !^ l::? o^j^. "^j ^^

l a^W^ Â-;^!, L-*»^ LL-ij;, 14,1 J,L5^J^1 ôî J^ji9vUJi^^,^^N, .V^-^!j

Je n*ai pas trouvé de gaiq plus facile « de ;5ubsistance plus agréable, de profession plus lucrative, de ruisseau dont feau soit plus pure y que le mjétier institué par Sasaa« et dont il a imaginé

diverses modifications . . > . .Cest un commerce

qui ne languit jamais , un réservoir dont Teau ne s'épuise point , un flambeau k la lueur duquel se rassemblent un grand nombre d^bommes , et qui éclaire les aveugles et les borgnes. Ceux qui


DE LITTÉRATURE. 31

exercent cette profession, sont le peuple le plus heureux, la race la plus fortunée. ..... .Ils n'ont point de demeure fixe, ils

ne craignent aucune autorité ; il n*y a nulle différence entre eux et les oiseaux qui se lèvent fe ventre creux et se trouvent au soir

la panse pleine .^Mais la première condition pour

exercer cette profession , c'est de se donner beaucoup de mouve- ment; la première qualité requise, c'est une grande activité. Un esprit fécond en ressources doit être le flambeau de celui qui l'em- brasse; l'impudence, Farmure dont il faut qu'il soit muni. ......

Ne vous lassez donc point de chercher, ne vous rebutez pas de faire, toute sorte de diligence ; car il étoit écrit sur le bâton de notre chef Sasan : Quiconque cherchera , trouvera ; quiconque int et viendra , obtiendra.

C'est aussi dans le même sens que , dans la seconde séance, Harîri dh^ en parlant du même Abou-Zéïd:


Il forgeoit toute sorte de généalogies pour se fiiire valoir , et if n'y avoit aucun moyen de tirer de l'argent qu'il ne mît en pra- tique : tantôt il disoit être de la fàitiiile de Sasan , et tantôt il se

donnoit pour un descendant des rois de Gassan-

« 

Motarrézî , commentateur de Hariri ,. explique ainsi ier mot Sasan r


vjCOî ^j l^j Jji\ çjj^ aUi\^l>yiw J U^ OjJ,


32 MÉMOIRES


.^3 aj ^ bf IkAÂ >V^^ f* ^^/i J^ ^^-«^ J^


^-JUJ Je i^ll» (^^ «JjyuvoS j yS^Jr-^ ^>>»3 f/^**

igoLLJl Oy-ji.^ ok^lW^^ oyib <^^}A

Sasan, dit-il, est le chef des mendians et leur patron. Le Sasan dont il s*agit est Sasan Fancien , fils de Bahman, fils d'Esfendiar, fils du roi Ghischtasf. Voici comment son histoire est racontée par. Ebn* Almokanna ( i ). Quand Babman fut près de mourir , il fit venir 3a fille Homaï , qui étoit enceinte. EHe surpassoit tous les mortels e|i beauté , et personne , parmi les Perses de ce temps*Ià , ne Tégaloit

(i) Lisez Ebn-Aimokaffa. C'est fables deBîdpai, connue sous le nom «auteur de la traduction Arabe des de Livn dcèalUa et Dimna,

en


DE LITTÉRATURE. 33

en sagesse. Ensuite le roi se fit apporter la couronne » la mit sur la tète de sa fille , et Ia«dédara reine après lui, ordonnant que, si elle mettoit au monde un enfant mâle , elle conserveroit i'adminisr tration du royaume , jusqu'à ce que son fils eût atteint Fâge de trente ans , époque à laquelle elle lui remettroit le gouvernement. Sasan , fils de Bahman » étoit un homme d'une belle figure , bien élevé , et plein de sagesse et de toute sorte de perfections ; per- sonne ne doutoit qu'il ne dût hériter du trône. Bahman ayant donc disposé de son royaume en faveur de Homaï» sœur de Sasan ,^ celui-ci en ressentit un dépit violent , s'en alla 9 acheta des brebÎG, les conduisit lui-même vers les montagnes , et s'occupa à les fiûre paître, habitant au milieu des Curdes , le tout par un effet de la co- lère qu'il avoit conçue , à cause du mépris que son père avoit témoi- gné pour lui en lui ôtant la couronne pour la donner à sa sœur. Depuis ce temps jusqu'à ce jour, le nom de Sasan a été pris mé«i taphoriquement pour indiquer un homme qui conduit un trou-^ peau de brebis, et l'on dît Sasan le Curde, ou SasAn h berger. On dénomme de là Sasani tout homme qui mendie, ou qui fait un métier vil, comme les aveugles, les borgnes, les joueurs de go- belets, ceux qui dressent et montrent des chiens ou des singes, et les autres gens de cette espèce, quoiqu'ils ne descendent pas de ce Sasan. Le nombre de ces hommes est très-grand , et il y en a beaucoup de classes et d'espèces différentes. Abou-Dolaf Khaz* radji en parle dans le poème où il décrit, en les faisant parler eux-mêmes, tous leurs métiers, leurs jongleries^ leurs contes, çt l'argot dont ils se servent entre eux. Ce poème , connu sous le nom de Sasaniyyeh, a été commenté par Saheb ben-Abbad ; en le lisant , on y trouvera dans le plus grand détail ce que j'ai dit en raccourci.

On conçoit, par ce qu'on vient de lire, combien le proverbe , c'est wi Sasani, il nest ni Musulman ni Chrétien^ présente un sens convenable, Qiais qui n'o^e aucun rap port avec les Assassins^

ToM* IV, E


54 MÉMOIRES

Depuis M-. Assesnani, un autre orientaiiate » dans le premier numéro du journal intitulé ies Mints de f Orient, en rejetant fétymologie de Hyde, qu il attribue à M. de Voiney;, a proposé de dériver Je mot Assassins de ^jJ^^ jpiet mactume.

J'apiM'ends aussi de M. Dominique SeSitini , qu'un. savant Arménien,» xionsuité «sur Tétymoiogie de ce 'même mot» le dérivait de ./f^f^ ^cj^'t'^ • ramassis Je gens de ioute espèce.

' La première de ces deux étyimologies auroit pu être ^admise» sii'an en étoît.réduit^ ircet égard, À des conjectures; la seconde ^\tst pas même proposabie. . Fuisqiie ifiai iait inentaon plus haut des Mémpàres histo- riques 6ur les Assassins et le Viaji^x de la ^montagne par Maritiy je dois dire ici que cet écrivain -se déclare pour l'une des étymcJogies les moins vraisemblables qui avoîent •été proposées du nom des Assassins. Il ,croit que leur vé- ritable nom étoit Arsasidcs ou Arsacides^ -et qu'ils étaient ainsi appelés parxie que les premiers fondateurs de 4^tte peuplade s, :qui ^ transportée ^en Syrie » y £ut xonmie tsous le nom d'Assassins -, étaient des Curdes ^i habrtoîen* originairement dans les environs et sous la juridiction de la ville d'Arsacia. Ce seroit perdre le temps que de aarréter À .réfuter \m tel systèn^p.

On -sera peut-être ^surpris que je n!aie pas parlé jusqu'ici d'une autre étymologie rapportée par Ménage » ^et dont i auteur est M. Etienne Lemoine^ ministre de la religion séfociniée» À Rouen. Elle se Jtrouve >dans lune iettK de Le- moine à Ménage, que celui-ici.avpubkée.dans son iDiction^ noire létymoloff que de Ja dangue Française^ ^au .mot AssassiM» Je n'en rapporterai que ce qui a trait À jnon -^sujet


DE LITTÉRATURE- jj

• Le mot Ajsassm , dit M. Lerhoîne, a été dit du Vieux ^ de la montagne, roi des Assassins, qui est aimsi nommé»

  • comme qui diroit r<?î des herbages, des prés^ des jardins..

» En efiët» ce roi occupoit » au pied du Liban , une terre » fort bonne , et qui pourroit bien tirer son nom de sa fer-- » tîlité. A^sessa, oxirAssissa, signifie des herbes»* des pâtu- ^ rages » des ja^ditts ,- fotiles choses qui se trouvent enr

  • abondance dans te pays de la domination de ce princeu

^ Vous savez comme, à lar feveur de ses jardina délicieux,» » il trompoit plusieurs* de ses sujets , et comme 11 les en-^

    • gageoit à tout entfiepitendre , dans t'espérafice qu il leur

» donÉoit qu'ils jouiffoient après leur mort de tous ces

» lieux agréables Benjamin le nomme schéikel^

^ chasisin , et cest aussi de fa sorte quon le nomme dans » tout rOrient. De là vient que nous Tavons appelé le roi » des Assassins. Mais ces paroles, comme je Taî déjà ditt, » signifient le roi des prairies, dès terres cultivées, des » jardins où fart et la nature fournissent à Fenvî une » infinité de choses d'élicieuses^ ^

Cette étymoiogie a été d&approuvée y au rapport de Ménage , par M. Ferrari , savant professeur de Padouev qui aimoit mieux d*ériver le mot assassin, ab assidendo; et Ménage lui-même n'hésite pas à se ranger de Topinion de M. de Caseneuve , qui tire ce mot du vieux teuton sais„ Mhmm et couteau. M. Falconet dit aussi, sans aucun ménagen^nt» imscMBdUs-iet. que Tétymologie est aussr fausse que les conséquences ^ ^vilf* '//• qu'en tire M. Lemoine. Cependant c'est cette étymoiogie qui est la seule véritable, comme j'espère te démontrer; mais M. Lemoine a ignoré pourquoi les Ismaéliens por- toient le nom de Haschischin ,. et il en a donné une très-

Eiî


56 MÉMOIRES

mauvaise raison qui a faft rejeter son étymologie. J'espère offi'ir une autre raison beaucoup plus satisfaisante de cette dénomination. J'ai donc deux choses à/aire Voir ici : i.** que les Ismaéliens ou Baténîens portoient aussi le nom de Z/^- schischin; 2.® quel étoit le motif de cette dénomination.

La première proposition sera &cile à établir. Obser- vons seulement que, dans le mot Haschisçhin , la termi- naison in est le signe du pluriel. Dans Tarabe littéral, la terminaison du pluriel masculin est pour le nominatif eufia ^^, et pour its deux autres cas» ina ^ ; dans le lan- gage usuel, on supprime la voyelle finale a, et fon dit, sans distinction de cas, in. Exemple : Moslimin (iÇV--4M^/ les Musulmans; Mouminin UlJ-^-î^, les croyans; Cafirin j^3vÊ=», les infidèles. //r7Jr//w^//7, ou plus grammaticale- ment Haschischiyym ^jyX Jl i^^ u c^ , est donc le pluriel de Ha- schischi ^^ î L ^ -« * ofc : ce même mot peut aussi faire au pluriel Haschischiyyèh à^A S ki^ ^ vj^ , ce qui est même plus élégant. Il ne faut pas perdre de vue cette observation triviale , mais que j'ai dû faire pour les personnes qui n'ont aucune notion de la langue Arabe.

Abou'lféda , dans ses Annales , et Boha-eddin , dans la Vie de Saladin, racontent qu'en l'année 571 , tandis que ce prince faisoit le siège de la citadelle d'Ézaz, des Is- maéliens tentèrent de l'assassiner : c'étoit la seconde fois que sa vie étoit menacée par des geik de cette secte ; il avoît àé]k été attaqué en vain en 570. Le récit d' Abou'l- féda étant plus détaillé , c'est à ce récit que je m'arrête.

•c En Tannée 570, Saad-eddln Camouschtékin envoya ^ «ne grande somme d'argent à Sinan , chef des Ismaé-


»


»


DE LITTÉRATURE. ^y

liens » pour <}ue ces gpns-là tuassent Saiadin. Sinan en^ voya donc plusieurs gens qui attaquèrent subitement ^ Saiadin ; mais ils furent tués sans pouvoir lui ôter ia » vie,

« En l'année 571 ie sultan Saiadin s'avança Annal. Mosl

» vers Ézaz; il mit le siège devant ia piace , ie 3 de ^^' '^*^^'

» dhou'Ikadèli, et ia prit ie 1 1 de dliou'Ihiddjèh. Tandis

» qu'ii assiégeoit cette piace, un Ismaélien fondit sur iui,

» iui porta un coup de poignard à ia tête , et ie blessa.

» Saiadin arrêta ilsmaélien, qui continua à frapper, mais

» sans qu'aucun coup portât : il fut tué dans cette situation.

» Un second attaqua ie sultan, et fut tué de même; puis

» un troisième eut le même sort* Le sultan , effrayé, rentra

» dans sa tente, fit faire la revue de ses troupes» et ren-

» voya les gens qu'ii ne connoissoit pas. »

Voyons maintenant en quels termes ces deux feits sont racontés par Abou'ischama , auteur du Kitab alraudhatdin ^jUAijy— 1» c-jUJè=» , histoire très-détaiilée de Nour-eddin et de Saiadin :

Ai^ ^jÙLA J y^ ^iV v>4i-**wO Ui^\5 • V 3 J^J3 Mon. Ar.dela

I II 4 II I * I 11 t» l\ t • I Bihliotk,duRoi,

/ J • Vannée j y o, fol


jff MÉMOIRES



^t jfl.Aâx, • jji. f L — 3^ ^ j)!, • Je ^^U-i ji»:^ oyW^


. En Fan 570, Saladin s^'avança vers Hamat» et la prit Je premier jour de djoumada second. De là il marcha vers Alep, et mk le siège devant cette ville, le 3 du même mois. Comme les habitans se voyoient serrés de très-près » et qu'ils avoient grand besoin de secours, ils s'adressèrent aux Ismaéliens» leur promirent certaines terres et leur firent différentes sortes de largesses. Un jour donc que le temps étoit très^froid , et que Thiver se fàîsoit rudement sentir, il vint quelques-uns des plus déterminés dé leurs scélérats.. Us furent reconnus par Fémir Nasih-eddin Khomartékin, maître de Boktiscb, et dont les possessions étoient limitrophes de celles des Ismaéliens. Que voulez-vous faire , leur dit l'émir , et com- ment avez- vous eu Faudace de venir ici sans que la crainte vous ait retenus î Alors ils le tuèrent ; un homme étant accouru pour le défèndre , ils le blessèrent aussL L'ûa (Feux s'avança soudain pour se précipiter sur le sultan : mais Fémir Togril Khazendar l'attendit de pied ferme,, sans faire aucun mouvement et sans dire aucune parole ; et au i^oment ou il arri voit , il lui abartUt la tête avec son sabre. Les autres ne furent tués qu'après a,voir tué eux- mêmes beaucoup de monde , et ceux qui se trouvèrent à leur ren» contre coururent degrandsdangers. Ainsi,, pour cette foi&y Dieu sauva Ta vie (à la lettre^ h i(emjer smpir) du sultan, des poignards des Haschîsch'is,

L'auteur fait ici un jeu de naots entre ^Lî^-^ hoscha^ sclèh , le dernier soupir , et iU..ÎLA^. r >c:ifc haschischiyyèh , piurieî


DE LITTÉRATURE. .39

'àe/iascAiichi; et d est peut-être ce jeu de mots qui ^t cause que nous trouvons Ici cette dénomination , au lieu de celle 4S^ Ismaéliens.

Passons au second fait. Voici coiqmeixt il .est raconté :




AjJkl^ Z^rfjj Aiv^W ii:>* .A^ J .Î^JiJL^ *j^ ^U»« 

^^ ^r^^. uî.^^ ^-^ ^>]3 ^ ^ ^jj *r;^



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4o MÉMOIRES

Chapitre contenant le récit de la seconde entreprise dès AT^- schischis contre la vie du sultan : celle-ci eut lieu pendant qull assiégeoit Ezaz ; la première s'étoit passée devant Alep.

Le 1 I de dhou'Ikadèh , dit Omad-eddin , dans la nuit du premier jour de la semaine , les Haschischis assaillirent le sultan, tandis qu'il étoit campé devant Ezaz. L'émir Djavali Âsadi avoit sa tente auprès des machines , et le sultan se rendoit dans cette tente pour inspecter les machines » donner ordre aux affaires les plus im-^ portantes , et exciter Fardeur des combattans. Tandis qu'il étoit occupé à distribuer des largesses » et à remédier aux maux que cause la matice de la fortune , des Haschischis se tenoient là dé- guisés sous l'extérieur de soldats , et les troupes rangées sur di- verses lignes étoient près du suhan. Subitement Fun de ces Ha- schischis sauta sur le sultan et fui porta un coup de son poignard à la tête. Les plaques de fer dont son bonnet étoit garni inté-- rieurement , empêchèrent le poignard de Fatteindre , et Farme ne fit que le blesser légèrement à la joue. Le sultan , sans perdre courage , saisit la tête du Haschischi et la tira à lui , puis se jeta sur cet homme et se mit à cheval sur lui ; alors Séif-eddin Yazkoudj survint, ôta la vie au Haschischi , et le^ tailla en pièces. Un autre s'avança ; mais l'émir Daoud, fils de Menkélan, se jeta au-devant de lui et l'arrêta. Le Haschischi lui fit au flanc une bjessure dont il mourut au bout de quelques jours. Un troisième survînt : l'émir Ali, fils d'Abou'lféwaris , fe çaisit entre ses bras, et fe tint forte- ment embrassé par-rdessous les aisselles. La main du Haschischi resta derrière son dos , en sorte qu'il ne pouvoit ni frapper ni se débarrasser de la gêne où il se trouvoit (i). L'émir se mit donc à crier ; « Tuez-moi avec lui ; car il m'a porté u(i coup mortel , îl


(i) II peut parohre incertain si les mots il ne pouvait se rapportent à


d^Ebn-Abiltaï, il semble certain que c'est de Fassassiixqu'oi^ doit entendre


Tassassin ou à Fémîr. Par le récit [ ces n^ots.^


DE LITTERATURE. 4i

» m*a été .mes forcés, et «n'» .mmio/s .de combat. »» Alors Nâsiiv eddin , fils de Schirkouh , perça cet homme de son épée. Un autre sortit de h. tente et «^enfuit 9 prêt à frapper quiconque voudr<>i( lui couper le chemin; cependant les valets de Tarmée tombèreàt sur lui et le tuèrent.

Je supprimé ie reste de cejrécîf; 'î - —" - ' -J L'auteur ajoute ensuite l'extrait d'une lettre dU kadhî Fadhii , qui contient la relation du même év,énemervt , et oîi on lit que le Haschisch rfavoit fait au su i tan qu'une ég/ati- gniire j d'où il ii'étoit coulé <jue quelques gouttes de sang. Enfin , suivant l'usage des Orientaux, l'auteur rapporte^ encore une autre relation du nrême fait, tirée d'un 'écrivain nommé Ebn-Abt liai. Je la traduira:! au^si , malgré les répéç titions.que cela.nécessjte , parc,e que les expressions de ce récit méritent d'être pesées. *

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Tome IV.


il MÉMOIRES

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DE LITTÉRATURE. ij

Voici, dit toujours Fauteur du Raudhatain, de quelle manière s*exprime Ebn-Abritaï : Quand le sultan se fut emparé de Bazaga et de Manbedj , ceux qui étoient maîtres d*AIep reconnurent bien qu'ils ne pouvoient manquer de se voir enlever successive- ment les places fortes et les citadelles qu'il possédoient. Ils re- vinrent donc à leurs menées accoutumées , et recommencèrent \ tendre des pièges au sultan. Ils écrivirent en conséquence une seconde fois k Sinan , maître du haschïscha ( f expliquerai plus loin cette expression ) , le gagnèrent il force d'argent , et le détermi- nèrent \ envoyer des gens poifr tuer le sultan. Sinan (que Dieii le maudisse ! ) envoya effectivement quelques-uns de ses jgens , qui se rendirent à l'armée de Saladin , déguisés sous le costume de soldats. Ils se mêlèrent aux combattans , prirent part aux opé- rations militaires , et s'en acquittèrent avec beaucoup de bravoure. Ils eurent soin de se mêler aux gens du sultan , dans Tespérance de trouver une occasion d'exécuter leur projet et de la saisir. \Jn jour donc que le sultan ïtoit assis dans la tente de l'émir D|awali, pendant' qu^on se battoit , et que le sultan considéroSt le combat , un des Haschischis fondit sur lui , et fui porta sur la tète un coup de son poignard. Comme le sultan appréhendoit toujours quelque surprise de la part des Hasciischis » îi ne qnittcil: jamais ssa truôrasse , et avoit toujoiu's k tète garaie de plaques -de fer : ie coup porté par le Haschischi ne put pas entamer les plaques de fer qui couvroient la tète du sultan ; et le Haschischi, ayant senti ces plaques de fer y laissa glisser si main avec le poignard vers la joue du sultan , et lui fit une blessure dont le sang ooula surison visage. Cela fil dianceler le sultan : le Haschischi saÎMt cet instant « sauta sur ie sultan » tira sa tête k lui » en sorte q«*il l'entraîna jusqu'à erre ; et se mettant k cheval sur lui , il cherchok à i'é^orger ( i )•

(t) Dans ie |Hreinier récit « c*cst Saladin 1 Tassassiii qui Mîitt la tête du toltaiii Reul- qui tira à lui la tête de i*assassin, le jeta par I être fa ut-il lire ici (^LkJLaJl tJij i^ô^jê g^rre, et se nit à chenal sur lui j ici, c'est {mais U sultoM tira ta ttu à lui.

Fil


U MÉMOIRES

Ceux qui entouroient le sultan étoient dans un état dé stupeur qpi sembloit leur ôter la raison. En ce moment survint Séif eddîn Yazcoudj : d'autres disent qu'il étoit présent dès auparavant ; if tira son sabre , en frappa le Haschischi et le tua. Un aut^e des Haschischis accourut pour se jeter sur le sultan ; mais l'émir Menkélan ie Curdc lui barra le chemin, et lui porta un coup de sqn épée : le. Haschischi cependant prévint Menkélan , et le blessa au. front. Menkélan le tua; mais il mourut lui-même, quelques jours après, du coup que lui avoit donné le Haschischi, Un autre des Baténîens survint encore, et se trouva près de l'émir Ali fils d'Abou'Iféwaris. L'émir fondit sur le Baténien ; mais le Baténien s'avança sous le coup pour le frapper. Aii le saisit sous les aisselles ; et la main du Baténien resta derrière lui, sans qu'il pût le frapper. L'émir Ali cria alors , Tuci^lc et moi avec lui; et Nasir-eddin, fils de Schirkouh, s'avançant, enfonça son épée dans le ventre du Baténien , et ne cessa de l'y remuer en tout sens jusqu'à ce que cet homme tombât mort: ainsi échappa Ali fils d'Abou'Iféwaris. Alors |in autre àt^Haschischis %oxî\x.^vi fuyant; il fut rencontré par l'émir Sehéhab-eddin Mahmoud, oncle maternel du sultan: le Baténien se détourna pour éviter l'émir; mais les gens de lemir courarent à sa rencontre, et le taillèrent enpiècçs avec leurs sabres. Pour le sultan , î! monta sur-le-champ à cheval , et retourna à sa tente : le sang couloit sur sa joue.

I Un peu plus loin 1 auteur du Rauâhatdin ajoute : '; *< Eut i'annce 572 , la paix étant faite, le sultan se sou- i> 'vînt de la vengeance qu'il avoit à prendre des Ismaé- » liens , et dé la manière dont ils étoient venus lattaquer ^ pendant cette guerre. Il partit donc ie vendredi 19 de w ramadhan, vint assiéger leur place forte de Mesyat, et

  • > dressa contre elle de grandes machines de guerre. Il leur

« tua beaucoup de monde , fit lin grand nombre de pri- » sonniers, emmena les hommes, ravagea les habitâ- » tiens, détruisit les édifices, mît leurs maisons au pillage ,




DP LITTÉRATURE. 4î

» jusqu'à ce que son onde maternel Schéhab-eddin » Mahmoud ben-Tacasch ,• prince de Hamat, intercéda >• en leur faveur ; car ils avoient envoyé -vêts lui pour le ,^ prier de le faire ^ attendu qu ils étoient ses voisins. Le » sultan se retira donc de leur pays, ayant tiré vengeance » deux.»

Après ce qu'on vient de lire y ce seroît perdre le temps que de s'arrêter à prouver que les Haschischis^ les Bâté-- niens et les Ismaéliens sont le même peuple, ou, si Ton veut , la même secte. On a vu qu'Ebn-Abi'ltaï emploie indifféremment les deux premiers noms , et que l'auteur du Raudhataïn nomme Ismaéliens ceux qu'il avoit appelés* précédemment Haschischis.

Il seroît inutile de rechercher d'autres autorités pour prouver cette identité. Je remarquerai seulement qu'Ebn- alkhatlb , historien Arabe d'Espagne , en racontant ia^ mort violente du khalife Amer-biahcam-allah, dit qu'il fut tué par des Haschischis , tandis que d'autres historiens , Abou'lféda, Mirkhond, Makrizi , disent que ce prince fut assassiné par des Ismaéliens, des Baténiens , ou des Tiayiris. J'expliquerai ce dernier mot plus loin.

On ne doutera pas non ptus , je crois , que le mot haschi-- schir au pluriel haschischin , ne soit l'origine des mots corrom- pus Aeisesswi , assassini , assissini. On ne doit pas s'étonner que le schin Arabe ait été rendu dans tous nos écrivains qui se servaient de la langue Latine , par une j , et dans les his- toriens Grecs par un a- : ils ne pouvoient faire autrement. Il faut d'ailleurs observer que ie schin ï^ prononce moins fortement que le ck en françois. Ce que Ton demandera, et «avec raison , c'est le motif qui avoit fait donner aux


46 MÉMOIRES

Ismaéliens ou Baténiens le nom de Haschischis. C'est la seconde chose que j'ai à examiner , et à laquelle je ne ré- pondrai que «par une conjecture, mais conjecture qui me paroi t porter un grand caractère de vraisemblance.

M. Lemoine avoit peut-être connoissance de quelques passages d'auteurs Arabes où les Ismaéliens étoient dé- signés sous le nom de HûschischiSfet il avoit vu que ce mot dérivoit nécessairement de haschisch. Haschisch ^jL^Ji^A^ signifie de ï herbe, du fourrage: inais, cette signification ne présentant aucun rapport avec ce que l'histoire nous ap- prend des Assassijis , il supposa que hascbsch, qui signifie herbe , fourrage , pou voit aussi se prendre pour des prés , à^s prairies , à^s jardins délicieux.. Cette fausse conséquence a ^u x:ontribuer à discréditer dans Tesprit des savans Téty- jnoiogie qu'il proposoit, d'autant plus qu'il ne cite aucune autorité d'écrivain Arabe pour prouver que les Ismaéliens portoient e&ctiven^ent en arabe le nom de Haschischis. Peut-être aussi n'eji avok-11 point réellement d'autre que le passage de Benjamin de Tudèle , quoiqu 'après avoir invoquéle témoignage de ce rahbin qui nomme ie Vieux de la montagne Scheikh akhassisiu, il ajoute que c'est ainsi qu^on le nomnve dans tout l'Orient.

M. Lemoine ignoroit que parmi les substances simpies Qu composées dont les Orientaux se servent pour se pro- curer une ivresse plus on moins violente , il en est une que l'on connoît sous le nom de haschisch et haschischa. J'ai pu* >blié> dans ma Chrestomaihie Arabe , un chapitre fort curieux de la Description historique de l'Egypte et du Caire^ de Makrizi ; chapitre qui a pour objet cette espèce d'électuaire .Dommé commuRémtnthaschischa A. S ^A, r >ixfc , herbit, niaisdont


DE LITTÉRATURE. 47

le nom trwX^x est haschisichat al/okara ^y^ XJL^S^^a,.^ l'herbe des fakirs. Suivant Makrizi » c est i^ feuille du chanvre qui porte ce nom ; et c'est effectivement ce que dit aussi Prosper Alpin , dpnt je crois devoir citer ici les propres paroles :

«* Jç n'ignore pas que les Égyptiens usent , pour se pro- Dt Medu. !• curer ces sortes de visions , de plusieurs médicamens ^^W^-v^^s^- composés , tei^ qpe félectuaire nommé hernavt , que l'on apporte des contrées de l'Inde les plus voisines, le bers et le bosa^ mais celui dont l'usage est le plus commun parmi ei|x , c'est tout simplement la plante du chanvre ^ »> qu'ils appellent assis (i). Ce mot ne signifie autre chose •» que t herbe , en sorte qu'il semble qu'ils appellent le » chanvre herbe par efccellence.^ Cette manière proverbiale » dç s'exprimer, prendre 4^ l'hf^be, pour dire prendre une » drQgue enivrante , vient de ce que le chanvre est, comme » je lai ouï dire , la première substance dans laquelle on » a reconnu I4 propriété d'exciter ces visions fantastiques^


9>


»


M


  • >


(f) J'ai trouvé dans les contas Turcs des Quarante Vizirs , le mot Turc <;jjl h^rbi, employé dans ie même sens que ie mot Arabe ^a » » * • Une femme, voulant s'amuser avec un galant sous les yeux mêmes de son mari, fit une partie de plaisir avec celui-ci dans un bois où elle donna rendez- vous à son amant, qui s*y tint caché. Après que le mari et ia femme se furent assis au pied d'un arbre, celle-ci prit une petite dose d'un cordial, ^^^— iu, et en fit prendre à son mari une forte dose. Ayant mangé ensuite et s'étant reposés, ils se trou-- virint ivnes par l'effet de cette drogue,

^*^j^ i^^ • I^ femme monta fur


l'arbre ; et feignant qu'elle voyott au pied de ^l'arbre son mari avec une autre femme, elle lui en fit des re- proches- Le tnaii prqtesta qu'il n'en çtoit rien. Alors la femme dit : Est-çf l\ffet de l'herbe que nous avons mari» gée, ou bien y a-t'il quelque vertu ex» traprdinaire dans cet arbre! j fa^f

iS'^^ jlj fj c>^^ U^Ut. J^ sup- prime le reste de ce conte peu décent et d'ailleurs asse^ connu. Yoye^ Qu»^ rfinte Vizirs ,^// mqtinif.

En écrivant assis pour haschisch, Prosper Alpin a fait comme nos his- toriens , lorsqu'ils ont écrit Assissini sans h>


48 MÉMOIRES

.»> ou parce qu elle possède cette vertu Jans un degré su- » pérîeur à toutes les autres drogues. De Mâdic. » II assis n'est autre chose qu'une poudre préparée avec ^Hyp^'P'2 /. ^ i^g feuilles du chanvre , que i'on mêle avec de l'eau tiède,

» et dont on forme une pâte. On en avafe cinq bols 'ou » même pkis , de la grosseur d'une châtaigne. Au bout

  • » d une heure*, ils font leur effet ; et ceux qui les ont

" pris, tombant dans une sorte d'ivresse, font toute sorte » de folies: ifs restent long-temps dans un état d'extase , et » jouissent de ces visions qu'ils recherchent tant. Le peuple ■-^ sur-lout fait plus volontiers usage de cette drogue , parce » qu'elle coûte moins que les autres. Vous ne serez point •• surpris que le chanvre produise cet effet ; car Galîen^ » comme vous le ^avez, dans son i.*^"^ livre De alim.fa- »» cuh^. dit qu'il fait monter des vapeurs au cerveau, et

  • > frappé violemment cet organe. C'est par cette vertu

^ singulière que cette plante a, comme je l'ai dit, mérité •» dans ce pays le nom àlassis^ comme qui diroit l'herbe par » excellence,. >>

Kœmpfer a décrit trois des substances que les Persans emploient de préférence pour se procurer cette espèce d'ivresse qu'ils appellent keif '^^ t^==> - Ces substances, prises du règne végétal , sont le tabac, l'opium et le chanvre. Il parle ^insi de la derjtiière : AmitH. €xot. « Je passe maintenant au chanvre. Ceux qui aiment » à yarier Jes drogues enivrantes , ou qui ont de la ré- » pugnance pour le goût de l'opium , se servent du chanvre » pour se procurer cette sorte d'ivresse extatique. Je n'exa-

  • minerai pas ici si cette plante est véritablement notre
    • chanvre, ou bien une variété particulière appelée^^^/rg^w^^


m- Hs


DE LITTÉRATURE. 49

» et décrite par les auteurs de YHortiis Malabarkus. Quant à ^^' x» f • "9-

  • » moi , eiie nï'a paru semblable , com me deux gouttes d eau ,

^ à notre chanvre ccnnmun » tant le mâle que là femelle ;

» je suis donc porté à croire que celui-ci doit sa vertu

>» particulière au sol et-ao climat. Les parties de la plante

» qui produisent cetie gaieté artificielle, sont la' graine,

>» appelée schâdaHech;\9L'^ou%s\hrt des fleurs, qu on nomme

» t^Vrxpct les feuilles, qui sortt connues sous' le nom dé'

» beng On emploie Içs feuilles en les faisant infuseï'

» dans Teau froide. La boisson' de cette eau procure une

>• gaieté accompagnée d'une forte 'ivresse. Je vais indiquer

^ les procédés employés pour sa préparation, comme je

» fai vu faire à quatre dervischs que je rencontrai dans

» une hôtellerie , sur les frontières de Tlnde . . . .• . . Quel-

3». ques personnes pétrissent la poudre des feuillet avec du

» sirop, et en font des pastilles etdes bbl$ qu^èlles âvalent^

» dans la même intention. C'est des feuilles du chanvnét/'

  • » comme de ta plus estimée de toutes ies-dfogues eni-

» vrantes » qu'on' appelle bènghi dans la Pér^e^ dans 'rinde ,

» iéjs bomniès qui ont contracté 1 usage deâ préparations

«•enivrantes.» • ^'i ' • -i: ','.-•.• mi-.; i^-. . •'•'/'.

Chak'^in nous apprend qu'en Per^ les gènï qui allMeht' . Voyage et à s'enivrer de tabac, i y mêlent de la graine- dte thanvre, f^*^^'J;^^ qui fait monter ia vapeur au cerveau et étourdit en peu ^ P^^» ^Sn.

Le chanvre e«t aussi en usage dans la Barbài^ié et i Ma- roc » bommesubstance enivrante , dinsi que l'attestent Hoest et Lamprièite , et il y poifté aussi le nom de haschisch. Léon Africain en a fait mention sous celui de l'hasis, qui n'est que le même n^çt. avec l'article. A Alep » il sert au même usage et Tome IV, G


M£MQIRE3

e même nççi , sekm ^ue l'assure le docteur R^ssel*

Oa le tume dans la mémeyuç en piusiçurs pays, et même ^ r -• ev^ Afifique* ^ Com^n? 4aPfS ies villes, 4ît M* Niebuhr^ les m Arabes du comnïyn yeutemai^s^i. avoir A^//", c est'à-<Iire , i^.de la joîei mai^^u^ilsi ijft peuvent pas p»yer ha liqueqrs »» fort^, qiijç.wvvewt. iW^flje il ne. kw est pa& possiWe »^ 4>n trflkjuyerj JiJs) f^j^^tjd^.Aa^iuchi c'est une sorte » d'ber{>e ,^uç M. cFoïiskaj «ft^^dlK|ues autr« xjai japus ont » préçé<Vîç.çffi -Orknti oot prise: pour des feuiHes de. chanvi^e. » Ceujc, q^f.en wiM amateurs^ assureht <|u'eile dcmae du- » couf|9g^é Nqu^ .e»: Mimes, uh. exe in pici daps. la.pecsonne^ \d^un de.nps ^çon^estiques Arabes. Alprès. av<ûr;£timé du >\ h<^fflnffiihf li:ireineoiijluradahfi^ia:rue qi»É^ èoidatis qu £1 lui ». prit jfaqt9isje.4èqhasfi»* Uâ d'eux te aros^adimpoiitaiice,^ -i e,tj^/<i0pdiû«flt,4 la)JOfli«pni >Mftigré <?eii peiiit reifeis,. on^ >^ ne.pii^elflilfflpqkiUiseb, étifttite^ujcB^tsicèa-persM^éque* » qwtre*9JW*^:nA)>*Mi*o«eLlul.«é»tetfir^

, Jp9rp^<,pSiri§Iit4iu;hanv.re.QuItty^ eiail^p dit): ^n//-

I Vk^< j;<«> m, Olivier dit aussi , en pariant de l'Egypte :.«Jiieipeuple' ..vn;^. V t.f, . ^j||^j^sitÂ(|^ç^4.îi;MSa^'4Bii!Âfliumo^ fe*iîicb.de

» (çJ\^yrf§,.fK)nime\beflM«d^ Mises en pôaj^dre

^^ ^jn?(t^/ajig^e&,fty»j teiW^i, ejt qwft^uefoisanrec.deis.siuBfr;' » tances aromatiques , on en fait des bols que ï<mj«m\d* - <|9^ !§ VftÇxJft5f flrpc9Beïid«SjS#nsfet«^

>» cATçoxnpjlpn^v ej^ ift(nîqrti.p.PP?iipe<f q^QB .eftjcaptiûMe


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« • . V ^1 • • • • «II-.

t) On iair^cé'que dîtttéfddote de rùsagè'quc jes Scythes faisoïènt de^


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• f


DE LITTERATURE. ji

» Tusage. Cette piante , au reste , réussit assez mal en » Egypte. »

Le même voyageur , après avoir parlé de l 'uàage qu on fait de l*opmm dafns les cafés, en Perse, ajoute : « On a Voyage dans M souvent distribué, dans ces mêmes cafés, un breuvage ^'^'^Oth.t.iiL «• beaucoup plus fort, beaucoup plus enivrant : il étoit fait » avec les feuilles et les sommités du chanvre orcïinaire, M auxquelles on ajoutoit un peu de noîx vomique. La loi, •» qui permet ou tolère les autres breuvages, a toujours »• défendu celui-ci. Méhémet Khan, lorsque nous étions «• en Perse , punissoit du dernier supplice ceux qui le dis- »> tribuoient et ceux qui ie prenoient. »

M. Sonnini semble mettre quelque distinction entre le chanvre d'Europe et le végétal cultivé en Egypte , dont on fait le haschischa. Quoique le passage où il en parle soit un peu long , je le copierai en entier.

« Le chanvre se cultive ^ans les f)laînes des mêmes con- Va^age dam » trées (de la haute Egypte); mais Ton n'en tire pas du ^^«'^«^ »» fil, comme en Europe, quoiqu'il pût vraisemblablement p.ioj. « en fournir. Ce n'en est pas moins une piante d'ui^ grand » usage. Au défaut de liqueurs enivrantes , les Arabes et les

  • • Egyptiens en composent diverses préparations, avec les-

» quelles ils se procurent une sorte d'ivresse douce, un état •• de rêverie qui procure de la gaieté et des songes agréables. » Cette espèce d anéantissement de la faculté de penser \ >• cette espèce de sommeil de lame , n'a aucun rapport «• avec l'ivresse occasionnée par le vin et les liqueurs fortes, •• et notre langue n'a point de terme pour lexprîmèr. Les » Arabes nomment keif cet abandon voluptueux, cette » sorte de stupeur délicieuse.

Gi)


^ -T


MEMOIRE wnàece dmvrt /a p/us usitée se fait

^ «,^ i^ '^'^'^ '^^'"'^' ^""^ P'"*^^ ^^^"

iw«i**««»^' /bu inet cuire la pâte qui en ré-

-. An xofiTC et de la muscâdë , et Ton

-iiijiaw» gros comme une noix. Les

!u»^i«Kt fcw^ misère par i'étourdissement

^ ul'.^ *î^ procure, se contentent de broyer

HA ^tfs ^-aç^ules des graines , et d'en manger

,_^ ^^^ £^pdens mangent aussi ces capsules

^ ^v .. î^ ^czfoaûon , et ils les mêlent encore avec

^ ,^^ ^ iiojier* D autres fois ils réduisent en poudre

. V ç^ v:*»><J« ^ ^^ pistils seulement , en rejetant les

\^ mêtnt cette poudre avec partie égale de

^ jj^ lùment ce mélange dans une espèce de pipe;

crts-simple , mais grossière , des pipes, à la

^ ^^ Q est qu'une noix de coco creusée e£ remplie

^ <4«4 . M tiavcrs de laquelle on aspire une fumée acre

X '•%n^5*it«» Cette manière de fumer est un des passe-

^ ^t^m7^ i^ pios ordinaires de^ femmes de la partie niéri-

>, ^viMÎe de fÉgypte.

^^ Tonnes ces préparations, ainsi que les parties de la ^ Ki»:^t^ QUI servent à les faire , sont connues sous le nom ♦ ,\x^^Stkaschisck,c[uïy proprement, signifie A^r^^, comme ^ ^ c«te plante étoît l'herbe par excellence. On trouve % ^kiisdàsch, àcfxit la consommation est considérable, sur ^». ^Hft$ les marchés. Lorsqu'on veut désigner la plante elle- ^ 3)i^)sie» abstraction faite de ses vertus et de son usage, >^ s» rappelle baste\

^ Quoique le chanvre d'Egypte ressemble beaucoup au >» t«kr«» 1^ ^^ diâère néanmoins par quelques caractères


DE LITTÉRATURE. 55

» qui paroisseiit constituer une espèce particulière (i). En » comparant attentivement ce chanvre avec celui cTEu- » rope y on remarque que sa tige est beaucoup moins » élevée , qu'elle acquiert en grosseur ce qui lui manque »• en hauteur; que le port de la plante est plutôt celui dun » arbuste dont le tronc a souvent plus de deux pouces de » circonférence » et des branches nombreuses et alternes » qui le garnissent depuis le pied : ses feuilles sont aussi ^ moins étroites et moins dentelées. La plante entière » exhale une odeur plus forte» et les fruits sont plus petits » et en même temps plus nombreux que dans l'espèce •• d'Europe. »

Après tout ce qui vient d'être dit , on sera sans doute disposé à penser que les Ismaéliens étoient nommés Ha- schischis, à cause de l'usage qu'ils faîsoîent du haschisch, comme ceux qui font usage du i^w^ (soit que le beng soit aussi un électuaire formé des feuilles du chanvre , comme le dit Koempfer , ou plutôt un extrait de la plante narcotique nommée datura, ainsi que d'autres écrivains l'assurent), de i'opium, appelé afyoun^ et d'autres drogues connues sous la dénomination générale de îeriak, sont appelés benghi, afyouni , teriaki.

Et ce qui confirme bien ce que je dis de l'usage du ha- schisch chez les Ismaéliens , c'est ce passage de Makrizi :


(i) M. Mongez, qui a parié de cet usage du chanvre dans les Recherches sur l*emploi du chanvre che^ les an- ciens, insérées dans les Mémoires de rinstituty classe de littérature et beaux - arts ^/^m, V, p» éf.^, y cite Topinion de M. Lamark , qui appelle


cette variété de chanvre cannabis Indica, et la distingue de celle qui est cultivée en Europe. C'est aussi ropinîon d'Ebn-Beïtar, qui fait du chanvre d'Egypte une variété parti- culière, qu'il appelle tSOJ^ chanvre Indien,


j4 MÉMOIRES

ChrestAr.t,!, «« Vcrs cc temps-là [l'an 75^5] , H vînt au Caire un homme pag. tjo; i. II, ^ j^ j^ ^g^^^ des MolAeds ou Ismaéliens de Perse , qui com-

»» posoit le haschischa en le mêlant avec du miel , et y >> joignoit diverses substances sèches, comme de la racine » de mandragore et autres drogues du même genre : il nom- » moit cette composition oâ^^ï [c'est-à-dire, gelée, confec-

  • » tîon], et la vendoit secrètement. »

Une observation qu'il n'est pas inutile de faire , c'est que du mot haschisch, ou hasèkischa, se forment également les

deux adjectifs ou noms d'agent . . Z^^tik'^ haschischi , et

^uLa*. hasschasch. On a vu le premier employé dans divers

passages que j'ai cités , et c'est sûrement celui que Makrizi

ttid. tom. I, avoit en vue, en disant: «J'ai vu un temps où les hommes

p. i2p; tom.lL ^^ jç |g^ classe la plus vile osoîent seuls en manger; encore

» répugnoient-ils à s'entendre appeler d'un nom dérivé de

»• cette drogue (i). » Le second, hasschasch , se trouve dans

ce passage de Schems-eddin Mohammed, fils d'Abou'lsou-

Not. et Extr. rour : ce Le pont neuf situé sur le grand canal est connu

des manus. 1. 1, „ aujourd'hui SOUS le nom de pont des hasschasch [kantarat

» alhasschaschin ^^^x-iuiJL o-JiÂâ], à cause que c'est le lieu

» où les mastouls [comme qui diroit les ivrognes] d'entre "• les habitans du Caire prenoient le haschisch. »

Les mots haschischin et hasschaschin ont produit les deux dénominations assissini et assassini chez Joinviile.

Je ne dois point dissimuler cependant que l'on peut faire contre ce que je dis ici deux objections : la première est que l'ivresse causée par le haschisch ne paroît consister

(t) Tel est le sens littéral des mots pas rendus d'une manière assez pré*-'


W ^UL)( ^ gyûU , que je n'aî


cise dans ma Chrestomathie« 


DE LITTÉRATURE. 55

que dans une sorte d'extase tramjuilie, et non dans une Âireur propre à exalter le courage et rimagination , et à faire entreprendre et exécuter des actions hardies et pé- viiieuses ; la seconde » c'est que , selon Makrizi » Tintro-* duction du haschisch en Syrie et en Egypte, et même la découverte de la propriété enivrante du chanvre, sont pos- térieures au tenpps des Assassins,

Ma réponse à la première objection ne sera pas difficile. Ce qui est raconté de l'obéissance des Assassins à leur chef, et de la détermiiiatîon avec laquelle ils exposoient leur vie pour faire périr les victimes qui feur avoient été désignées ; les voyages qu'ifs entreppenoient pour se rendre à leur destination ; le sang-froid avec lequel ils épioîent l'instant favorable à leur dessein , et savoient le saisir à propos; tout cela n'annonce pas des furieux semblables aux Anwques des Indiens , et capables de tout entreprendre par une sorte de délire factice ( i), mais à^s fanatiques perr suadés qu'en se sacrifiant pour obéir aux ordres du ciel ir^nijiieistés. par ceu;^ de leurs chefs , ils s'assuroîent un bon- heur éternel et toutes les jouissances^ des sens. Et c'est


' (i) Je ne^doute pas cependant que la feuille de chanvre mêlée avec quel- ques autres drogues ne puisse pro- duire une ma nie violente, une fureur pareille à celle des Amoques , qui se jettent sans crainte au milieu des épées.et de$ lances. Et en effet, c'est l'opium ,. substance dont les effets sont pareils à ceux du haschisch, qui piroduit ce délire furieux chez les Amoques; mais pour cela il faut.qu'il soit mêlé plusieurs jours d'avance avec du jus de citron. Quelques per-


sonnes pensent qu'on y ajoute quel- ques autres ingrédiens ( Voyage au Bengale , par Cossigny , r. III, p. loj et i6jY On peut consulter^ sur les Amoques y Kœmpfer , Amceniu exoU p. 649; Anquetil-Duperron , Zfnd\ flv. tom- I, p. clviij;de Grandpré, Voyage dans VInde et au Beng, 1. 1, p. 7 1 ; le P. Vincent Marie de Sainte- Catherine de Sienne , Via^, air Iri- dié Orient, p- i4îj ïJO» ^7» ^3 S; Legoux de FJaix, J'ableau de VIri* doustan, t- II, p. 394; î^ercival.


i6 MÉMOIRES

eflèctivement ainsi que les historiens nous les repr^entent. Quel étoit donc sur ces hommes I effet du haschischa! Cétoit de leur procurer , quand il piaisoit à leur maître de leur faire prendre une dose de cet électuaire » dont lui seul possédoit le secret , un état extatique et une douce et profonde rêve- rie, pendant laquelle ils jouissoient ou slmaginoient jouir de toutes les voluptés qui embellissent le paradis de Ma- homet. Écoutons ce que nous raconte Marc-Pol , ou plutôt ie rédacteur du texte Italien de sa relation ; ce récit est le meilleur commentaire de ce que je viens de dire :

« Parlons maintenant du Vieux de la montagne^ Mulehet >» est une contrée où demeuroit anciennement celui que » f on appeloit le Vieux de la montaffie : car ce nom de AIu- >» lehet veut dire, en languç Sardine, le lieu où résident


Voyagea Ctylan, 1. 1 , p. ^z. Suivant ce dernier, ce n*est pas avec de To- pium proprement dit que ies Ccyla- noîf se mettent en ét^t d'Amoques, mais avec le suc ou ies feuilles du ^^"gf petit arbrisseau dont la feuille ressemble, pour la texture et la forme, i celle du tabac, mais n*est pas plus longue que celle de la sauge. Le même auteur dit que ces furieux , en courant pour chercher leur victime, crient nmock, amock, c'est-à-dire, ft/e^ tiie; Legoux de Flair assure que les Ma- lais nomment cet état d*ivrcsse, en leur langue , amoh; M. Anquetil dit que le mot amoque vient des PortUr gais, et que les A moques sont nommés Narangoh par les Malabares : mai$ je crois que Narangoh est le nom d'une peuplade à laquelle on donne le sur- pom ^AmoqueSf parce ^uc ces çens-


làfont le métier d'assassins. Je trouve dans le Dictionnaire Malai de Ho- wison , le mot ^^t traduit par dês* pfrado, murderer, ont that hills ail he can ; le verbe ^1 signifie tuer, massacrer. ( Voy. le Dictionnaire Ma- lai de M. W. Marsden.) DansTex* trait du voyage d'un jeune Anglois à Batavia et à la Chine, tiré de YEuropean Afaga^tne^ et inséré dans le Journal de littérature étrangère ( mars lio'/, page /jy), on lit éga- lement que ies Amoques se jettent dans rétat de frénésie en prenant de fortes doses d'opium , et que ies assassinats qu'ils commettent alors sont appelés moch, parce que, dans •ces expéditions, ils crient amock, amock, c'cst-dire, rt/f , tue. Quoi qu'il en soit, aucun fait, je crois, n'autorise à assimiler \ti Assassins ZMxAmoques^

»|ei


DE LITTÉRATURE. 57

m

9 les hérétiques ; et du nom de ce lieu , on appelle ceu^t • qui y demeurent» Muléhétiques , c est-à-dire, hérétiques » de leur religion (i), comme sont les Patarîns (2) parmi » les Chrétiens. Voici ce que Marc-Pol racontoit de ce » Vieux de la montagne , comme l'ayant ouï dire à plusieurs » personnes. Ce prince se noipmoit Alaodin (3), et étoit V mahométan. Uavoit fait faire» dans une belle vallée ren^ » fermée entre deux montagnes très-hautes » un très-beau » jardin » rempli de toutes les sortes de fruits et d'arbres qu ii » avoit ,pu se procurer » et , alentour de ces plantations , » différens palais et pavillons décorés de travaux en or , » de peintures et d'ameublemens tout en soie. Là, dans de » petits canaux qui répondoient à diverses parties de ces ^ palais , on voyoit courir des ruisseaux de vin , de lait, » de miel et d'une eau très-limpide. Il y avoit logé de jeunes " filles parfaitement belles et pleines de charmes , ins* n truites à chanter , à jouer de toute sorte d'instrumens ; 9» à danser, et sur- tout à faire aux hommes toutes les «> avances les plus séduisantes que l'on puisse imaginer. » On voyoit sans cesse ces jeunes filles , vêtues d'or et de »> soie, se promener dans ces jardins et ces palais: pour les n femmes qui servoient le prince, elles étoient toujours ren* ^ fermées , et ne paroissoient jamais au dehors. Voici le » motif pour lequel ce Vieux avoit fait construire ce palais c » Mahomet ayant dit que ceux qui obéiroient à ses volon- ^ tés irpîent dans le paradis , où ils trouveroient tous les

(1) J*ai déjà corrigé Ferreur de Marc-PoI, au sujet du mot mulehet. C'est cet écrivain qui a causé celle de Baratier et de M. Falconec

(^) Le$ Albigeoii^


(3) Ala-eddin est Pavant-dernier émir des Ismaéliens de Perse. Les jardins dont Marc-PoI veut parier ici , avoient été bïn par Hasan ben«* Sahbah.


Tome IV. H


j8 MÉMOIRES

» plaisirs et toutes ies délices du monde ^ de belles femmes » et des fleuves de lait et de miel, celui-ci vouloit- faire » croire qu il étoit prophète et compagnon de Mahomet» » et qu^il pouvoit faire entrer qui il vouloit dans ce même » paradis. Personne ne pouvoit pénétrer, dans le jardin

V dont nous avons parlé, parce qu'on avoit construit, à len- » trée de la vallée, un château très-fort et inexpugnable; » on ne pouvoit y entrer que par un chemin secret. Ce

V Vieux avoit à sa cour des jeunes gens de douze à vingt '> ans, pris parmi ceux des habitans des montagnes qui lui

V paroissoient propres au maniement des armes , hardis » et courageux. Il ne cessoit de les entretenir tous les jours » de ce paradis de Mahomet , et du pouvoir qu'il avoit de

V les y faire entrer. Il faisôit, quand il lui plaisoit, donner »> à ^ix ou douze de ces jeunes gens une certaine boisson » ^ui les etidormoit; et quand ils étoient comme à demi p morts, il les faisoit transporter dans diverses chambres » de ces palais. Lorsqu'ils venoient à se réveiller dans ces » lieux, ils voyoient toutes les choses que nous avons dé- » crîtes ; chacun d'eux étoit entouré de ces jeunes fiMes » qui chantoient , jouoient des instrumens, faisoient toutes ^ ies caresses et les jeux qu elles pouvoient s'imaginer , et » leur présentoient les mets et les vins les plus exquis. '> De la sorte, ces jeunes gens, enivrés de tant de plaisirs •> et des misseaux de lait et de vin qu'ils voyoient, ne 9 doutoient nullement qu'ils ne fussent dans le paradis , « et auroient voulu n'en jamais sortir (i).


(i) Dans l'ouvrage intitulé Les Quarante Ki^iw, on trouve une aven- ture romanesque qui semble calquée


sur le récit que fe rapporte Ici d'après Marc-Pofi.

C'est dans 1§.XIX/ matinée qu'on




s» »

»

1» »

M


DE LITTÉRATURE. 59

» Au bout de qiiatre ou cinq jours , le Vieux les faisoît endormir de nouveau et retirer de ce jardin; puis, les faisant paroitre devant lui , ii ieur demandbit où ils avoient été. Par votre grâce » Seigneur, disoient-iis , nous avons été dans le paradis : puis ils racontoient en pré- sence de tout le monde ce qu ils avoient vu. Ce récit excitoit dans tous ceux qui les entendoient, l'admiration et le désir d'une semblable félicité. Tel est , leur répon** doit le Vieux , le commandement de notre prophète ; il fait entrer dans le paradis quiconque combat pour dé- fendre son seigneur : si donc tu m'obéis , tu jouiras de ce bonheur. Par de semblables discours , il avoit telle- ment disposé leurs esprits, que celui à qui il ordonnoit de mourir pour son service , s'estimoit heureux. Tous les seigneurs ou autres personnes qui étoient ennemis


lit cette aventure. Le 19.* vizir vou- lant prouver au roi que les femmes sont capables de toute sorte d'artifices et de ruses pour satisfaire leurs pas- sions, lui conte l'histoire d'une prin- cesse qui étoit devenue éperdument amoureuse d'un des pages du roi son père. Après avoir long-temps tenu sa passion secrète, elle en fit confidence à la femme qui la servoit. Celle-ci ne tarda pas à lui procurer le moyen de ia satisfaire. £ile s'introduisit, dé* guisée en homme, dans le lieu où le jeune p3ge étoit couché, et, lui ayant fait boire un breuvage assoupissant, elle le transporta , sans qu'il en eût aucune connoissance , dans l'appar- tement de la princesse, et le plaça tout endormi sur de riches coussins.


Alors la princesse s'étant placée i ses côtés, l'éveilla doucement, en lui versant goutte à goutte d'un fort vi^ naigre sur le front. Sorti peu à peu de son sommeil , lorsqu'il se vit en- touré de tout ce que la richesse et la beauté ont de plus sédu/sant , il dît : Certainement, voici que je suis mort, et qu*on m'a transporté dans le paradis,

iS>>j it>-J^y *-* Wj' • J^ n'aipas besoin d'ajouter que le même moyen dont on avoit usé pour l'introduire , à son insu, dans l'appartement de la princesse, fut employé de nouveau pour l'en retirer et le transporter chez lui.

Hi)


»



6o MÉMOIRES

» du Vieux de la montagne » étoient mis à mort par ces « assassins qui étoient à son service ; car aucun d'eux ne » craignoit de mourir » pourvu quils s'acquittassent des ^ ordres et de la volonté de leur seigneur , et ils s'expo- » soient volontiers à tous les dangers les plus évîdens, ne » comptant pour rien la perte de la vie présente* Aussi » ce Vieux étoit-il redouté dans tous ces pays comme un >' tyran. Il avoit établi deux lieutenans , l'un dans les en- » virons de Damas» l'autre dans le Curdistan; et ceux-ci » se conduisoient de la même manière envers les jeunes gens qu'il leur envoyoit. Quelque puissant donc que fût un homme , s'il étoit ennemi du Vieux , il ne pouvoit » manquer d'être tué. »

Tous les écrivains qui ont parlé des Assassins» Amauri, Hayton , Guillaume de Tyr , Jacques de Vitry , le sire de Joinvilie » Arnold de Lubeck» ne reconnoissent d'autre CestaDeiper principe de leur conduite qu'une obéissance aveugle à leur . ,p. MO 2. ^j^ç£^ fondée sur f espérance d'un bonheur futur sans bornes. Marc-Pol, ce qui est bien remarquable, fait mention ai un breuvage enivrant que le chef leur faisoit donner » quand il vouloit les faire transporter dans ses jardins enchantés (i). Or on a vu que toutes les préparations enivrantes que l'on fait avec le chanvre , bols » confections , liqueurs , fumigations » s'appellent également du nom de haschischa. Au reste , je ne sais si l'on doit croire littéralement à l'exis-


(i) II semble que fiocace ait suivi une tradition un peu différente» en attribuant l'effet dont il s'agit à une certaine poudre dont le Vieux de la montagne se sentait pour endormir ceux qu'il vouloit introduire dans sonparU'


dis, ou en retirer (3.* journ. 8.* nouv.) Cette diversité de traditions confirme plutôt qu'elle n'affoiblit ma conjec- ture» le haschisch se prenant égale- ment comme poudre > électuaire ou boisson.


DE LITTÉRATURE. 6i

tence de ces jardins enchantés , ou s'ils n'étoient pas unique- ment un fantôme produit par l'imagination exaltée des jeunes gens enivrés par le hajcAischa , et que l'on avoît long- temps bercés de Timage de ce bonheur. Ce qu'il y a de certain » c'est qu'aujourd'hui même les preneurs d'opium ou de haschisch savent se procurer» sous les haillons de la pauvreté, et sans sortir d'une misérable taverne, un bonheur et des jouissances auxquels il ne manque que la réalité.

J'ai déjà observé que les travaux, les plantations, les eaux courantes , dont Hasan àvoit embelli la forteresse et les environs d'Alamout , sa résidence , peuvent avoir con- tribué à répandre la fable de ces jardins enchantés. Arnold de Lubeck fait aussi mention de beaux palais situés dans les montagnes , où l'on élevoit les jeunes gens destinés à faire le métier d'assassins (i).

Écoutons comment Prosper Alpin rend les efiets que les Égyptiens attribuent à l'usage de l'opium, du haschisch et des autres substances qu'ils prennent pour se procurer cet état , si recherché , de délire et de rêverie :

« Quelques-uns d'entre eux assurent que quand ils ont Demtd,/Egyp. » avalé une dose à^ opium, d'assis, de housa , ou de bernavi, ^'^^^' » ou enfin une prise de bers, ils voient, comme en songe, » un grand nombre de magnifiques vergers et de belles » filles , pleines d'attraits et de charmes ; d'autres disent » que, dans cet état, ils ne voient que les objets qui les » flattent le plus : ceux que l'aspect des vergers réjouit ,

(i) Jenedtepointicilechapitrede raton , u IX, col. 705 etsuiv.) Ce

la chronique de Pépin , où Ton trouve religieux qui avoit traduit en latin la

(liv. m, ch, XX XIX J des détails relation des voyages de Marc-Pol ,

tout pareils à ceux que donne Marc- en aura sans doute emprunté tout ce

PoL ( Voyez Script, rer» ItaL de Mu* qu'il dit des Assassins.


6% MÉMOIRES

» voient deâ vergers; les amans voient leurs maîtresses; » les guerriers , des batailles. >5 ThenatMist. Russell, daiis soH Histoife naturelle d'Alep^ dit avoir

t.i,p.uS^ ^ été témoin de la folie d'un de ces mangeurs d'opium, qui,

se croyant pacha, avoit pris sans façon la place d'honneur sur le sofa , causôit fam c'est-à-dire » gens disposés à se sacrifier pour » lui. Us étoient autrefois tous Druzes de religion ; ils » sont maintenant presque tous Chrétiens. Il n'y a point » de dangers et de périls auxquels cette troupe ne s'expose r » lorsqu'il est question d'exécuter les ordres du prince » et 1» l'on peut citer un exemple récent de cet aveugle dévoue* à> ment dont ils. font profession.

» Il y a environ dix - sept à dix - huit ans que l'émir

» Melhem eut un vif démêlé avec un douanier d?

";> Seyde , envoyé auprès de lui par le pacha de la province, » pour accélérer le paiement du tribut. L'émir Melhem p lui jura dans sa colère qu'il le feroit périr, lorsqu'il le 9> pourroit faire sans violer le droit des gens et l'hospita-» » lité. Un jour que ce douanier étoit assis dans un kiosque » découvert , qui sert d'entrepôt à la douane de Seyde.» ^ un de ces Fédawièhs se présente armé de son fusil et p d'une paire de pistolets. Il examine tout de sang-firoid , >> distingue le douanier au milieu de ses gjens., le couche » en joue et le tue^ Lorsqu'il fut bien assuré qu'il n'avoit » pas manqué son coup , il voulut regagner la porte de la » ville, où il y avoit un cheval qui l'attendoit ; maisi avant » de pouvoir y arriver, H fut assommé par la populace. »

Il faut avouer que c^s^fédawiehs k^^^j^ ou fédawis ont un grand rapport avec les ministres de la vengeance


7A MÉMOIRES

du chef des Ismaéliens ou Vieux de la montagne, fi yn, cependant cette différence, qu'on ne les supposera point mus par un fanatisme religieux , puisque, suivant M. Ven^ ture, ce sont pour fa plupart des Chrétiens qui font ce service pour Témir des Druzes.

On peut ajouter , ce qui semWeroît d'abord fortifier i opinion que je combats » que les sicaires ou assassins du chef des Ismaéliens sont aussi nommés assez souvent dans les auteurs Arabes et Persans , Fédawi ySy^^ » ^^ * ce qui est la même chose, ^M Féddi. Je ne citerai, pour ie moment , qu'un seul passage où ce mot est appli- qué aux Assassins ; .mais il suffira pour prouver ce que j'avance : c'est Abou'lfaradj qui me le fournira. Lorsque le mogo^i Holagou résolut de détruire la puissance des Ismaéliens dans la Perse , cette secte avoit pour chef fTnt. iyn^te». Rocn-eddln Khourschah, fils d'Ala-eddin: «Ce prince, i^.f.]p. ^ ^ <ïît Abou'lfaradj , tenta d'abord plusieurs moyens d'en

^ imposer À Holagou par une feinte soumission; mais le

  • > Tar^are lui signifia qu'il n'avoit d'autre parti à prendre

^ que de sortir de la place forte d'Alamout où il faîsoit » sa résidence, et de se rendre en personne au camp des

  • Mogofe , ou, s'il ne vouloît point le iaire , de se préparer

» à soutenir un siège. Rocn-eddin eavoya un homme » affidé pour dire à Holagou qu'il n'osoit point sortir de ^ la place, de crainte que ceux de ses gens qui y étoient ^ a» enfermés avec lui, n'attentassent à sa vie ; mais que , dès

» qu'i^en trouveroit l'occasion , W sortîroît. Holagou , côn- «> vaincu que Rocn-eddin ne cherchoit qu'à gagner du temps, » vint mettre le siège devant la forteresse ; ce que Roçn- » eddin voyant, il envoya dire à Holagou : Je n'ai différé

» jusqu^icî


»


»


DE LITTÉRATURE. 73

» jusqu'ici que parce que je n'étoîs pas assuré de votre »> arrivée; aujourd'hui ou demain, je me rendrai auprès de » vous. Lorsqu'il voulut sortir, les plus fanatiques d'entre » les Molheds se soulevèrent , et les Fédais se jetèrent sur lui, et s'opposèrent à sa sortie. II envoya instruire Hôlagou de leur rébellion , et ce prince lui fit dire » d'user de ménagement envers eux , et de les amadouer »> pour le moment, afin de mettre sa vie en sûreté contre » ieurs entreprises y mais d'aviser d'une manière ou d'une ^ autre aux moyens de sortir , fût-ce même sous un dégui- » sèment. £n même temps Holagou ordonna à ses émirs » d'eatourer la place de toutes parts , de dresser contre elle n les machines, et de combattre, chacun de leur côté, » ceux des Ismaéliens qui les attaqueroient. Pendant que ^ les Molhéds étoient occupés à cet engagement , Rocn- » eddin sortit avec son fils et les personnes de sa cour , et » vint se soumettre à tiolagou. »

Dans la Chronique Syriaque du même Abou'lfarad j , on lit : ce Quand Rocn-eddin voulut sortir, ses gens tirèrent Cr^.Bar-Hth. » leurs poignards contre lui, en disant : Si tu sors, nous syTp.^j^^^, » te tuerons. » Lat.f.j4^.

il esttcertain que, dans ce passage d'Abou'Ifaradj, les Fédais ne sont pas les isniaéHens oti. Molheds en géné- ral, mais sont une classe particulière d'hommes, les plus fanatiques , les dévoués, en un mot très-vraisemblablement ceux que les Ismaéliens employoient pour donner la mort à leurs ennemis (i) j il ne s'ensuit pas de là néanmoins que

(i) M. Et. Quatremère, dans ses


restreint de même la dénomination des Fidawts parmi les Ismaéliens^ aux assassins de profession. Tqme IV- K


Mémoires géographiques et iiisto- riques sur l'Egypte, t. U,p. jo^,


74 MÉMOIRES

par-tout où Ton trouve des Féddis, ce soient des Ismaéliens. Chaque secte, chaque prince, peut avoir ses Fédaïs, vutg.airind. C'est ainsi que dans l'Inde, suivant le F. Vincent-Marie Orunt. p. i4j tt j^ Sainte-Catherine de Sienne , chaque prince r €t même

chaque église Chrétienne, a sesAmo^ues, qui jurent de dé* fendre, aux dépens de leur vie, les droits, les privilèges, la propriété de leurs patrons envers et contre tous , même envers tout autre souverain*

M. Muradjea d'Ohsson ne s'est donc pas exprimé exacte-» Tidi. gin, de ment, en disant que les sectateurs de Hasan ben-Sabbahr

/Vmt» fith f 1 tt

- ^' ' ' ' appelés de son nom Huméiri ^f^ f portèrent encore celui

de Fédûïs , à cause de l'enthousiasme avec lequel ils expo*^ soient leurs vies en marchant sous ses drapeaux^

Tenona donc pour certain que tous les Ismaéliens n'étoient point Fédaïs, quoique les assassins de profession, dévoués à la secte , soient désignés sous ce nom. On en verra plus loin de nouvelles preuves , lorsque je parlerai de ce nom comme appliqué aux Ismaéliens*

La confusion que l'on a faite des Assassins avec les No-^ sûsris , qu'Assemani nomme Naiarei , a,uroit sans doute été généralement admise , quoique très-mal fondée, si Ton eût sU que les Ismaéliens de Perse et de Syrie ont aussi été nommés Naiaris vi^V • Je vais prouver ce fait , et donner en même temps l'origine* et l'explication de cette dénomination. Hht.4)m.tix, En l'année 524 de l'hégire 1 le khalife Fatémite Amer-

Ùt.f.z/o^'^' bîahcam-ailah fut tué par des Baténiens , comme le disent Annal Mosi Abou'lfaradj , Abou'Iféda , Renaudot , &c. ; cependant

HisL^^Alex. Makrîzi attribue ce meurtre à des Naiaris j et Mirkhond

/• 4pà. ^ Jes Baténiens et à àes Naiaris : mais cette contradiction


DE LITTÉRATURE. 75

apparente s'explique tellement ; car les Nazaris ne sont autre chose qu'une Êiction de Baténiens, qui a pris nais- sance à ia mort du khalife Paternité Mostanser - billah. Ce khalife eut pour successeur son fils Aboulkasem Ahmed Mostali^-billah ; maisi ainsi que je Tai déjk insinué au commencement de ce Mémoire, Mo^tali ne succéda pas à son père d'un commun accord, son frère Nazar lui Mati.Ar.dtia ayant disputé ie trône.. « Or, dit Makrizî, à cette occa- l[fgf/^^f' !» slon les Ismaéliens se divisèrent eh deux partie , celui vem. ^ des Nayiiis , qui regardoient Mostalî comme illégitime » khalife, etunautre,quilereconnoissost pour khalife ié- » gitime. «< Renaudot a parié de la révolte de Nazar contre Hbt.patr, Al Mostali; mais il n'a pas fait mention de la scission que ^'^^^' cela occasionna parmi les Ismaéliens ^ et qui continua sous plusi^eurs règnes. Je ne puis me dispenser de donner ici un extrait de Mirkhond^ qui mettra ces faits dans le plus grand jour« Voici ce qu'il raconte , en traçant briè- vement Fhistoire de^ khalifes Fatémites d'Egypte:

« Mostan^er avoit d'aj>ord déclaré son fils aîné Mostafa* Man,Ar. dtia » lidin-aUûh Najflt pour ^on ^ucçess^r; mais ensuite, nM n.^20.^^ » mécontent de lui , il ordonna par son testament que » Nasar eût à renoncer à toute prétention à la souverai-^ » neté , et que ia couronne fut déférée à son autre fils ¥ Mostaii-biiiah. Qiiand Mostanser fut mort , Les Ismaé- » liens se divisèrent en deux partis.: les un^ prêtèrent le » serment à Mostali , et le firent asseoir sur le trône ; les >• auitres, croyant, conformément aux dogmes de leiur secte, 9 que la première disjiosition devoit être maintenue^ » embrassèrent ie parti de Nazar. Hasan ben - Sabb^h f» Homeïri adopta ce second parti. £n efre.t, leNa^ri du


76 MÉMOIRES

» Kouhestan est au nombre des partisans de Mostafa-' » lidln - aliah Nazar , et le nom même de Naiari , qu'il » porte , prouve cette assertion. Ces gens allèguent en » faveur de leur opinion » que Timam Djafar Sadek avoit » d'abord déclaré pour héritier de Timamat après lui son » fils Ismaël; qu'ensuite » ayant reconnu qu'Ismaëi se lais* » soit aller à boire du vin , il le destitua » et ordonna » que, quand il auroit terminé ses jours , l'imamat passe- » roit à Mousa Cadhem. Mais comme les Ismaéliens ^ pensent que la première disposition doit avoir toute sa » force, ils considèrent Ismaël , et non pas Mousa, comme » le successeur de Djafar Sadek dans la dignité d'imanr. ^ Mostali , se voyant en possession du khalifat , voulut » se défaire de son frère Nazar; mais Nazar, pour mettre » sa vîe en sûreté , se retira à Alexandrie , auprès d'un » serviteur de son père, qui en étoît gouverneur. Celui- ^ ci déclara Mostali destitué du khalifat , et proclama » Nazar khalife. Cependant Mostali fit marcher contre » Alexandrie une grande armée. Le gouverneur de la » ville, qui avoit embrassé le parti de Nazar, fut pris et » mis à mort. Nazar fut fait prisonnier avec ses deux fils ; » et envoyé à Mostali, qui le fit renfermer au Caire; il y ^ resta prisonnier jusqu'à sa mort. \ï y avoit sept ans que » Mostail régnoit , lorsqu'il fut tué , dit -on , d'un coup » de poignard , à l'âge de vingt - huit ans , par quelques- » uns des partisans de Nazar.

» Son fils Amer-biahcam-allah lui succéda Sous

» son règne , quelque» Naiaris , ennemis de l'émir-al-' » dfoyousch (ou généralissime des armées), qui étoit beau- » père d'Amer , ie tuèrent • . . . . .\. Aksankar , l'un des


DE LITTÉRATURE. 77

h principaux seigneurs de la cour du khalife, fut aussi tué » dans la djami de Mosul , par quelques-uns des Féddh » d entre les Najaris , d'un coup de poignard. Sous ie » règne d'Amer, la action des Naiaris commença à pa«  » rokre en Syrie y et quelques places fortes de cette pro- ^ vince tombèrent entre leurs mains. Le 4 de dhoH'lkadèh >» 524» une troupe de Baténiens et de fanatiques de la ^ faction des finyiris assassinèrent Amer , par représailles » de la mort deNaaar. Hafedh-lidin-allah, qui lui succéda, >» ayant donné la charge de vizir à Abou-Ali Ahmed , iA% » de Fadhi mir-aldJoyomcA, et l'ayant élevé en dignité, » quelques Fédûis àts Naj/vris le tuèrent dans les premiers »> jours de son administration ; peu de jours après, ils » tuèrent aussi celui qui avoit été nommé pour le reia-* » placer , toujours pour venger le même sang. »

Ceci nous explique commeat et pourquoi Hasan ben* Sabbah , qui ne s'étoit établi dans leKouhestan* que comme daï des khalifes Paternités , et qui reconnoissoit leur sou^ yeraineté, et avoit reçu, dit-on , les patentes d'investiture de Mostanser , en* vint non*-seulement à se rendre indé* pendant dans cette province , mais même à s'emparer de quelques places de la Syrie qui appartenoient aux -Pate- rnités : c est que , depuis ie schisme survenu parmi les Ismaéliens à la mort de Mostanser , Hasan avoit embrassé le parti de Nazar , et ne regardoit plus Mostaiiet ses 9UCt cesseurs que comme des khalifes intrus-

Aussi, à sa mort, ordonna-t-ii que Kia Buzurc-umid Xwi' K^J^ et le Dehdar j^JJ^> Abou-Ali admînistreroient , f un les af&ires de la secte , l'autre celles du divan , d'acCord avec le généralissime Hasan Kasrani , jusqu à ce qijie


78 MÉMOIRES

l'imam vint se mettre lui-même à la tête du gouvernement. Mlrkhond noos apprend qu'un des princes de la dynastie des Ismaâiens de Perse, Hasan fils de Mohammed, fîls ide Buzurc-umid, ayant dispensé ses sujets de toutes les observances l^aies ; fut cause, par cette conduite, qu'on leur donna ie nom de Molbeds^ qui s'étendit même à ses prédécesseurs, quoique ceux-ci eussent observé les lois de l'islamisme. Bien que ce prince se reconnut publique- ment pour fils de Mohatnmed ben-Buzurc-umid , cepen- dant, dans un grand nombre d'écrits qu'il envoyoit de divers cotés , il disoit, tantôt iTune manière ambiguë, tan- tôt ouvertement, qu'il étoit descendant de Nazar, fils du khalife Mostanser, et que c'étoit lui qui étoit le véritable khalife et l'imam. « Les N^iaris, aJQUte Mirkhond , ont » invefnté toute sorte de fables et de contes ridicules pour M justifier cette prétention de Hasan. Tiu vivant même •» de son père, il avoit voulu se &ire passer pour l'imam » promis par Hasan ben-Sabhah ; mais Mohammed avx)it » coupé court à cette folie , en déclarant publiquement » que Hasan étoït son fils , et que pour lui il n'étoit pas >» imam, mais seulement un des daïs de Timam, et en » faisant mourir un grand nombre de ceux qui avoient «> accueilli les extravagances de Hasan. >>

Cest ici le lieu de remarquer, comme nous l'avons an- noncé plus haut , que Mirkhond se sert toujours du mot Fédài pour désigner lés hommes que les Ismaéliens em- ployoient pour assassiner leurs ennemis. Ainsi il dît que l'illustre Nizam-almulc , vizir <Ie Méiicschah, l&t assas-. sine par un Fédài, par l'ordre de Hasan ben-Sabbah ; que , sous le règne de Hasan ben-Sabbah , beaucoup de princes


DE LITTÉRATURE. 7^

Musulmans qui avoient des querelles avec les Ismaéliens » furent assassinés par des Fédais; que , sous celui de son successeur Kia Buzurc-umid, les Fédais tuèrent un grand nombre de prrince& ou grands seigneurs Musulmans, tels- que le grand kadhi Abou-Saïd de Hérat ; un fils deMostaii , khalife d^Égypte , qui fut assassiné par sept personnes d'entre ks Réfiks; Dauletschah, reïs d'Ispahan; Aksan- kar, gouverneur de Maraga; Mostanser, khalife de Bag- dad ; le reïs de Tauriz , Hasan , fils d'Abou'ikasem , mufti de Kazwin , &c. ; qu'il répète la même chose à la fin du règne de Mohammed , fils de Kia Buzurc - umid , &c. Le mot Fédawi est également employé dans le récit des en* treprises du sultan Mélic^alnaser Mohammed, fils de Kéiaoun , contre Karasankar, dont j'ai donné un extrait plus haut* Cette observation confirme ce que j'ai dit de la signification du mot féddi, et me fournit en même temps roccasion d'expliquer une autre expression que |'ai sou- vent rencontrée dans Mirkhond; je veux parler du mot féjik {f^^j f au pluriel réfikdtir

. Réjik signifie proprement en arabe, eompagncn^, aide^ Mmarûde de voyage; mais plusieurs passées de Mirkhond que j'ai rapportés dans^ ce Mémoire , et un grand nombre d'autres que je pourrois citer , prouvent que ce mot. avoit ^ parmi les Ismaéliens , une signification propre , et ,. pour ainsi dire, technique.

Hasan ben-Ali ben-Sabbab, parlant de tui-*même, disoit; « J'avois toujours , * ainsi que mes pères , fait profession de ^. la doctrine des Schiites , qui admettent la successiou » des douze imams. Il arriva par hasard que je rencontrai » un homme d'entre les Réfiks r qui se nom moi t Amirèh


»o MÉMOIRES

» Dharràb, et il se forma une étroite liélison entre lui et » moi. . . . Toutes les fois donc qu'Amîrèh parloît pour »> soutenir la doctrine des Ismaéliens , je disputois avec «> lui à ce sujet .... Après ceia^ je contractai des liaisons » avec un autre d'entre les Ismaéliens» nommé Abou^ « Nedjm Sarradj , et je le priai de m'instruire à fqnd de

  • > la doctrine des Ismaéliens .... £nfin je rencontrai un-

» daï de cette religion , nommé Moumin^ qui avoit reçu » du scheïkh Abd-almélic ben-Atrousch ^ daï de la pro-, » vince<l'Ira'k^ la peronissiond exercer le ministère de daï.>» Ce passage prouve ^ue Réfik et Ismaéli sont deux mots synonymes, ou du moins que ceux quon désignoit sous le nom de Rifik , étolent des Ismaéliens. Il prouve aussi que cette dénomination étoit .antérieure à Hasan ben-Sabbah ; mais il donne lieu de soupçonner qu'il y ayoit une différence entre les dais et les Refiks. Le.pas-^ sage suivant confirme cette opinion : « Hasan , c'est encore •• Mir-khond qui parle, s'étant affermi dans la possession » d'Alamout et des ;Iieux qw en étoient voisins , ne né**> •» gligea Ften ^our se rendre maître par la force ou par «> la douceur de tout le gouvernement de Roudbar; après » quoi il envoya le daï Hosaïn Kaïni avec une Jtroupe de » Réfiks , pour prêcher sa doctrine aux peuples du Kou- » kestan. Mélicschah fit marcher dans le Kouhestan un » de ses généraux, Kézil Sarek, pour s'opposeraux progrès ^ de Hosaui Kaïni. £n ^ojiséquence , Kézil Sarek fit les » plus grands dfforts pour repousser les Molheds du » Kouhestan. Hosaïn Kaïni, avec les Réfiks, se renferma » dans une forteresse du territoire de Moumen - abad. » Tandis que Kézil Sarpk l'assiégeoitt on j^çut la nouvelle

• de


DE LITTÉRATURE. 8i

»• de ia mort de Mélicschah ; ce qui Tobligea à lever le » siège. »

En racontant le siège d'AIamout par les troupes de Mélicschah , le même historien dit que Hasan n'avoit pas avec lui plus de soixante-dix Réfiks.

Lorsqu'il parle des princes et des personnes illustres qui furent assassinés sous ie règne de Kia Buzurc-umid et par son ordre , ii dit : « Pendant ia durée du gouverne- » ment de Buzurc-umid, les Féddis tuèrent plusieurs ■ princes et personnes illustres. Au nombre de ceux qui » furent tués , furent le kadhi de i'Orient et de TOccident, >• Abou-Saïd de Hérat ; un fils de Mostaiî, qui fut assassiné » en Egypte par sept personnes d'entre les Réfiks , &c. »

Enfin, en racontant les événemens du règne de Buzurc- umid, Mirkhond emploie une multitude de fois ie mot 'Réjik. Je vais donner un extrait de ce récit , et je conser- verai ce mot toutes les fois qu'il se rencontrera.

Le sultan Mahmoud Seld/oukide désirant faire la paix avec Kia Buzurc-umid , un de ses officiers fut chargé d'en faire les premières ouvertures au prince Ismaélien/ qui envoya un député à Ispahan pour traiter cette affaire. Ce député, nommé Khodja Mohammed Nasihi Schahristani, en sortant de l'audience de sultan Mahmoud , fut tué par la populace avec un Réfik , dans un bazar. Le sultan envoya sur-le-champ faire des excuses  Buzurc-umid, et pro- tester qu'il n'avoit eu aucune part à cet assassinat. Buzurc* umid fit dire au sultan qu'il devoit punir les meur- triers , ou s'attendre à la vengeance qu'il ne manqueroit pa& de tirer d'une telle perfidie. Mahmoud n'ayant eu aucun égard aux demandes de Buzurc-umid i au comment ToMfc IV. L


iz. MÉMOIRES

cernent dé Tannée 523 , les R/^ks vinrent à la porte dfe Kazwîn, tuèrent quatre personnes, et enievèrent beaucoup de bestiaux. Les habitans de Kazwin se mirent à leur poursuite ; mais un des principaux de la ville fut tué , et ils se virent obligés à prendre la fuite. En Tannée 5251 mille hommes de troupes de l'Irak s'étant approchés de la forteresse de Lanker, les Réfiks, instruits de leur marche , les mirent en fuite , sans <ju il y eût de sang ré- pandu. Le sultan Mahmoud étant mort vers ce temps-là, les Réfiks firent une nauvelle incursion sur le territoire de Kazwin , enlevèrent des bestiaux > et tuèrent cent Tur- comans et vingt habitans de Kazwin.

En. Tannée 52^, Tarmée d'Alamout s^avança dans le Ghilan pour faire la guerre à Abou-Haschem Aléwi, parce que celui-ci s'arrogeoit le titre d'imam, et envoyoit des lettres de tous côtés pour se faire reconnoître pour tel. Kia Buzurcrumid lui avoit d abord écrit une lettre-rem- pUe d'avis et de représentations , pour le ramener, ou avoir une preuve de son crime. Abou-Haschem donna pour tpute réponse, que la secte des Ismaéliens professbit une doctrine qui renfermoit l'incrédulité, Thérésie et le lindaka ( bu magisme ). Les R^ks entrèrent donc dans le Dilem ; et combattirent contre Abou-Haschem, qui fut mis en fuite , et s€ cacha dans une forêt : mais les Réfiks l'ayant poursuivi , se rendirent maîtres de sa personne ; et après Tavoîr vivement réprimandé, ils le brûlèrent.

On voit, par ces extraits, que Mirkhond distingue les Réfiks ou Réfikis des Dais et des Féâdis. Je pense que les Réfiks sont tous les membres de la secte, à TexclusiiWi des Ddis^ qui fbrmoient le clergé, et des Féddis ^ qui


DE LITTÉRATURE. 83

étoîent consacrés d une manière particulière aii ministère d'assassin ( i ).

Je ne sais si cette distinction /ne doit pas aussi s ap^ piiquer au nom de Haschischis. Je n'ai pas rencontré assez de passages où ce mot soit employé , pour avoir à cet égard une opinion assurée ; mais je suis porté à croire que , chez les Ismaéliens , on ne nommoit Haschischi ou Hasschasch , que les gens que l'on éievoit spécialement pour la fonction d'assassin » et que l'on .disposoit» par l'usage du hascMstJi , à tette résignation absolue aux volontés de leur chef. Cela n'aura poiçt ^empêché que chez les autres peuples » et sur-tout chez les - Occident taux y cette dénomination n'ait été > Rendue à tous les Ismaéliens.

II est vraisemblable que la secte dés Israéliens à pu encore être connue sou s «quelques ^autres noms; car Schah* ristani dit que^chez chaque nation elle a une dénomination différente. Abraham EcchélUnsis àh qu'on les appelle Ta-^ tili ^^^j\%»i \ ce qui tt'ést pas ^ans vraisemblance , ce nom signifiant tin partisan du dogme du tàtiî ^jJ^asj\ qui con- siste à dépouiller Dieu dé tout jattribut, et qui se réduit au plus pur dcîsme, et va presque jusqu'à l'athéisme. Sui- vant M. Muradjea , on les nomme aussi Huméiri ySr^ > ^^^ ^^^^- s^- ^ nom de leur chef Hasan ben-Sabbah , surnommé HoméirL ^^^ '*^' ' Je n'ai , au surplus , trouvé aucune trace de cette déno- mination.


( 1 ) H parott qu*on a ausd employa le mot ^^ ^ attaché , suivant, dans le même sens que rijik. C'est ce qui semble résulter dedeux passage&dUu-


teurs Araibes rapportés par M. Et. Quatremére dans se< Mémoires géo-» graphiques et historiques sur TEgypte, r. IJrp' 'il €t J02,

Li)


S4 MÉMOIRES

Je finirai ce Mémoire par l'indication cTun passage du

VayagienAra- Voyage de M. Niebuhr, qui nous apprend quil existe

tu, t, n, p. j6i. çj,çQ,.g jçg Ismaéliens en Syrie» et par l'extrait d'une

lettre que M. Rousseau fils m'a écrite de Téhéran , en date du i/' juin 1808.

<c J'ai recueilli des notions assez exactes sur les Ba^ » téniens ou Ismaéliens nommés vulgairement Mélahédehs^ "» secte qui subsiste encore, et qui est répandue et tolé«, M rée, comme tant d'autres, dans les provinces de la Perse •» et dans le Sind. Comme j'ai très-peu de loisir, je vous » prie d'agréer que je remette à un autre temps le soin » de vous en entretenir d'une manière détaillée. Il est » bon que je vous dise, en attendant, que ces Méhhé^. » dèhs ont , jusqu'aujourd'hui , leur imam ou pontife ; » qui descend, selon eux, de Djafar Sàdek, chef de leur ^ » secte , et qui réside à Kéhçk , village du district de » Khom. Il s'appelle Scheïkh Khaiil-aliah, et a succédé •• dans l'imamat à Mirza Abou'ihasan son oncle, qui

  • » JQua un grand rôle sous le règne des Zends. Le gou-^,

»• vernement persan ne l'inquiète point, parce qu'il en ^ retire des revenus annuels. Aussi ce personnage , dé- » coré par les siens du titre pompeux de khalife, jouit-il » d'une grande réputation , et passe-t-îl pour avoir le don » des miracles. On m'a assuré que des Indiens musul- !• mans viennent habituellement des bords de Tlndus » pour recevoir ses bénédictions , en échange des riches » et pieuses offrandes qu'ils lui apportent. Les Persans ».le connoissent plus particulièrement sous le nom de » Seid Kéhcki. >•



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