Le Nu au Salon  

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Le Nu au Salon (1888-1892), in five volumes, with numerous illustrations, is a work of art criticism by French writer Paul-Armand Silvestre. It was followed by other volumes of the same type.

Full text of Le nu au Salon de 1893 (Champ de Mars) (1893) [1]

' N.


PARIS. — IMPRIMERIE E. BERNARD ET C^c


i


ARMAND SILYESTRE

Le nu

AD

SAIOIT de 1893 (Champ de Hars)


PARIS LIBRAIRIE E. BERNARD & C"

IHPRIMEURS-ÉDITEDRS

53'", Quai des CrandS'Augustim, 53'*^ .89!


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AU SCULPTEUR JEAN BAFFIER


Je VOUS dédie ces fantaisies sur le nu, mon bon compagnon, pour vous témoigner mon amitié d'abord, et puis précisément parce que vous n'êtes pas, par essence artistique, un sculpteur de nu, bien qu'en ayant fait d'admirables morceaux.

Ce n'est pas votre faute, après tout, si la Nature, que vous servez avec une dévotion si rare, ne se pré- sente plus, à nous, dans l'éclat des antiques sinœrités, et si vous ne pouvez plus être vrai qu'en représentant des gens vêtus. C'est dommage ! Vous étiez digne de suiprendre au fond des bois et d'immortaliser, dans l'argile et la pierre, les sauvages amours des faunes et des nymphes, d'illustrer Hésiode et Théocrite, l'im- mortelle et puissante idylle des anciens jours de l'hu- manité.

C'est encore fort beau à vous, et tout à fait méri- toire de tirer, des flancs taris de la vie agreste, des sèves d'uhe telle saveur, et de faire passer, dans vos cortèges paysans, un souffle des Panathénées. C'est même pour cela que je vous ai aimé dans vos oeuvres avant de vous aimer dans votre personne qui y res-


1


semble, pour leur robustesse et leur Vistiiictif retour aux sublimes simplicités de la vie primitive.

Nous avons, au fond, la même horreur de l'homme civilisé, du contemporain qui nous coudoie, du cita- din qui nou^ révolte,

Plu^ courageux que moi, tandis que je remonte obs- tinément pour le fuir, — hélas ! en rêve seulement ! — le cours des âges, vous lui cherchez, dans le présent, une antithèse vivante. Durant que je me contente de pleurer mes dieux morts, vous vous obstinez aux der- nières pierres de l'antique autel pour en faire jaillir quelque étincelle encore.

Hardi, mon gas !

Ce n'est pas, croyez-le bien, pour les petites images qu'en tirent, sans religion réelle, la plupart des ar- tistes d'aujourd'hui, que je crie ma fidélité au vieux culte de la nudité glorieuse, faite pour l'admiration et non pour le désir, pour être adorée à genoux et non honteusement convoitée, immuablement formulée par les Maîtres contemporains de la Beauté et dressée de- vant l'hommage des siècles.

Je vis parmi les morts, je le sais. Mais ces morts- là sont des Dieux,

Vous avez pour vous la devise :

Mieux vaut Ane vivant qu'Empereur enterré.

Demeurez donc dans la vie, mon cher Baffier, dans la seule vie qui ne soit pas une trahison et un men- songe, celle des champs et de ceux qui y vivent, frères lointains des pasteurs de Syracuse, mais qui comme eux^ font chanter encore une âme sonore au creux des


j


pipeaux^ en ce.Berry qui a su faire encore, en vous, un géant doux et laborieux comme Polyphème, où quelques plies encore portent au front l'orgueil d'une race.

Ainsi protestons-nous, chacun à sa guise, contre ce qui nous indigne au même point l'un et l'autre, vous en retournant la terre, comme un bon laboureur, pour en rajeunir la face, moi, en me réfugiant au pays des ombres et des antiques idolâtries.

Comment nous sommes-nous rencontrés en suivant des routes si différentes? Je n'en sais rien, morbleu! Mais la rencontre me fut heureuse, et maintenant que je vous ai offert ces pages dans un serrement de main, beuvons frays ! comme dirait Rabelais, notre maître à tous les deux, et foin des gens en paletot!

20 Mai 1893 .

ARMAND SILVESTRE.


TABLE DES MATIÈRES


PEINTURE


ÂUBLKT

Babbau . .

BSBTON (A.)* • • •

boutet de momvkl • Ca.rribr-Belleuse ([') Courtois (Gustave) .

Daîtnat

t)AUX (M"') . . Dinbt. . . . Dubupe Fils Durst. . . . Eliot (Maurice) Enoelhart . . Frédéric (Léon) FouRiÉ (Albert) Gelin (Manuel) Lee Eobbins. . Loup (Eugène) . Moutte (A). . Osbert . . p1btschma.nn . J. J. Rousseau.

Sala (Jean). . Seiki Kouroda


Juillet.

Etude.

La Chimère •

La Jeunesse de Diane.

Etude.

Inquiétude humaine. Etude du Nu.

Etude de dos . Clair de Lune Automne • Etude. Zéphyre et Flore.

L'Attenta.

Le Clair de Lune.

A travers bois.

La Femme aux joujoux.

Endormie . Etude au pastel. Etude.

L'Adieu au soleil.

Au printemps.

Nana.

La Rosée.

Le Lever.


Bartholomé. . Chéret (jobeph) Eriksson Gravillon (A. de) Injalbert . Injalbert .

Vallgren .


SCULPTURE

. Le Secret.

. Les Papillons.

. Badinage innocent.

. Pitié.

. Eve.

. Poèmes idylliques (I) . D ^ . (II).

. Consolation.


,1-41


MOUTTE ■


Étude


Sa/ Peintre de la chaii abandoimée aax n'éconte pas le poète quand il chante :

Du plaisir sans amour ne crains plus le remords, ■ O cœur que l'idéal a torturé sans trêve; Renié de mes Dieux et déchu de mon rêve, Je veux la volupté pour guide vers la mort.


1


A moi les lits profonds où le désir se tord, Comme la vague en pleurs au sable de la grève ! Le devoir est trop haut et la vie est trop brève, Et sans avoir vécu la quitter est un tort.

Entre tes bras vendus étouffant ma détresse, O pâle courtisane, ô dernière mai tresse, O beauté dont Téclat du soleil est terni,

Verse, en mes yeux, le ciel de ta charnelle flamme!

— Car il n'est que la chair pour nous sauver de l'âme,

Que le baiser pour fuir le mal de Tlnfini !

Peintre de la Beauté qui n'en veut qu'à notre désir, n'écoute pas celui qui la chante, car il blasphème. Je sais que Tart ennoblit tout ce qu'il touche, comme Tantale changeait en or tout ce qn'il approchait. Crois-moi ce- pendant, l'art sans idéal n*est pas pour mener à l'immor- taUté. Vois plutôt par quoi a vécu Tart antique du sta- tuaire. Non pas seulement par l'admirable don d'assouplir le marbre aux caprices de la chair et d'y faire courir le sang dans d'invisibles veines, mais aussi, et surtout, par la noblesse et la grâce des mouvements sans cesse recher- chées, par des préoccupations constantes de plastique. De quel ciseau délicat il a caressé les formes augustes des déesses, sans rien leur ôter de la saine vigueur de la vie !

Aussi je n'ai qu'à admirer dans la robustesse de ton pinceau et dans cette belle fièvre virile qui semble l'avoir conduit. Je n'en éprouve pas moins, devant ton œuvre, un besoin d'au-delà qui la condamne. Le culte de la Beauté nue doit être vraiment un culte, c'est-à-dire être fait de respects et d'adorations. Il n'en faut pas trop péné- trer le mystère charnel pour donner aux sens nne trop facile pâture. La pudeur est un des charmes les plus péné- iranlis qui font aimer. Tu me citeras l'admirable Rem- brandt du Louvre qui ne sollicite pas non plus à de très


hautes pensées; Mais là où le génie a passé, il n'j a pas à chercher d'excuse, et c'est une fatuité peut-^tre d'y cher- cher un exemple.

Ce n'est pas une question de morale, au moins, que j'effleure là avec la modestie naturelle à un païen comme moi qui, peut-être, ai commis le même crime, aux heures irréfléchies de la jeunesse, mais une question de pure es- thétique et, ce qui parle en moi, c'est beaucoup moins le souci du Bien que le souci du Beau.

Seul l'Idéal nous fait d'immortelles blessures, Et le mal de l'aimer console d'en souffrir. Le temps essaye en vous ses savantes morsures, Aux choses qu'ici-bas la beauté vient fleurir : Elle passe, et partout met des empreintes sûres, Et le bien de Taimer console d'en mourir !

Pour qui l'adore vraiment, la Femme occupe un coin de ciel dont il est imprudent, au moins, de la faire des- cendre. Car c'est le dernier lambeau du Paradis !


BOUTET DE MONVEL


La. Jeunesse de (Diane


Corps d'éphèbe et front ù'immorlelh Cette image aux charmes d'enfant S'élance d'une grâce telle Qu'on dirait un lys triomiiliant.

Comme l'hirondelle qui passe. Egratignant l'azur des eaux, De sa course elle fend l'espace. Sans courber le Acont des roseaux.


C'est la vierge douce et farouche Et que nul ne sut apaiser, Dont le sourire sur la bouche Jamais n'apporta le baiser ;

Les seins durs dont nulle caresse N'amollit les cruels attraits, L'impitoyable charmeresse Dont Actéon connut les traits ;

La vierge au rôve solitaire, N'ayant que les chiens pour amis. Et, dans l'âme d'autre mystère Que ceux des grands bois endormis ;

Que sa seule pudeur pour voiles ; Qui même, loin des feux du jour. Ne sentit jamais, des étoiles, Tomber des floraisons d'amour.

Diane aux vœux des amants rebelle. Toi que la gloire immacula^ Les cieuxne te firent que belle... Et Vénus fut plus que cela !


A vrai dire, l'artiste qui excelle h |)eindre les grâces enfantines, a tout fait pour que nous oublions le crime étemel de Diane rebelle à rAmour. Il a su revêtir ce jeune front aux blancheurs marmoréennes d'une telle candeur qu'il semble qu'elle soit inconsciente du riang répandu par ses mains toujours armées, du meur- tre dont vit son caprice. Diane est, au fond, Timage la plus parfaite de la fatalité, qu'elle frappe, au fond des bois, l'innocence craintive des bêtes, qu'elle mette le dé- sespoir au cœur des amants épris de sa beauté. Comme le rêve qui nous emporte à travers la vie, c'est-à-dire à tra- vers la désillusion et la souffrance, elle porte au front une clarté mystérieuse et c'est la méchante étoile qui nous


mène, mages ou bergers égaux devant Tamour, jusqu'au l^erceau du jeune Dieu qui nous raille. C'est la plus impi- toyable figure certainement de la mythologie grecque qu'emplissent les fantaisies charmaintes de Vénus, ou la fidèle Junon, ou l'austère Minerve ont, au moins, la pitié de ne pas nous attirer par des coquetteries. Mais Diane non plus, ne daigne pas être coquette. Elle passe dans le triomphe de ses charmes sans s'arrêter jamais, au bord des sources qui la regardent, que pour y faire boire ses chiens fumants.


n


W" DAUX


Etude


S.


D décor qui ne respiie pas préciBément nue élé- gance Parisienne, et sur la pointe d'un lit que le sommeil a longtemps froissé, elle a'eab assise, tenant k la main Bon orteil, tout comme la Boudha hiératique, à demi uue seu- lement, mais développant, dans sa blancheur nacrée, son dos jeune et que le pinceau du peintre caresse après son


regard, sans montrer son visage que nous pourrions en* trevoir au moins, de profil perdu, Ténigme de ses traite comme enfouie dans l'épaisseur sombre de sa chevelure mal ramassée au-dessus d'une nuque aux velours ambrés. Comme un fruit qu'une branche épaisse cache à demi, sa gorge émerge seulement dans l'ombre projetée du bras, et c'est bien vraiment la pose indifférente du modèle qui rêve, à demi éveillé.

n n'en a pas fallu plus pour inspirer de merveilleux chefs-d'œuvre à un art qui rend intéressant tout ce qu'il touche. Eien n'en saurait donner une idée plus haute que cette faculté constante s'ennoblissement. Les peintres du morceau, comme on dit, deviennent cependant de plus en plus rares, comme si cette époque n'en avait pas pro- duit de merveilleux

Corps féminin qui tant est tendre,

Polly, souèf et prétieulx,

Te faut-il ses maux attendre.. .

que le pinceau abandonne le plus admirable motif qui ait inspiré les maîtres ; que notre jeune Ecole se détourne de cette étude du nu qui fut la gloire de la peinture à tra- vers les âges et la grande tradition de notre race artis- tique latine 1

Je le crains vraiment, sans être insensible aux recher- ches de la pensée qui donnent une psychologie à l'art nouveau, qui en font un instrument littéraire, autant qu'une chose plastique.

Mais les peintres du rêve eux-mêmes, les maîtres, ne donnent-ils pas l'exemple de cette fidéUté à l'interpréta- tion du nu que je salue maintenant partout où je la ren- contre ?

Est-ce que les admirables figures de nymphes de Puvis de Chavannes, dans son immortel bois sacré, ne sont pas nues aussi bien que les tranquilles dormeuses d'Henner ?


Le vêtement a le grand tort de donner une date au «ymbole qui, par essence, devrait être étemel. Celui-ci ne pénètre vraiment, ne s'enferme que dans la sincérité de la chair et dans les intimités d'un mouvement que ne surcharge aucune draperie.

Donc, dans le règne de la Pensée, aussi bien que dans ie domaine plus restreint des saveurs matérielles, le Beau ^absolu demeure, en art, dans l'expression de la Nudité. Au vrai coloriste, elle offre des ressources aussi étendues que le rendu des étoffes qui peuvent demeurer d'ailleurs un décor. Elle comporte toutes les délicatesses de la palette, dans une gamme singulièrement émue, dans des tonalités délicieusement pénétrantes. Prenons ceux-là même qui ne la traitent qu'accidentellement. Dans le tableau de Boybet dont le succès est si vif, n'est-ce pas à la gorge de la Femme, d'un rendu puissant et nacré, que vont les admi- rations de ceux qui apprécient, à sa valeur, ce qu'on nomme, en peinture, le morceau ?

Beauté de la Femme I

Fille des jours sacrés» quelle main sacrilège,

Dans la nuit dispersant tes honneurs abolis,

De ton front triomphant a fait tomber les lys

Qui mettaient leur blancheur à ta blancheur de neige 1

Contre le Temps cruel, nul pouvoir ne protège L'immortelle Beauté sous les soleils pâlis, Puisque son manteau sombre emporte dans ses plis De tes antiques sœurs le lumineux cortège.

Triste et dernière fleur du Printemps radieux. Tu restes seule, hélas ! de la race des Dieux, Des Olympes défunts à jamais exilée !

Je brûlerai, pour toi, la myrrhe avec Te ii cens, Et, si jusqu'à tes pieds, s'élèvent mes accents. Par la lyre, du moins, tu seras consolée !


LEE-ROBBINS


Endormie


JCrnuR le donble oreiller qne fait, à ses reina, un coob- sin, et qne fait, à sa tête, son épaîase cherelnra, elle repose en une attitude de nonchalance abaolne et de bien-Atre pro- fond, nne jambe doncement ramenée Bor l'antre, lee bras lourds d'inertie et traînant comme les bonta d'nn mban


!


dénonéy très blanche avec des reflets d'ivoire vivant, in- consciente dn rythme de sa poitrine sur la sérénité de son coenr, les paupières cloees sur quelque rtve qui 7 semble enfermé comme sons nn donble pétale de rose.

Il est grand jour et c'est d'une lumière savanmient tamisée par la transparence des rideaux que sa chair vo- luptueuse est baignée. Qui ne sait que le sommeil diurne, plus qu'un autre, est rempli de songes ! Celui de la Femme est fait d'un mystère redoutable pour nous. Car, plus encore que dans la veille où elle excelle cependant à nous tromper, elle nous échappe. Qui donc, jaloux, n'a pas tenté de saisir alors le nom que ses lèvres semblent prêtes à murmurer dans un insensible tressaillement ?

J'ai dit autrefois cette angoisse :

Quand, sur tes yeux brûlés de leurs propres rayons, Le sommeil a tendu la fraiclieur de son aile, Rèves-tu quelquefois de la chose éternelle Que nous portons en nous, que toujours nous fuyons?

Sous ton front où la Nuit s*épanche» solennelle, Uiûflni creuse-t il d*implacables sillons? Et, quand ton cœur n*est plus trahi par ta prunelle, S'ouvre-t-il à la merdes vastes passions?

Niarbre durant le jour, la nuit deviens-tu Femme? Un rêve berce-t-il, dans le fond de ton âme, Quelque amour innommé que tu nommes tout bas ?

Tes sens s'éveillent-ils quand ta chair se repose? C'est un tourment jaloux que ton sommeil me cause. — Tu dois aimer en songe, ou tu ne vivrais pas!

Eéveillez-vous donc, belle endormie, pour ôter cette détresse du cœur de votre amant. Il est grand jour d'ail- leurs, et, comme le dit une autre chanson de ma jeunesse que Massenet a délicieusement illustrée :




i


Les étoiles effarouchées Viennent de s'envoler des cieux. J'en sais deux qui se sont cachées, Mignonne, dans vos jolis yeux;

A l'ombre de vos cils soyeux £t sous vos paupières penchées. Attendez! mes baisers joyeux Les auront bientôt dénichées.

Vous feignez de dormir encor 1 Eveillez-vous, mon cher trésor ! L'aube pleure sous les fouillées.

Le ciel désert est plein d'ennui... Ouvrez les yeux, et rendez-lui Les deux étoiles envolées !

Les deux étoiles que les amants suivent, seules dans la vie, riches ou pauvres, misérables ou magnifiques, étoile des mages et étoile des bergers î




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A. BERTON


La Chimère


ss sa main nonchalante, à peine fermée, le petit

e an corps de métal, am ailes onvertes et piquantes,

dressant une tête effroyable aux dents voraces au-desans de

nés féminines aux durs reliefs, est comme debout, la


mâchoire grande ouverte, et, loin d'en détoorner un regard plein d'horreoTy elle loi sourit, dans Tombre de sa lourde chevelure dont ses épaules émergent comme un double rocher de lumière, en une pose d'un abandon charmant, allongée sur le ventre et le menton soutenu ^r Tautre main repliée dont le petit doigt, fuselé comme une baguette d'ivoire, s'arc-boute à la tour inférieure cependant dé- tendue.

Et ses beaux yeux sombres se complaisent à l'image barbare dont la queue de bronze frétille, dont le vol immobile menace, dont l'expression méchante semble s'avi- ver à cette caresse lointaine.

Qui dira ce qu'il y a dans ce sourire de la Femme à une chimère ?

Peut-être l'orgueil de ne lui pas ressembler, étant impec- cablement femme de la pointe parfumée des cheveux à la nacre rose du 'talon.

Plus probablement le contentement de se heurter à une énigme, cette curiosité toujours en éveil qui perdit notre première mère.

Peut-être aussi un vague sentiment de fraternité pour un être mystérieux comme elle. Car la femme ne nous est vraiment pas plus connue, au fond, que ce fantasmagorique animal où s*est complu le caprice d'artistes lointains. Elle aussi a des ailes, mais invisibles, sur lesquelles sa pensée nous échappe sans trêve, des ailes où son rêve l'em- porte souvent bien loin de nous, souvent dans la veille, toujours dans le sommeil.

Souvent, et j'en frémis, quand sur ta lèvre infâme. J'ai bu, dans un sanglot, d'amères voluptés. Alors qu'une détresse immense prend mon âme, O toi pour qui je meure, tu dors à mes côtés.


L'ombre épaisse envahit tes sereines beautés Et, jusque sous tes cils, éteint tes yeux de flamme. Ton souffle égal et lent fait comme un bruit de rame : C'est ton rêve qui fuit vers des bords enchantés.

Repose, sans remords, ô cruelle maîtresse ! Ignore, dans mes bras, les pleurs de ma caresse: Car tu n'es pas ma sœur, cœur à peine vivant !

Mais, quand la Nuit a clos tes paupières meurtries, Quelle pitié des Dieux, pour les choses flétries. Te tend, sous mes baisers, le sommeil de l'enfant?

Comme la chimère aussi, elle est faite de duretés où se brise notre désir, où se déchirent nos propres rêves ; comme la chimère encore, elle ne sert aussi qu'à nous mordre en plein cœur. Car c'est là vraiment, dans notre poitrine, que nous portons encore le fruit funeste où les dents d'Eve ont laissé l'inneffaçable blessure d'où coulent, tout ensemble, notre sang et la sève des irrémissibles dam- nations.

Tu peux donc sourire à l'image dont tu ne diffères que par ton impeccable beauté, ô femme qui, des moiteurs paresseuses du lit, t'es à moitié relevée pour interroger l'énigme dont notre douleur est toujours le dernier mot. L'énigme cruelle, ce n'est pas comme l'a pensé un roman- cier illustre, que tu puisses nous tromper. Car elle nous serait commune, et notre cœur n'est pas toujours plus fidèle que le tien. Non, c'est toi-même qui dresses devant nous d'étemels enchantements, des embûches impossibles à fuir, et pour qui le martyre est cependant si doux que nous aimons mieux mourir, quand il te détourne de nous !


DUBUFE Fils


Automne


Voici que les an tans moroses Vont parsemer d'or les gazons

Et, vers le» pâles horizons. Emporter le souffle des roses, — Que me fait l'haleine des fleurs, Toi dont l'haleine a bu mes pleurs!


Voici que les tieurea voilées Se hâtent vers le seuil des soirs. Et que de vagues encensoirs Fument au penchant des vallées.

— Tel monte l'encens de mes vœuic Vers le ciel d'or de tes cheveuxl

Voici que les couchants de cuivre Sonuent l'adieu des jours vermeils Et, sous l'aile des lourds sommeils. Appellent les cœurs las de'vivre.

— Que nous fait le déclin des jours! La nuit est douceà nos amours.

Pourquoi cette chauBOti de ma jennease, mi-amonreuBe, mi-mélancolique, ohante-b^lle dans ma mémoire devaDt cet aimable visage d'une jeniie femme, embrumant sea- lement des transparences d'un voile, ses formes délicates, lee cheveux dénonée par un souffle qni en ramène le flot aombre et parfnmé snr sa poitrine, cependant qu'un croiB- aant brille dans cette noit vivante, et qoi, dominant la haute balustrade de marbre d'une façon de terrasse, con- temple le pays^^e où courent les premières feuilles mortes, pareilles à la pluie d'or qni tenta Danae. Car j'inii^ine que celle-ci avait été le jouet de quelque songe, toute h une rêverie pareille et dont avait abusé le plus galant des Dieux.

Les pampree oat rougi qni s'ëchevèlent aux murailles tièd^ encore, et les montagnes blenes IJt-bas ont, à leur échine, une buée comme les troupeaux qui ont longtemps marché sous la chaleur. Dans l'air bleu transparent où s'aiguiseront bientôt les ôèches d'argent dn givre, où s'en- fonce, pour ne plus revenir, le vol voyageur des hiron-

is, on respire comme nne mélancolie très donoe, et le

e chante :


En vérité, c'est grand dommage Que le vent qui, sous Tonde en pleurs, Entraîne les aernières fleurs, Ne m'apporte aussi son image.

— Sous les dépouilles des berceaux, Pour te revoir encor dans l'onde, Où se mirait ta tète blonde

Je suivrais le cours des ruisseaux.

— Et quand le baiser de la glace En figerait le morne azur.

Sur le flot immobile et dur, J'en poursuivrais encor la trace.

— Fondant les givres éclatants. Au souffle tiède qui la touche. Mon baiser chercherait ta bouche Que j'y vis sourire au printemps!


ALBERT FOURIÉ


A travers bois


3.


'ans le tailUa profond que criblent les flèoheB du jour, à travere les larges gouttes d'une véritable pluie de lumière, elles s'avauceat à grand peine écartant les branches qui fouettent leurs chairs nues en se détendant, une chanson très joyeuse aux lèvres, cependant qu'un débonnaire ban-


det, qu'un jeune garçon tient à la bouche, porte sur son des un enfant qui fait penser à l'enfance de Bacchus, Ce n'est pas cependant, comme dans le beau Silène que EolL avait exposé, il 7 a quelque vingt ans, des nymphes saoulées de vendange, bien que cette clarté chaude soit celle d'une méridienne automnale faisant éclater la grappe mûre.

Non! La vraie fantaisie de ce tableau est dans une mo- dernité accusée par mille détails, qui déroute au premier abord, et qui charme ensuite comme fait souvent l'imprévu. C'est un très appétissant ragoût de chairs violemment et héroïquement éclairées, un poème de tranquillité biblique. Car l'âne est le compagnon de l'homme, dès le berceau de l'humanité, compagnon fidèle et doux dont je veux faire l'éloge à cette occasion, en même temps que le procès de cette brute de Roboam qui le rouait de coups.

En une fable admirable, un des chefs-d'œuvre de la prose française assurément, Rabelais a célébré la nature amoureuse de l'âne, autrement indépendante que celle du cheval et lui fait tenir un discours que je me suis répété toute ma vie, mais tout bas, parce qu'il ne sonne pas sans quelque inconvenance. Mais que d'autres vertus sont celles de ce serviteur méconnu ! De quel droit d'abord en fait- on le symbole de l'ignorance ? Prenons donc la peine de l'instruire pour savoir s'il sera un studieux écolier. J'en ai eu un à qui j'avais enseigné à faire tout ce qui lui plai- sait. J'y avais réussi au-delà de toute espérance. C'est d'ailleurs faire le procès à la Providence elle-même. Par quoi s'instruit-on communément ? par les oreilles. Alors comment supposer que Tanimal qui a les plus longues ne soit pas particulièrement éducable.^ Vous me citerez le lièvre dont on fait difficilement un puits de science. Mais j'ai vu des lièvres qui battaient du tambour, et ce n'est pas leur faute si ce n'était pas à Arcole.

Dans ses merveilleuses Idylles parisiennes, Théodore


de Banville a parlé aussi de l'âne avec infiniment de ten- dresse,

L'Ane aimé de Titania

N'a qu'un seul défaut, tout physique:

C'est que de tout temps il nia

Les délices de la musique.

Il mange les chardons qu'il voit,

O la précieuse nature !

Méprise la boue et ne boit

Que dans une eau splendide et pure.

Douce monture de Jésus, Il est tout joyeux le dimanche; Ses chants sont un peu décousus. Mais il porte au dos la croix blanche.

Il aime ce qui naus est cher Et ne commet pas de rapines. Cependant nous troue sa chair Avec les durs bâtons d'épines.

Et quand il est mort, tous les jours, Pour nos concerts et pour nos luttes. On fait de sa peau des tambours Et de ses tibias des flûtes.

Mais, sans rancune, il continue d'avoir l'air de nous aimer et c'est encore sur son dos que l'humanité fait ses premiers pas, dans les taillis profonds que traversent comme une pluie d'or, de larges gouttes de lumière.


JEAN SALA


La (Rosée


Quand le soleil a bu, sur la cime des bois, La fraîcheur des baisers que l'aube cliasle y poi La rosée erre encore aux buissons, et parfois, Se pend, frileuse perle, aux lèvres d'une rose.

Du premier souvenir immortelle douceur! Frêle perle d'amour au temps cruel ravie ! Ainsi chacun de nous porte, au fond de son cœ Un pleur tombé du ciel & l'Aube de la vie I


Mais ce ii'*e8t paa de la mélancolie lointaine du souvenir qu'est faite cette vision charmante, de jennes femmes, dans l'éclat lilial d'une virginale nudité, buvant, au calice des fleurs sauvages, les gouttes tremblantes qu^ a laissées le matin, celle-ci penchant vers son visage la branche toute épanouie, celle-là se penchant elle même pour respirer, en même temps, le parfum que toutes ces fraîcheurs exhalent, les cheveux dénoués et aidant, par leur poids, au mouve- ment de sa belle tête inclinée ; ce pendant qu'une de leurs compagnes qui veut boire, par tous les pores, cette douce fraîcheur, s'est nonchalamment étendue dans Therbe haute, ramenant vers elle tous ces calices délicats, en répandant la liqueur limpide sur ses beaux seins qui semblent, eux- mêmes, de lourdes fleurs renversées.

Et y plus loin, dans une brume diamantée où passent des scintillements, c'est un chœur visible à peine de pro- meneuses pareilles, venant comme les abeilles mouiller d'invisibles ailes à ce bain délicieux. C'est la gloire du Matin qui enveloppe leurs formes chasces et charmantes, éveillant autour d'elles, l'hymne qui monte tout ensemble vers le soleil et vers la beauté.

Avec des pâleurs de rose trémière,

La fleur du jour s'ouvre à l'horizon clair.

Et monte, en semant aux voiles de l'air.

En ruisseaux d'argent, ses pleurs de lumière.

Comme un vol léger de papillons blancs S'éparpille autour un essaim de nues. Secouant encore, à leurs ailes nues, Du cœur d'or des lys les duvets tremblants.

Dans un ciel plein d'ombre une fleur pareille Porte les clartés de mon jeune amour. Rêves et parfums flottent alentour Comme au bleu lever de l'aube vermeille.


Ne sont-elles pas pareilles à nos jeunes amours, ces vierges qui accourent des horizons obscurs mais s'éclairant soudain à leur approche, de notre Rêve! Ces frêles et douces images qui se penchent sur nos cœurs comme sur des fleurs à peine ouvertes et portant en elles, dans nos premières tendresses, l'image du ciel I Que n'avons-nous suivi leur vol sans demander d'avantage à la vie que l'amour qu'elles nous ont donné de la Beauté, sans leur demander d'autre caresse que ce baiser f urtif où se con- sume le meilleur de nous-même, comme s'évapore, en un moment, la goutte de rosée !

Du premier souvenir immortelle douceur! Frêle perle d'amour au temps cruel ravie, Heureux qui garde encor dans le fond de son cœur, Un pleur tombé du ciel à l'aube de la vie !


SEIKI KOURODA


a


CN une pose de coqnetterie solitaire et dont le miroir est le senl confident, elle none, au-dessns de ea nuque ans tons ambrée, ea lourde chevelure, cependant qu'en se re- flétant, son image nous montre ce qu'elle nous cache, in- consciente qu'elle est d'ailleurs de notre présence. Toutes


les élégances mondaines accnmulent autour d'elle un dé- cor où se complaît sa nudité de Parisienne au réveil et c'est dans la fourrure épaisse d'un ours grimaçant qu'elle enfonce la blancheur de ses pieds délicats.

Elle n'est en rien pareille aux Chloés antiques se mirant dans le cristal des sources où le doux spectre de Narcisse flotte dans l'eau. Et cependant, elle évoque, pour le poète, la vision des belles amoureuses idylliques que poursui- vaient, dans les bois profonds, le désir des bergers et le caprice des faunes. Et, plus loin que les murailles har- monieusement tendues de cette chambre, il pense aux amours qui avaient la sérénité descieux pour témoins. Car c'est l'heure où

Comme une floraison de lis,

Monte des iiorizons pâlis

Une aube aux langueurs d'amoureuse;

Devant ses appas nonchalants,

Le rideau des nuages blancs

S'ouvre et son lit d*azur se creuse.

Les collines, sous ses beaux seins, Se frangent, moelleux coussins D'une vapeur de mousseline, Et sur l'oreiller que lui font Les brumes au duvet profond. Sa tête se pâme et s'incline.

Pâle amoureuse du Soleil, Voici que ton époux vermeil Bondit triomphant sur ta couche. Et que tu t'enfuis du ciel bleu ; Car son premier baiser de feu A brûlé ton âme à ta bouche.'

Sur le grand mont échevelé, Le sang de ta lèvre a coulé,


Teignant son faîte en rose pâle, Et, du bord du ciel éperdu. Un fleuve d*or est descendu Emportant ton beau corps d'opale.

Mais, quand il reviendra, le soir. Au lit de rhorizon s'asseoir, Le Dieu farouche et solitaire, La mer s'emplira de sanglots Et le Soleil, à larges flots, De son sang rougira la terre.

Ainsi, malgré nous, dans ce silence mystérieux où flot- tent encore les parfums grisants de l'alcôve, limage de la Femme, dans la sincérité de ses charmes immortels, évoque en nous les splendeurs de quelque paysage Olympien, comme Homère et Théocrite en enveloppaient les nobles images d'Hélène et de Galathée !


AUBLET


Juillet


3.


'ans la sérénité recoeillie d'un paysage qne ferme, à l'horizon, nn rideaa de verdure aus transparences vagues, qne ainuent les caprices d'une eau limpide mettant nne ceintored'argentaoxtlotsd'où montent de grands arbres, aux (lots qne twrde nne floraison d'iris et, pins haut, on


épanouissement de roses sauvages, sur un gazon tout dia- pré de notes blanches et bleues, elles goûtent une indi- cible fraîcheur, cependant que, plus loin. Juillet emplit Tair de ses souiBes de flamme.

Au dehors de cet oasis, c'est la torride chaleur que rythme le chant cadencé des cigales. Autour d'elles, c'est un apaisement de ces haleines brûlantes qui mettent, à peine, à la cime des feuillages, un imperceptible bruisse- ment.

Et dans une liberté dont aucun regard indiscret ne viole les secsets, elles ont découvert leurg épaules où cou- rent des serpents de lumière, puis leurs flancs que tente la caresse nonchalante de l'onde qui murmure à leurs pieds.

L'une d'elles a déjà trempé, sans doute, l'ivoire viv ant de son orteil, dans le fleuve qui y a mis un ruissellem ent de perles, et ses deux mains ramenées sous sa nuque dont s'épanche, à longs flots, sa brune chevelure ; cependant qu'une de ses compagnes, un coude sur le genou, invite, à laisser tomber son dernier vêtement, la plus frileuse des trois, debout dans une pose à la fois pudique et harmo - nieuse.

Tout autour, c'est la Nature en fête chantant les gloires de l'Eté.


Voici que )'or vivant des blés Sous les faucilles s'amoncelle, Tandis que l*or des cieux ruisselle Au front des chênes accablés. Partout la lumière est en fête. Dans l'azur rayonnant et sur la moisson faite. Partout, en flots divins, s'épanche la clarté. Gloire à l'Été!


Sous les morsures des soleils

Toute sève brise l'écorce

Et vient épanouir sa force

Dans la pourpre des fruits vermeils.

Partout, sur les bois, dans la plaine La vie a débordé comme une coupe pleine, Et le sang de la terre a vers les cieux monté. Gloire à l'Eté I

Sous les midis silencieux

De la canicule qui passe,

On dit c|u*un baiser, dans l'espace,

S'échange de la terre aux cieux.

De cette caresse féconde Naissent les biens sacrés qui font vivre le monde; En elle est la lumière et la fertilité. Gloire à l'Été !


Gloire à l'Eté qui, sous les bois, au bord des eaux, dans le décor des verdures fleuries, conduit le caprice des belles promeneuses vers quelque asile enchanté où les attend le rêve, sinon Tamour ! Gloire à l'Été qui fait la splendeur des jours pareille à un fleuve d'or, et la dou- ceur des nuits semblable à une mer aux vagues argentées où la lune flotte comme un vaisseau, où les étoiles sem- blent des perles roulées par la fantaisie immortelle des flots I Gloire à l'Été qui mûrit les fruits savoureux pour les lèvres gourmandes des amoureuses et qui ne garde de mélancolie que pour ceux qui n'attendent pas TAutomne pour se souvenir !


1



4


PIERRE CARRIER-BELLEUSB


Etude


a


tf a ime pose d'nne grâ^ infinie qui développe la noble courbe des épaules oomme un arc qu'on tend, d'une main BoulevauË une diaperie blanche but laquelle s'enlève très hannonieuBemeut le ton ambré des chairs, de l'antre cares- sant la hanche qni l'emplit, elle baisse la tête, en la tour- nant, vers le chat noir qni ronronne à ses pieds et que.


Bans doute, elle convie à la snivre dans la pièce voisine.

Mais le joli quadrupède n'a pas Tair autrement pressé. Il devine, sans doute, de l'autre côté de la portière à peine entr'ouverte, la baignoire aux flancs d'argent où va des- cendre sa maîtresse et tout le inonde sait que le chat a une profonde horreur de l'hydrothérapie. C'est avec infini- ment de grâce cependant qu'elle lui sourit et en plissant les lèvres, pour faire sans doute un bruit ressemblant fort à un baiser.

Creapelée sur le front, ramassée en un nœud sur la nu- que, la chevelure fait une tache noire, met une note de rappel au haut du tableau, cependant que le corps s'al- longe en une détente singulièrement souple et harmo- nieuse.

Vous vous souvenez les admirables vers de Baudelaire :

Les amoureux fervents et les savants austères Aiment également, en une mûre saison. Les chats prudents et doux, honneur de la maison, Qui, comme eux, sont frileux et comme eux sédentaires.

Il 7 faut joindre aussi les belles nonchalantes qui pas- sent volontiers, à leur toilette, la plus longue partie du jour.

Manet aussi avait posé un chat de même couleur auprès de son Olympia étendue qui met une note si vibrante dans la monotonie des toiles du Luxembourg.

Le plus beau que j'aie connu appartenait à Théophile Gautier et je lui veux vraiment donner, à cette occasion, un mot de souvenir. Il s'appelait Enjolras et le poète l'a lui-même décrit dans ce livre merveilleux et peu connu qui s'appelle Ménagerie intime. Enjolras eût rendu des points à Tébène et son humeur vagabonde le perdit, mais pas avant qu'il eût peuplé Neuilly tout entier de rejetons qu'on y rencontre encore et que j'ai, pour ma part, ton-


jours envie de caresser. C'est lui qui avait eu;un différend si plaisant avec un perroquet qu'il se préparait d'abord à croquer, le prenant pour un poulet vert, puis qu'il res- pecta comme un homme après l'avoir entendu parler. O puissance ineffable de la parole sur tous les animaux I Homme ou perroquet, tout ce qui parle est supérieur au reste des créatures. Il n'y a vraiment, dans ce rapproche- ment, rien de bien flatteur pour nous.

C'est chez Gautier que j'appris autrefois à aimer et à comprendre le chat si stupidement calomnié par les natu- ralistes et par Buffon, l'homme aux manchettes, en parti- cuUer. Il n'est pas vrai que le chat nous griffe, mais il est exact que nous nous griffons quelquefois après lui. Quant à sa prétendue ingratitude, j'en aurai raison sans quitter la chère maison de la rue de Longchamps où vécut long- temps et mourut Tauteur dH Émaux et Camées et de tant d'autres merveilles.

Enjolras, le magnifique chat noir déjà nommé, apparte- nait à une portée contemporaine de l'apparition des mi- sérables et dont chaque membre rappelait, par son nom, un héros ou une héroïne de l'admirable livre de Victor Hugo à qui Gautier était demeuré si filialement fidèle pen- dant l'exil. La dernière survivante, Eponine, ne quitta pas l'épaule du poète pendant sa dernière maladie. Bien ne pouvait l'écarter du fauteuil où il demeurait étendu, ne pouvant supporter le lit. A peine put-on l'arracher de la couche où Gautier, mort, dormait sur un véritable tapis de fleurs.

Qu'on me pardonne ce souvenir mélancolique I Si quel- que chose nous pouvait distraire de la mémoire des grands maîtres, ce serait Tapparition de la Beauté toujours vi- vante, dans sa fleur de jeunesse, telle qu'elle nous est mon- trée ici, une fois encore, en une pose d'une grâce infinie.


DINET


Clair de Lune


J).


'Ansnn déchirement do terrain où l'eau coarante B'est ruée, dans nn long rniBselIement d'argent fluide où elleB plongent à demi, tressaillantes sar le sable mouTanb où leurs pieds glissent, éperdues d'un rêve de solitude et de fraîchenr, elles sont deecendnes, mettant une note


vivante dans le recueillement du paysage que ferment à rhorizondes murailles d'où émergent de hautes verdures.

Celle-ci sent déjà Tonde effleurer sa gorge frileuse et rose, cepeûdant que celle-là provoque, seulement de la cheville, des éclaboussements, et que cette autre, avec sa chemise éplojée au-dessus de sa tête, semble un grand lys sur sa tige et dont la corolle est fouettée par le vent. Et d'autres plus loin encore, d'autres dont on n'entend pas la voix, se préparent aussi à la douceur de ce bain noc- turne que la lune enveloppe d'une apothéose de lumière, la lune qui met des clartés de rêve à tous ces corps jeunes et frémissants.

Au ciel, les constellations semblent aussi plongées dans une mer d'azur d'où émerge leur chevelure d'or.

Et, comme nous sommes en juin, sans doute, dans les feuillages débordant la clôture inégale de pierre, le rossi- gnol chante, à moins que ce soit quelque poète caché, comme autrefois l'indiscret Actéon et dont les arbrisseaux cadencés écoutent, eu la rythmant, la plainte harmonieuse. Mais elles, les baigneuses, n'entendent que la chanson ja- louse des étoiles :


Nos regards se cherchent dans l'ombre ; Nous suivons les mêmes chemins, Sans que, dans Timmensité sombre, Jamais se rencontrent nos mains. Chacune de nous, solitaire, Doit lentement se consumer, — O mes sœurs, lieureuse la terre. Le ciel est trop grand pour s'aimer !


Là-bas, quand les amants timides N'osent avouer leurs douleurs, Au coin profond des bois humides Ils vont cueillir de belles fleurs.


Pleines d'un souci qu'il faut taire, Tout nous manque pour Texprimer.

— O mes sœurs, heureuse la terre, Le ciel est trop haut pour s'aimer !

Ceux pourtant que les destinées Là-bas ont trop tôt séparés, Verront refleurir leurs années Parmi nos jardins azurés. Leurs âmes par un doux mystère S'y rejoindront pour se charmer,

— Amants qu i pleurez sur la terre, Au ciel vous pourrez vous aimer !

Aussi pâles, dans l'air plus frais que trouble le vol ve- louté des phalènes, dans le blanc rayonnement de la lune qui égrène des perles sur Teau courante, la plainte immor* telle des étoiles, cependant que les jeunes femmes descen- dent dans le torrent qui court, entre les escarpements plantés de fleurs sauvages des rives.


1


r


BARRAU


Etude de dos


JLjÊ'tl est vrai que l'ean BOuore et transparente des sourcea fat le premier niîroîr, je me prends souvent à le regretter, devant les miroirs plus modernes où la femme regarde se refléter son image, non pins dans le tremble- ment dn ciel descendu dans l'eau et dans le frémissement dn feuillage répété en fictives visions, non pins à travers


le réseau d'argent fluide que faisait palpiter le zéphyr. L'apparition a perdu toute sa poésie, eu même temps que Boa mystère, et nous sommes loin dn poème exquis qn'ac- compi^aib l'orchestre mélodieux des oiseaux. £ii même tempe que le spectre charmant de la Beauté, plongeait, dans les mêmes profondeurs azurées, celoi des flenrs de la rive, iris aux bleus velours et narcisses au calice d'argent, et tout cela se dessinait sur un fond d'or mouvant fait par les sables où venait mourir la lumière.

Avec quelle crudité se réfléchit maintenant le fantôme de nos rêves dans les appareils inventés par la coquetterie ! Elle n'en est pas moins charmante, assurément, cette jeune fille, très nne, et cependant très chaste par l'attitnde, qni nuttc ses chevenx ramenés sur sa poitrine et en tord le bout entre ses doigts fuselés comme des baguettes d'ivoire. Le mouvement est joli et elle nous révèle ainsi ses formes Tii^inales sous deux aspects qui nons donnent une imï^ complète de leur perfection. Je n'en estime pas moinsqu'elle nous eût donné, d'elle, une vision autrement divinisée, dans le cristal de quelque rustique fontaine où viennent boire les colombes, à l'heure des estivales soli- tudes.

Vous me direz que le caprice du peintre mêle son

image à celle de fleura amoncelées dans un vase. Eh bien,

c'est une fantaisie de jardinier jaloux, peut-être, mais j'ù

horreur des fleura coupées. Je ne sais rien qui me soit

plus désagréable à voir qu'un bouquet de roses parce que

j'adore les roses et qu'un peu de mon sang latin coule k

la déchirure de leur tige et que Pœstum tout entier,

saigne en moi, par leur blessure. Le premier qui cueilht

une fleur ât uu sacrilège. fervents amoureux, hommes

olonté pour qui seulement je veux écrire, au

antaisie, voua vous trompez en apportant des

lilés au pied de vos belles, n'ayant pour excuse


que d'y avoir enseveU votre cœur. Entraînez les donc plu- tôt, pour en mieux savourer la grâce vivante, dans le beau décor de nature qui, seul, dresse autour de la Femme, le Temple dont elle est digne. C'est au bord des massifs seulement ou Mai les a lentement ouvertes, que je vous permets de comparer les roses aux lèvres des bien aimées, à rheure ou la rosée y laisse errer comme la nacre de dents étincelantes dans la pourpre d'un sourire. Souffri- riez-vous qu'on mutilât ainsi les chères beautés dont vit votre auguste désir ? Chantez plutôt à la Femme dont un regard vous a dompté, dont la vue vous est devenue plus précieuse que la clarté même du jour :

Nous nous aimerons, si tu veux. Tout un printemps ! la douce chose ! Je mettrai, dans tes blonds cheveux, La première violette et la dernière rose.

Tant que les lys revêtiront

Leur manteau de neige et de soie,

Tant que les oiseaux chanteront,

Nous mettrons, si tu veux, en commun notre joie.

£t seulement quand jaunira

La verte toison des prairies,

Le même souffle effeuillera

Nos défuntes amours et les roses flétries !


ENGELHART


V Attente


Jlij0 UB les bliinchearB froîasées dn lit dreasant les blan- cheniB vivantes de son corpe, nn conde plongeant dans les profondeurs moellenaes, caressant d'un e maiu la nacre rose de son talon, elle semble dresser l'oreille à quelque imperceptible bmit, fouillant le vide dn regard, la lèvre


impatiente de baisers, le sein, sans doute, gonflé de re- proches. C'est que rarement celui qui se fait attendre aime encore. Et c*est la mémoire cruelle, pendant les heures lentes du temps où, le premier, il était sans cesse au ren- dez-vous. A vrai dire celui-là serait bien coupable qui abandonnerait plus longtemps, à sa douloureuse rêverie, cette aimable créature en une demi maturité qui est comme la dernière et la plus exquise fleur de Tarbre de la jeu- nesse.

Comme il serait aussi déplacé qu'imprudent de «tenter de nous substituer à celui qui a si grand tort, tâchons de charmer, au moins, par quelque chanson, sa mélan- colie :


Comme l'heure passe vite D'aimer pour en être heureux 1 Hàtez-vous donc, amoureux. Quand le Printemps vous invita. Cueillez à. tous les buissons Des baisers et des chansons ;

— L'heure d'aimer passe vite.

Comme l'heure passe douce D'aimer dans le temps des fleurs ! L'été brode, en cent couleurs Les fins velours de la mousse, Où les belles, en tremblant, Posent leur pied ferme et blanc.

— L'heure d'aimer passe douce I

Comme l^heure passe lente D'aimer pour se souvenir ! L'automne vient de jaunir La forêt aux vents tremblante. Dans l'or des bois désolés Nos rêves sont envolés. . .

— Comme l'heure passe lente !


Comme l'heure vient araère

De ne plus savoir aimer !

L'hiver, sur nous, vient fermer

Un paradis éphémère.

Lorsque dans nos cœurs lassés,

Nos espoirs se sont glacés,

— L'heure, pour nous, passe amère !

Mais vous n'en êtes pas encore à cette détresse où le souvenir même devient douloureux. Vous ne doutez pas, et vous avez raison, de vos charmes. A parler franc, vous ne me semblez pas faite pour les tragiques désespoirs de celles qui ne veulent pas être consolées. Il est tout à fait hon- nête et louable d'aimer son amant ; mais ce qu'il faut aimer surtout, quand on est belle, c'est l'amour. Car lui seul sait fermer les blessures qu'il a faites, et, seul, il sait mettre sur les tendresses éperdues et trahies, le baume des ineflFables oublis.


1



1



LEON FREDERIC


Le Clair de lune


f TANT déroulé sur ses épaules sa lourde chevelure qui les enveloppe comme au mauteaa sombre, elle son* lève lentement les transparences de sou voile dont sa chair eat rayée comme par «ne toile d'araignée. Cependant que, derrière elle, la lune qui se lève fait passer des reflets argentés tout le long de son corps et qu'un rêve met je


1


ne sais quelle sensuelle extase dans ses yeux grands ou- verts eb qui semblent boire cette clarté ; mystique et atti- rante à la fois, fleur de poésie qui s'ouvre, à l'heure où se ferment les calices, peureux de Tombre, des volubilis ; belle de nuit, tendant comme une coupe, son cœur aux fraîcheurs divines de la rosée. Et les oreilles semblent aussi tendues vers quelque musique céleste, sans doute la plainte des étoiles, car


Devant que Theure soit venue Où l'aube les vient délivrer. On entend parfois, dans la nue. Les étoiles tout bas pleurer.

Et rayant de feu les mirages Tranquilles de Thorizon clair, On voit, comme après les orages. Des larmes d'or passer dans l'air.

Perdues dans l'ombre solennelle Que ne trouble encore aucun bruii, Écoutons la plainte éternelle Des étoiles d'or dans la nuit.

« Hélas ! nous sommes prisonnières ,

Dans l'immensité du ciel bleu.

Qui donc comblera les ornières i

Ouvertes sous nos chars de feu ?

« Ces lueurs que l'esprit acclame !

Comme un feu vivant et vainqueur, Hélas! ce sont des traits de flamme Qui nous traversent en plein cœur.

« Nous sommes les vierges plaintives Dont l'orgueil sublime est puni : Car c'est être deux fois captives Que de l'être dans l'infini ! »


H


— Maudissez les destins infâmes Durant les soirs silencieux ! Vous êtes les sœurs de nos âmes, Étoiles qui pleurez aux cieux !

Sous leurs grandes ailes ouvertes, Sans les emplir passe le vent, Comme vous elles sont inertes Sur un chemin toujours mouvant.

Leur désir seul franchit Tespace Dans un désespoir impuissant. Et la plus illustre qui passe Marque sa gloire avec du sang !

Voilà ce que chantent les étoiles et ce que leur répond le poète, à l'heure où la lune se lève, baignant d'une lu- mière d'argent celle qui, autour de son front éclatant, soulève les transparences de son voile sombre.


DURST


Etude


a


1 paysage où la Inmière tombe comme nne ploie d'or aux larges gouttes, criblée par l'épaiBseat des fron- daisons, le flano posé contre on arbre dont mie de ses mains caresse une branche, cependant que l'autre ramène, le long de ses jambes une draperie légère, elle ne nons montre, de sa tête, qn'une nuqne anx reflets de bronze



dur flous une chevelure sombre ; la clarté qne découpent les c^ffices du feuillage la tatoue, pour ainsi parler, isfeenompant la matité des tons de la chair. C'est une image paisible, sollicitant plutôt le rêve que la pensée, une étude, comme Tartiste nous Tapprend lui-même, savoureuse et d*un sentiment jeune où, comme dans le décor même, se respire le Printemps.

Et il n'en faut pas davantage vraiment pour évoquer €B nous, tout un poème. Car c'est le noble privilège de TAab de susciter, en nous, un monde et d'y faire vibrer les împieasions comme les cordes d'une lyre.

Oui tout un poème de Printemps, ou plutôt d'été inas* souvi de tiédeur parfumée et de lumière.' Ecoutez plutôt i

O Nature, mère éternelle Qui, dans les ombres de ton aile, Tout à l'heure cachait la Nuit, Sous les baisers de la Lumière, Tu reprends ta splendeur première; Tout en toi se ranime et luit!

Salut ineffable merveille! Salut, grands arbres où s'éveille La chanson folle des oiseaux ! O source aux belles eaux limpides, Où rame des souffles rapides Pleure à la cime des roseaux I

Salut gloire de toutes choses,

Orgueil du lys, parfum des roses.

Tout ce qui resplendit au jour,

Et Toi, Pâme de tant de fêtes,

Toi pour qui ces splendeurs sont faites,

Salut à toi ! Salut Amour.

Car vraiment toutes ces splendeurs ne sont qu'un Tem- çfe pour Tétemelle idole, qu'un décor a la radieuse


image que le caprice du peintre, conceptice éternel du poète, met encore une fois sous nos yeux.

L'immortelle chanson, c'est celle que chante La Fontaine dans Psyché :

Tout l'univers obéit à Tamour :

Jeunes beautés, soumettez-lui votre àme ;

Les autres Dieux à ce Dieu font la cour,

Et leurs plaisirs sont moins doux que sa flamme !

et, plus loin,

Non, sans l'amour tant d'objets ravissants, Bosquets fleuris et jardins et fontaines, N'auraient plus rien qui ravisse nos sens : Car leurs appâts sont moins doux que ses peines.

La chanson dont le refrain résume toute la sagesse.

Aimez! Aimez! Tout le reste n'est rien!


Eugène LOUP


Étude au pastel


So,


VOMHB Bons une toison moutonnante, elle rêve dans TépaiBsenr de sa chevelure naturellemenb creapelée qu'elle caresse d'une main, cependant que l'autre repose sur sa cuisse, en une très nonchalante attitude. Ses yeux sont presque clos, la bouche sans sourire, les épaules tendues, comme un aie, en uu vague mouvement de lassitude et


le type, où rien ne se révèle des origines latines, est comme impr^é de race africaine. Une exilée, parmi nous, dont le regret des torrides soleils explique la mélancolie, dont le charme est dans Texpression étrange. Quelle fierté lui devrait venir cependant de cette léonine crinière qui la fait sœur des grands fauves royaux? Car, en vérité, on ne saurait rien imaginer de plus beau que cette onde furieuse et sombre qui se brise en mille caprices, qui ondule en mille vagues, qui noyé la blancheur du cou et des flancs comme une mer bat un récif. La juvénilité des formes trahit une virginale innocence et c'est sûrement le ciel du pays qui passe dans son rêve. C'est la chanson de la Méditerranée lointaine, de la Méditerranée bleue qui, sans doute, chante à son oreille. Qui sait si quelque ami des enfances récentes encore, plus âgé cependant, et dont elle fut le premier amour, ne murmure pas sur l'autre rive, à l'heure du soir :

Lorsque la Nuit abat, sentant fléchir son aile, L'ombre de son grand vol sur le sommeil des flots, Penses-tu que je t'aime et que sur mes yeux clos Ton exil fit descendre une nuit éternelle?

Quand monte, 4 Thorizon, la clameur du chemin. Dans les poussières d*or où Sirius s'élance, Penses-tu que je t'aime et, qu'en partant, ta main, A scellé, sur ma bouche, un éternel silence 1

Tout meurt autour de toi, les sens et les couleurs. En moi tout s'est éteint, le jour et la pensée. Mais qu'un rêve s'incline à ma tombe glacée, Dans un ruissellement de clarté et de pleurs,

Ton image, à mes yeux, se dresse la première! — Telle, au rouge sortir du nid profond des mers, L'aurore, en secouant ses ailes de lumière, D'un humide frisson remplit les cieux amers!


ou bien, sous la première caresse du Printemps :

Voici que le Printemps jette sur les chemins Son beau manteau d'azur, de pourpre, d'hyacinthe, Et, sentant ci'oître une aile à, sa nudité sainte. Emporte jusqu'au cieux Thaleme des jasmins.

Partout son vol léger trace un sillon de joie ! Dans un bruit de baisers montent ses pieds vermeils, Et les liens déchirés des stupides sommeils Dans l'éther affranchi flottent en fils de soie.

Tout est enchantement, extases, infini, Sur les monts, dans les prés, dans la forêt austère, Le long des fleuves bleus, partout où sent la terre. Un germe fécond mordre à son flanc rajeuni.

Près de la mer stérile et qui ne porte en elle

Que des fleurs sans parfum et qu'un feuillage amer,

Tu demeures, pendant que, pareil à la mer.

Mon cœur roule à tes pieds une plainte éternelle!


INJALBERT


(poèmes Idylliques


û.


s une série de âgarea et de payBageB modelés en pleine argile, im grand artiste a fait revivre l'âme antique, et ressnscité la gloire des idylles entourant de flears im- mortelles le berceau de l'humanité. Qne de fois, moins henreux, j'ai poursuivi le même rêve, sentant sourdre, en moi, comme tm frémissant écho des origines, et remon- tant le cours de mon propre eaug vers cette première


goatte tombée des veines mêmes d'na Di^n, au temps hé- roïque de la Grèce triomphante. Car tous, nous en som- mes demeurés les fidèles fils à travers les âges que tour- mente obstinément la torture ineffable du Beau.

Aussi ne nous est-ce pas une impression nouvelle, une surprise dans la banalité de la vie contemporaine, mais un mystérieux souvenir, un retoar aux sources cachées de la raoe et de Tétre, que les évocations d'un passé que nous ont légué des pères inconnus, dans Tobscurité des temps et le hasard des voyages. Il vous reconnaît toutes, ô sœurs, que le doigt agile du sculpteur a fait jaillir de la terre ; et toi, bouc hirsute et dansant, j'ai caressé autrefois ta longue toison embroussaillée, au temps d'Amalthée qui, non plus, ne m'est pas ignorée.

Celle qui se débat aux bras robustes d'un faune, c'est Hélène, Hélène à qui j'ai chanté autrefois :


Des cœurs jaloux par toi j*ai connu la détresse, Hélène* et garde encore aux lèvres le poison Qu'en un baiser mortel y mit ta trahison, Ame d'argile et d'or, douce et fausse maîtresse!

Je n'ai depuis ce jour pu ravir mon esprit Au souvenir cruel dont ma toi s'effarouche. Et je maudis celui qui laissa sur ta bouche. Cette saveur amère et que ma bouche y prit.

Ton œil fourbe a planté comme une flèche sûre

Le soupçon dans mes flancs; sans pouvoir l'arracher.

L'aile du vent qui passe et la fait trébucher

Secoue encor ma chair et rouvre ma blessure.


Et cette autre qui tend vers l'eau fraîche ses beaux bras lassés des étreintes, c'est Chloë, Chloë à qui je dis en- core :


C'est à l'heure où, criblant de flèches d*or la nue, Le soir monte, chasseur céleste au firmament, Que je revois Chloé, ton fantôme charmant, Promenant dans l'azur sa blancheur toute nue.

Quand tu courais les bois, chasseresse de cœurs, N'ayant pour vêtement que le carquois farouche. Les regards de tes yeux, les rires de ta bouche Volaient, de tous côtés, comme des traits vainqueurs.

Malheur à qui tendait, à leurs atteintes sûres, Un sein trop confiant par l'amour désarmé! — En suivant le chemin par ta course enflammé, Chloë j'ai recueilli d'immortelles blessures !

Ainsi, chacune de ces figures charmantes, invoquées par le statuaire, évoque un nom pour moi, un nom posthume et doux qui me chante des tendresses trop longtemps ou- bliées, et dans cette forêt même dont il a tenté les triom- phantes frondaisons, Je respire l'odeur des hyacinthes, des crocus, des anémones et des iris à l'insensible parfum qui croissaient autour de la source mortelle où le fantôme de Narcisse penchait ses blancheurs !


INJALBERT


(Poèmes Idylliques


ûr,


AT, pInB loin, tonjouTs avec te sculpteur pour gnide, Je pouraiÛB mon rêve à travers l'immortelle ^logne qa'il a ressQBoitée, dans ce Paradis p^eii dont Théocrite est le Dante jo^eox et où le snivit, ea lyre à la main, le doux Virgile. Ici nons ne rencontrons plus la fureur amoureuse du faune anpied fourcbu, mais te repos et la sérénité,


BOOB les grands ombrages où des femmes, aux chevelures dénouées, apportent des fleurs dans des corbeilles, où la musique des tambourins vient de se taire à peine, où la danse trempe dans Teau claire et fraîche, ses beaux pieds nus. Et vraiment je ne sais comment remercier l'artiste à qui je dois ce voyage au pays dont je demeure fidèlement et immuablement le proscrit. Car, là aussi je reconnais d'anciennes amoureuses. Celle-là qui semble nouée au tronc vivant d'un arbre qu'embrassent ses bras révulsés doucement c'est Daphné.

Te souvient-il, Daphné, que tu m'aimas jadis, Derrière rhorizon de ces âges maudits ? Sous les arbres profonds et le ciel de la Grèce, Te souvient-il, Daphné, que tu fus ma maîtresse t

Tes beaux pieds nus foulaient mon cœur et les raisins Mon rêve s'abritait, à l'ombre de tes seins. Et, sur mon flanc mordu d'une ardente brûlure, Tu laissais ruisseler ta rouge chevelure.

J'ai senti, dans tes bras, mon souffle se glacer. Je suis mort de t'aimer et revis d'y penser. Fille amère, par qui mon ûme, au temps ravie A connu la douleur bien avant cette vie.

Et celle aussi qui, assise sur un coin de roc, cueille des fleurs sauvages, c'est Lycoris.

Le jour où Lycoris, vierge à Tamour éclose, Tendit à mon baiser son visage hautain, La perfide sourit et, d'un geste enfantin, Entre nos lèvres mit un pétale de rose.

Le parfum de la fleur, par son souffle doublé, D'une ivresse sans fin fit ma poitrine pleine; Au travers de la rose aspirant son haleine. Tout l'infini passa dans mon être affolé..


O souvenir charmant de la vierge farouche ! A jamais prisonnier d'un arôme divin, Vers les roses j'accours.. . Mais je demande en vain A leur calice ouvert le parfum de sa bouche.

Tel va mon souvenir de Tune à l'antre de ces char- mantes apparitions, comme nn flot que son cours heurte à de lumineux cailloux où il se brise en un étincellement, et ce m'est une iadorable chimère de suivre cette fantaisie d'un frère du sang latin, bien épris comme moi de l'in^- raortel poème qui nous apprit que

Ici-bas la Beauté vaut seule qu'on en meure. Et le bien de Paimer console d'en mourir !


GUSTAVE COURTOIS


Inquiétude humaine


3.


f iss on paysage rocheux, les pieds déchirés par la pierre, descendus au bord d'une source pour j boire, après la chaleur du jour, la fraîcheur apaisante du roc, cepen- dant que derrière eux, une muraille de rocher ferme l'ho- ilzon anr les soleils couchés et les espérances perdues, le premier homme et la première femme, sans donte, se demandent anxieux ce que sera l'avenir ; Ini, le front dans


la main comme pour y rasséréner la pensée ; elle, assise à ses pieds, le regardant et cherchant à deviner le sort com- mun dans ses yeux. Car c'est le destin de Thomme de mesurer, le premier, Thorreur de la destinée, et celui de la femme de raccompagner, fidèle, sur son tragique chemin.

Autour d'eux c'est la grande indifférence des choses, la dureté ensoleillée du sol infertile, le ciel désert où ne passe même pas, dans un rayon d'espérance, le vol fraternel de l'oiseau. C'est la solitude où les grands souffles du néant ouvrent, seuls, leurs larges ailes qui ne secouent dans l'es- pace aucun parfum de fleurs.

A vrai dire, l'image est saisissante de ce premier entre- tien muet, peut-être, entre la détresse de l'homme et l'an- goisse de la Femme, tous deux hantés encore du rêve éva- noui du Paradis. C'est bien loin, bien loin déjà, derrière ces montagnes sombres, que l'archange est demeuré debout, un glaive de feu à la main, au seuil de Timmortel jardin maintenant sans hôte, et qu'a dépeuplé, d'un mot, le caprice cruel d'un Dieu.

Et, dans ce double silence, j'entends pleurer l'âme hu- maine.

Quel besoin d'idéal torture ma pensée! D'un Paradis lointain quel ange m'a banni. Que je sente, en ma chair douloureuse et lassée, Quelque chose d'un Dieu tourmenté d*infiniî

Sereines voluptés de l'augu/ste matière, Inassouvissement immenise du baiser. Pourquoi n'avoir pas pris mon àme toute entière. Qu'il en reste un lambeau qu'on ne peut apaiser ?

O périssable éclat de la beauté chamelle, Pourquoi, lassant l'effort des vœux désespérés. Me laisses-tu rêver d'une chose éternelle Dans des cîeux plus profonds, plus clairs et plus sacrés ?


Car c^est la craautyé d*amours maintenant périssables que l'hommô entrevoit dans son premier rêve terrestre, au sor- tir des illusions de l'Infini et de l'immortalité. Eh quoi ! Elle se flétrira un jour, pour ses caresses, cette beauté de la Femme qui eût dû être éternelle ! Et, lui-même, il vieil- lira, dans don esprit et dans sa chair, le père des races impuissantà la sauver ! Tout cela n'est encore pour eux, que pressentiment et l'homme ne fut vraiment l'homme dou- loureux qu'il est demeuré depuis, à travers les âges, qu'après avoir VU mourir. Là, se déchire, pour lui, le der- nier voile sur l'horreur de ses destins nouveaux. Ecoutez le vieux Villon :

La Mort le faict frémyr, pallyr,

Le nez courber, les veines tendre,

Les chairs se flétrir et mollyr.

Les nerfs se disjoindre et s'estendre...

Et, avec quelle pitié tendre il ajoute :

Corps féminin qui tant est tendre, Polly, souëf et prétieulx. Te faut-il à ces maux attendre?... — Oui l ou tout vif monter aux cieux !

Voici ce qui apparut aux yeux des deoix premiers pros- crits du ciel en cette première vision de Texil sur le sol qu'allaient féconder leurs sueurs et leurs larmes.






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A. de GRAVILLON


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a àeax mains jointes et portées en avant, en nne ineffable pose de prière, elle tourne, veis on maître inconnu. ses beaux yeux suppUanta et des mots à peine murmurés entr'oQvrent seulement ses lëTres, cependant que sa che- velure, abandonnée, Ini flagelle les reios et qoe le poids de son bean corps allangui fait crier ses genooz. Ce mattre invisible, c'est le Destin, et ainsi me fignrai-je r&me bu-


maîne demandant merci. Car ce n'est pas nne mendiante que cette noble femme et ce qa'elle invoqnc c'est, sans donte, non pas aenkment la miBéricorde, mais la justice : non pas le pardon maie le droit violé. Sans avoir mesure l'effort de la tentation on le poids de la souffrance, qni oserait jamais condamner, même les pins coupables? La Pitié devrait être notre dernier Dleo, puisque nous avons tué tons les autres ! Ecoutez ce qu'elle dit :

La terre dure et froide a sent! ses entrailles Se glacer sous l'étau de la neige sans (tn. Et, comme un laboureur chargé de runérailles, L'&pre hiver a passé, semant partout la faim .

Plus de pain dans la huche, au loyer plus de flamme; Le pauvre est sans abii sous les toits écroulés: Et c'est une misère affreuse à fendre l'&uie Que laissent derrière eux les longs mois écoulés.

Tels les glaçons, au cours tumultueux des fleuves, Emportant les débris du rivage béant, Des vieillards, des enfants, des femmes et des veuves Les fragiles espoirs sont allés au néant.

Fauchant du même coup, les forêts et les rêves.

L'âpre hiver a suivi le chemin menaçant; Au cœur des arbrisseaux il a tari les sèves:' Au cœur des malheureux il a tari le sang.

Pour réchauffer leurs pauvres veines, tl faut mieux que les plaintes vaines: Il faut un effort généreux. Vous tous, les heureux qu'on envie, Soyez moins cruels que la viel Ayez quelque pitié pour eux !

Au foyer ranimez la cendre; Dans les âmes faites descendre


L'espoir, comme un rayon divin. De vos dons n'excluez personne^ A la table où la faim frissonne, Rendez le pain! Rendez le vin!

De ces fronts glacés chassez l'ombre, Et déchirez le voile sombre Qui leur cachait le ciel vermeil, Comme le printemps qui rassure, Console et guérit la nature Avec un rayon de soleil!


ERIKSSON


<BadInage innocent


JuvUB 1& terre molle tapissée de rnooEses profondee elle s'est étendue, la tête perdue dans l'oreiller profond de aa chevelnre dénoaée, nne main inerte dans la plus noncha- lante des poses, de l'antie caressant le brae, presque fémi- nin anssi, de l'éphèbe qui, avec nne inconscience parfaite de la plus m^re galanterie, meurtrit du poids de son épaule sa ferme poitrine de viei^e. Le groupe est char- mant, évoquant les plna charmants souTenirs : Paul et Vir- ginie, Daphnia et Chloë, tous ces amoureux enfants dont


les caresses sont faites de candeur. Et vraiment je plain- drais celai qui souillerait d*une idée plaisante on obscène, cette image printanière d*amours délicieusement sans but et ignorantes.

N'avons nous pas tous gardé la mémoire d'une petite amie qui fut notre première tendresse, que nous recher- chions sans savoir pourquoi, qui venait à nous sans en savoir davantage, par une de ces sélections instinctives qui préludent à nos vraies amitiés ? Moi il me suffît de prononcer un nom pour me retrouver dans le jardin bin- tain où grandissait, en même temps que moi, une qui m'a sans doute oublié. Comme presque toujours, nos familles étaient amies, et c'est le sourire aux lèvres, un sourire de doute que je comprends maintenant^ qu*on nous écoutait nous faire gravement des serments étemels. le délicieux décor, au Dord de la Seine qui baignait les deux propriétés voisines, à quelques lieues de Paris, avec de grands quin- conces de tilleuls qui descendaient jusqu'à la rivière et, dans le haut, des charmilles que dominaient les toits des deux maisons I Chacun de nous a eu certainement son Paradis en miniature et je fus chassé da mien, le jour où l'on me mit au collège pour apprendre les mathématiques et devenir un savant. Je n'ai pas dit d'adieux plus déchi- rants dans ma vie !

C'est qu'elle était jolie, et a dû l'être plus encore, et peut-être l'est toujours celleà qui ma mémoire fidèle griiïon- nait, dix ans encore, après mes premiers vers sur mon ca- hier d'écolier ! Elle avait des cheveux très noirs qu'on lui nattait au-dessus de la tête, des yeux bleus où flottaient des mondes d'étoiles, une peau si blanche que la blan- cheur de la neige ne m'étonna jamais, du souvenir que j'en ai gardé. Elle était gourmande, assez menteuse déjà, extrêmement tjrannique et abusant de la douceur


native de mon caractère. Mais, autant que je m*en sou- viens, ces défauts même me semblaient charmants.

Et nous avions, nous aussi, d'adorables nonchalances à deux, dans la tiédeur du sable ou dans la fraîcheur des mousses, au bord du ruisseau qui serpentait entre deux rives dHris, avec une eau très claire où nous allions nous regarder^ le long de laquelle je murmurai, à ses petites oreilles de nacre, mes premiers madrigaux. C'est une illu- sion sans doute, — mais nos joies ne sont pas faites d'au- tre chose — et il me semble trouver une ressemblance entre elle et cette gracieuse enfant ayant ses cheveux pour coussin.

Par exemple, nous étions infiniment plus décents dans notre costume. Nos jambes seules étaient nues et toujours égratignées par des chutes ou par des trouées à travers les haies où nous mangions des mûres. Oui vraiment, tout cela était un innocent ba,dinage.

Qu'êtes- vous devenue, ma petite amie d'antan ?

Si j'en crois les rares nouvelles qui me furent données de vous, vous en avez beaucoup rabattu, de cette inno- cence. En ce temps-là nous ressemblions à deux lys.

Elle m'aimait, je l'aimais; nous étions

Deux purs enfants, deux reflets, deux rayons.

Comme a dit Hugo dans une admirable poésie des Contemplations :

Ma petite iamie d'antan qu'êtes- vous devenue ?


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OSBERT


L'Adieu au Soleil


^1» nne neige d'or, la clarté du couchant s'éparpille,

B'avivant encore au frémisseiiient de l'eau courante, vibrante et éperdue, allumant déjà, dans l'herbe humide, le BcintOlement de terrestres étoiles. C'est un frissonne- meat ébloniesaut de lumière, nne ouate s'éclaircisetint sur


la chair rose de Thorizon tont saignant d*mie nouvelle blessure. Et,* dans nn coin d'ombre qui est traversé par cette buée éperdue de feu, la Muse, comme autrefois Orphée, se lamente, adressant, au soleil qui s'en va, les adieux de la vie impaûente de son retour. Car Fâme hu- maine a horreur de la nuit, et, c'est comme d'un tombeau^ prêt à se fermer, que le poète clame au jour son cri de désespoir et son cri d'espérance. Ecoutez-le :

N'étant plus qu'un brouillard vermeil, L'horizon dans la nuit recule. — Je voudrais, comme le soleil. Mourir dans l'or d'un crépuscule ;

Sentir l'universel émoi, Suivre au loin, ma trace blanchie, Et, d'une grande ombre, après moi, Laisser la terre rafraichie ;

Descendre seul dans mon tombeau, Mais léguer mon âme à la nue, Pour y rallumer le flambeau De chaque étoile au ciel venue ;

Emporter la vie, et pourtant La laisser rayonner encore ; Donner au monde palpitant Le gage sacré d'un aurore!

Sûr de remonter le chemin Qu'a gravi ma course première. Garder en moi, mon lendemain Fait de chaleur et de lumière.

Car l'âme d'un astre vermeil Au feu de mes veines circule. Et je veux, comme le soleil. Renaître dans un crépuscule t


Car la grande mélancolie du soir est consolée seulement par la joie des aurores à venir, par la foi dans les lois immortelles et sacrées de la Nature. Et, si l'homme s'at- triste,

Il sait bien cependant que Taube est assurée, Que le jour reviendra, pris d'un divin remord, Secouant du Matin la crinière sacrée, Et que, pour être éteint, le soleil n'est pas mort!

La douceur sereine du couchant est faite de cette espé- rance. Hélas! pourquoi tous nos adieux n'ont-ils pas cette douceur ?


DANNAT


Femme nue


S.


pARAJttBAl NoTiB sommeB en Espagne et c'est le vol crépitant des castagnetteB que secouent ces mains élevées eu l'air, d'invisibles çast^nettes comme ces cigales qu'on entend, sans les apercevoir, dans les boia d'oliviers tout gris de la poussière estivale. Et ce corps souple, an torse allongé, qui se cambre est, an moins, tordu par le souvenir


Bonore de qnelqne segnedille daneée, le soir, sons les bal- coDi, an son des maDdolinee.

EtTMige fantaisie de l'esprit, en Téribé ! C'est \m délftsse- menb, commun à tons 1«8 amateurs de plastique féminiiie, que ceint de dévêtir, mentalement, les cliarmes qui nous apparaissent sous les caprices gomptuenx de la mode, ou mâme simplement, eons le mensonge du vêtement, pour en deviner les formes réelles — plaisir indécent, assoré- meub, et d'nn goût douteux mais qui fait passer à merveille la longueur des soirées dans le monde. On j arrive d'ail- leurs à une perfection intéressante, pour peu qo'on ait fréquenté les ateliers, étudié l'esthétique sculpturale et appris que, dans le corps de la femme, tout est absolument d'une impitoyable logique, si bien que, ce qu'on en voit sufiBt à révéler ce qu'elle cache. La théorie de Lavater, sur les signes, est beaucoup plus étendue qn'ou ne l'ima- gine communément. Ce n'en est pas moins, je le répète, une distraction coupable que celle-là et qui n'est pas pour nous faire des amis parmi les maris jalons. Car d'aucuns vont, en imagination, dans cet exercice de l'esprit, jusqu'à concevoir les joies interdites de l'adultère.

Et bien, c'est une impression toute contraire que me donne cette image. Malgré moi je l'entoure d'nn imaginaire costume d'Espt^ole, et me complais à pressentir le fré- missement d'une jupe an bas de ces hanches vibrantes, et aussi, le long de ce torse allongé, un corsage de satin des- cendant eu pointe, et, autour de ces bras sonores les reflets des velours — à moins que ce soit le costnme infiniment plus suggestif des gitanes qui n'enveloppe ces chairs bru- nes aux reflets de cuivre ; — snr ces cheveux bleus conmie la Méditerranée aux jours d'orage, je m'obstiue à voir la toque aux glands ronds et légers qui frémissent au moin- Hrfi monvftment.

, magie me revient, dans la mémoire, de ces


danses qui furent une des joies de l'Exposition universelle aux temps glorieux de la Soledad, et, longtemps avant encore, cette troupe merveilleuse qui vint rae Taitbout pour étonner Paris et que Paris ne comprit pas. Car nous som- mes rebelles volontiers même au Beau, quand il nous pa- raît étrange, jusqu'au jour où l'étrange nous séduit au même degré que le Beau. C'est une forme du snobisme national capable aussi bien de passer à côté des merveilles que de s'engouer pour des mascarades.

Mais revenons aux danses Espagnoles et à ces filles extraordinaires dont voici un échantillon, que coiffe une crinière d'un indigo sombre et qui se trémoussent en une pantomime tour à tour caressante et furieuse où se jouent d'obscurs drames et de mystérieuses comédies passionnelles dont nous ne devinons pas toujours la fin des fins, heureu- sement pour notre pudeur. Car nous sommes loin, avec ces sensuelles chorégraphies, des danses religieuses que nous ont apprises les filles de Java, si délicieuses en leur joli petit vêtement de prêtresses, et dont chaque mouvement, hiératique et solennel, semblait scander une prière, vision charmante où toutes mes piétés se sont exaltées au son d'instruments monotones qui semblaient le bruit mono- tone de la vie elle-même.

Quel contraste avec celle-là qui n'est qu'une tentation chamelle des regards, l'attirance d'un sourire pervers, la séduction des âmes damnées, les danses de Carmen pous- sant José à déserter pour la suivre dans les montagnes, danse de Salomé, peut-être, demandant à Antipas la tête d'un martyr. Car il y a de tout dans cette folie faite de soleil et de sang.


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INJALBERT


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t m tme mélancolie profonde, en une détresse déses- pérée, elle a enfoni, entre ses gpnonz, comme pour le ca- cher à la face dn ciel, son front où brille oependant l'im- mortelle Beauté, et, les bras noués en nue étreinte où Bes propres chairs sont Dieortries, elle demeure auprès dn fruit fatal que seâ mains défaillantes ont laissé tomber.


Sur le tiède oreiller qa'elle se fait ainsi à elle-même, se répand sa lourde chevelure toute embaumée encore de paradisiaques parfums, et tendue, comme un arc, par la douleur, son échine aux admirables souplesses semble une chaîne de collines neigeuses aux hannonieûses ondulations. Celle qui sera la mère douloureuse des races est comme anéantie dans la mémoire de son péché.

£t cependant, quelle consolation lui viendrait de la vengeance si elle pensait à ce que le Paradis est devenu sans elle, rimmortelle image de la Beauté! Les autre races vivantes ont suivi, sur la terre, nos parents chassés, captifs d'instinctives servitudes, jusqu'au lion pensif, jusqu'à l'aigle révolté. Toute la vie est descendue, avec eux, dans cette vallée de larmes que nos larmes ont creusée plus avant encore dans le roc, et je me demande, en vérité, ce qui demeure là-bas, auprès du Dieu qui se fit cette soli- tude? Quelle autre consolation encore devrait venir à Eve d'avoir emporté l'amour !

Ne pleure donc pas, ô femme, toi à qui ton Dieu n'a rien repris, puisqu'il t'a laissé la splendeur des formes et l'éclat dompteur dont les âmes sont subjuguées. Certes, dans ce paradis que tu regrettes, tu n'aurais jamais connu ni la douleur, ni la mort. Mais - aurais-tu connu les déli- cieuses angoisses du désir, en ce séjour fait de parfaits as- souvissements, où tout vœu était exaucé, où le bonheur calme des possessions sans combat régnait en maître ! Ah ! ce que vaut le baiser conquis par d'effroyables obs- tinations, ce que vaut la possession longtemps refusée, ce que vaut la victoire d'amour après la lutte seulement, l'aurais-tu connu jamais ? Tu n'as rien perdu si tu as conscience du poème admirable qui chante, pour toi, au cœur de l'homme :


Quand il rêve qu'enfin, par les anges suivi,

Il t'emporte, endormie au sein d'un nouveau monde,

Qu'extasique et, pareil en ton âme profonde

Aux femmes en douleur, il entrevoit, ravi,

La première lueur inondant tes prunelles. Et tes premiers sanglots d'un sourire apaisés, Et tes pieds nus encor des langes de baisers Où les enfermera sa bouche maternelle.

Car c'est un fruit vivant qu'il porte, dans son cœur, L'époux chaste aux genoux de la chaste épousée. Fruit vermeil et sanglant d'une sainte rosée. Mûri dans l'ombre, éclos sous le soleil vainqueur.

C'est tout son être à lui ! germant sous sa mamelle, C'est l'espoir fécondé des floraisons d'amour Qui furent sa jeunesse et n'ont duré qu'un jour, C'est son âme entr'ouvant sa ramure jumelle^

Quand sentant que sa vie a fini de mûrir, Comme un arbre géant sur ton cœur il se penche, Et dit : Eve, ma sœur, soulève ta main blanche. Et cueille le fruit d'or qui me fera mourir !


Car, rhomme, lui, ne regrette rien et jamais ne t'a maudite, ô source radieuse de tous ses maux ici-bas!


J


BARTHOLOMÉ


Le Secret


K


OCR nooB ea montrer les charmes, en un enlacement

exqoia, Jean Gonjon n'avait reqnis qne les trois Q^r&cefl. Une qnatrième est née, sans doute, depuia. Car ellea aont quatre, en ce bas i%Iief, qal nona donnent, à fort pen près le spectacle d'nn pareil développement. Il est vrai que ce n'est pas senlement pour étaler la gloire de leurs poses triom- phantes et variées qu'elles se sont réunies, en ce groupe


aux attitudes diverses bien plus que les modèles. Un secret circule entre elles, un secret d'amour vraisemblablement^ et c'est pour se le confier qu'elles sont venues dans ce coin de bois qui met au-dessus de leurs têtes, comme une guir- lande de feuillage.

C'est à l'oreille même de sa voisine, après avoir ramené sa main, en l'arrondissant conmie une conque, sur sa joue, que celle dont le cœur ne peut plus supporter le silence murmure, les mots dont toutes sont si fort intéressées; aussi bien celle qui tourne doucement le cou pour mieux entendre, que celle qui penche sa tête du côté de sa voi- sine, que celle qui, plus lointaine, espère cependant avoir un écho de cette confidence. L'invention est tout à fait charmante, les mouvements sont absolument justes, et je trouve une grâce infinie à cette composition, une grâce idyllique et lointaine. Ces quatre jeunes filles blanches^ aux formes virginalement ondulantes, ne vous semblent- elles pas pareilles aux vagues qui, par une mer calme, à peine coiffées d'argent, semblent aussi se faire une confi- dence, l'une vers l'autre poussées, répétant le monotone secret des abymes céruléens où la vie semble se retremper dans d'éternelles funérailles ? Et, le secret qu'elles se con- fient ressemblent fort à celui-là. Car cet amour qu'elles ne connaissent pas, il ressemble, lui aussi, à TOcéan qui attire et qui engloutit, profond comme lui, comme lui impitoyable. Savent-elles tout ce qui tient de délices, et de tortures dans son seul nom ?

Non certes. L'une d'elles, celle qui parle, a, sans doute écouté, pour la première fois, son langage charmeur qui a sonné, dans sa mémoire, comme une musique délicieuse, mais dont on ne comprend pas les paroles. C'est une énigme qu'elle soumet à ses compagnes qui vont tenter de l'éclair- cir de la meilleure foi du monde. En vérité, serions-nous


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ravis d'entendre cette petite consultation. Nous aussi nous allons tendre l'oreille.

Mais jusqu'à nous ne parvient qu'un très doux chuchot- tement, mêlé au bruit léger des branches d'où s'envolent les fauvettes dépitées d'avoir entendu des oiseaux plus babillards encore qu'elles, et désertant les glycines pen- dantes qui semblent, de loin, des raisins d'azur. Et puis que nous servirait-il de le connaître ? Peut-être aurions-nous la tristesse d'apprendre que c'est un sot parfait qui a charmé cette jouvencelle dont ses amies envient le bon- heur! ^

Contentons-nous de regarder les jolies grains de ce rosaire qui s'égrène sans nous laisser écouter sa prière. Je ne sais rien de plus chaste que ces formes juvéniles s'effleu- rant en d'innocentes caresses, et je louerai surtout l'artiste de leur avoir donné ce caractère d'idéale pureté. Ainsi imaginerai-je, en quelque parc profond, les petites nym- phes patronnes des ruisseaux qui courent, dans l'herbe haute, avec le même murmure et se rejoignent dessinant, entre eux, des îlots de fleurs, grands iris au cœur velouté ou narcisses à la prunelle d'or sous des paupières liliales, tous ayant le même murmure argentin sur l'or d'un sable pareil. Car c'était une idée exquise, entre autres, de la mythologie antique, d'imaginer une âme mystérieuse atta- chée aux moindres choses de la nature, et y mettant un tressaillement, pour ainsi parler, humain.

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Et maintenant que je vous ai louées, comme il convient à votre mérite, ô mesdemoiselles, gardez votre secret pour vous, mais ne vous le contez pas trop lentement les unes aux autres. Car vers la glycine encore, j'entends venir le vol sonore de l'abeille qui, comme l'Amour, a des ailes, et, comme l'amour aussi, un aiguillon.


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t.




VALLGREN


Consolation


%jf ous rappelez-vous le joli groupe que le scatpbeur Jean Baffier exposait, ÏI y a quelques annéee, sous ce ti- tre : Le Paradis sur terre ? Un homme jeune et d'en- colure vigoureuse, an corpa de paysan, y pressât, dans ses bras, une femme, et leurs deux bouches se mêlaient en un baiser plein d'extase, tout le reste dn monde ayant dis- paru antonr d'eux. La âèvre des saintes caresses faisait


vibrer à ronisson oes deux êtres dont les âmes étaient mêlées en même temps que les lèvres. Jamais image du plaisir sain el robuste, de l'amour agreste, dans sa noble brutalité, n'avait été rendue avec cette puissance et cette intime profondeur. Oui, c'était bien vraiment une vision de bonheur, de tout le bonheur que Thomme, exilé du ciel, peut enfermer dans sa fragile destinée. Car ces deux êtres étaient bien des exilés d'un Paradis autrefois rêvé, mais qui avaient su, dans les délices de Tamour, se refaire une patrie, et qui ne regrettaient vraiment plus rien.

Je ne sais pourquoi cette œuvre nouvelle d'une femme me ramène au souvenir de cette belle œuvre, et pourquoi, dans ces deux créatures qu'enlace une indicible étreinte, il me semble retrouver des parents de ceux que Baffier nous avait montrés triomphants. Un nouvel ange, armé du glaive impitoyable, a-t-il aussi chassé ceux-là, même du terrestre bonheur, où ils avaient un instant cru retrouver les célestes joies de l'Eden fermé ? Toujours est-il qu'une douleur obscure a certainement passé sur eux, les courbant d'un même souffle, comme les arbres jumeaux d'une même forêt, et que c'est, meurtris d'un même orage qu'ils se ri- vent, désespérés l'un à l'autre, dans im redoublement de tendresse pour lutter contre le sort, se nouant comme pour mieux résister à la tempête, dans un suprême enla- cement.

Et bien longtemps, je ne cherche pas quelle fut, pour eux, cette mer d'amertume qui les a submergés, les jetant sur le même coin de rocher comme une épave. J'entends, en eux, gémir l'âme jumelle d'Adam et d'Eve, pleurant le doux Abel, le premier mort de l'humanité. L'enfant: qui avait grandi entre eux n'est plus là et ils ne veulent pas être consolés. Mais, en eux, la Nature consolatrice met l'espoir, inavouable à leur chagrin, de réparer le mal fait à leur race, et voilà qu'ils se reprennent à s'aimer,



sans le comprendre, d'un attachement plus vivace encore et désespéré.

Il n'est d'ailleurs de consolation que dans l'amour. Car, puisqu'il est permis à l'esprit d'inventer, devant ces choses plastiques de l'art, qui nous sont, avant tout, une source d'impressions, je ne jurerais pas que ce n'est pas un amour jaloux et blessé qui se console. Car, dans le bien d'aimer, il n'est pas de joie plus grnnde que le pardon. Qui sait

de quelle curiosité mal assouvie nos infidélités sont sou- vent faites et combien elles laissent intacte, en nous, l'idole que nous profanons, en un moment rapide d'infidé- lité? Un rêve ! mais voici la constance qui nous ramène vers les baisers longtemps savourés, comme vers une source où nous boirons l'oubli même de la faute et la sa- veur de la réconciliation. C'est peut-être à un de ces re- tours que nous assistons, à une de ces caresses intimes qui sont faites de remords et d'un redoublement sincère de tendresse. Soyez assurés seulement qu'ils sont heureux, à travers leurs larmes et, loin de les plaindre, enviez ces bannis qui ont retrouvé l'éternelle patrie, l'Amour I


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CHÉRET


Les 'Papillons




L'est antonr d'nn VBse que lenr vol captif promène Bon apparente fantaisie, et leurs ailes sont prisonnières de l'aigile, leniB ailes dont nn travail impie a figé la divine et mouvante poussière, pareille au pollen délicat des fleurs. Et c'est comme les étoiles, dans leur course ciicnlaire et monotone, sor la route que leur ont tracée les destins, en-


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Maurice ELIOT


Zéphyre et Flore


Jfi^UB an lit moëllens qni n'eBt qa'tine jonchée de flenre, ea un enlacement d'iris, de mai^erites énormes et de roses an cœur grand onvert, de roses sans épines sans doute, elle repose en une pose adorablement nonchalante, nue main ramenée sons la nuque et l'autre pendante en arant, les deux jambes rapprochées comme deux fleuves lactés qni, un instant, ont mêlé leurs ondes. Et, cepen- dant qu'un songe très doux a fenné ses paupières, une


grande lumière baignant toat son corps aux nacres vi- vantes, ayant traversé la mer au rythme de ses ailes trans- parentes comme les ailes azurées des libellules, Zéphyre est accouru qui, devant elle, demeure en extase, tendu en avant, cloué au sol par de religieuses timidités, les mains jointes sons le menton comme dans une prière. Et tout supplie, en lui, le regard obstinément âxé sur ce trésor de grâces chamelles, les lèvres qui murmurent je ne sais quel aveu.

Tout autour, c'est comme une apothéose des amours prochaines, toute la Nature en fête autour de ces deux cœurs qui vont s'éveiller à la même tendresse, aux déhces du baiser qui semble frémir déjà, comme un oiseau in- quiet, sous le feuillage. Le flot, baigné d'une clarté ou courent des reflets de rose et de bleu, palpite doucement, et les sinuosités du promontoire fleuri semblent attendrir leur courbe pour donner, au paysage, je ne sais quoi de caressant et de paternel.

En vérité, voilà une fable charmante ressuscitée, une délicieuse idylle rajeunie par la modernité des moyens, une page exquise détachée du livre éternel de la fantaisie. La visite de Zéphyre à Flore n'est-ce pas celle du papil- lon à la fleur? Écoutez passer, dans l'air, cette chanson de Printemps que les Dieux apprirent aux amants mor- tels, avant de quitter la terre :


Le doux Printemps a bu, dans le creux de sa main, La fraîcheur des baisers qu'au bois mettait l'aurore. Vous aimerez demain, vous qui n'aimiez encore Et vous qui n'aimez plus vous aimerez demain — Le doux Printemps a bu dans le creux de sa main.

Le Printemps a semé dans Tair des fils de soie, Pour lier sa chaussure et courir par les bois. Vous aimerez demain pour la première fois,


Vous qui ne saviez pas cette éternelle joie.

— Le Printemps a semé dans l'air des fils de soie.

Le Printemps a jeté des fleurs sur le chemin Que la Beauté remplit de son rire sonore. Vous aimerez demain, vous qui n'aimiez encore Et vous qui n'aimiez plus, vous aimerez demain,

— Le Printemps a jeté des fleurs sur le chemin.

A moins que vous n'aimiez mieux écouter la chanson que Zéphyre dit à Flore endormie :

Tandis que l'aurore dénoue Les cheveux ardents du soleil, L'or des tiens flottant sur ta joue Luit d'un rayonnement pareil.

Tes bras nus et ta gorge nue Que baisent tes cheveux mouvants, Se colorent, comme la nue, De frissons roses et vivants.

Et ta bouche, où l'âme attirée Trouve une éternelle prison, S'ouvre comme la fleur pourprée Dont le cœur monte à l'horizon.


PIETSCHMANN


Au (printemps


Comme un faune ejidormi dont les nymphes lascives Ont caressé les flancs de leurs gerbes de fleurs, L'An se réveille et prend mouvement et couleurs. Au doux flagellement des brises fugitives.

O Printemps! un frisson court dans l'air matinal ; La sève mord l'écorce et le lierre l'enlace; Et la source, entr'ouvrant sa paupière de glace. Sous des cils de roseaux montre un œil virginal.


Ve&t ce moment divin du renouveau que nous montre le peintre, en un grand enchevêtrement de plantes et de formes vivantes, les arbres secouant des gemmes à leurs branches rajeunies, les êtres se poursuivant dans les hautes herbes, une joie immense de vivre ayant empli la terre sous la première caresse des cieux. C'est le rut sacré qui fait les races dont l'espace est agité, les sourires dé- couvrant les dents blanches et les chevelures se dévelop- pant au vent tiède comme des drapeaux. Un grand cri de délivrance et de volupté a passé, que le monde tout entier a entendu, dont frissonnent les choses même que nous croyons insensibles. Un bruissement d'insectes amoureux court sous les gazons et les oiseaux se poursuivent déjà dans les branches où pendent les premiers nids.

C'est le Printemps et c'est aussi le matin.


De l'horizon perdu dans les frissons de l'air, Comme un fleuve lacté ia lumière s'épanche Sur les coteaux légers que baigne son flot clair.

— L'Aube sur les coteaux traîne blanche.

Les grands arbres, sentant les oiseaux éveillés, Chuchottent dans la brise où monte et s'évapore L'âme des lys hautains par la nuit effeuillés.

— L'Aube sur la forêt pose son pied sonore.

Sur l'herbe drue où court l'insecte familier Une gaze de longs fils d'argent s'est posée, Et la bruyère aiguë est pleine de rosée.

— L'Aube sur les gazons égrène son collier.

Dans le ruisseau que l'Aube eflîeure de ses voiles, Se réfléchit déjà le doux spectre du pleur, Et, sous l'onde où tremblait l'œil furtif des étoiles S'ouvre l'œil amoureux des pervenches en fleur.


Car, comme le chante encore la brise, dans les feuil- lages :

C'est le printemps! c'est le matin! Double jeunesse!

Aimez-vous sous les neiges éperdues des floraisons blanches qui deviendront les maturités glorieuses de Tété, ô vous qui unissez vos cœurs à cette grande et sainte ivresse des choses, à ces magnifiques effluves d'amour dont la terre et le ciel sont comme traversés. Car, dans cette grande joie des renouveaux, le dernier frisson de l'hiver disparu passe encore aux coupures de la brise matinale, et, si rhomme n'avait pas reçu, de la pitié des dieux, le don d'oublier, il pressentirait déjà, sous les apparentes immortalités de cette résurrection, l'hiver qui reviendra, ne laissant même plus, aux branches, leur linceul de feuilles mortes.



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