Kryptádia Vol. 8  

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"Le wallon, comme tous les patois, est riche en termes inconvenants"--Kryptádia Vol. 8 (1899)

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Kryptádia Vol. 8 (1899)

Full text[1]

KPrHTAAIA

voL.vm.


Tiré à 175 exemplaires numérotée à la main

N« 




KPYHTAÀIA


BEOUBIL DE DOCUMENTS POUR SERVIR

À L'ÉTUDE

DBS TRADITIONS POPULAIRES

VOL. VIII



PARIS

H. WELTER, ÉDITEUR

4, RUE BERNARD-PALI8SY, 4

1902. Tous droits réservés.






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( r.u l r. }


Imprimerie polyglotte à Weimar.






Chez les Wallons de Belgique.


Notes de vocabulaire.

Le wallon, comme tous les patois, est riche en termes inconvenants, riche surtout en termes employés figurément dans nn sens inconvenant II est peut-être plus riche qu'aucune autre langue romane, si l'on eu juge par le fait que, dans tous les autres sens, son vocabulaire est singulièrement corn* plet et développé, et qu'il témoigne con- stamment, dans les acceptions, d'une capa- cité de pittoresque vraiment remarquable.

Cette fécondité, ce pittoresque, on en trou- vera la preuve dans un travail très curieux, publié en 1868 par un lexicographe liégeois M. Albin Body. Le Vocabulaire des pois- sardes du pays liégeois, comme l'intitule son auteur, recueil des épithètes que le peuple considère comme injurieuses en wallon, ne comporte pas moins de cinq à six cents vo- cables encore vivants.

Kqvtit. VIII. 1






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Le travail de ftL Betty, tout-à-fait remar- quable à bien des égards — et peut-être unique, — ne pouvait comprendre les termes obscènes, de sens propre et de sens figuré, dont on a tenté de constituer une liste ci- dessous. Cette liste, hâtons-nous de le dire, est du reste loin d'être aussi complète en son genre que le Vocabulaire dont il vient d'être question. Et la première raison en est la difficulté qu'on rencontre de se ren- seigner sur les dialectes autres que celui de Liège, étant donné surtout le caractère spécial du sujet.

On a cru bien faire, eu égard au nombre peu considérable de vocables, d'adopter l'ordre systématique au lieu de l'ordre alphabétique ; et, pour chaque sujet, on a d'abord donné les vocables anciens et les termes propres actuels, avant d'en arriver aux expressions figurées. On a du reste puisé les exemples et les explications dans les proverbes, aphorismes et facéties, plusieurs de ces dernières ayant peut-être suffi, par leur popularité, à créer celle de certaines expressions figurées qui, à l'origine, sont certainement dues à la fan- taisie personnelle de quelque farceur.






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1. L'organe féminin.

1. Conin, terme générique. C'est le vieux mot que, dans son sens propre, le mot «lapin a a remplacé et qui était encore en usage à Paris au 17® siècle, puisque Le Roux, Dictionn. comique I. Vo, dit qu'il faisait dans les cris des rues rire ou rougir les filles. Il a été relevé avec la signification de «lapin", par Body, Vocab. des Agriculteurs, dans tous les patois wallons. Il est aujourd'hui en pleine désuétude dans cette signification honnête. Il est souvent une injure chez les poissardes. Ex. v\x conin, mâsbi conin, vieux, sale con. — Dit des mères à leurs filles : Ouvrez les yeux et fermez le conin. Conseil de haute sagesse. — Une jeune fille haut sur jambes est générale- ment nommée: haut ënconnôe. — Les jeunes filles, pour dire qu'on leur a fait des pro- positions déshonnêtes, disent parfois qu'on leur a proposé de gagner cinquante pour cent. Cette opération consisterait pour le jeune homme à sentir la moitié du conin, pendant que la jeune fille sent le vit tout entier.

2. Connette, diminutif du précédent; plu- tôt Namurois.

3. Conârd, dérivé. On dit parfois canard, par fausse analogie. A Liège, un conârd est aussi un lâche.

1*






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4. Canou, petit eon. Diminutifs enfantins: nanou et nana. — Un noël français, très po- pulaire dans les églises du pays de Liège contient un vers où il est dit que Jésus „ descendit jusqu'à nous 11 . On l'a transformé : „ descendit parmi nous" et il n'est pas un chanteur qui oserait reprendre le texte exact : on éclaterait de rire en pleine église.

5. Mosette, terme liégeois et namurois. On a voulu rattacher ce vocable au latin M osa, la Meuse. La mosette, comme la Mo- selle, serait une petite Meuse. Le terme, du reste, passe pour joli et caressant. — Mais il semble qu'il faut simplement voir ici un diminutif du wallon mosse, flamand moBsel, nom du mollusque que nous appelons moule. Le Wallon trouve que la moule ouverte rappelle par sa forme générale le con; il voit même le clitoris dans une sorte de petite boule noirâtre qui apparaît entre les lèvres de l'animal étalé. On assure aussi que la mucosité vaginale a tout à fait le goût du jus de moules, du liquide que l'animai dé- gorge à la cuisson. — Il faut remarquer que le Wallon, et particulièrement le Liégeois est très friand de moules: on en mange à Liège toute l'année, dans des établissements parti- culiers dont l'enseigne „frites et moules", et






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la grosse lanterne, attirent dans les petites mes la clientèle la plus mêlée. — Facétie: Un jeune homme ignorant demande à on camarade „si c'est bon, le con." „Moi", dit l'autre, , je m'y connais peu, je n'en ai goûté qu'une fois. . C'est un trou que les femmes ont enfre lès jambes. Si tu y mets la main, cela sent tout de suite le fromage. Si tu y mets la langue, cela te goûte comme du jus de moules. Mais si tu y mets la queue, ah! alors, c'est du sucre, mon garçon ! . . ." — Dicton: telle hannette (nuque) telle mosette. Règle de physiognomonie. — - Voy. le supplément.

6. Gatte, terme vieilli. Cf. le flamand gai, trou. En wallon le mot gatte (flamand geit) signifie aussi chèvre; d'où l'expression à double sens: ine grande gatte, pour dire une femme grande, efflanquée: les chèvres pas- sent pour être le type de la maigreur, surtout chez les femmes. Pour dire: une femme, on dit souvent: ine gatte avou on eantrain, un trou (ou une chèvre) avec un tablier. — Le Wallon n'a pas de dicton mé- prisant à l'égard de la chèvre. Or, dire de quelqu'un : c'est ine gatte, revient à dire : c'est un pas-grand'chose, c'est un individu mé- prisable. Nous avons donc bien affaire ici à un souvenir du mot flamand. — Le terme






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gatte dans son sens déshonnête se retrouve dans ce vieux couplet sur les invasions, où cependant il n'est plus guère compris: Grand 1 mère savez (cachez) voue gatte Ca vocial les saudârds (voici les soldats).

7. Natte, du mot nateure, ci-après. — Une natte est aussi une femme sans énergie, sans vigueur, et l'injure est naturellement renforcée quand elle s'applique à un homme: ine natte dans ce sens, c'est un homme efféminé, ou un conârd, un lâche.

8. Nateure, partie naturelle d'une vache. Passe pour un terme honnête, appliqué aux femmes.

9. Lu crin, la fente, li crèné, le fendu, termes verviétois et liégeois. — Crèné est aussi le nom d'une sorte de pain mollet, orné d'une dépression longitudinale au milieu.

10. Levgo, mot verviétois ; au sens propre: sorte de boudin ou cervelas fort estimé du peuple, ce qui explique cette acception sin- gulière : dire du con qu'il est un levgo, revient à dire que c'est une friandise.

11. Spâgne-mâ, littér. épargne - maille; tirelire.

12. Li p'tite soûr, la petite sœur. Cor- respond au «petit frère 1 *, nom du vit. C'est






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ainsi qu'en conversation amoureuse, la femme

désigne son cou, et l'homme son vit.

13. Cou, littéralement: cnl. Exemple: dji i\ a sintou s' cou, je lui ai senti son con. — L'expression vîx cou sert fréquemment d'appellation familière, avec le sens de cul, chez les hommes; adressée à une femme, elle n'est guère employée que comme injure, infligée à une femme décrépite. — Dire d'une fille qu'elle est on tchaud cou c'est dire qu'elle est passionnée*). — Proverbe philo- sophique: Deux cous qui a? ont djondou (qui se sont joints) sont parints po tint ans. Deux culs qui se sont joints sont parents pour cent ans. — Autre proverbe philosophique: On poyetche di cou est pus fwêrt qu'îne cwede di barque. Un poil de con est plus fort qu'une corde de barque. — Dicton facétieux: Cou qu'est vèyou n'est rien pierdou. Cul qui est vu n'est pas perdu. Variante honnête: Çou qu'est vèyou etc. ce qui est vu, etc. — L'ex- pression hiner de cou t littér. lancer du cul, se dit proprement d'un cheval qui rue. Elle s'emploie aussi fréquemment dans un sens détourné, par exemple dans cet aphorisme

  • ) Pour empêcher les poules de se mettre à couver,

on leur „refroidit le cul" en le maintenant danB un seau plein d'eau.






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populaire dans les basses classes des villes: Quand une jeune ouvrière a hinè de cou (fait la putain) pendant dix ans, elle est encore bonne pour un ouvrier. — La femme adul- tère au Borinage est l'objet de sévices de la part de la population: on s'en saisit, on la couche et on la lie sur une brouette, les jambes en avant, ventre en l'air, sexe à nu. On la promène en cette posture et tout venant lui jette à pleines mains des ordures au sexe. Une bonne femme, voyant son bam- bin s'amuser à pareil spectacle, le saisit par la main, et prise d'un sentiment de pudeur indéfinissable, lui dit: Viens ici, m% si cVtf tu eu qu'i t'faut vtr, èdj te mouitrerai Vmt; si c'est un con que tu désires voir, je te montrerai le mien.

14. Tabernaque. Se dit surtout du cou d'une vieille et a un sens injurieux. Ex. vue (vieux) tabernaque, mâêit (sale) tabernaque»

15. Li golzâ, mot liégeois ; au sens propre: sorte de chausson aux fruits (pâtisserie). Ce mot est du même esprit que levgo (n° Ifi). — Caresser une femme qui a ses règles se dit: graun le* pommes fou de golzâ, tirer avec les doigts les pommes du chausson.

16. Pitchou, U p'tit pitchou, terme de caresse intraduisible. Cf. le provençal pitchoun.






CHEZ LES WALLONS DB BELGIQUE.


17. Indjin, engin. Ce mot, en wallon, est souvent de sens indéterminé, et sert fréquemment à désigner une chose dont le nom ne revient pas à la mémoire. — Voir ci-après n° 50.

18. Colback, allusion (à cause des poils) à la coiffure 'militaire qui porte ce nom.

19. Boque §in$ dints, bouche sans dents. — Voir Kqvm. VII, p. 5, un conte flamand, très populaire aussi en Wallonie. — L'idée que le con est une sorte de bouche se retrouve sans doute partout. Nous disons bien: une telle en a déjà ,.goûté" . . . Dans le même ordre d'idées, citons le mot, traditionnel chez nos demi-vierges désirant encourager les conteurs de gaudrioles: Allez, allez, ne vous gênez pas pour moi, ne craignez pas de me scandaliser, dji k'nohe tôt, $âf li gos$e, je connais tout, sauf le goût (de la pine).

20. Li gayoûle, la cage (de l'oiseau). — Sur ce mot, voy. ci-après n° 53.

21. Bamtai, tchtna: sortes de paniers à la main. — On traîné tchèna, un panier troué, c'est une femme ou fille débauchée. — D'une jeune fille qui a été dépucelée, on dit qu'on ft a k'frohî ê'banttai. Le mot k'frohî signifie trouer en saccageant, et s'emploie par exemple pour le fait d'une vache qui passe






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violemment au travers d'une haie. L'expres- sion de banstai (panier) remonte peut-être, dit Body, à la mode des paniers.

22. Trau, trou. Terme bas et vulgaire. — Qu'est ceci, dit un latiniste de cuisine? Et il prononce: alter ûtrô. Ce sont quatre bo- tresses*) accroupies: à V terre hût traus, à terre huit trous.

23. Li p'tit molin, le petit moulin: terme de caresse. — Proverbe: Pour dire d'une femme qu'elle est pauvre, on répète : Si mère lî lèya deux molins, onque à Vaiwe et onque â vint. Sa mère lui laissa deux moulins, un à l'eau (le con) et l'autre au vent (le cul). — Facétie: Deux frères voulaient construire un moulin rue de Hesbaye, à Liège. Si nous le faisions là, dit l'un, nous nous servirions- de la Légia (petit cours d'eau qui vient d'Ans à Liège). — Là, dit l'autre, en montrant la colline, il irait au vent. Ils consultent une botresse: Mettez-le, dit-elle, entre mon cul et mon con, quand il n'ira pas à Peau, il ira au vent!

24. Li pwette d'amour, la porte d'amour: terme poétique. — La femme à qui son mari


  • ) Botresse, sorte de porte-faix femelle. On trouver*

plus loin des facéties de botresses.






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on son amant reproche d'être trop large, ne manque pas de répondre: La porte s'ouvre suivant le visiteur, li pwette si drouve sorlm Vmonsieu. Le dicton s'emploie fréquemment en guise de proverbe, dans des sens tout honnêtes.

25. Li p'tite bwette àx sotrhyes, la petite- boîte aux plaisanteries. — Une jeune fille- trop amoureuse s'excuse d'ordinaire en ces termes : „0n ne me Fa pas mis pour mesurer du sel. tt Dans le Brabant, on dit plutôt: Ça n'est m fait pou donner à bwêre aux pouyes (pour donner à boire aux poules). Ce qui revient à dire: J'en use suivant l'indication de la nature.

26. Li p'tit rôtllé, le petit rayé (allusion aux replis des lèvres). — La tour Eiffel et le Trocadéro ne sont jamais désignés par les Liégeois facétieux que par ce jeu de mots: li tour qu'infelle divant Vtrau qu'a des rôyes, la tour qui enfle devant le trou qui a des- raies.

2. Le clitoris.

Le clitoris porte différents noms dont voici les plus caractéristiques.

27. Li boton, li boton d'cint mèye djôyes, lfr bouton de cent mille joies.






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28. Li cèlthe, le cerise. Li jnrttte, le noyau (de cerise). — Avez-ve tchaud (ou avez-ve -bon) vo88e cèlthe? Cri des rues que la cra- pule adresse aux bicyciistes dames, à Liège.

29. Li pHit Jètus.

30. Li crition, le cri-cri. Cette expression -est peut-être amenée par le mot caratckon, •qui signifie chatouillement. — Petit couplet:

Ma tante, ma tante,

Y a l'crition qui tenante:

Dj'a planté des céleris,

Et i tenante co todis!

(Ma tante, ma tante,

Le cri-cri chante:

J'ai planté des céleris

Et il chante encore toujours !)

31. Li nawai, le noyau.

32. Li brèzette, la petite braise (?). — Ex- pression populaire: dji li a fait bâhî (baiser) brèzette. Dans le même sens que le français : je lui ai fait baiser mon cul. A qui demande

ce que c'est que brèzette, on répond: c'est le cul (con) d'une chèvre (gatte, voy. ci-dessus n 6), ou, d'une vieille femme.

83. Li linwette, la languette. — Devinette: Pourquoi les femmes s'essuient-elles après

  • voir pissé? Parce qu'elles ont la linwette

trop courte, sans quoi elles se pourlécheraient!






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3. lie périnée.

84. Le périnée chez la femme, s'appelle- U vôye àx lum'çons, le chemin des limaçons; par allusion à la traînée de matière gluante que ces animaux laissent derrière eux.

84H*. Chez les hommes, c'est U salle di danse des coyons, la salle de danse de* couilles.

4. L'organe masculin.

L'ensemble des organes sexuels chez l'homme s'appelle?

35. Li magot, c. à d. le ramassis. Ou: U paquet,

36. Les erliques, les reliques.

37. Li djett, le jeu. — Laisser voir son jeu, c'est découvrir ses parties sexuelles.

38. Li hasse di pâle, l'as de pique. Le peuple trouve que, le vit étant appliqué sur le scrotum, et flanqué des testicules, l'en- semble, affecte la forme d'un as de pique. — Il y a quelques mois, au tribunal de Liège,, une femme appelée comme témoin se plaignait des entreprises d'un malheureux accusé d'attentats; elle jouait la prude avec affec- tation; entre autres choses, elle raconta que l'accusé, rencontré dans les champs, l'avait






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suivie et subitement lui avait crié: Marie, il tourne du pique! Elle avait tourné la tête. A cet endroit du récit, le juge lui demande l'explication de cette expression populaire. A grand'peine elle s'exécute. „Mais alors**, dit le juge sagace, «puisque vous saviez ce que cela signifiait, pourquoi vous êtes- vous re- tournée?** — Cette question interloqua la femme, qui fut, après un interrogatoire séné, convaincue de faux témoignage, condamnée, et arrêtée séance, tenante.

39. Li floquet, la double boucle (d'un nœud). — Voir la facétie de la création de l'homme et de la femme, ci-après, n° 1 des contes. — Autre facétie: une niaise recevait pour la première fois «le bon Dieu**. Crain- tive d'abord, elle n'avait voulu qu'un petit morceau. Bientôt, elle avait exigé tout le «bonbon**. Elle exprima son vif désir d'en avoir encore plus. Et son amoureux lui affirmant qu'elle avait réellement tout, elle voulut s'assurer si cela était bien vrai. Ses investigations la conduisirent naturelle- ment & constater la présence des testicules. ^Qu'est cela?** dit-elle. — «Ce sont les nœuds du floquet, c'est un embellissement**, dit-il. — „Ah!** dit-elle, «donne-moi cela aussi, car d j'aime à esse gâye* (à être belle). — «Mais**,






CHEZ LES WALL0N8 DE BELGIQUE. 15


dit-il, „cela ne se peut, ce que tu sens n'est là que pour l'honneur." — „De petites gens comme nous n'ont cure de l'honneur. Donne-le moi, et que cela finisse. " Et comme ce dé- bat avait refroidi les organes, elle se mit à pleurer et en fin de compte elle lui dit: „Tu y ois l'effet de ta vanité ! Les idées de gran- deur ne conduisent jamais à rien de bon! . . ." 40. On boquet d'sâcisse et deux ou», un morceau de saucisse et deux œufs. — Ce plat est le régal du campagnard. — Facétie: Un jeune roulier, au détour du chemin, écrase une poule sous sa roue. Une ménagère qui a vu cela, accourt et reconnaît son unique poule dans le corps du délit. Elle se met à pleurer comme une Madeleine, et elle se la- mente : „Ma pauvre poute, ma pauvre Pikette*), une si bonne pondeuse! Je n'avais qu'à mettre la main sous sa queue, et j'y trouvais un oeuf.** — „Eh bien, bâcelle", dit le roulier, „il n'y a rien de perdu: mettez la main sous la mienne et vous en trouverez deux."


5. Les noms du vit.

41. Coye, correspondant du fr. couille. Ce mot est très usuel dans plusieurs expressions

  • ) Pikette nom ordinairement donné à la poule

préférée.






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consacrées: hie! mi coye! exclamation de sur- prise ; sot m* coye! c. à d. sot, fou, drôle, quali- fication s'adressant à ceux qui font hausser les épaules; elle amène souvent l'équivoque 80, „8ur" pour toi, „fou"; c'est ine bonne coye d'homme, c'est un bon garçon, un bon fieu, un bon zig. Etc. — Coyteuse ou coytre$$e, terme de mépris, injure qu'on adresse aux femmes qui jurent par li coye. — Coytai, gentilé de Coo (petit village de la prov. de Liège) considéré comme drolatique. — Proverbe météorologique: Qwand li p'tit mcu$ ni djowe nin di s' coye, i djowe di s' cou. Quand février ne joue pas de sa queue (pluie) il joue de son cul (tonnerre). — Facétie: Une vieille femme est au lit, malade. Son mari, également très vieux, vient d'apprendre à l'instant que le cas est désespéré. Il veut adoucir les derniers moments de sa compagne, et, retenant ses sanglots, il approche du lit et demande: „Veux-tu un peu de lait? . . . Veux-tu un verre de vin ?.. . Veux-tu une orange? . . . Venx-tu ci, veux- tu là? . . ." La vieille répond chaque fois sur le même ton lamentable (que le conteur imite) : „Nenni . . . nenni . . . nenni ..." A la fin, le vieux, ner- veusement, lui dit: „Vou$*e mi coye?..?* Et la vieille, d'un voix mourante: „Ti m'freuê






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 17


co bin rire! . . ." Et c'est son dernier mot.

42. Cowe „queae". Sert souvent comme atténuation de coye dans le langage usuel et dans les exclamations dont il vient d'être question.

43. Vé. C'est le fr. vit. Il n'est plus guère usité dans ce sens. On le retrouve dans les expressions Ilie! mi vé!... Sot m'vèï . . . Mais le mot n'est plus compris; aussi dit-on souvent: Hie! mi vai (mon veau)! — Dicton physiognomonique : té nez, té vé „tel nez, tel vit". Celui qui a le nez gros ou long, a le vit fait de même. — Une espèce de pomme de terre, de forme longue assez caractéristique, s'appelle en Ardennes vit dote s. — Les bou- lettes de viande, moitié reliefs de porc, moitié reliefs de bœuf, régal des paysannes, s'appel- lent au pays de Namur et dans le Haiuaut vitolets ou vitoulets.

44. Broquette, diminutifs : guette, quèquette. — Ce mot est des plus répandus; la forme quette est usuelle; broquette est plus grossier. Il est rare de rencontrer à Liège un petit Diction- naire sans y voir le mot français „broquette" malicieusement souligné; la définition que donne de ce mot le petit'Larousse (petit clou à large tête) est connue de tous les jeunes

Koxmx. VIII. 2






18 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


gens de» deux sexes qui ont tant soit peu suivi les écoles. — Un jeu de hasard, fort pratiqué aux fêtes de campagne, consiste en une sorte de fin tube de cuir, fixé verticale- ment sur une rondelle; celle-ci étant posée sur une planche, couvrant un trou large d'environ dix centimètres. Le joueur, armé de disques de fer -blanc, doit, en les jetant, bousculer le' tube, de telle sorte que le disque, rejeté en arrière par le choc, tombe dans le trou. Le jeu s'appelle à Vbroquette di cûr et il est annoncé sous ce nom par le banquiste, à haute voix. Cela se fait encore. — Dicton : n Avec les crapaudes (jeunes filles) il faut avoir la langue bonne, la main légère et Vquette todis rende „la queue toujours raide!" — Saint- Pierre- à-broquettes. Schayes sig- nale *) sous le nom de „ia Sainte-Broquette", comme se trouvant „entre Mons et Bruxelles" une image de l'Enfant Jésus „sous la forme d'un priape"; les femmes stériles, dit-il, ou celles qui désirent avoir des enfants, raclent avec un couteau la partie la plus apparente de l'image, mettent cette raclure dans un verre d'eau, et avalent le tout, persuadées


  • ) Essai historique sur les usages, les croyances,

Us traditions . . . des Belges anciens et modernes in-80. Louvain 1834. Page 237.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 19

que la raclure fera son effet. Cette image de Jésus a-t-elle existé? Personne n'en a la moindre souvenance. Mais on connaît dans le Brabaut un St. Pierre à broquettes dont le culte bien constaté est, selon toute proba- bilité, l'origine de cette information de Schayes. C'est ce qu'indique une rectification sommairement faite ailleurs*) qu'il y a lieu de compléter. La chapelle en question est au hameau du Spinoit, près de Nivelles (Bra- bant). Elle est dédiée à St. Pierre, dit St. Pierre à hoquettes. Les femmes stériles, ou celles qui craignent de l'être, venaient y prier pour avoir des enfants : elles offraient au Faint un petit bout de bois, une fiche quelconque, une petite broche, en wallon enne broquttte. De là le nom du saint. Et le mot a vraiment un double-sens dans le patois du lieu, puisque les gens bien élevés ne disent guère autrement, par discrétion, que „St. Pierre aux petits morceaux de bois'*. Ce culte contre la stérilité était encore bien connu vers le milieu du XIX e siècle**). Il est


  • ) Par M. Au g. Gittée dans la Revue de Belgique,

nû de juin 1887, p. 18, note.

    • ) Il est signalé par Tarlier et Wauters, Histoire

et Géographie des Communes belges. Vol. consacré à la Tille de Nivelles. Brux. 1*02.

2*






20 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

certain qu'il n'a disparu que plus tard encore, et que la broquette n'avait rien perdu de sa signification, puisqu'on connaît une dame ayant six filles, qui allait clandestinement faire à St Pierre l'offrande traditionnelle, en vue d'accoucher d'un garçon. Actuellement, on invoque encore St. Pierre à braguettes, mais c'est pour la guérison des enfants atteints de fièvre. Dès lors, l'offrande de la broquette ue se justifie plus. On prétend néanmoins que St. Pierre guérit de préférence les petits fiévreux mâles.

45. Nouck nœud. — Voir le conte n° 1 et ci-dessus le n° 39.

46. Strouck, au sens propre: souche, ohjet trapu et noueux. De cette acception dérive le nom d'amitié de vtx strouck que se donnent les hommes, analogue au „mon vieux coïon" des troupiers français.

47. Bardahe, littéralement, chose qui hranle, qui oscille lourdement. — Le branlement du vit a frappé nos paysans ; et à quelqu'un qui dit de quelque chose: cela houe, cela vacille, on répond ironiquement et par allusion: , , N'ayez crainte, tout ce qui hosse ne tombe pas."

48. Crombin, mot hennuyer, namurois et brabançon. C'est un singulier dérivé de cron,






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 21


cronte, „tordu, tordue" comme la patte du chien, par exemple.

49. Phnaye, nom wallon du bouvreuil, oiseau fort aimé du peuple pour ses jolies couleurs et son ramage amical; il est souvent apprivoisé, on lui apprend à chanter très agréablement et même à prononcer quel- ques mots. — Le mot est appliqué ici sans doute par allusion à la couleur rouge du bouvreuil. Peut-être le vieux franc, pimart eut-il aussi un sens obscène.

50. Affaire, chose, mots qui, en wallon, correspondent en tout aux mots ,, chose" et , .machin 1 ', pour désigner ce dont on ne se rappelle pas le nom. Ce sont ici les termes décents. Ils interviennent fréquemment aussi, avec un sens facétieux dans des paroles à sous-entendu, » ou dans des devinettes. Voir par ex. une des énigmes ci-après. — Ces deux mots correspondent au vocable indjin signalé comme nom du con; celui-ci cependant a un caractère drôlet par lui-même, et, en général, on n'emploie le terme facétieux a" indjin que pour désigner drôlement des choses dont le nom propre ne porterait pas à rire. Il n'en est pas de même pour chose et affaire, qui nécessitent, pour faire rire, une application drolatique.






22 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


51. Li flotchette, la petite „floche", gland, ornement pendant à certaines étoffes, aux casques-à-mêches, etc.

52. Li mizwette, littér. la musaraigne.

53. L'oûhai, li p'tit oûhai, le petit oiseau. — Nom poétique, qui correspond à gayoûle, cage, nom du con. Mette Voûhai es V gayoûle, c'est copuler. — Conte. Une jeune et riche ma- dame désirait se marier, mais elle ne voulait le faire qu'avec un homme à deux pines. Un beau fort gaillard, sachant cela, vient se mettre à pisser contre la maison de la dame, montrant ostensiblement sa queue, qui fait une, et à côté son pouce, qui fait deux. La dame s'y trompe et fait venir l'homme, qui affirmant avoir deux pines, est agréé par elle et l'épouse. La première nuit, au moment de se montrer, l'homme dit: „Ecoutez, voici ma première pine. J'ai mis la seconde au vert, chez mon ami un tel, au village voisin. Si vous la voulez, allez la chercher." Le lendemain, la dame y va. L'ami, prévenu, lui remet une cage — ine gayoûle — voilée de serge noire (comme on les voile pour cer- tains oiseaux un début de l'encagement). Il lui dit: «Voici la chose. C'est un oiseau, je vous préviens. Demain, vous n'aurez qu'à le mettre à sa place (à ê'djhe, à son gîte)






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et il reprendra sa première forme. 44 La femme part tout heureuse. Arrivée au milieu du bois, elle désire voir l'oiseau — qui doit être bien joli, sans doute. Mais frrrt ! l'oiseau s'envole. La dame, dépitée, le regarde un moment voltiger de branche en branche, puis, se troussant et découvrant son con, elle appelle de sa petite douce voix : „Pitit, pitit, vinez, pitit, vinez, vola vo$se djUe . . ." Mais le pitit ne revint pas. Ainsi la dame fut punie de sa curiosité.

54. Li p'tite vèdje „la petite verge" ou /• douce vèdje. — Quand un mari menace plai- samment sa femme d'être battue, elle ne manque pas de lui répondre : Ça ne fait rien, si c'est avec la petite douce verge.

55. Li bon hoquet „le bon morceau". — Une ménagère étant malade, son mari se relève la nuit pour lui donner la tisane. Etant en chemise, il s'approche du lit et lui tend la tasse. Mais le chat, voyant quelque chose branler entre les jambes de l'homme, saute sur la chaise et par derrière, agace le jouet avec sa patte. La femme, voyant cela, se fâche et dit: „ Quand il y a un bon morceau ici, c'est toujours pour le chat! . . ." — Voy. supplément.

56. Li bon Diu det feummes.






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57. Li p*tite djambe, li coûte djambe, li treuzainme djambe.

58. Li deugt tins onque „le doigt sans ongle*'. — Voir Kovnxaôla, t. VII. p. 2, un conte, fort populaire également en Wallonie.

59. Li bwbgne, le borgne. Cette singulière appellation s'explique par la ressemblance vague que le gland et ses lèvres présentent avec un œil et ses paupières. — Expression populaire : sain-nt s'bwègne, saigner son borgne, c'est-à-dire pisser.

60. Uanwèye, l'anguille. Li colowe, la cou- leuvre. — Pour désigner un homme, on em- ploie souvent cette périphrase: ine anwèye, ine colowe à panai, à pan (de chemise).

61. Li clâ, le clou, au sens propre, et dans le sens figuré d'abcès, furoncle.

62. Li marionnette. — Facétie: Un amou- reux décide sa fiancée à sortir avec lui pour aller passer la soirée au théâtre de marion- nettes (spectacle fort populaire à Liège). Au retour, comme il faisait très froid, le jeune homme décide la jeune fille à mettre, pour la réchauffer, sa main dans la poche de sa culotte. Tout-à-coup, la jeune fille retire vivement la main et dit: „Ah! Joseph, ce n'est pas bien, ce que vous avez fait là: vous avez chippé une marionnette! . . ."






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63. Li tchfttchiite ou tcftûtchette, intradui- sible. C'est la terme enfantin par ex- cellence.

64. Li tchiw-tchaw, terme facétieux, in- traduisible. — Il se retrouve avec le pré- cédent dans le chant du rossignol, fo rou- lette facétieuse, qu'il vaut mieux entendre „dire", avec les modulations imitatives et les répétitions alanguies de la dernière syllabe des vers:

Tos les valets sont tchauds . . . Et les bâcelles co pus . . . Elles ont ma l'tchiw-tchaw . . .

FâreÛt lzî mette . . .

Wisse? wisse ? wisse? . . .

A s'cou, à s'cou, à s'cou . . .

Elle y est, elle y est . . .

Quelle pitite tchûtchûûûte ! . . .*)

65. Li grosse awèye, la grosse aiguille. — D'nn vieux qui parle de faire l'amour on dit que son horloge est plus souvent sur six (heures) que sur douze, par allusion à la position permanente du vit.


  • ) Trad. littér. : Tous les garçons sont chauds. Et

les filles encore plus. Elles ont mal au con. Faudrait la (le vit) leur mettre. Où? Au con. Elle y est. (Avec expression de désappointement:) Quelle petite ckû- chûte! . . .






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66. La petite différence. — Ceci se rattache à on fait historique qui fut souvent conté: Une conférencière donnait, il y a de cela vingt ans, un meeting féministe à Seraing: la salle était bondée <fe femmes et quelques hommes étaient parvenus à s'y glisser. Arrivée au terme de son argumentation, n'ayant trouvé entre l'homme et la femme qu'une différence de beauté, la conférencière s'écria: En résumé, citoyennes, entre l'homme et la femme, il n'y a qu'une petite diffé- rence. — Un loustic, an fond de la salle s'écria: Vive la petite différence! Une tem- pête de rires souligna le mot, et le mee- ting finit en eau de boudin.


6. Le scrotum.

67. Ne s'appelle pas autrement que H bouse „la bourse". — Comparaison populaire: faire comme l'avare, dormir sur sa bourse. Dans son sens détourné, cette comparaison se dit d'un vieillard, d'un impuissant, dont le vit ne se relève pas ou plus.


7. Les testicule*.

68. Coyons. Est souvent employé chez les hommes comme terme d'amitié: Comment






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vas-tu, vieux coyon ? Un bon garçon, on bon enfant, se dit: c'est on bon vîx coyon, de même qu'on dit: c'est int bonne coye d'homme. — Il y a une différence essentielle entre ce mot et celui de couyon, qui signifie un pleutre, un poltron. — Un jeu de cartes très popu- laire s'appelle: à coyon; les points s'y mar- quent par des lignes, et celui qui perd dans certains cas, au lieu de recevoir une de ces raies, reçoit une sorte de ligne contournée qu'on appelle on coyon, — De quelqu'un qui s'ingénie pour éviter un petit malheur sans se garer d'un plus grand qui l'atteint, on dit qu'il fait comme l'aveugle de Héron 41 ) qui écrasait un pou sur sa queue et qui en avait deux sur les coyon*. — Une plaisanterie, une facétie s'appelle dans tout le pays wallon ine couyonnâde. Un petit journal wallon du Hainaut, intitule ainsi les „bons mots" qu'il publie; il a donc une rubrique „couyonnades" ! — Comparaison populaire: barloquer comme de* coyom d'sofflés, balancer comme des c dégonflés; on dit aussi comme des coyon* d'sofflet, comme des contrepoids de soufflet de forge. — Aux gens qui avec si mettraient Paris dans une bouteille, on dit souvent: si

  • ) Héros, petit village de 1» province de Liège, pré*

de Huy.






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m' matante aveut des coyons, ci sèreût m'mo- nonquel — Âvu Vcoyon, esse covyonné, c'est: avoir la farce, être attrapé. 09. Les quinaiiy franc, quinaud.

70. Les cusins ou cousins, mes deux cusins.

71. Les crompîres, les pommes de terre. Pisser se dit facétieusement: taper Vaiwe djus (jeter Peau bas) d*ses crompîres. — Au pays -de Namur, ce légume s'appelle canadas, et Ton connaît le petit couplet:

Allons planter des canadas Avou Marèye Toutouye (type de putain) Et sis v'net bin, is seront bias (beaux) Avou Marèye Toutouye, et Ion la Avou Marèye Toutouye.

72. Les bir loques, les breloques.

8. Le sperme.

73. Li fourte ou li foute. De là le verbe actif fouter, qui s'emploie, non seulement dans le sens propre, mais aussi dans tous les •sens du français vulgaire flanquer ou ficher. Exemples: Fouter n 9 baffe, asséner une gifle. Fouter n'saqut là, laisser quelqu'un là. Dji n'sos nin foutu ou fouti de fer coula, je ne suis pas fichu de faire cela, je ne parviens pas à faire cela. Jean- foute: homme de rien. Aphorisme à propos de l'amour: Brave homme






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qui Vf ait, Jean-Joute qui l'dit. On dit aussi t Dji n'a ajoute, pour dji n'a d'keûre, je n'ai (de) cure; ou simplement: Dji m'èê fous, je m'en fous, cela m'est égal. — Les mêmes- formes et expressions reviennent dans le français; exemple cette formule que Ton demande de répéter et qui, par des contre- petteries, amène presque infailliblement dea obscénités: Madame de Foncoutu demande à Monsieur de Foucuton: Y a-t-il plus de Foncoutu à Foucuton que de Foucuton à. Foncoutu?

74. S'appelle aussi li nateure, et ce mot passe pour être le terme honnête. Cf. n° 8.

75. Se dit aussi li miolle, par fausse ana- logie avec la moelle. — Exemple : Trois non- nettes très jeunes voient pisser le jardinier du couvent. Grande discussion pour savoir avec quoi. On convient de l'interroger. Le jardinier les invite à introduire la main dana sa brâyette (ouverture de la culotte). La première ayant tâté dit : C'est un morceau de peau. La deuxième: C'est un nerf. La troi- sième: C'est un os, car voilà la miolle qui vient foû (dehors). — D'un homme qui est épuisé par des excès génésiques, on dit qu'il est ditmiollé, qu'il a perdu toute sa moelle, ce qui, aux yeux du peuple, explique son état.






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9. L'ouverture du pantalon s'appelle

76. Brâyette, diminutif de „braie". — Quand les couturières cousent une brâyette, elles doivent siffler pour détourner le signe, sinon elles risquent d'être enceintes au premier coït.

77. Happa, littéralement „entrée du pigeon- nier". — Le Wallon qui veut signaler à quelqu'un que son pantalon est resté ouvert ne manque jamais de lui dire : Serrez vosse happa. — Remarquons que le peuple wallon est grand amateur de pigeons: les sociétés dites „colombophiles u , organisant des joutes de vitesse pour pigeons, y sont presque dans chaque ville en très grand nombre.


10. Baiser une femme se dit:

78. Cayt C'est le terme propre. — D'une personne qui a les yeux cernés, la mine chiffonnée, la coiffure en désordre, on dit qu'elle est dicayèye, qu'il est dicayt. — Se chauffer tout nu devant le feu se dit vul- gairement: ri cayt d'vant Vfeu. — Autre ex- pression populaire: esse dicayt del marque, littéralement, être coïté par le cauchemar, ou l'avoir coïté. Reste de la croyance aux incubes et aux succubes. Se dit d'une per-






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sonne qui a passé une mauvaise nuit et qui se lève fatiguée, épuisée. Par extension, on dit aussi: esse dicayi del bîbe, de la bise, quand, en voyage, on a été tourmenté par ce vent, froid et sec. — Pour dire oui, en Liégeois awè, l'Ardennais dit ayi. Si quelqu'un dit: dji pinse qu'ayi (je pense que oui) on fait semblant de comprendre: dji pimse cay% (je pense, j'espère coïter) et on ne manque jamais de riposter: mieux vaut faire que dire. La formule se retrouve dans l'histoire de ce curé qui, allant à la ville, rencontre une jeune paysanne avec qui il lie conversation : „Vous allez à la ville?" — „Ayi." — „Vous allez faire des courses?* 4 — „Ayi." — „Vous ren- contrerez sans doute votre galant?" — „Ayi sûr'mint" — „Et que ferez- vous avec lui? une petite promenade, sans doute?" — „Oh! ça, dji pinse qu'ayi, moêêieu Vcuri" — „Et bien alors", dit le curé, „nous allons tous les deux pour la même commission."

79. Cougnî, anc. franc, coigner. — De là le nom des lesbiennes: cougnotte, gougnotte, cougnolle. — CougnoUe est aussi le nom, en Hainaut, d'une pâtisserie de Noël qui a vaguement la forme d'un vit avec ses testi- cules. — Dicton: On bâhèdje c'est on r'sou- wedje (un baiser c'est un essuyage). Denx






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bâhèdjes c'est on êintèdje (deux baisers valent l'acte de sentir [le con]). Treu$ bâhèdjes c'est on cougnèdje (trois baisers valent un coït). L'excès des caresses conduit à la chute.

80. Fer s'côp, faire son coup: terme bas et grossier. — Fer n'hippette, fer him'-ham? intraduisibles. Voy. Supplément ci-après.

81. Monter n'feumme; monter oVsus po veyt d'pus Ion, monter dessus pour voir de plus loin.

82. Petter, frapper. Fetter matchoûl, in- traduisible.

83. Moquer, littéralement donner un coup sec. C'est un synonyme de petter, daus le sens de frapper.

84. Emantchi, emmancher. Dans le même sens: Mette li mantclie à n'feumme, mettre le manche à une femme. Cette dernière ex- pression est, par extension, usuelle dans le sens de jftuer une farce, attraper quelqu'un. — Avu l'mantche, „avoir le manche" de même que : esse couyonné (cf. p. 28, n° 68), c'est être attrapé, être farce, être joué.

85. Stoper, remplir en bourrant, comme on remplit une pipe. — Le geste employé pour dimander à stoper (demander de quoi bourrer sa pipe) est très souvent employé aussi, dans un sens figuré, pour rendre l'idée de faire l'amour. Voici en quoi consiste ce geste.






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Le poing gauche fermé, laissant voir entre les doigts repliés une sorte de canal, dont l'ouverture est couronnée par la courbure de l'index contre le pouce, on frappe de la paume droite cette ouverture, en faisant un petit bruit. Tel* est le geste, qui est naturellement considéré comme crapuleux.

86. Ahègst, dérivé de ahe$$e; par aJièsses on entend les objets nécessaires, les usten- siles indispensables à une profession; ainsi les ahèêse* d'une cuisinière sont ses casseroles, ses marmites, etc. Ahèut une femme, c'est lui donner ses aides, ce qui lui manque, ce qu'elle désirait, ce qui lui était nécessaire.

87. Stroukî, au sens propre: buter contre un objet dur; et aussi: donner un coup sec. — Voy. ci -dessus p. 20, n° 46.

88. Gripper, grimper. — Exemple, le couplet suivant sur l'almanach de Mathieu Laens- bergh*):

Mathî Laensbergh dit qn'ciste annêye Y âret baicôp des feummes grippêyes


  • ) Cet Almanach populaire, célèbre eu Belgique et

en France, paraît à Liège depuis 1636. Depuis très longtemps, ses éditions contiennent des dictons et pe- tites facéties en wallon, ce qui n'a pas peu contribué à maintenir sa vogue incomparable dans toute la Wallonie.

Kçvm. VIII. 3






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Mains ça n'fait vin s'elles n'inflet nin Ca de l'grippe on n'es moûrt nin 4 ").

89. El mette à n'/eumme, le mettre à une femme. — Parlant d'une demi-vierge, le wallon chante ce petit refrain : Dji fi a vèyou, Dji fi a sintou, Df fia voulu mette elle n'a nin volou. Je le lui ai vu (le con), Je le lai ai senti, J'ai voulu le (vit) lui mettre, elle n'a pas voulu.

90. Crever s'clâ, faire crever, percer son clou (clou dans le sens de furoncle, comme ci- dessus n° 61). — Dicton: L'amour, c'est un clou qui vous vient au cœur et qui trawe (troue, perce) sous le ventre. — Facétie: Un jeune niais que son vit tourmentait consulte un médecin, qui use de plusieurs remèdes to- piques et autres pour le calmer, sans y par- venir. Un jour que le jeune homme était encore venu en visite, la femme du docteur tint compagnie à ce client transi, en atten- dant la rentrée du docteur. Comme la dame s'étonne de voir le jeune homme consulter le praticien malgré l'air de santé qu'elle lui


  • ) Traduction: Mathieu Laensbergh dit (prédit, pro-

nostique) que cette année — Il y aura beaucoup de femmes grippées (atteintes de la grippe, ou grimpées), — Mais cela ne fait rien si elles n'enflent point — Car de la grippe on ne meurt point.






CHEZ LES WÀLLON8 DE BELGIQUE. 86


voit, le naïf lui dévoile son mal et . . . elle le guérit. Le jeune homme s'en retourne, d'un pas léger, et rencontre le médecin en com- pagnie d'an confrère. „Tiens", dit le docteur, „voici an de mes malades, c'est on naïf, je vais le questionner, nous allons rire/ 1 Puis «'adressant au jeune homme: „Bh bien, com- ment va le bobo?" — „Je suis guéri." — „Vous êtes guéri?" — „Oui, c'était un clou. J'en ai parlé à votre femme, elle a pris le clou entre ses jambes, elle a serré, et puis l'abcès a crevé. Voilà ! . . ."

91. Dwhrmi avou, dormir, coucher avec.

92. Mette l'oûhai h Vgayoûle, mettre l'oiseau dans la cage. — Voir ci-dessus p. 22, n° 53.

93. Fer tchippe. — Facétie: Une jeune fille naïve raconte à son père que son amou- reux lui a proposé à diverses reprises de faire tchippe avec lui. Elle a d'abord refusé, ne comprenant pas. Mais il est si pressant qu'elle se sent disposée à se soumettre à sa fantaisie; seulement, elle désire savoir de quoi il s'agit, pour ne pas avoir l'air trop bête. Le père, pour la dégoûter de cette idée, la fait asseoir au haut de l'escalier, et la tire par les pieds jusqu'en bas. La pauvre enfant se frotte le bas des reins. Et quand son amoureux lui reparle de faire tchippe, elle lui dit: „ Jamais

3*






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


de la vie! je l'ai fait hier avec mon père et dfa bin avu trop ma m'cou, j'ai en bien trop mal an cul!"*)

94. Djonde ine feumme, joindre. — Apho- risme populaire: dji fa djondou, c'est da meune. Je l'ai jointe, c'est à moi, elle m'appartient. — Voir un dicton philosophique dn même goût,, ci-dessus p. 7, ligne lie.

95. Aller avou, aller arec. — Traduction littérale du latin „coïre".

96. Mette Saint Pierre ou K pape à Rome. Expression figurée. — Il y a un conte picard qui repose sur cette métaphore: voir plus haut, tome II, p. 128.

97. Avu bon, littéralement, avoir bon: éjaculer. Exemple: je n'ai pas sitôt été dedans que j'ai eu bon. — „Avoir bon" en langage erotique, signifie bien cela. Mai* cette expression, dans la bouche d'un Wallon,, se rapporte tour à tour à tous les genres de jouissances physiques, intellectuelles et même morales. Ainsi, on a bon quand on est au chaud par un temps froid, quand on est au frais par un temps chaud. Si l'on entend une bonne histoire bien racontée, on

  • ) On peut tout aussi bien comprendre : mal an con-

Voir ci-deuui p. 7, n<> 13.






CHEZ LES WALLONS DK BELGIQUE. 87

dit aussi qu'on a bon. Un père entouré de «es enfants qui s'aiment et qui lui font fête dira encore qu'il a bon. fit deux amants qui se sont caressés se demanderont dans les mêmes termes s'ils sont satisfaits: „À8-tu eu bon? — Et toi? — Moi aussi!" — La syn- thèse de notre explication se trouve dans eette devinette facétieuse: Demande: Qui est-ce qui a toujours bon? Réponse: C'est la poêle, parce qu'elle a toujours le cul au feu et la panse pleine, que sa queue est toujours raide, et qu'on joue avec celle-ci tout le long de la journée!

11. Supplément.

5. Mosette, petite moule: nom du con. — (Supplément à ce qui est dit sur ce mot, ci- dessus p. 4, n° 5.) — Les Namurois sont très fiers de leur ville; ils ont un cri national: Vive Nameur po tôt! (Vive Namur pour tout, c'est-à-dire à tous les points de vue). La formule complète est: Vive Nameur po tôt, po Vtoubak (tabac) et po r mosette. Le tabac indigène est très prisé; Namnr est d'ailleurs l'entrepôt des célèbres tabacs dits de la Se- in ois, et d'Obourg, qui ont, au nez des con- naisseurs, un parfum exquis. Pour s'expliquer






38 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


T allusion aux mosettes namuroises, il ne faut pas seulement tenir compte que Namur, étant la seule grande ville de la province (autre- fois comté) de ce nom, représente naturelle- ment, dans l'esprit des ruraux, un séjour de délices. Dans tout le pays wallon, les Namuroises sont réputées comme étant de complexion fort amoureuse ; ainsi Ton dit, en imitant la prononciation locale: Eune Namœr- wesse est bonne po chtche „une Namuroise est bonne pour six (hommes)". De même, on dit ngurément d'une femme très passionnée : Cest ine Namurwesse „C'est une Namuroise*', c'est- à-dire, elle ressemble aux Namuroises, elle est digne d'être née à Namur.

5 bi *. Mosse, moule. Ce mot est lui-même un nom du con, et cela n'étonnera point après ce que nous avons dit (p. 4) de l'assimilation établie à différents points de vue entre le con et la moule. Dans ce sens, mosse est grossier, et du reste plus rarement employé que son diminutif. — Les marchandes ambu- lantes annoncent les moules par ce cri: On cint d 1 m os ses po qwinze censés (Un cent de moules pour trente centimes). Une facétie prétend qu'un loustic, s 1 étant amusé à com- prendre: On tint ii 1 mosse .... (on sent une moule . . . .) dit à la marchande: J'offre le






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


double pour eu sentir deux! On ne dit pas

s'il fut bien reçu.

55. Li bon hoquet, le boa morceau: nom du vit (voir même n° 55, p. 23). — On dit aussi: li glot hoquet, le friand morceau; et li glotte httehèye, la friande bouchée. — A une jeune femme qui se plaint de maux d 1 estomac, on dit plaisamment qu'„elle a mangé le friand morceau". Le peuple sait, en eifet, 1° que les plats délicats affectent tout particulière- ment l'estomac 2° que les maux d'estomac sont souvent un signe de grossesse.

6<5bis # N om du vit: plantroûL plantoir, in- strument avec lequel on fait en terre des trous où l'on transplante certains légumes. — L'idée que le coït est une manière de plan- tation, revient souvent daus le langage tri- vial. Exemples: Je lui ai „planté" mon vit quelque part. Elle ne ferait pas tant la mijaurée si l'on voulait bien lui „planter u quelque chose entre les jambes. Voir aussi le couplet erotique du n° 71, p. 28.

80. Fer nhippeUe signifie: faire un petit effort. Le mot hippette donne bien cette idée, quoique le verbe hipper signifie proprement: ., quitter l'appui par un brusque glissement involontaire", le radical hipp ayant la valeur d'une onomatopée.






40 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. II.

Diotons moraux et antres.

Noos avons cité déjà bon nombre de dictons facétieux on moraux, comme exemples de l'emploi des différents vocables signalés. Ceci n'est donc qu'an supplément.

1. Les amoureuses pour s'excuser d'aimer le petit jeu d'amour concluent ordinairement l'exposé de leur théorie par ce mot : Ça n'est rien quand le vantrain (tablier) ne lève pas. Ou bien: quand les petits (les enfants) ne viennent pas raccuser (rapporter contre) les grands.

2. Les jeunes gens désireux de jouir d'une fille, usent ordinairement de persuasion. Un de leurs arguments, quand ils ont affaire à une niaise, consiste à lui dire que la copu- lation n'entraîne de risques qu'à partir de la centième fois. Beaucoup de jeunes filles sa- vent cela et, quand, entre elles, elles font le compte des coïts qu'elles ont subis, on les entend souvent dire — même si elles ne croient pas à l'argument: Dj'a co po Vmons vingt côps d'bon, j'en ai encore au moins pour vingt coups (avant de craindre issue fâcheuse).

3. Les paroles banales, stéréotypées, sont l'objet de jeux de mots obscènes. Il en est






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 41


du reste de même partout. Exemple: An nouvel an, celui qui reçoit le souhait tra- ditionnel Ine bonne annêye etc. ne manque pas de riposter: Et vos pareiUemint — mais «'il s'agit d'une femme on dit volontiers: Ine parèye es vosse main, une pareille (pine) dans votre main.

4. Masturber une femme se dit: fer flairî ses deugts, faire prier ses doigts.

5. Dans le cas où le français dirait : „Nous sommes à une portée de fusil de tel endroit", le wallon dit: nos nn' avons co po n'pihêye, nous en avons encore pour une pissée, pour un jet d'urine, pour la distance à laquelle je pisserais.

6. Pour dire d'une femme qu'elle est usée au jeu, qu'elle ne jouit plus, on dit qu'elle attrape des mouches (pendant le coït, pour passer son temps) — ou mieux qu'elle compte les mouches (qui sont au plafond).

7. Pour déprécier le caractère ou la for- tune d'une femme, on dit qu'elle n'est qu'une chemise pleine de viande. De même, dans le langage vulgaire et bas, une chemise s'appelle un sac à la viande.

8. Batte es Vheure et vanner foû, littérale- ment: battre dans la grange et vanner au






42 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


dehors: se dit par allusion de l'individu qui décharge hors du con.

9. A la formule usuelle: Comment va-t-il? v Comment vous portez-vous?) on répond par plaisanterie: [Cela (le vit) va] aussi souvent qu'un moineau et aussi longtemps qu'un porc»

10. Monde si gatte es s' cou d'tchâsse, traire sa chèvre dans son haut- de- chausses : se masturber.

11. Les vieux drôles ont l'habitude de dire qu'ils sont plus forts qu'à vingt ans. Si on les taxe d'exagération, ils répondent: A présent, avec un doigt, je plie mon vit comme je veux. A vingt ans, mes dix doigts n'y auraient pas suffi!

12. D'une femme qui vit de son con, on dit qu'elle vit so ses reins, sur son dos. C'est un jeu de mots par lequel les gens médisants rectifient souvent, à propos d'une femme, l'expression: vivre „de ses rentes", en wallon: so ses rintes.

13. Comment la nuit les femmes respirent. Quand elles sont jeunes, elles ronflent forte- ment, bouche ouverte, en disant: Qwandt qtvand? gwandf . . . Arrivées à l'âge mûr r elles ronflent moins fort et à petits coups leur souffle dit: co . . . co . . . co . . . (encore). Quand elles sont vieilles, elles dorment comme






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 48


des souches et leur souffle épuisé répète: Pus . . . pus . . . pus . . . (plus).

14. Les feuilles de diverses Polygonées, notamment du Polygonnm bydropiper, dit feuille ou herbe de Notre-Dame, présentent souvent, vers le milieu du limbe, nue macula- ture pourpre, une tache rouge. Elle est due, dit le peuple, à une tache du sang menstruel de la Vierge. De là le nom donné par le peuple à cette plante.

15. Le peuple prétend que le curé, par le signe de croix, entend louer le Seigneur qui les (femmes) a faites ainsi (verticalement) au lieu de les fendre ainsi (horizontalement). Et c'est un grand bonheur, car quand elles ouvrent les jambes, elles „le" fermeraient.

16. Pour agacer les filles de Binche (petite ville de la province de Hainaut), on dit qu'elles l'ont de travers. Ce qui les vexe, parait-il.

17. Le pays de Verviers est bien connu par sou industrie drapière. Pour se moquer des Yerviétois , le Liégeois , imitant leur prononciation, dit: les Vervttwes fei d'vins les drèps, les Yerviétois font dans les draps. Or l'expression „faire dans" signifie à la fois ,,8'occuper de", et „chier". Aussi les Verviétois goûtent-ils médiocrement la plaisanterie.






44 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

16. Le peuple prétend que les Anglais ont le rit long et grêle, tandis que les Espagnols Font court et gros. Quand on demande à une joyeuse commère ce qui lui manque, elle n'oublie pas de répondre: Il me manque sur- tout ine anglaite eêpagnolêye.

19. La chaudepisse est appelée, partout en Wallonie, le mal français.

20. Avoir ses règles, ses menstrues, se die souvent: Avoir ses Anglais, voir passer les Anglais, être partie pour l'Angleterre, etc. — A cause, paraît-il, du vêtement rouge des sol- dats anglais.

21. Lorsqu'une femme se montre très vive, très nerveuse, dans ses démonstrations d'affection à l'égard de son mari, on dit plaisamment qu'elle a ine ftoe di courtepointe, une fièvre de courtepointe. C'est-à-dire qu'elle a envie d'aller au lit.

22. Le „petit coup", le coït que les gens mariés font le matin ne présente, disent les femmes, rien de sérieux, ne produit pas la grossesse. C'est, disent-elles, on côp à Vpi~ Jiotte, un coup à l'urine (l'urine étant, ici, opposée au sperme). Le peuple a remarqué que le besoin d'uriner, surtout celui qui sur- vient le matin, à la fin du sommeil, produit souvent l'érection du membre viril ; mais que






CHEZ LE8 WALLONS DE BELGIQUE.


cette érection n'est pas durable et ne résiste guère à la miction. On a assimilé à cette érection, celle dn „petit coup" du matin. — Dans le même ordre d'idées, on considère certains diurétiques, tels que le céleri, l'as- perge, comme des aphrodisiaques. Par là s'explique la citation du céleri dans le petit refrain erotique ci-dessus p. 12, n° 80: „J'ai planté des céleris . . . .", etc.


HL

Orâmignons.

Le crâmignon, chanson de danse et danse elle-même, qui correspond assez à la farandole, est, comme on sait, extrêmement populaire à Liège, autant ohes les personnes d'âge mûr que ches les jeunes gens. Il n'est pas de fête de paroisse en cette Tille et dans les villages de la banlieue, où l'on ne voie circuler au milieu de la foule, des bandes de crâmignonneux, sexes mêlés, où un soliste, femme ou homme, égrène les couplets dont le premier vers et le refrain sont repris en chœur. Des crâmignons s'organisent même parfois en pleine foule, entre gens qui ne se connaissent pas, et que la pittoresque spec- tacle de la fête, incite à se prendre par






46 CHEZ LES WALL0N8 DE BELGIQUE.


les mains, en quelque sorte spontanément, pour faire la ronde à leur tour. Le spectacle d'une foule en joie, sillonnée en tous sens par les crâmignons atteint son maximum de pittoresque. Le Liégeois, du reste, aime l'usage du crâmignon, à tel point qu'on exé- cute le crâmignon dans les écoles mêmes, sur des chansons traditionnelles, en français et en wallon.

Les chansons de crâmignon sont presque toujours des chansons d'amour, des romances. Le plus grand nombre sont tendres et tou- chantes, quelques-nues légères et spirituelles. Il eu est de graveleuses, d'obscènes, de scata- logiques. Les chansons qui suivent appar- tiennent au genre le plus rare; elles sont encore populaires et on en entend souvent des fragments dans les rues, aux heures de foule. Bien entendu, la police a ordre de verbaliser contre les audacieux qui les égrè- neraient. Mais le crâmignon qui chante l'amour spirituellement, fat - ce en termes assez légers, est toléré. Il en est ainsi notamment de la chauson de Catherinette (ci-dessous n° 6) qui retentit impunément dans les faubourgs aux jours de fête.

Les exemples ci-dessous sont donc en réalité de notables exceptions. Il ne serait pas juste






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 47


d'apprécier sur ces textes, comme une tare morale de la population, la liberté, du reste foncière et traditionnelle, avec laquelle le arâmignou célèbre la joie de vivre, la beauté, «t l'amour.


1. Les belles pîrettes*).

1. Sèrès-dje todis plantchî, grinî? (bis)

ni sèrès-dje mâye montêye (bis) Tôt comme mi mère Ta stu.

2. Sèrès-dje todis hovlette sins cowe?

sèrès-dje mâye èmantchèye, Tôt comme mi mère Ta stu.

3. Sèrès-dje todis hèppe ou fiermint?

ni sèrès-dje mâye cougneye, Tôt comme mi mère l'a stu.

4. Sèrès-dje todis crompîre bollowe?

ni sèrès-dje mâye pèttêye, Tôt comme mi mère Ta stu.


  • ) Cette chanson contient, gous forme de jeux de

mots, les principaux des termes employés pour désigner 1a copulation, que nous ayons indiqués ci-dessus (p. 30, a. 78 et suiv.); monter, petter, maquer, èmantchî, COUgnî. Les mots qui en dérivent, à la fois comme substantif verbal et comme participe passé, sont en italiques dans notre texte.






48 CHBZ LBS WALLONS DE BELGIQUE.


5. Sèrès-dje todis bourre ou froumadje? ni sèrès-dje mâye maquêye, Tôt comme mi mère Ta stu. Refrain: Ah! belles pîrettes, Pîrettes, pîrettes, Ah! belles pîrettes Qui les abricots-y-ont. Traduction: 1. Serai-je toujours plancher, grenier? — Ne serai-je jamais escalier (ou: montée), — Tout comme ma mère Ta été.

2. Serai-je toujours brosse saiis manche ? -— Ne serai-je jamais enmanchée — Tout comme ma mère Ta été.

3. Serai-je toujours hache ou courbet? — Ne serai-je jamais cognée, — Tout comme ma mère l'a été.

4. Serai-je toujours pomme de terre bouillie? — Ne serai-je jamais cuite sous la cendre, — Tout comme ma mère Fa été.

5. Serai-je toujours beurre ou fromage? — Ne serai-je jamais caillebotte — Tout comme ma mère l'a été.

Refrain: Ah! les beaux noyaux — Que les abricots ont (avec la fausse liaison familière aux Wallons, on entend: coyon!).






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


2. Li samain-ne.

1. Li dimègne, c'est l'djoû de l'hantrèye*)

Hantons-ci, hantons-là Sayans de hanter ç'trau là. Refrain: Passons la semaine, Passons-la, Passons la semaine Un ant' temps viendra.

2. Li londi, c'est l'djoû de i'cayrèye

Cayans-ci, cayans-là Sayans de cayî ç'trau là.

3. Li mardi, c'est l'djoû de l'congnrèye

Cougnans-ci, congnans-là, etc.

4. L'mérkidi, c'est l'djoû des stoprèyes

Stopans-ci, etc.

5. Li djûdi, c'est l'djoû de l'griprèye

Gripans-ci, etc.

6. Li vinrdi, c'est l'djoû des macralles

Makans-ci, makans-là, etc.

7. Li sèm'di, c'est l'djoû de qwinzain-ne

Qwinzain-ne ci, qwinzain-ne là Sayans de payî ç'trau là.


  • ) Hanter, courtiser.

Kqvxt, VIII.






60 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


Traduction: 1. Le dimanche, c'est le jour de la courtisaille — Courtisons-ci, courti- sons-là — Tâchons de courtiser ce trou-là (ce con-là).

2. Le lundi, c'est le jour du coït (cayèreye, de cayt, n° 78, p. 30) — Coïtons-ci, coïtons- là — Tâchons de coïter ce trou-là.

3. Le mardi, c'est le jour de la „cognerie" (cougnî n° 79, p. 31) — Cognons- ci, etc.

4. Le mercredi, c'est le jour du bourrage (stoper, n° 86, p. 33) — Bourrons-ci, etc.

5. Le jeudi, c'est le jour de la „grimperie" (gripper, n° 88, p. 32) — Grimpons-ci, etc.

6. Le vendredi, c'est le jour des sor- cières*) — Frappons-ci (maquer, n° 83, p. 32), frappons-là, etc.

7. Le samedi, c'est le jour de la paie**) — Quinzaine-ci, quinzaine-là — Tâchons de payer ce trou-là.

  • ) Vendredi, jour de sabbat, ou tout au moins de

maléfices. Croyance populaire.

    • ) Littéralement: jour de la quinzaine. Les houil-

leurs, comme autrefois tous les ouyriers, ont leur jour de paie deux fois par mois. Aujourd'hui, la majorité des artisans sont payés à la semaine, le samedi. Mais, par la force de l'habitude, le jour de paie a consenré le nom de „jour de la quinzaine", de -même que le total des salaires touchés en une fois s'appelle „la quin- saine".






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 51


3. Le oonin à vendre.

1. G' estent on londi, tôt fi timpe â matin Dji m'alla bâgner so l'Pont d'St. Djnlin Eco m'fât-i rire qwand dji m'es r'sovins.

2. Dji m'alla

Dji n'fons nin assiowe qu'on martchanda m'conin

— Eco m'fât-i

8. Quibin don, nosse dame, qnibin vosse

conin? 4. I n'est nin à vinde mains dj'el prns-

trens bin. 6. Qui magne-t-i, nosse dame, qu'magne-t-i vosse conin?

6. Des recènnes di souk, di cou qu'*) vos

savez bin.

7. Li mitan à l'nute, Tante resse â matin. Trad.: 1. C'était un lundi, tont-à-fait tôt

le matin — J'allai m'étaler au Pont-St-Julien {ancien pont de Liège) — Encore me faut-il rire quand je m'en ressouviens»

2. J'allai .... — Je ne fus pas (sitôt) assise qu'on marchanda mon conin (lapin ou <5on) — Encore ....


  • ) Il y a ici un jeu de mots qu'indique du reste le

texte: souk se comprend ,,«ucre u , puis ,,oe que".

4*






62 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


3. Combien donc, madame, combien votre lapin?

4. Il n'est pas à vendre, mais, je le prê- terais bien.

5. Que mange- 1- il donc, madame, que mange-t-il votre lapin?

6. Des carottes de sucre, de ce que voua savez bien.

7. La moitié au soir, le reste au matin.


4. Les mains embrenéee.

1. C'esteut tôt riv'nant de l'fiesse di St.

Foyin Dj'alla drî 'n'èglise po vûdî mi indjin, — Comme on l'attripe-trape, comme on

l'attrape bien.

2. Dji prinda Vfoye di djotte, c'est po

r'souwer mi indjin.

3. Li foye estent si tinre qui mes deugts

moussit d'vins.

4. Et dj'alla fer l'salade sins r'souwer mea

deux mains.

5. Qwand les doze heures sonnet, vola mi

homme qui r'vint.

6. Qu'asse fait don, flairante garce, dj'a de

stron plein mes dints.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 68


7. T'as minti, flairant tchiii, c'est de l'crâhe

di sayin.

8. C'est Tpramire qualité qu'i n'âye èmons

Hâlin.

Trad.: 1. C'était en revenant de la fête de St-Pholien (paroisse de Liège) — J'aUai der- rière une église pour vider mon engin**) — Comme on ... .

2. Je pris une feuille de chou ponr essuyer mon engin.

3. La feuille était si tendre que mes doigts entrèrent dedans.

4. Et j'allai faire la salade sans essuyer mes deux mains.

5. Quand midi sonne, voilà mon mari qui revient.

6. Qu'as-tu fait donc, puante garce, j'ai de l'étron plein mes dents.

7. Tu as menti, puant chien, c'est de la graisse de porc.

8. C'est la première qualité qu'il y ait (qu'on vende) chez Halin (ancienne famille de charcutiers à Liège; on dit aussi Dahin: même cas).


  • ) lndjin. engin: signifie ici le cul. D'autres fois

il désigne plutôt le con. Cf. p. 9, n<> 17.






54 OHKZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

5* L'étroit de la béguine.

1. C'esteut n'fèye ine bèguenne

HiteDne *) Qu'ayeut tchî es mostî

Hitî Elle aveut tchî si gros

Hito Qu'elle ni s'polléve dressî

Hitî.

Refrain: Ah! cint diales! bèguenne,

Hitenne, Oh! qu'aveusse don magnî?

2. Elle aveut tchî si gros!

Hito Qu'elle ni s'polléve dressî

Hitî On va houquî nomére

Hitére Po ciste affaire djudjî

Hitî.

3. On Ta houquî nomére . . ., etc. Mains nomére responda:

Hita

  • ) Les mots de hitenne, hitî, hito etc. qui viennent

en écho à chaque vert sont des déformations de hUU, étron liquide ; hitter, avoir la foire.






CHEZ LB8 WALLONS DE BELGIQUE.


Allez trover l'cnré

Hitê. 4, Mains nom ère responda .... Li curé responda

Hita Qu'i n'djudjîve nin on âtron

Hiton.

Traduction: 1. C'était une fois une bé- guine — Qni avait chié dans le moutier (cou- vent) — Elle avait chié si gros (étron) — Qu'elle ne se pouvait dresser.

Refrain; Ah! cent diables! béguine — Oh! qu'avais-tu donc mangé?

2. Elle avait chié si gros — Qu'elle ne se pouvait dresser — Ou va appeler „no-mère u (notre Mère, la Supérieure du couvent) — Pour cette affaire juger.

3. On va appeler „no mère* 1 .... — Mais „no-mère" répondit: — Allez trouver (con- sulter) le curé.

(N. B. Ordinairement „no mère'* en réfère au jardinier, qui renvoie au vicaire, etc.; chacun recourt ainsi à une autorité plus haute. Le curé ferme la série.)

4. Mais „no-mère" répondit .... — Le curé répondit — Qu'il ne jugeait pas un étron!






66 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


6. Catherinette.

1. Catherinette a le pied petiton (bis)*)

Le pied petiton (bis) Refr.: Catherinette, Catherin on, Catherinette a le pied petiton.

2. Catherinette a la jambe bien faite (bis)

La jambe bien faite (bis) Le pied petiton (bis)

au refrain.

3. Catherinette a le mollet tout rond,

Le mollet tont rond La jambe bien faite Le pied petiton.

4. Catherinette a la cuisse Manchette, etc.

5. Catherinette a le gros ratchatcha (le cnl), etc.

6. Catherinette a le p'tit ritchitchi (le con), etc.

7. Catherinette a le ventre moulu, etc.

8. Catherinette a des grosses „ma- tante"

(de gros seins), etc.


7. Le vieux curé de Paris. 1. J'vais vous raconter l'histoire

D'un vieux curé de Paris,

D'un vieux eu, oui, oui,

  • ) Le chœur répète chaque vers à son tour, puis le

refrain.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 57

D'un vieux eu, la, la, D'un vieux curé de Paris.

2. Chaque fois qu'il dit sa messe. Tire un coupable de l'enfer. Tire un coup, oui, oui,

Tire un coup, la, la,

Tire un coupable de l'enfer.

3. Il répète à ses ouailles : Vite à mon confession a L Vite au con, oui, oui. Vite au con, la, la, Vite au confessionnal.

4. Il ainf bien la botanique, Il en cultive les fleurs.

Il encule, oui, oui,

Il encule, la, la.

Il en cultive les fleurs.

5. Il fréquente la rivière,

Au bord d'elle il va pêcher.

Au bordel, oui, oui,

Au bordel, la. la,

Au bord d'elle il va pêcher.

6. Il pratique la politesse,

Il entend ce qu'on lui dit :

A son vit, oui, oui,

A son vit, la, la,

A son vicaire il répond.






à


58 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

8. La servante.

1. C'est en revenant Qnik et gnik et gnouk Divins les strovks. C'est en revenant

De S te -Adile en France.

2. Là j'ai rencontré Une jolie Allemande.

3. J'iui ai demandé

S'elle vent et' ma servante.

4. Elle m'a répondu Qu'elle en était contente.

5. Alors je l'ai jeté

Dessnr mon lit qui tremble.

6. Et j'iui ai écrit

Mon nom dessur son ventre

7. Avec la petite plume

Qui pend ent' mes deux jambes.

8. Ainsi je lui ai fait

Un p'tit bébé qui chante.

IV.

Eefrains de crâmignom.

La licence que se donne le peuple dan» ses chansons de danse se retrouve sous une-






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 5fr


autre forme dans les refrains de certains crâmignons en eux-mêmes assez anodins.

Ces refrains varient souvent pour les chan- sons les plus connues; il en apparaît de nouveaux chaque année. Ils sont générale- ment en wallon, bien qu'adaptés parfois à des chansons en fiançais. Il suffit de se promener dans les rues, même du centre de la ville, aux jours de fête, pour être frappé de la popularité extrême qu'acquièrent du jour an lendemain, ces distiques ou quatrains, tantôt chantés, tantôt criés à la reprise par le soliste, et toujours repris en chœur par toute la bande. On n'admettrait point que quelqu'un ou quelqu'une quittât la danse à cause d'un de ces refrains incongrus. Il est d'usage de répéter toujours et quand même, bien que le refrain varie souvent de couplet à couplet d'une même chanson. *

Ces refrains plus ou moins spirituels sont donc dans l'usage, personne ne s'en froisse du moment que le mot propre n'y est point ; les jeunes filles en rougissent rarement, parce qu'elles préfèrent laisser croire qu'elles ne comprennent pas l'allusion : elle chantent pour ne pas se taire remarquer — cela ne tire pas à conséquence. Mais l'air de gravité forcée, avec lequel des jeunes filles „bien élevées' 4






60 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


répètent ces énormités, n'est pas le trait le moins amusant qui frappe l'observateur dans la coutume du crâmignon.

Voici quelques exemples, choisis bien en- tendu parmi les plus caractéristiques. Ils sont loin d'avoir tous le même nerf.

1. Ouye, ouye, ouye! quel mal tous

m'faites Ouye, ouye, ouye! quel mal j'ai là.

2. Louquîz bin à vosse golzâ

Ya l'tchet qu'l'awaite es l'arma. Trad.: Veillez bien à votre con — Le «bat le guigne dans l'armoire.

3. Dji n'el vous pus '1 est trop ma monté Qwand m'I'a mettou n'm'a nin continté.

Ou bien: Dji n'el vous pus '11' est trop ma mou-

lêye, Elle a on cou comme ine maquêye. Trad.: Je ne le veux plus, il est trop mal monté — Quand il me l'a mis (le vit), il ne m'a pas contentée. = Ou bien: Je ne la veux plus, elle est trop mal moulée — Elle a un cul (mou) comme une caillebotte. 4. Faut soigner ça, l'èvêque l'a dit N'el fât nin lèyî tchamossi.






CHEZ LBS WALLONS DB BELGIQUE. 61

Trad. : Faut soigner ça (le con), Févêque*) Ta dit — Ne faut pas le laisser moisir.

5. On voit bien qu'tu Tas baisée, Son visage est bien changé.

6. nenni tos nTârez nin M'gayoûle po mette vosse tcherdin.

Trad.: Oh! non, tous ne l'aurez pas — Ma cage pour (y) mettre votre chardonneret.

7. Vîx cou, binamé cou

Mi qu'a tant djowé avou ou: Mi qui lî a tant mettou. Trad. : Vieux con, bien-aimé con — Moi qui ai tant joué avec — Ou: Moi qui le lui ai tant mis (le vit).

8. On conârd sins riesses Onque avou des riesses Onque ristopé Onque prête à l'fer Voilà tous mes cons, Madame, Voilà tous mes compagnons. Trad. : Un con sans arêtes — Un avec des arêtes — Un rempli — Un prêt à le faire — Voilà tous mes compagnons.


  • On sait que le Pays de Liège fut, jusqu'à la

Révolution française, un Etat indépendant, gouverné par un évêque qui avait le titre de prince.






62 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

9. J'entends remuer la paille: On fait l'amour dans le blé. 10. C'est tos fens d'bastâs, N'qwerret qu'après l'golzâ : Qwand is âront fait coula 18 lairont leur crapaude là. Trad.: Ce sont tous faiseurs de bâtards — Ne cherchent qu'après le con (littér. „le chausson 1 *; cf. p. 8, n° 15) — Quand ils auront fait cela — Ils laisseront leur mai- tresse là (ils la délaisseront). 11. Li fis da Lambert A l' broquette es l'air, Mains l'fis da Colas A l'broquette es bas. Trad.: Le fils de Lambert — A le vit (littér. „la broquette"; cf. p. 17, n° 44) en l'air — Mais le fils de Nicolas — A le vit en bas.

N. B. Les gens „bien élevés" remplacent, dans ce dernier refrain, le mot broquette par le mot narenne (nez). Ils peuvent alors hurler le refrain tout à l'aise, sans craindre la police. Mais personne ne se trompe sur le sel du mot, car le rapprochement établi, notamment par la physiognomonie (cf. p. 17, n° 43), entre le nez et le vit, est tout-à-fait populaire à Liège. C'est à tel point que les hommes qui






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 6S

ont le nez retroussé, on comme on dit, crollé (bouclé à la manière des cheveux!) passent pour être très passionnés!

V.

Chansons du Jour des Bois.

La veille du Jour des Bois .(Epiphanie), dans tout le pays de Liège, il était d'usage — et il reste quelque chose de cette cou- tume — qu'à la tombée de la nuit, des bandes de quêteurs allassent de porte en porte, chanter des* chansons de quête, dans le but d'obtenir U pârt-Dièwe, la part à Dieu, c'est- à-dire un morceau du gâteau qu'on mange ce soir en famille. Ils mettaient en commun le produit de leur quête et faisaient le soir un régal dans un endroit convenu.

Lorsqu'ils étaient bien accueillis, ils réci- taient d'ordinaire une petite chanson supplé- mentaire, en wallon toujours, où ils louaient comme il convient la générosité des gens qui leur avaient donné U pârt-Dièwe.

Mais quand leur demande était repoussée, ils débitaient alors l'un ou l'autre quatrain satirique à l'adresse de la femme ou du maître du logis, suivant que c'était lui ou elle qui les avait rebutés.






64 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


Voici quelques exemples. 1. Dji vins hèyî à Fvette èplâsse,

L'maisse di chai a tchî es s.'cou d'tchâsse r Il a fait on si gros stron Qu'i s'a d'hitté tôt ses coyons. Trad.: Je viens héler à la verte em- plâtre*), — Le maître de céans a chié dans son haut-de-chausses: — Il a fait un si gros étron — Qu'il s'est embrené complètement ses conilles.

2. Dji vins hèyî â blanc vantrain Li dame di chai n'a nou % conin Elle l'a vindou po deux attètches Dji Ta ratch'té po qwate pirettes. Trad.: Je viens héler au blanc tablier**) — La dame de céans n'a pas de con — Elle l'a vendu pour deux épingles — Je l'ai racheté pour quatre noyaux (de cerises). 3. Dji vins hèyî po quéques miettes

Mais les djins d'cbal n'ont nin 'n'plaquette. On dit qni l'feumme n'a pus des tettes:

  • ) Hèyî, appeler en demandant ; anc. français héler,

même sens. — La verte emplâtre; cette formule cor- respond à celle-ci: la verte maison (la maison aux contrevents verts), qui se trouve au début de plusieurs couplets de quête.

    • ) Au blanc tablier, c'est-à-dire, à la dame : c'est la

partie pour le tout.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 6S

On M côpa avou n'cizette, On l's a rosti d'vins n'noûve pailette. A diale li feumme et les miettes! Trad.: Je Tiens héler pour quelque miette — Mais les gens de céans n'ont pas le son. — On dit que la femme n'a pins de seins: — On les loi coupa avec des ciseaux, — On les a rôtis dans un poêlon neuf. — Au diable la femme et les miettes!

4. A nia à l'savonette!

Li maisse di chai n'a nolle mizwette!

Nos estî* v'nou chai po lî r'mette.

On l'avent côpé à l'cizette,

On l'aveut r'loyî à l'cowette.

A diâle li pauve vîx maisse sins qnette! A hiâ au savon — Le maître de céans n'a pas de pine*) — Nous étions venus ici pour la lui remettre — On l'avait coupée aux (avec des) ciseaux, — On l'avait rattachée avec un cordon. — Au diable le pauvre vieux maître sans pine.

VI.

Les airs Importés.

Certains airs plus ou moins récemment importés de France par les théâtres ou les

  • ) Littéralement : pu de musaraigne. Cf. p. 22, n<> 62.

KçvTtT. VIII. 5


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66 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


cafés-concerts sont devenus populaires dans les rues, sans que leurs paroles restent. On les siffle. On les -chante aussi, et ordinaire- ment le peuple grossier les „orne" de paroles obscènes. C'est ainsi que le début du fameux air de Carmen: „Toréador, prends ga-a-a-arde" est devenu à Liège:

Toréador, Qu'a n'pouce dizos s'conâr . . . (Qui a une puce sous son con!) et que précédemment Pair de VO$tendai»e t sorte de danse apparue dans les cotillons vers 1870, a donné lieu d'inventer ce quatrain: Bondjoû, houle Guyaine Lèyîz-me sinti vosse cou, nosse dame, Tins, tins, vola m'conin Et s'hére ti broquette divins. Trad.: Bonjour, boiteux Guillaume — Laissez-moi sentir votre con, madame — Tiens, tiens, voilà mon conin — Et fourre ton vit dedans.

Le cas de cet air de danse n'est pas unique. On connaît encore un ancien air de Passe- Pied grâce au sixain scatologique suivant qui y fut adapté:

Bondjoû Marèye Clape-sabot Trossîz bin vosse cotte






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 67


Qwand vos irez tchîre Bondjoû Marèye Clape-sabot Trossîz bin vosse cotte Qwand vos irez co. Trad.: Bonjour, Marie Sabot-qui-frappe — Troussez bien votre jupon — Quand vous irez chier — Bonjour ... — Troussez ... — Quand vous irez encore.

La chanson du roi Dagobert, qui n'a pas de variante wallonne, a donné lieu au distique suivant qui se chante sur la première phrase de cet air bien connu:

Avou de l'pai (peau) d'conârd On fait des shakos d'sodârd. L'air célèbre: Vlà l'bastringue, a été traité de différentes manières, et notamment, on en chante une variante sur les paroles sui- vantes : Qwand m' graud'mére nos fève les vautes Nos broquîs, broquîs, broquette Qwand m 1 grand'mére nos fève les vautes Nos broquîs onque avâ Faute. Trad.: Quand ma grand'mére nous faisait les omelettes — Nous sautions (de joie) — Quand ... — Nous sautions tous les uns dans les autres. (Sur le mot broquette, cf. ci-dessus p. 17, n° 44.)

5*






68 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

Il serait facile de multiplier ces exemples. On peut dire qu'en général, tons les airs sans paroles on dont les paroles n'ont pas pénétré dans le peuple, et tous ceux dont il n'a retenu que le début, subissent un traite- ment analogue. Ceci, bien entendu, indépen- damment de la popularité que peuvent donner les chansonniers populaires, par leurs œuvres nouvelles, aux airs importés capables d'être retenus dans leur entièreté par le peuple.

Il serait utile de rechercher si la même constatation s'observe ailleurs; la vaste et obscure question de l'origine des airs popu- laires pourrait recevoir de ce fait certains éclaircissements.


vn. Contes et fâoéties.

1. La création de la femme.

Lorsque Dieu voulut créer la femme, il endormit Adam, lui ouvrit le ventre et en tira une côte. Comme Adam saignait abondam- ment, l'Eternel voulut de suite recoudre la plaie et posa la côte sur une pierre à côté de lui. Un chien passa, happa l'os et s'en* fuit avec. Le diable qui assistait à l'opé-






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ration, s'empressa, rattrapa le chien et rap- porta la côte. Dieu, flatté de l'empressement du diable, le chargea de donner une forme À l'os, pendant que lui-même continuait à coudre. Le diable fit donc la femme et eut soin d'y laisser le trou que le chien, en mor- dant, avait fait à la côte. Le souffle de Dieu anima la femme telle quelle, et l'Eternel n'ayant pas vu l'hiatus, la femme fut faite avec le trou, qui devait être la perdition du genre humain.

Cependant, Dieu, ayant recousu la plaie d'Adam, il se trouva qu'il restait trop de fil. Les ciseaux n'étant pas inventés, l'Eternel se demandait comment il supprimerait le surplus de son nœud. Le diable lui dit: Fais un second nœud, un nœud à fioquett (à double boucle). Et c'est ainsi que l'homme eut un gros nœud avec deux boucles, qui sont le vit et les testicules.


2. Le oonte de la mère Eve.

Notre mère Eve, quand elle eut son premier- né, rut frappée de sa faiblesse et des soins multipliés qu'il réclamait. Elle fut surtout attristée de s'apercevoir qu'après l'avoir nourri, lui avoir appris à manger, à parler,






70 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


à marcher, des soins lai étaient encore né- cessaires pendant de longues années avant que l'enfant pût tout seul pourvoir à ses "besoins et se conduire dans la vie.

Un jour qu'elle songeait longuement à tout cela, et qu'elle plaignait son sort et celui de ses descendants, son attention fut attirée sur le fait que, chez les animaux, il n'en était pas de même. En deux ou trois jours tout au plus, le petit de sa chèvre, qui avait donné son jeune en même temps qu'elle, s'était mis à gambader, à paître, à bêler comme un vieux. Frappée de cette inégalité, elle alla trouver le bon Dieu.

— Bon Dieu, dit-elle, ça n'est pas juste. Et ella lui exposa ses doléances.

— C'est vrai, dit l'Eternel, et si vous vou- lez nous allons rétablir l'équilibre. La chèvre ne va qu'une fois au bouc. Si vous voulez, il en sera ainsi pour vous . . .

— Ah ! cela, non, jamais, dit mère Eve. Et elle cessa ses plaintes.


3. La lune.

Du temps du vieux bon Dieu, l'Eternel jouait un jour aux cartes avec le Soleil.

Comme on était en été, le soleil chauffait dru. Cela tapa sur les nerfs au bon






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Dieu, et son vit se dressa. Le soleil voyant cela:

— Mais, Seigneur, lui dit-il, il me semble que tous êtes encore bien vert pour votre âge. Vous devriez vous marier.

— Moi, me marier, tu radotes. Et avec qui?

— Bé, avec la lune, par exemple.

— Avec la lune ? Vous ne savez donc pas que c'est une pas grand'chose?

— Non, ça, Seigneur.

— Comment, vous me conseillez d'épouser une femme qui roule sa bosse toutes les nuits, qui change de quartier*) toutes les semaines, et qui est pleine tous les mois!


4. Le oui et le oon.

Au temps passé, les femmes étaient en- core plus sales qu'à présent: elles ne se lavaient qu'aux fêtes carillonnées. Aussi, bien souvent, il fallait vraiment avoir le diable au cul pour aller avec elles.

Une commère particulièrement salope eut un jour une belle aventure. Il lui crût un navet au périnée! Vous riez? ne dit-on pas bien souvent aux gens qui ont les oreilles

  • ) A Liège, un petit appartement s'appelle quartier.






72 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


malpropres qu'on y sèmerait bien du persil? Eh bien, quelqu'un avait semé des navets entre les jambes de notre commère, voilà tout !

Là où la terre est tendre, la semence prend vite. Il vint donc un navet.

Quand il fut à point pour être cueilli, grandes discussions entre le cul de la femme et son con.

En fin de compte, ils allèrent au tribunal du diable.

— C'est à moi, M. le diable, dit le cul, c'est mon fumier qui l'a fait grandir.

— C'est bien plutôt à moi, fit le con, puisque c'est mon jus qui le rafraîchit.

Après avoir tenu conseil, le diable eût idée de „faire au plus court fétu"*). C'est le cul qui gagna.

— Tu as bien bon, dit le con, tu l'as pour toi tout seul, maintenant!

— Et toi donc, pansâte (gourmande), dit le cul, quand on te fourre dedans des carottes comme mon bras, as-tu jamais songé à me donner ma part?

5. La femme et le diable.

On dit souvent que „les femmes ont cent tours après (de plus que) le diable". Et c'est bien vrai, vous allez voir.

  • ) A la courte paille.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 78


Le diable ayait un fils qui était en âge d'apprendre un métier. Ça fait qu'il l'en- voya dans notre village pour en choisir un à son goût. C'est vrai, on ne sait pas de quoi l'on peut avoir besoin.

Ça fait que le fils dn diable tomba juste- ment chez le maréchal.

— Toc, toc.

— Qui est là?

— Un pauvre compagnon qui cherche dn travail.

— Que savez-vous faire?

— Ce que vous me montrerez.

— Eh bien, allons-y.

Le maréchal apprend à son valet à faire un fer à cheval. Quand il a eu fini, le diable dit: „Boil Maintenant, vous pouvez ren- voyer deux ouvriers, je ne serai pas gêné de faire leur besogne/'

Et en effet. Le diable, quand il s'y met, est un fameux ouvrier. Aussi le maréchal était si content, si content.

Un jour, le diable lui dit:

— Ecoutez, maître, je n'ai que faire de vos aidons (de votre argent). Nous allons ensemble combiner un autre marché. Je travaillerai quatorze ans pour vous, et pour rien. Après cela, j'aurai votre âme. Sinon






74 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


je m'en Tais de ce pas me mettre an service de votre concurrent.

Le maréchal, effrayé de la menace, s'em- presse d'acquiescer:

— Eh bien, c'est bon, mais vous ferez tontes les besognes que je vous donnerai.

— Entendu.

Et pendant treize années, le diable tra- vaille, travaille. Et le maréchal „fait son chat 1 * (fait fortune).

Mais voici la quatorzième année en train. Et plus on avançait, plus le maréchal s'assombrissait. Il songeait à la terrible échéance.

Un jour, sa femme lui dit:

— Voyons, Jean-Pierre, pourquoi es-tu si froid maintenant à côté de moi? Tu as quelque chose, dis-le-moi.

— Ça ne sont pas affaires de femme.

— Dis toujours.

Le maréchal confie sa peine. Elle le ras- sure et lui dit: „Ne crains rien, quand le moment sera venu, je lui donnerai une be- sogne dont il ne viendra pas à bout/ 1

En effet. Le dernier jour venu, le diable rappelle à l'homme sa promesse.

— J'ai fait votre besogne, mon maître. Maintenant, il va falloir me suivre.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 75


— Un petit moment, dit le maître. L'an* «reins n'a pas sonné, rappelez-vous que von» êtes entré ici à midi juste. Avant de partir, j'ai encore dn travail pour vous.

Il va trouver sa femme qui, troussant ses cottes, tire un poil de son cou et dit à son mari:

„Tiens, fais-ti radrevti coula so Vèglome avou on mayet, fais-lui redresser cela sur P enclume avec un maillet."

Drôle de besogne, dit le diable. Mais il se* met à l'œuvre. Il frappe, il frappe, il retourne- le poil follet de tous les côtés. Mais plus il frappe, plus le poil se recroqueville. Il s'efforce, il s'essoufle.

L'angelus sonne. Le diable s'enfuit en» jurant. L'bomme est sauvé.

Que pensez-vous de ce truc là?


6. Le roi qui avait faim de rire.

L'an 49 avant Charles -borgne, dans le petit royaume des Culs-troués, le roi s'en- nuyait à mourir. Il fit annoncer à son peuple que le premier de ses sujets qui parviendrait à le faire rire épouserait sa fille et hériterait du royaume.

Là-dessus, dans tout le pays, les jeunes gens ambitieux — et même les veufs — se






76 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


mettent en train de calculer, de chercher un moyen de faire rire le roi.

Il s'en présente tant et tant à la cour qui n'arrivent pas au résultat désiré, que le roi, pour avoir la paix, fait annoncer que désormais, celai qui tentera l'aventure, sans parvenir à le dérider, sera pendu haut et court

Cela fait réfléchir le plus grand nombre; quelques-uns se hasardent encore. Ils sont pendus à la file. Les autres reculent. Finalement, bien du temps se passe sans qu'on n'ose plus risquer sa peau à l'aventure.

De ce temps là — ce n'était pas comme maintenant! — les nouvelles se répandaient lentement. Il fallut six mois pour que les mandements du roi parvinssent aux oreilles d'une espèce de toqué, sabotier de son état, que tout le monde regardait comme un fou — et qui cependant décida de se présenter à la cour.

Il y vint en effet. Et le domestique du roi, à son arrivée, se précipita dans la Cour*) et dit au monarque:

— Sire, majesté, il y a là devant le palais une troupe d'individus qui ont l'air tous un

  • ) Jeux de mots. Le conteur sait parfaitement ce

•qu'il veut dire.






CHEZ LES WALLONS DB BELGIQUE. 77

peu timbrés, conduits par on antre, qui paraît être leur chef, et qui semble être a* loi tout seul plus fol encore que tons le» antres ensemble.

— Qne me veulent-ils?

— Je n'en sais rien.

— Dites an chef qu'il Tienne. Je Tais peut-être rire.

Notre homme entre dans le salon.

— Bonjour, monsieur le sire. Et il fait le poirier*).

— Bonjour, dit le roi sans sourciller» Qu'est-ce qui tous amène?

— C'est moi tout seuj, moi, Pierre Djh- m'fouê-d'tout , du pays des Grosses-vesses, pour servir $a Manette**) de toutes les ma- nières possibles.

— Àh! et que désirez-Tons?

— Vous faire rire.

— Essayez.

Notre homme appelle ses compagnons (ila étaient sept douzaines), et, après les avoir

  • ) Faire le poirier: te tenir jambes en Pair, sur

■et maint.

    • ) Sa Manêêté, je* de mott. Ce vocable (wallon

de Charleroi, Hainant), correspond an liégeoit mâSSÎSté, littér. saleté, et ett comme lui souvent employé dans le langage courant et par facétie, en analogie avec Sa Majetté.






78 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


fait ranger dans le salon, devant le roi, il leur ordonne de se déshabiller tout nos comme •des vers, sans chemise.

A ce spectacle, le roi fait un petit mouve- ment, sans toutefois esquisser le plus petit sourire.

Voyant que cela prenait, Pierre Djè-m'fous- d'tout crie à ses hommes d'un ton de capi- taine : „ Attention ! . . . Mettez .... pouces !"

Aussitôt, voilà mes sept douzaines de fous qui se fourrent comme un seul homme un pouce dans la bouche et l'autre dans le cul.

Le roi fait encore un petit geste. Mais de sourire, point.

Alors, se dit Pierre, jouons le gros jeu. fit il commande sur le même ton: „Atten- . tion ! . . . Changez, pouces !"

Et sur le même moment, chacun des sept douzaines de fous tire ses pouces et les change de trou.

Ah, mais! alors, le roi n'y tient plus. Il -s'est pâmé tellement que le bon Dieu (le €hrist) qui était sur la cheminée a chaviré et s'est cassé en mille morceaux par terre.

Et c'est ainsi que Pierre Djè-m'fovs-d'tout a épousé la fille du roi, dont il a eu dix-neuf enfants et deux filles! . . .






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 79


7. Le roi qui voulait marier sa fille.

L'an mil huit cents chaussettes, Tannée du

gros hoûrlai (tempête), la princesse désirait se marier. Mais comme elle ne voulait qu'un homme assez fort pour lui clore le bec avec ses réparties, il n'y avait guère d'amateurs.

Battre une femme à la langue, ce n'a jamais été facile. Mais une princesse, c'est ça qui doit être malaisé! . . .

Dans une maison il y avait deux garçons. Un sot qui s'appelait Niquenoque, et un fort malin qui avait fait ses classes et qui lisait la gazette comme un papier de musique*). Celui-ci voulut tenter l'aventure. Et quand Niquenoque Fa vu partir, il a voulu aller avec.

Chemin faisant, Niquenoque s'écrie tout- à-coup:

— Frère, fortune!

— Qu'as-tu trouvé?

— Ine èdjalé mohon (un moineau gelé).

— Va-t'en au diable, tu es encore plus sot qu'avant.


  • ) Pour le peuple la musique est un véritable gri-

moire; aussi, celui qui lit la musique passe-t-il pour un érudit. „Lire comme [on lit] un papier de mu- ■ique*', c'est donc être très savant.






.


80 OHBZ LB8 WALLONS DE BELGIQUE.

Un peu plus loin Niqnènoqne fait encore:

— Frère, fortune!

— Qu'as-tu tronvé?

— On bouchon.

— Va-t'en an diable, tn es encore pins sot qu'avant

Plus loin encore, Niqnènoqne trouve un cercle de tonneau, puis un petit sac de clous de sabot, les plus petits clous du monde.

Ils arrivent au palais.

Le malin entre. Il voit la princesse assise au coin d'un feu tout rouge, si bien qu'il faisait là une chaleur de démon.

— Bout dit-il, quelle chaleur il fait ici! Aussitôt la princesse:

— Il fait encore plus chaud à mon cuL L'autre, estomaqué, n'a su rien répondre,

et il est parti tout quinaud. C'est le tour du sot, à présent

— Boû! dit-il, quelle chaleur il fait ici!

— Il fait encore plus chaud à mon cul, dit la princesse.

— Eh bien, riposte Niqnènoqne, feriez-vous bien raviquer (ressusciter) celui-ci? Et il présente son moineau engelé.

— Oui, dit-elle, mais j'ai peur qu'il ne pette dehors!

— Nous mettrons ce bouchon-ci, dit-il.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 81


— Oui, mais je crains que ça me fasse gonfler, dit-elle.

— Nous vous mettrons ce cercle an col, dit-il.

— Et si le cercle glisse?

— Nous le clouerons avec ceci, dit-il. Et il montre ses petits clous.

— Mais j'ai encore plus chaud au con, dit-elle alors.

— Sauriez-vous fondre ceci, dit-il en mon- trant ses couilles.

— Oui, dit-elle, mais ça glissera dehors!

— Voici le bouchon, dit-il, montrant son vit.

— Mais j'enflerai, dit-elle.

— Et le cercle de mes bras?

— Il se rompra, dit-elle.

— Jour de Dieu! essayons, dit-il.

La princesse, là-dessus, a été toute pettée (interdite). Et ma foi Niquènoque épousa la princesse.

8. Les couilles et la maie chance.

Il y avait une fois un homme qui gagnait tous ses paris. Cela intriguait tout le monde. Les uns prétendait qu'il avait le pâcolet*);


  • ) Pacolett petite figure du diable qui donne la

chance à qui la possède. On dit aussi que c'est une petite bête.

Kçvxr, VIII. 6








82 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


d'autres se contentaient de dire qu'il était probablement un peu sorcier. Ce qu'on ne pouvait deviner, c'est qu'il n'avait qu'un coyon (testicule), particularité qui assure, paraît-il, à celui qui en jouit, une veine extraordinaire.

Un jour cependant, notre homme perdit. Il avait parié avec un autre farceur qu'à eux deux ils n'avaient que trois couilles. On se déboutonna devant la galerie. Notre chan- çard montra son cas unique. Mais cela ne fit pas reculer l'adversaire, car celui-ci en avait trois!

Notre homme, dépité, s'écria:

— Quel malheur! perdre la partie avec un si beau jeu !.. .

Depuis lors il perdit tous ses paris: son vainqueur, ayant trois coyom, avait anéanti sa chance . . .

9. Les caleçons.

Une jolie fille de la campagne était „en service" chez Madame*). Comme toute pay- sanne, elle n'avait de culottes que celles de la mère Eve quand celle-ci vint au monde.


  • ) Madame : nom sont lequel on désigne, tout court,

1» châtelaine.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 88

Aussi, quand elle montait à l'échelle, ou qaand elle lavait les fenêtres d'en haut, les valets s'amusaient à regarder, et ils aperce- vaient la lune ... au moins!

Madame, les voyant rire, vient voir aussi, et la voilà toute honteuse.

— Marie, dit-elle, je vous donnerai de vieux caleçons de ma fille. Vous les mettrez, et comme ça on ne verra plus rien.

Le samedi suivant, la servante lavait en- core les fenêtres, et les valets, postés en bonne place, riaient encore pleiu leur ventre.

Madame vient encore voir, et elle s'ex- clame :

— Vous n'avez pas de caleçon?

— Ils sont dans la lessive.

— Tous les six? Jour de Dieu, vous allez bien ... Ma fille, avec six caleçons va au moins trois semaines.

— Oui, mais, madame, votre fille a bien facile. Elle „fréquente avec" un avocat. Moi, mon galant est bouilleur, et ce n'est jamais que quand il revient de la bure que nous pouvons nous voir. Or, vous savez, il est tout sale. Non, madame, jamais, je ne saurais aller deux jours avec le même ca- leçon . . ,

6*








84 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


10. C'est le cul qui tient.

Colèye et Maton*) ont pris un rendez-vous pour le bon motif. Le jeune homme doit venir au milieu de la nuit, attendre sa cra- paude**) qui doit se trouver à cette heure dans la cave. Il la tirera dehors par le sou- pirail. Elle a pris ses mesures. Avec un peu d'efforts, ça marchera tarés bien.

En effet, l'amoureux, à l'heure dite, lui tend les bras en s'arcboutant du pied contre le mur. Il tire. Elle vient. La tête passe, les épaules aussi. Ça y est presque.

Mais la pauvre fille a compté sans les hanches, qu'elle a fortes et larges.

Elle essaie de face, elle essaie de biais. Ça ne va plus du tout.

— Diable, dit-elle, le reste a si bien passé. Mais c'est le cul, vois-tu . . .

— Il nous le faudrait, pourtant, dit naïve- ment le jeune homme . . .


  • ) Colèye et Maïon, Nicolas et Marie: les amoureux

typiques, au dire des Liégeois. Pour dire de deux jeunes gens qu'ils s'aiment, on répète: C'est Colèye et Ma on.

    • ) Crapaude, fiancée, amoureuse, ou même jeune

fille en général.






CHEZ LBS WALLONS DE BELGIQUE. 85


11. Cest papa qui gagne.

Une jeune fille très surveillée par son

père se demande comment elle s'y prendra pour répondre aux ardeurs de son galant.

Elle convient avec lui que, le soir, quand le jeune homme fera avec le père sa partie de cartes, elle viendra, sans le faire voir, s'asseoir sur ses genoux.

Cela se fait. Et comme la jeune fille n'a pas de caleçon, le reste se fait aussi. C'est- à-dire que le jeune homme lui met sa verge au petit endroit.

Il est vrai, comme le dit le peuple que „quand on le met par derrière, la femme gagne un pouce". Mais cela ne satisfait pas notre donzelle: ce n'est rien de l'avoir, il faut qu'il frotte!

.Aussi, comme le jeune homme, ému, perd la partie, notre amoureuse se met à sautiller de joie en frappant dans ses mains:

— C'est papa qui gagne! C'est papa qui


gagne


12. Entre les deux*). Une jeune fille garde les vaches dans un pré. Elle est couchée de tout son long sur

  • ) Entre les deux, inte les deux, expression qui signifie

au sens figuré : pas trop, médiocrement, un peu . . . etc.






86 CHEZ LE8 WALLONS DB BELGIQUE.

l'herbe. Elle a les yeux battus, la tête lourde, elle est fatiguée, et elle est près de s'en- dormir. Passe le curé.

— C'est ça, dit le bonhomme: C'était hier la fête *) . . . nous avons été au bal . . . nous arons dansé avec Pierre, avec Paul ... et maintenant nous avons mal aux jambes.

Alors la jeune fille, toute honteuse:

— Bin . . . entre les deux, là, monsieur le curé.

13. La chandelle.

Dans le temps passé, le jour de l'Assomp- tion, c'était l'habitude que les femmes, jeunes ou vieilles, fissent don à la Vierge de grandes chandelles de cire.

Un jour d' Assomption, une Jeune com- mère"**) vient près du vieux clerc qui était cirier de la paroisse, et lui demande une chandelle pour la Vierge.

— Une quelle? dit-il, une blanche ou une jaune?

— Bé ! je ne sais pas, moi, dit la commère. Pourquoi y en a-t-il de deux sortes?


  • ) La fête, li fieêSC, nom wallon de la Kermesse.
    • ) Ine djône kimére, une jeune fille.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 87


Le clerc aurait bien répondu qu'elles

étaient de prix différents. Mais c'était un vieux drôle.

— Je vais vous dire, répond-il. Quand on n'a rien à se reprocher, on donne une blanche; mais quand on n'est pas tout-à-fait ,, claire et nette", ma foi, on donne une jaune.

— Oh! oh! fait la commère.

— C'est ainsi, dit le vieux. Laquelle vous faut-il donc?

— Ben . . . ben . . .

— Oh ! il ne faut pas être gênée, la Vierge sait tout. Il n'en manquera pas de jaunes cette année.

Alors la commère se décide:

— Savez- vous quoi? Mettez-moi une chan- delle entre les deux . . .


14. Où conduit la coquetterie.

Deux jolies filles sont allées au bois pour ramasser des feuilles. Elle se sont écartées l'une de l'autre.

Passe un monsieur qui demande à la pre- mière si elle veut se laisser faire, pour une pièce d'or.

— Comment, dit-elle, pour qui me prenez- vous? Grand crapuleux, passez vite votre






88 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


chemin ou voua aurez mes deux sabots dans votre gueule!

Le monsieur ne se le fait pas dire deux fois. Plus loin, il rencontre l'autre fille, qui accepte sa proposition.

Quand les deux amies se sont retrouvées, la deuxième a dit à la première:

— Regarde, quelle belle pièce d'or toute neuve j'ai trouvée dans le bois.

— Va, dit l'autre, je l'aurais sûrement trouvée à ta place, si j'avais en une che- mise propre.

— Grande bête! dit la première. Pourquoi mettre une chemise? Pour faire comme les danCzelleê de Liège? Je te reconnais bien là. Tu ne seras jamais qu'une coquette ! . . .


16. Les deux mères.

Un jeune homme, très jobard, était malade de sa virginité. Le père l'envoie chez son médecin, qui, prévenu, lui fournit l'adresse d'un bon bordel honnête, à la ville voisine.

Le jeune homme, qui ne sait ce que c'est, se met en route. En chemin, il rencontre sa grand'mère qui le questionne.

— Vous n'avez pas besoin d'aller si loin, dit-elle, j'ai le remède ici.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 89


Incontinent, elle se met en posture et, après maints essais, il donne enfin ses prémices à la rieille.

Il revient. Son père le questionne.

— Comment! dit-il » t'as cougni m'mère, pourceau !

— Tu as bien cogné la mienne, toi! dit le jobard déniaisé.


16. Une chaudepisse à longue portée.

Un jeune paysan vient chez le médecin du village et lui demande de lui procurer une chaudepisse.

Le médecin, un peu ahuri lui répond qu'il en guérit, mais qu'il n'en donne pas. Le paysan insiste.

— Eh bien, dit alors le médecin amusé, allez à la ville dans telle rue, tel numéro. Vous paierez 25 centimes, et je vous garan- tis une chaudepisse carabinée. Mais, pour Dieu! n'offrez pas davantage, car alors, je ne réponds plus de rien.

Quinze jours après, le paysan revient et demande cette fois la guérison.

Etonnement du médecin, explications du jeune homme.








90 CHEZ LBS WALLONS DB BELGIQUE.


— Je vais tous dire. Je caye la serrante de la maison: „c'est le droit du jeu"*), rien à redire. Mon père la caye aussi: c'est encore une fois „le droit du jeu". Alors, mon père caye ma mère: c'est sa femme, rien à redire. Mais le curé, ce nom de Dieu-là, caye lui aussi ma mère, et cela je ne puis l'admettre. C'est lui que j'ai voulu pnnir.

Alors le médecin, portant vivement la main à sa culotte:

— Ah! sacredieu! C'est donc cela que je ressens: il caye donc ma femme aussi, ce co- chon-là !

17. Un drôle de paroissien.

Le peuple blasphème en toute occasion et hors de propos. A la moindre exclamation, il joint toutes les variantes imaginables des blasphèmes classiques.

Au pays flamand, on voit souvent dans les cabarets des pancartes: Qod tiet on$ (Dieu nous voit!) ou bien: On ne bltsphème pas ici. Il n'y a rien de semblable au pays wallon, et, au contraire, on y raconte maint» traits du genre du suivant:

Un honilleur se trouvant à la messe, cherche son chapelet II retourne toutes ses poches.

  • ) C'est-à-dire : c'est régulier, c'est chose naturelle.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 91


Il ne le retrouve pas. Alors, du ton le pin» naturel, il se met à dire:

— Sacré mille milliards de wagons d'Dom

de Dieu ! je ne suis pas foutu de r 1 trouver ce sale chapelet-là. Il faut croire que le sacré cochon est petté aux cinq cent raille diables qui l'emportent!


18. Voir et sentir.

Un vieillard, très malade, reçoit la visite du curé qui s'entretient avec lui. Le vieux lui raconte toute sa vie, ses malhenrs, ses tristesses, ses douleurs. Il avait eu trois femmes.

Le curé, apitoyé, lui dit:

— Vous en avez bien vu, pauvre homme \

— Oh oui! et encore plus senti, monsieur le curé ! dit le vieux tristement.


19. Une drôle de relique.

Le vieux curé de Sons-mes-jambes, pour ranimer la ferveur de ses paroissiens, décide de munir son église d'une relique d'un grand saint.

Il dépêche son bedeau à la ville, avec la. somme.






92 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

On sait que les bedeaux ont sons le nez un tron qui coûte beaucoup pins cher à rafraîchir qu'âne douzaine de Taches à nourrir.

En route, notre homme, ayant toujours soif, buvait et buvait. Si bien qu'il n'était guère à la ville, que déjà il n'avait plus que cinq petits sous.

— Me voilà propre, se dit-il. Je vais avoir au retour des „paters de pourceaux" (in- jures) et je perdrai ma place.

Dans le cabaret où il se livrait à ces amères réflexions, la femme était justement en train de plumer un coq. Une idée vient à notre homme.

— Voulez-vous, dit-il, me donner le cul de votre coq pour cinq sous?

— Cinq sous ? Et qu'en voulez-vous faire ?

— Cela me regarde.

— Eh bien, soit.

On lui donne le cul du coq. H revient au village et présente sa relique au curé comme étant la bouche d'un vieux saint.

— Quel saint?

— - Saint Cutounu.

— Voilà un drôle de saint.

— Nous en avons de bien plus drôles, M. le curé, dit le bedeau.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 98


On place la bouche de St. Cutounu dans

une belle vitrine et, au sermon, le dimanche, M. le curé porte aux nues les mérites de la nouvelle relique.

Un bon vieux papa s'avance vers la vitrine, et, reluquant l'insigne objet, il y remarque un point tout rouge.

— Bé! dit-il à son voisin, je croirais bien que c'est tout de même vrai. Et montrant le point rouge: voyez-vous, cela doit être la place où il tenait sa pipe . . .


20. Un drôle de miracle.

Un curé, pour ranimer la foi chez ses paroissiens, imagine un miracle et requiert la collaboration de Mareye *). Celle-ci devra, à une certaine parole du sermon, lâcher par un trou du plafond, le pigeon qui représente le St.-Esprit.

Mareye va donc se mettre au poste. Mais à un moment donné, elle fait un faux pas, et glisse dans le trou, jambes en avant. Elle est retenue par les hanches, les cottes relevées — et, naturellement, elle n'a pas de culottes.


  • ) Mareye, Marie, nom sous lequel on désigne la

Bervante du curé dans les conte b.






94 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


Le curé, voyant cela, s'empresse de dire: „Ne regardez pas, mes très chers frères, vous deviendriez aveugles!"

Un vieux bossu, curieux, se bouche un œil et dit : Je vais tout de même risquer un œil ! . .

Et c'est ainsi qu'il vit le con de Mareye!


21. A oonfesae.

On en raconte beaucoup sur les curés. Je ne sais pas si elles sont vraies, mais il est sûr qu'ils doivent en entendre parfois de •drôles à confesse, et qu'il leur faut parfois bien chercher pour trouver la pénitence qui convient suivant les cas.

L'autre jour, Bertine arrive à confesse sur le tard (le soir). En s'approchant du bénitier, -elle voit Marie-Jeanne, manche troussée, qui tient la main plongée dans l'urne.

— Que fais-tu là? dit-elle.

— Je fais ma pénitence. Figurez -vous hâcelle*), je lui ai dit (au curé) que j'avais mis ma main dans le pantalon de Joseph. Il m'a -condamnée à rester ici cinq minutes, la main. dans l'eau bénite, pour la purifier.


  • ) Bâcelle, nom que se donnent entre elles les filles

•et les femmes. C'est le vx. fr. baehelle, bachelette, etc.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 95


— Jour de Dieu! dit Bertine, il est mal disposé aujourd'hui, s'il allait me condamner d'après cela, il faudrait que j'y mette mon cul.

Bertine confie son cas à sa cousine Garitte, la couturière, et celle-ci qui n'a pas froid aux yeux, se promet bien, si le curé lui donne une pénitence trop drôle, de lui jouer un tour à sa façon.

Elle va à confesse le lendemain, et elle avoue (il faut bien dire la vérité!) qu'elle a eu une tentation en recousant une brayette l'autre jour. Garitte est couturière, et elle ne peut pas refuser de raccommoder le pau- talon des gens.

— C'est grave, cela, dit le curé. Pour votre pénitence, puisque vous „tenez :t trois vaches, vous m'apporterez un pot de beurre.

Le lendemain Garitte arrive chez le curé avec un pot au beurre sous le bras. Elle ouvre la porte, dépose le pot dans le vesti- bule, et prrrt! elle s'enfuit.

Mais le curé a vu. Il accourt et crie à Garitte:

— Garitte, ma fille, il n'y a rien dans votre pot!

— Il n'y avait rien dans la culotte non plus! dit la fille.








96 CHEZ LES WALLON8 DE BELGIQUE.


22. Les roueries des femmes.

Les ouvriers bouilleurs sont payés deux fois par mois, le cinq et le vingt Aussi le jour de paie s'appelle li qwinzainne, et, soit dit en passant, ce terme est usuel, même chez les armuriers que Ton paie chaque samedi.

Un mari, dans les premiers temps du mariage, soignait sa femme „aux petits oiseaux" (c'est-à-dire très bien).

Après un temps, il y mit plus de négli- gence et finalement, il laissa passer jusqu'à des semaines sans remplir son devoir. La femme, alors, devait compter sur le hasard, et surtout sur l'alcool. Dès lors, le jour del qwinzainne lui devint doublement cher.

Un jour de paie, où le mari s'était ex- ceptionnellement bien conduit, il se mit, malgré elle, à ronfler.

Alors sa femme, prise de regret, lui dit le lendemain matin:

— D Joseph f n'âreût-i nin moyen d'avu 'n' qwinzainne d'avance? . . .

Une autre fois il revient ivre, puant et hoquetant. Il entre au lit et escalade sa moitié d'an geste maladroit.

Elle s'éveille.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 97


— Hé, pourceau! s'écrie-t-elle, si c'était un cabaret, tu ne panserais pas sans entrer.

Une autre fois encore, au milieu de la nuit, elle attrape le vit de son homme dans la main. L'homme se réveille.

— Ah! dit-elle, je rêvais que je tombais à l'eau et que je me retenais au garde-fou, dji m'ritnéve à Vbaye, dai, Djôêèph.

Et houspillant gentiment le petit frère, elle ajoute:

„Et je faisais comme ça, voyez -vous, Joseph ..."

A quelque temps de là, le mari ayant fêté St Lundi plusieurs jours de suite, répondit aux justes observations de sa femme:

— Quand tu n'auras plus d'argent, nous vivrons d'amour.

Le soir, à son retour, il trouve sa moitié toute nue, en train de se chauffer le ventre devant le foyer.

— Qu'est cela? dit-il.

— Je réchauffe ton souper, dit-elle. Mais le mari s'en fiche. Il va souper chez

sa mère et, à son retour, il ne regarde pas plus sa femme qu'un morceau de bois.

Alors le lendemain matin, avant son réveil, la femme attache à sa pine un petit ru- ban noir.

KçvTtt VIII. 7






98 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Quand il y a un mort dans la maison, on porte le deuil, dit-elle.

Cette fois excédé, le mari saisit virement sa chique et la lance au con de sa femme.

— Eh bien, puisqu'il y a un mort, ferme donc ta fenêtre, dit-il.

Cela n'a sans doute pas découragé la femme. Et l'on raconte assurément bien d'autres histoires encore que celles-ci. Mais moi, je n'en sais pas plus long.


23. Je m'en vais!

Deux époux, au lit, après s'être conscien- cieusement préparés, en sont au coït non moins consciencieux.

A un moment donné, la femme dit: „Ah! je m'en vais!" Le mari répond: „Et moi aussi".

Alors le gamin crie: „Maman, donnez-moi mes sabots, je m'en irai avec!"


24. Plan de vie.

Un vieux mendiant se présente chez de braves gens de paysans. La femme le re- garde et lui dit en lui donnant la pièce:

— Vous devez déjà être fort vieux, vous, l'homme?






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 99


— Oh! répond le mendiant, j'aurai cent ans aux groseilles noires.

— Comment, cent ans? vous avez encore l'air solide, cependant.

— Bé, dit le mendiant, il faut vous dire que je n'ai jamais bu une seule goutte de ma vie.

— Ce n'est pas comme toi, vaurien, dit la femme à son homme. Prends exemple!

— Et puis, dit le mendiant, je n'ai jamais passé de mauvaises nuits. A huit heures, tous les jours, je dors.

— Ça n'est pas comme toi, hein, rouleur? dit encore la femme. Puis s'adressant au mendiant: Vous devriez passer plus souvent par ici, car vous êtes un bien bon exemple pour mon cochon d'époux.

— Le principal, continue le vieux, c'est que je n'ai jamais été fou des commères. Jamais plus d'une petite hipette par mois. Et encore . . . dans les premiers temps du mariage !

— Qu'est-ce que tu racontes, vieille fri- pouille, dit la femme. Fiche-moi le camp d'ici, ou je te fous mon pot de nuit à la gueule. Si je te revois devant mes yeux, je te poignarde à coups de sabots! . . .


7*








100 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


26. Petite pluie . . .

Un jour Pierre Q*'a$ê$-foute*) est an lit avec sa femme.

Celle-ci lâche un pet U paraît que c'était son habitude. Désirant la lui faire perdre, le mari se met à pisser au cul de sa femme*

— Que fais-tu là, sacré cochon? dit celle-ci.

— Tu ne connais pas le proverbe? ré- pond l'autre. Petite pluie abat grand yent!

On prétend que la femme ne péta plus. Mais je n'en crois rien. H est si difficile de corriger les femmes ! . . .


26. Le chapelet de la commère.

Deux gens mariés sont au lit.

L'homme, bien disposé, veut caresser le petit conin de sa femme. Elle se retire avec humeur :

— Laisse-moi tranquille, je dis mes pater* (mes prières).

Le mari se le tient pour dit. Mais le lendemain, c'est au tour de la femme.

— Dites-donc, soeur, fait le mari: prenez- vous à présent mes coyons pour des grains de chapelet? . . .


  • ) Littéralement: Pierre Qu'as-tu cure.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 101


27. Le pantalon.

Une bonne femme est en train de terminer sa lessive. Chez les houflleurs, on lessive tons les jours le costtme de travail pour le lendemain, et à mesure qu'une bmgue (une $ièoe) est lessivée, on la suspend, pour la sécher, à une corde tendue dans la chambre même de mur à mur.

Notre ménagère donc, terminait courageuse- ment sa besogne : le pantalon de toile pendait déjà à la corde. Quand tout-à-coup, son jour étant venu, la voilà prise du mal d'enfant. Elle se met au lit, et en avant la musique.

Ça n'allait pas tout seul. Malgré l'aide de deux ou trois matrones du voisinage, la bonne femme ne parvenait pas à son fait.

Bile poussait, elle souffrait, elle geignait.

— Courage, soeur*), disaient les matrones: cela sera bien vite fini. Il faut souffrir pour son plaisir.

— Oui, répondait la pauvre, mais vraiment, c'est trop de mai pour un si petit plaisir.


  • ) „8œur u , en wallon : 80Ûr et frère, en wall. frè.

Voms que se donnent entre ewx let gène du peuple, 'parente on non, et qu'on donne même aux inconnue. 9e même tout vieillard, tonte vieille femme, est nommée grand' père, gran&mére.






108 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

Et, ses yeux se portant sur le pantalon pendu à la ficelle, elle dit sur un ton in- traduisible :

— Otez le pantalon ! . . .

Après un long temps, l'affaire se termine heureusement.

A peine remise, les bonnes âmes la plai- santent: „Vous voilà encore bonne pour un autre, maintenant."

Alors la bonne femme, philosophiquement:

— Remettez le pantalon, dit- elle.


28. Il me reconnaît! . . .

Le jour des Ames, une jeune veuve s'en vient „rendre ses devoirs" à son défunt mari. Elle s'agenouille sur la tombe, et prie pieu- sement.

Mais, de ce temps-là, les femmes ne por- taient pas, comme maintenant, des culottes.

Un brin d'herbe vient chatouiller la femme à l'endroit sensible. Et celle-ci, pleine du souvenir de son homme:

— Il me reconnaît, dà, le binamé*): il n'a pas encore perdu ses aimables manières! . . .


  • ) Binamé n bien-aimé tt , binamêye „bien-aimée u es-

thètes qui reviennent constamment dans le langage usuel, i Liège, et qu'on applique aussi bien à Pinte»* locuteur qu'à la personne dont on parle.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 108


29. Les oreilles coupées.

Baptisse Trousse-Cotte en a joué une belle à Louis Gras-boyau, celui, vous savez bien, qui est marié à Lalie Sotte-à-lier, de Manchot' sus-s' panse*).

H faut savoir que l'année passée Louis Crabouyau, qui est briquetier de son métier, a dû aller en France, laissant sa femme enceinte.

Il n'était pas encore parti d'un mois qu'un de ses voisins, qui savait cela — c'était Baptisse parbleu! — va faire visite à Lalie.

Tout le monde sait bien que Lalie ne s'est jamais distinguée par son intelligence.

Baptisse entre et voit Lalie en train de travailler à la layette. Il lui demande où est Louis.

— Bé, dit-elle, il est ,, parti travailler" en France.

— Comment, dit Baptisse, il n'est pas hon- teux de s'en aller si loin, en laissant son ouvrage à moitié fait?

— Que voulez- vous dire?

  • ) Monchat-9U8-8* panse, littéralement Monceau-sur-

sa-panse. Fausse prononciation facétieuse du nom de Monceau-sur-Sambre, localité des enrirons de Charleroi, où le conte a été recueilli.






104 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Je veux dire qu'il n'a seulement pas fait des oreilles à votre enfant.

— Ce n'est pas Dieu possible!

— C'est comme je vous le dis, Lalie, et si j'étais vous, je chercherais un garçon de bonne volonté pour faire ce qui manque. Voyez un peu si votre pauvre enfant arrivait au monde sans oreilles, vous vous en vou- driez tout le temps de votre vie.

— C'est pourtant vrai, dit Lalie. Est-ce que, par hasard, vous qui vous y connaissez, vous ne voudriez pas . . .

— U faut vraiment que ce soit pour une femme comme vous. Et que je sois ami comme je le suis avec votre mari . . . Sans quoi . . .

Bref, Baptisse fait les oreilles. Puis il s'en va.

En beaucoup plus de temps qu'il n'en faut pour le dire, Lalie met au monde un enfant, rien de plus beau.

Voilà Louis de retour de France.

— Voyez, dit sa femme, quel bel enfant nous avons. Nous avons de la chance d'avoir trouvé en Baptisse un obligeant voisin. C'est à lui que nous le devons tel qu'il est.

Louis s'exclame. Il questionne. Elle lui raconte l'histoire.






CHEZ LES WALLONS DB BBLGIQUB. 106


— N'en parle à personne, dit Louis. Je lui revaudrai cela.

Il prend son rasoir et Ta droit à la prairie de Baptisse, où paissaient trois vaches su perbes. Il leur coupe les oreilles et revient avec les oreilles dans sa poche.

Quelques heures après, Baptisse vient ra- conter la méchanceté qu'on lui a faite.

— Bé, dit Louis simplement, tn ne dois pas t' attrister pour cela: tu as bien mis les oreilles à mon gosse, tn en mettras aussi à tes vaches ! . . .


30. Le médecin à l'urine.

A la fin du siècle dernier — ceci est histo- rique! — il y avait à Tongres un médecin qui jugait la maladie des gens à la simple inspection de leur urine. Sa renommée, qui dut être fort grande, est venue jusqu'à nous, grâce à diverses faeéties dont voici deux des plus caractéristiques.

Le vieux curé de S* Denis à Liège, voyant Mwrèyt dépérir, envoie vers le fameux médecin son bedeau porteur d'une fiole où elle avait pissé.

Le bedeau, en route, casse la fiole. Et pour ne pas revenir bredouille, bast! il pisse dans une bouteille et l'apporte au médecin.






106 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


Celui-ci porte la bouteille à la hauteur de l'œil et demande de qui provient le liquide.

— C'est de la servante dn curé, dit le bedeau effrontément.

— Eh bien, dit le médecin, vous dires an curé qu'il fait faire trop souvent le mâle à sa servante!

Une antre fois, Marèye étant encore ma- lade, celle-ci demande que l'on aille de nou- veau consulter le fameux médecin.

Mais le curé se défie: on voit trop de choses dans l'urine de Marèye.

Il regarde lui-même, en soulevant à la hauteur de l'œil, le flacon devant la fenêtre.

Un ce moment, des soldats défilent dans la rue.

— Jour de Dieu, Marie, dit le curé, qu'avez-vous donc fait avec votre cousin le soldat? Voilà que vous avez maintenant un régiment de lanciers dans le ventre!


31. Les soularda.

Un ivrogne est appuyé contre le parapet du Pont-des-Arches (à Liège) et remet ce qu'il a bu de trop.

— Je le revendrai, je le revendrai, crie-t-il furieux, entre les hoquets qui le soulagent. Je le revendrai, je le revendrai






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 107


— Quoi donc que ta revendras? lui de- mande nn bourgeois.

— Le trou de mon cul, dit-il, puisqu'il ne

fait plus son office.

  • *

Marcatchou*), plein comme nn œuf, vient pisser contre la fontaine du Perron. Il pisse, il pisse. Ça n'en finit pas.

Et le bruit de son eau se confond avec celui que fait la fontaine, qui elle, continue plus longtemps encore.

Marcatchou sommeille.

Marcatchou pisse toujours — ou du moins croit qu'il pisse.

Finalement, excédé de ce bruit qui ne cesse pas, il relance d'un mouvement brusque son vit dans sa culotte et dit d'un ton d'humeur :

— Merde! je ne pisse plus. Et il s'en va.

32. J'ai l'œil dessus.

Les revendeuses de légumes, sur le Marché,

ont peur du froid, l'hiver. Dès la première

bise, elles se munissent d'un covet (réchaud)

alimenté de braises et, pour mieux profiter

  • ) Marcatchou, type populaire du pêcheur à Liège,

mort il y a quelques années.




i 


106 OHSZ LUS WALLONS DM BELGIQUE.


de sa chaleur, elles le placent par terre sons leurs jupes, et elles se chauffent ainsi, jambe 4«-ei, jambe de-là. Réflexion d'un passant:

— Prenez garde que le eovet ne mette le feu à tos vêtements.

— Pas de danger, dit-elle, j'ai l'oeil dessus.


38. Un bien brava homme. Sur le marché, deux revendeuses de lé- gumes bavardent en attendant le client.

— Moi, dit l'une, j'ai vendu hier des oignons gros comme ça.

Et elle montre les deux poings.

— Moi, dit l'autre, j'avais ce matin des carottes comme mon bras.

Une vieille femme, presque sourde, mais qui a interprété leurs gestes à sa façon, s'approche et leur demande:

— Où demeure-t-il donc ce brave homme là ?


34. Mots de botresses*). Une botresse accroupie dans une ruelle, faisait sans façon, suivant l'usage de ses pareilles, ce qu'elle avait à faire.

  • ) Botresse, femme qui porte des fardeaux dans un

&0t, une botte. Type populaire liégeois. Les botresses ont la langue très légère et on leur prête une foule de




CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 100

Passe un chanoine de la Cathédrale. Ces chanoines, autrefois, étaient répétés ponr leur

bonhomie. La botresse veut se lever.

— Restez, dit-il, ma fille: j'aime bien mieux voir la poule que l'œuf.

Une autre fois, un chanoine encore ren- contre une botresse f qui, jambes ouvertes, lâchait l'eau largement.

— Tu fais pluviôse, là, botresse, dit le chanoine en souriant.

— Oui-dà, binamè chanoine, dit la bonne femme. Et vHà ventôse.

Et elle lâche un gros pet*).

On prétend que les botresse» savaient faire tout debout, jusqu'à une commission que le roi n'envoie pas faire à sa place.

L'odeur étant un peu forte, un curé, passant par là, faisait ses réflexions là- dessus.


traita. Elles passaient pour être compatissantes aux déBirs des hommes. Les botresses, aorte de porte-faix, étaient de fortes femmes, et au temps où il y en avait de jeunes, elles devaient être, de par leur air de sauté, asseas appétissantes pour lea amateurs de grosse -viande.

  • ) Comme on voit, cette facétie porte une date, et

est une preuve de l'état d'esprit des populations à l'égard des Révolutionnaires français et de leurs in- ventions.






110 CHEZ LES WALLONS DB BELGIQUE.

Mais la bonne femme, sans se gêner, ré- pondit en son franc parler:

— Dj'a fait qui fome: Sofflez qu'il ode. (J'ai fait qui fume, soufflez qu'il arde.)

Cette sorte de distique, en wallon très archaïque, est souvent répétée par ceux à qui Ton demande ce qu'ils sont allés faire.


35. Mot de „oaftresse".

Les femmes du peuple sont réputées pour aimer le café : leurs parties de blague se pas- sent à vider la copette (tasse, bol sans anse), Le Wallon ne conçoit point deux bavardes sans les voir assises à une petite table, siro- tant du café : les pièces du théâtre populaire wallon ont fortement exploité cette scène caractéristique des caftresses. Au reste, de même que les hommes s'offrent la petite goutte, les femmes se paient le café: il y a dans chaque ville des restaurants féminins où Ton ne sert qne du café, avec de la tarte, du jambon, etc.

Cependant, le café passe aux yeux de nos commères pour faire pisser, et un couplet satirique namurois dit nettement: C'est l'café, l'café, l'café Qui fait pichi les commères . • .






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 111


Dans les „seances an café" de nos com- mères, si Pane d'entre elles en a assez alors

qu'on l'invite à boire encore, elle remercie, retourne sa copette sur la tasae (soucoupe) et, si l'on insiste, elle ne manque pas de dire:

— Merci co cent fois: je ne veux pas l'user (le con) à pisser!

36. Le Flamand et la Wallonne.

Les Flamands, aux yeux des Wallons, sont des êtres ridicules, et leur langage l'est en- core plus. C'est à tel point que le Wallon désigne le trou de son cul par cette péri- phrase: la bouche qui parle flamand.

Les plaisanteries où les Flamands jo%ent un rôle ridicule sont très nombreuses. On a fait aussi des chansons, des piuquèyes dia- loguées où un Flamand, dans un patois plein de flandricismes drôlets et avec un amphigourisme niaisement poétique, fait sa déclaration d'amour à une Wallonne qui lui répond, couplet pour couplet, ou même vers pour vers, par des plaisanteries.

Le trait suivant est du même goût.

Un Flamand et une Wallonne sont au lit. La femme jouit abondamment, et l'homme, aimablement lui dit en son langage:






112 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Da %$ goed t (Cela est ton, cela va bien?)

La femme comprend : Déjà outre, déjà fini?

Et répond: Nenm, nenni, & n'est mm co ouiet


37. Le „mayeup" de Namur.

Un jour, le maytur de Namur*) étant mort, on songea à pourvoir à son remplacement. Ce ne rut pas chose facile, parce qu'il s'agis- sait, pour remplir ce mandat, de raconter plus de blagues que ses concurrents. Or cha- cun sait que, sur ce chapitre, les Namuroia soit tous aussi forts l'un que l'autre.

De guerre lasse, on organisa un autre concours.

Chaque concurrent devait amener sa femme, laquelle, se troussant derrière une cloison en planches, devait passer son cul par un trou de celle-ci, de manière à n'offrir que ses fesses à la vue du jury et des aspirante eux-mêmes. Chaque concurrent devait, à l'inspection des culs, chercher celui de sa femme. Le premier qui répondrait exacte* ment à la question serait nommé mayeur.


  • ) Mayeur, bourgmestre, maire. Namur, ville re-

nommée pour les plaisanteries grasses qu'on y raconte, parait-il, de préférence à tons les jeux d'esprit les plu» désopilants. Voir du reste ci-dessus p. 87 et suiT.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 118 ,


Une demi-douzaine de candidats seulement osèrent affronter le concours.

Or les derrières étant en place, nos homme» restèrent tous perplexes — tous, sauf un, qui, brusquement s'avança et désignant un cul, s'écria: „Voilà le cul de ma femme."

Et en effet, vérification faite, c'était le cul de sa femme. Il fut donc élu mayeur.

Quand on lui demanda à quel signe il avait aussi vite reconnu le fessard de sa moitié, il répondit modestement:

— C'est que, voyez-vous, nous avions mangé hier soir de la soupe verte. Et il en restait au bord du trou.

38. Le paysan et la truie.

Un paysan, à la foire, marchande des cochonnets.

Il ne veut pas celui-ci parce qu'il est trop gras, celui-ci parce qu'il est trop grand, celui-ci parce qu'il est trop maigre . . .

— Eh bien, dit le marchand, je vous con- duirai la truie. Vous les ferez comme vous les voudrez ! . . .

39. Le chat.

Un paroissien confesse à son curé qu'il a affaire avec son chat. Kqvtit. VIII. 8






114 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.

Le révérend lai pose quelques questions pour apprécier, an degré de volupté res- sentie, l'importance de la pénitence à infliger.

Quand il est renseigné sur les détails du cas, il donne l'absolution.

Quelques mois après, le même pénitent se représente:

— A propos, comme faisiez-vous donc avec votre chat pour l'empêcher de vous griffer?

— Àh! mais, dit le paysan, je l'avais in- troduit dans un panier.

— Fallait le dire, alors ! J'ai voulu essayer et j'ai eu les couilles tout égratignées.


40. Le veau.

Un jeune homme allait se marier. Comme il n'avait jamais rien fait, ni avec sa fiancée, ni avec aucune autre, il avait un peu peur. Il confia ses craintes à un vieux marchand de vaches qui avait dans le village une grande réputation de sagesse. Celui-ci lui conseilla d'aller la nuit en cachette faire ses premières armes avec un veau superbe qu'il venait de vendre à un voisin.

„Bon courage", lui dit-il. „Vous verrez, c'est plus facile que vous ne pensez. J'espère qu'à ma prochaine tournée, vous serez marié et que tout se sera bien passé."






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 115


Un mois après, le bonhomme revient et va voir le jeune homme.

— Eh bien, dit-il, le mariage va-t-il?

— Je ne suis pas marié.

— Pourquoi?

— Je ne me marie plus: j'ai acheté le veau, c'est moins coûteux qu'une femme.


41. Mot d'enfant.

La veille des noces de la grande sœur, la petite sœur demande à sa maman:

— Mais, maman, qu'est-ce que c'est, le mariage?

— Ma fille, c'est un malheur.

— Et qu'est-ce donc qui va arriver à ma sœur?

— Son mari lui frappera ses fesses ■chaque jour.

Le lendemain, au banquet, la petite sœur dit à la grande:

— Toi, d'abord, tu n'as pas besoin d'être si contente. Je sais ce que c'est, moi, le mariage. Gare à ton cul, ma sœur, gare à ton cul !.. .

8*


VjOOQlC


116 GHBZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


42. La femme qui ne comprenait pas le flamand.

De pauvres gens voient un jour arriver chez eux un soldat qui regagnait son village, ayant fini son temps.

C'était un Flamand, et ils parviennent à comprendre qu'il désire trouver chez eux l'hospitalité pour la nuit.

— Comment ferons-nous, dit l'homme. Nous n'avons qu'un lit . . .

— Qu'il dorme avec nous, répond la femme. Il ne sera pas dit que nous aurons laissé dehors un pauvre soldat mourant de fatigue.

Ainsi fut fait. Les deux hommes entrèrent an lit, et donnèrent à la femme la place d'hon- neur, entre eux deux.

Au milieu de la nuit, le mari est éveillé par des mouvements insolites imprimés au sommier. Il dit à sa femme:

— Dji crevs qu'i t'ahesse, mi, Vflamind. Dis-lt on y au de d'mani keu.

— Dji n'sâreus, mi, dit-elle, dji n'a co mâye savu Vflamind!*)


  • ) „Je croit qu'il te chevauche, moi, le flamand.

Dis-lui un peu qu'il reste tranquille." — „Je ne pourrait pas, moi, je n'ai jamais su le flamand."






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 117

43. Béflexion d'une „madame".

Madame, sur le perron du château, regarde ce qui se passe dans la cour de la ferme.

Justement, on Tient d'amener une grosse cavale du village, vers l'élégant étalon de luxe qui conduit Madame à la ville. L'étalon essaie de satisfaire la jument, il essaie, et ne peut la couvrir.

A ce moment, le romin (étalon) du fermier revient du travail avec la charrue. La ca- vale le fait hennir et le met de suite en érection. On la présente au dur romin, qui la couvre tout de suite.

Alors, madame soupire:

— Que les femmes des ouvriers sont heu- reuses! . . . dit-elle.


44. Le rajeunisseur de femmes. Un facétieux compère se trouvant sans le sou à Paris se met à crier par les rues:

— Voyez, voyez: voilà le rajeunisseur des femmes !

Il criait si fort qu'une masse de femmes viennent sur leur seuil.

— Voilà le rajeunisseur de femmes! crie notre homme de plus helle.

— Qu'est-ce qu'il dit? demande une vieille madame à sa servante.






118 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Il dit qu'il rajeunit les vieilles com- mères.

— Pas possible! dit la madame. Faites-le venir, Catherine.

On fait venir le rajeunisseur.

— Est-ce vrai, dit la madame, que vous rajeunissez les femmes?

— Rien de plus vrai. Je vous ferai re- venir à l'âge que vous voudrez, ça dépendra. du prix.

— Eh bien, je choisis trente ans: c'est à. cet âge que j'étais la plus heureuse, que mon mari, le pauvre cher homme, se montrait le plus empressé.

— C'est vingt francs.

— Et moi, dit la servante, je demande à. avoir vingt ans, l'âge où je l'ai perdu (le pucelage).

— Pour vous, ce sera dix francs. Main- tenant, écoutez bien. Vous allez me donner les trente francs, un œuf, et une queue de veau. Après cela, vous monterez au grenier et vous vous déshabillerez toutes deux comme des vers. Vous, madame, vous placerez la queue de veau à l'endroit que je vais vous indiquer (il lui dit un mot à l'oreille). Et vous, Catherine, vous mettrez l'œuf à la même place. Vous resterez ainsi sept heure»






CHEZ LBS WALLONS DE BELGIQUE. 119

d'horloge, sans bouger et sans dire un mot. Sinon, je ne réponds de rien.

Là-dessus, le bonhomme s'enfuit et court encore.

Une heure après, Monsieur revient avec son domestique. Comme ils ne voient per- sonne an logis, ils cherchent partout; et pendant que Monsieur va à la cave, le do- mestique va au grenier.

Tout-à-coup, celui-ci descend ventre à terre l'escalier et crie:

— Monsieur, Monsieur, venez donc. Je les ai. L'une est en train de pondre et l'autre en train de voiler*).

45. Les artifices des filles.

Une jeune fille était sur le point de se marier.

Comme sa jeunesse ne s'était pas écoulée sans aventures passionnelles, elle voyait avec appréhension venir l'heure où elle devrait fournil* à son mari la preuve de sa virginité.

Elle confia ses craintes à de bonnes amies, expertes et rouées. Mais cela ne l'avança guère, car tous les subterfuges qu'elles lui


  • ) Vatier, se dit d'une vache qui donne si vai,

■on veau. En français: vêler.






120 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


signalèrent n'avaient par été sans causer du dommage on sans être découverts*).

Elle était surtout préoccupée de la largeur de son orifice. Hélas! se disait-elle, si mon homme n'est pas bâti comme un cheval, il sentira bien que j'ai abusé de la bagatelle.

Un de ses amants — un étudiant sans doute — lui donna tue poude po rassètchî, „une poudre pour contracter", un astringent. Elle fit l'expérience, et voilà que pendant tout une journée, elle ne put pisser.

C'était encore là un fort mauvais moyen.

Une matrone bienveillante lui conseilla d'user d'une oreille de porc, dont l'ouverture assez étroite donnerait à son homme l'illusion désirée.

La nuit de noces venue, l'affaire se passa suivant les rites. La femme s'endormit la première, et l'homme, pas trop fâché de pou- voir se renseigner sur le conin de sa femme, lui passa avec précaution la main entre les deux jambes.

Il découvre le morceau et s'étonne un peu de voir les dimensions de ce pucelage. Con- tent tout de même, il le dépose sur la chaise à côté du lit, et s'endort à son tour.


  • ) On intercale ici le» traitt qu'on a lui ci-dessus

t. VU, p. S à 6 dans les contes flamands n os 3 et 4, fort populaires aussi en Wallonie.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 121


La matin, la femme, tôt levée, s'empresse 4e faire disparaître le corps du délit.

Le mari, s'éveillant à sou tour, effrayé de ne plus rien voir sur la chaise, sort vivement dn lit et, appelant sa femme:

— Marèye! Marèye! dit-il, courez vite après le chat: il a emporté votre couiu! . . .

46. Passez l'éponge!

Dans une pauvre cure, dans un pauvre village, vivait un très pauvre curé.

Un jour, monsieur le doyen annonce sa visite. Grand branle -bas à la cure pour assurer à ce visiteur de marque le plus grand des conforts. L'imagination de Marèye et puis celle du bedeau sont mises à con- tribution. On nettoie la maison et l'on orne l'église.

Au milieu de ces préparatifs compliqués, le curé, pris d'un petit besoin, se rend au buen-retiro et s'aperçoit que cette chiotte est bien primitive et misérable pour recevoir éventuellement la visite du doyen.

U appelle son clerc et lui dit:

— Nous ne pouvons pas, du jour au lende- main, remplacer la chiotte. Mais, au moins, que Monseigneur y soit à l'aise. On m'a dit qu'à la ville, on s'essuie le cul avec du papier.






122 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


Vous vous cacherez sous la planche, et quand le cul de monseigneur aura terminé sa besogne, vous passerez délicatement dessus, l'éponge que voici.

Le grand jour arrivé, monseigneur sent, à la fin du repas, le naturel besoin de s'isoler un peu. Il va à la chiotte et se soulage consciencieusement.

Profond est son étonnement quand il sent le passage de l'éponge. Il se retourne vive- ment pour se rendre compte du mécanisme.

Mais le clerc, à l'aspect de la grosse figure rouge, croit voir réapparaître le cul de mon- seigneur, et il repasse l'éponge.

On ne dit pas si monseigneur goûta beau- coup cet excès de zèle.

47. Celui qui en avait deux*).

Un jeune garçon — le coq du village — se vantait auprès des filles qu'il avait deux bonnes pines. Et, pour le prouver, il faisait sentir son vit tour à tour au fond de cha- cune de ses deux poches trouées. Les filles, dans leur émoi, étaient prises à ce stratagème, et raffolaient naturellement du beau garçon si bien monté.

  • ) Voir ci-dessus p. 22, n<> 53, une première facétie

■ur les hommei à deux pines.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 12S


Or, un jour, il se maria, et, la première nuit, il joua si vaillamment de la pine, que sa femme, à la première heure du matin, voulut jouir de l'autre. Elle s'aperçut alors qu'il n'y en avait qu'une — et peu vaillante, pour comble!

— Où est l'autre, dit-elle.

— - Vous devriez savoir, dit-il, que quand on se marie, on doit livrer sa seconde pine au curé qui la garde jusqu'au moment où la première sera usée.

Cette parole ne tomba pas dans l'oreille- d'une sourde. Et, aussitôt le mari parti à son métier, la jeune femme s'en alla rechercher la pine n° 2.

Le curé, naturellement, lui servit chaud l'objet qu'il détenait.

Et la dame, satisfaite, ne put s'empêcher r au retour, de dire à son mari:

— Imbécile! pourquoi est-ce justement la- meilleure que tu as remise au curé? . . .


48. Encore un qui en avait deux*

Un jeune marié, excédé par les exercices- que sa femme exigeait de lui, parvint à la convaincre qu'il avait deux pines: l'une, la* grosse, celle qu'on suce; et puis l'autre, la






194 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


petite (l'index du mari) celle qui chatouille ai joliment.

Pendant quelque temps, la femme se con- tenta. Quand le mari se trouvait mal en point, il jouait de la petite, et la femme se déclarait tout de même satisfaite.

Mais un jour, comme il l'avait caressée pour rire et pour de bon, la femme lui demanda de combiner les deux petits jeux, et de lier les 4eux pines ensemble avec une ficelle.

Alors quoi? Le mari fut bien attrapé.

Ce petit conte nous confirme qu'il est dan- gereux de se vanter — et que les femmes ^ont insatiables.


49. Les fameuses.

On est dans la semaine qui précède Pâques. Xes jeunes filles du village défilent devant le oonfessional.

La première dit: J'ai fumé.

— Ce n'est pas bien, dit le curé un peu étonné. Mais enfin, on peut pécher plus fort •que cela. Allez en paix, et ne péchez plus.

La seconde dit: J'ai fumé.

— Vous aussi? C'est un petit péché. Vous .direz cinq Ave et ne recommencerez plus.

La troisième dit: J'ai fumé.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 12fr

— Encore? Mais qu'ont-elles donc toute* à faire l'homme!

— Je n'ai pas fait l'homme, dit la fillette scandalisée. C'est bien Joseph qui était dessus !

Exclamation du curé ! On s'explique. Fumer, pour ces naïves enfants, c'était faire l'amour.

Aussitôt le confesseur sort la tête et ap- pelant les deux premières:

— Psstt! psstt! venez, je sais, j'ai retrouvé- votre pipe.

50. Le fumeur.

L'enfant de gens très riches est amourachée d'un brave ouvrier un peu rustre. Elle en est affolée, elle „ court après lui", elle „s'use- rait les jambes jusqu'au cul" à la poursuivre. Il y a péril en la demeure.

•Mais, aux yeux des parents, il est né- cessaire de faire l'éducation de ce beau mâle, de l'élever à la hauteur de sa nouvelle si- tuation.

D'abord, il doit abandonner sa pipe, et même ne plus fumer du tout. Cela n'est pas distingué. Cela abîme les tentures. Et puis, il crache . . .

L'homme promet. Le mariage a lieu. Une- nuit, deux nuits, trois nuits se passent. Rien






55^


126 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


de neuf. La jeune femme se lamente. Sa mère la questionne et appelle le beau mâle.

— Monsieur, lui dit-elle sévèrement, je vous ai donné ma fille pour en faire votre femme suivant les préceptes du Seigneur. Depuis Totre mariage, vous ne l'avez même pas touchée. Qu'est-ce que cela veut dire?

— Madame, dit-il, quand je ne fume pas, rien ne va plus.

Toute liberté lui est laissée. A l'instant même, il tire sa pipe et se met à fumer comme un turc. Et le résultat ne se fait pas at- tendre. Vite, vite, il faut aller au lit.

La jeune personne est au comble du bonheur.

Le soir, rentre le beau-père.

— On a fumé, dit-il. Qui est-ce?

— C'est Joseph, dit la belle-mère. Je lui ai donné la permission.

— Comment, dit-il, vous avez . . .

— Eh oui! dit-elle d'un ton rogne. Et il ne serait pas mauvais que vous fumiez aussi . . .

51. La métempsycose.

Un mari lisait à sa femme un article de gazette où il s'agissait de la métempsycose.

— Qu'est cela? dit la femme.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 127


— On prétend, répond-il, qu'une fois mort on „revient à bête". Ainsi, supposition: je reviens à taureau, et toi à Tache.

— Non, non, dit la femme, cela ne m'irait pas: une on deux fois par an seulement, au lieu de trois fois par semaine ... Et vous, Joseph?

— Moi, je m'en fous ! dit le mari qui était en ce moment très fatigué . . .


52. Sous les ponts.

Il fait un froid de loup. Deux raccrochewes*) se rencontrent. Elles sont en haillons. L'une dit: Il fait froid.

— Et par un temps pareil, dit l'autre, ces cochons d'hommes ne pensent guère à l'amour.

— Ne m'en parle pas. Je n'ai fait cette nuit qu'un petit coup de trente centimes.

— Tu as de la chance. Moi, j'ai déjà été bien heureuse d'en faire un pour rien du tout.


  • ) Raccrocheuse, femme publique qui raccroche lei

passante. Le mot est français (cf. Dictionn. général, de Hatzfeld et Darmesteter. Paris, Delagrave). Le Wallon ajoute cette nuance, que la raccrocheuse est à la fois gagne-petit et crapuleuse, se lirrant même dans la rue, ou masturbant l'homme contre un arbre, dans une encoignure de porte, etc.






128 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Pour rien ? . . .

— Il est si bon, par nn temps pareil de se mettre quelque chose de chaud dans la panse ! . . .

53. Facétie politique.

Le cléricalisme et l'anticléricalisme ont longtemps fait les frais de la politique en Belgique et particulièrement à Liège. Aussi le conte suivant est-il très populaire chez les bourgeois, qui étaient seuls, jusqu'en ces dernières années, pourvus du droit de vote.

Un jeune homme appartenant à une fa- mille libérale aimait d'amour une personne de famille très catholique et il était aimé d'elle. Pour des raisons politiques, les deux familles étaient à couteaux tirés. Aussi, grand scandale quand elles apprirent les relations des deux jeunes gens. On les fit comparaître, chacun de son côté, au tribunal de la famille, et les objurgations n'ayant pu qu'exaspérer leurs sentiments, des amis com- muns intervinrent. On reconnut que le mariage ne pouvait se faire que si les futurs époux étaient décidés à se faire, au point de vue religieux, de sérieuses concessions réciproques. Par exemple, que Madame, très croyante, continuerait à aller à la messe;






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 129


que Monsieur l'y conduirait de bonne grâce, mais que Madame ne chercherait pas à y entraîner Monsieur, etc.

Les amoureux promirent tout ce qu'on voulut. Et on les maria.

Le premier soir, sitôt seuls, les jeunes époux cherchèrent à se rassurer sur leurs intentions réciproques.

Le mari, portant les mains à la poitrine de sa femme, dit plein d'émpi:

— Vivent les saints!

Et madame répondit en rougissant:

— A bas la calotte! *)

Ce furent là leurs premières concessions à la théorie de l'époque.


VIII.

Devinettes.

1. Qui est-ce qui s'pormône avâ totes les feummes avou s'quette es s'main?

  • ) Il est bon de dire, pour le lecteur étranger, qu'il

y a ici deux calembours : 10 saints se prononce comme seins : 20 calotte est un sobriquet injurieux par lequel le peuple désigne les hommes d'église et, par extension, la religion catholique; et c'est en même temps une métaphore pour désigner le prépuce tant qu'il recourre le gland.

KçvTIZ. VIII. 9






180 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


(Trad.: Qui est-ce qui se promène parmi les femmes avec sa pine*) en main?)

— Le curé qui quête.

  • * *

2. Dji yens on haut pindou Avon des birloques à cou Dj'el hère es m'crin Hein! hein! qu'ça fait de bin. (Trad.: Je vois un haut pendu — Avec des breloques an cul — Je le fourre dans ma fente — Ah! que cela fait du bien!)

— Il s'agit d'une grappe de raisin que Ton coupe et que Ton mange.

  • * *

3. Qwè est-ce qu'on parlî ni sâreut sa vu? (Trad.: Qu'est-ce qu'un avocat ne pourrait savoir?)

— C'est de deviner si une femme accroupie pisse ou si elle cMe.

  • * *

4. Sintez-me les poyètches Sintez-me li cou Sintez si l'intrêye vis convint Et puis tchôquî vosse tiesse divins.


  • ) En wallon ine guette c'est à la foia une pine (voir

ci-dessus p. 17, n<> 44) et le produit d'une quête, d'une ooUecte. Le même jeu de mots se retrouve ci-après à la devinette n<> 23.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 131


(Trad.: Sentez-moi le poil — Sentez-moi le col [on: le fond] — Sentez si rentrée vous convient — Et puis introduisez votre tête dedans.)

— Un homme qui essaie un chapeau: il sent le poil, puis le fond, tate rentrée, fourre sa tête dedans.

5. Dji 80 Manque et bin faite Dji so faite po siervi l'homme Et tôt l'siervant dji sos disfaite. (Trad.: Je suis blanche et bien faite — Je suis faite pour servir l'homme — Et en le servant je suis défaite.)

— La chandelle.

  • * *

6. a) Mossien entre

Madame tremble. Mossieu pique Et pousse dedans.

— Un médecin qui pratique une saignée à une dame.

b) Madame relève sa chemise Monsieur fait pik! et pousse.

— Même sens.

  • *

7. Madame monte es haut Mossieu l'sùt

9*






182 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


I )î boute divins

Elle brait: Aïe! ti m'fais de ma!

— Trop tard! il est d'vins. (Trad.: M m « monte en haut [à l'étage] — M» la suit. — Il le lui introduit dedans — Elle crie: Aïe! tu me fais dn mal! — Trop tard! il est dedans.)

— Une dame essaie des souliers.

  • . *

8. Ine feumme achite so s'trau, louque si trau. Ah! trau, trau, di-st-elle, dj'a bé dandjî d'ine homme! C'est dammadje qu'i» sont si tchîrs ! . . .

(Trad.: Une femme assise sur son trou, re- garde son trou. Ah! trou, trou, dit-elle, j'ai bien besoin d'un homme! C'est dommage qu'ils sont si chers ! . . .)

— Une femme assise, regarde le toit troué de sa maison et se plaint que les couvreurs se font payer si cher.

9. Dji va es fond di m'cot'hai Dji veu des belles mam'zelles Dj'elzî trosse leu panai Dj'elzî veus leus ouhai. (Trad.: Je vais au fond de mon jardin — Je vois de belles demoiselles — Je leur trousse le pan de la chemise — Je leur vois leur oiseau.)






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Au fond du jardin je vois des cosses ; je soulève l'enveloppe, je vois les fèves.


  • *


10. Qwè est-ce don. . .? Qui n'a nin des pîds

et qui s'iîve tôt dreut Qui n'a nin des mains

et qui bodje si calotte Qui r'nârdêye

et qui n'a nin ma s'coûr. (Trad.: Qu'est-ce donc? — Qui n'a pas de pieds et qui se dresse — Qui n'a pas de mains et qui ôte sa calotte [le prépuce] — Qui vomit et qui n'a pas mal au cœur?)

— Le vit. 11. Bondjoû, madame, avou voste indjin. Bondjoû, monsieur, avou çou qui v'pind. Ni m'prustrîz-ve nin vosse poyou hangar Po mette mi rossai houzâr? N'est nin poyou, '1 est tôt pelé Herrez-le divins, si vos volez. (Trad,: [Dialogue:] Bonjour, madame, avec votre engin. — Çonjour, monsieur, avec ce qui vous pend. -^ Ne voudriez-vous pas me prêter votre hangar poilu — Pour y mettre mon roux hussard — Il n'est pas poilu, il est tout pelé. — Fourrez-le dedans si vous voulez.)






134 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


— Une femme, munie d'nn ratean, échange des salutations avec un soldat portant l'épée. Celni-ci demande à laisser paître son cheval dans le pré. Elle répond qne le pré est pelé (tondu, fanché) et qu'il peut y introduire Tanimal.

12. Divant d'intrer es trau

Deure comme on clà

Elle fait fritch! quand elle est d'vins.

Quand elle est foû, elle pind. (Trad.: Ayant d'entrer dans le trou — Dure comme un clou — Elle fait frrrt! quand elle est dedans — -Quand elle est dehors, elle pend.)

— La clef qui fait frrt! dans la serrure, et retombe quand on l'en tire.

13. Y 088e neûr tacon, nosse dame; Vosse rend baston, noste homme. Qwand dj'èl mette d'vins i halcotte Qwand dj'èl tire foû i disgotte. (Trad.: [Dialogue:] Votre noire plaque, madame; — Votre raide bâton, monsieur — Quand je le mets dedans il branle — Quand je l'en tire, il dégoutte.)

— La louche, bâton raide, dans la marmite à fond noirci par la fumée (plaque noire): quand la louche entre dedans, elle se remue, quand elle en sort, elle dégoutte.






CHEZ LB8 WALLONS DE BELGIQUE. 186

14. Vinte conte vinte Main so cou On p'tit boquet d'tchâr Es tran findou. (Trad.: Ventre eontre ventre — Main sur cul — Un petit morceau de viande — Dans le trou fendu.)

— Une femme allaitant son enfant.

15. Qwè est-ce qui nollu n'sâreût vèye, et qu'on lî droûve li pwette à deux battants ?

(Trad.: Qu'est-ce que nul ne saurait voir alors qu'on lui ouvre la porte à deux battants?)

— Le pet.

16. Ine saqwè qu'on piède avâ les vôyes et qu'nollu n'sâreût vèye?

(Trad,: Une chose qu'on perd en chemin et que nul ne saurait voir?)

— Le pet.

17. Mettriez-vous bien un pet dans l'em- barras?

— En le faisant dans un crible, il ne saura par quel trou sortir.

18. Je frappe à la porte. Si l'on me répond, je n'entre pas. Si l'on ne me répond pas, j'entre.

— Au water-closet.






186 CHBZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


19. Marmite de bois, couvercle de viande.

— Le buen-retiro.

20. Trou sur trou, le trou est bouché.

— Le petit endroit.

21. Trou sur trou, chandelle qui pend.

— Le n© 100.

22. Qwate qwernettes Et ine findette Po mette li quette. (Trad.: Quatre coins — Et une fente — Pour mettre la pine [ou le produit de la quête].)

— Une besace.

28. Qu'est-ce qui dort entre deux culs et qui a toujours froid?

— Le contenu du tonneau, qui est entre deux fonds, „culs" en wallon.

24. Les djônes mariés N'vont mâye es lét Sins avu Vchôse Es trau herré. (Trad.: Les jeunes mariés — Ne vont ja- mais au lit — Sans avoir la chose — Dans le trou introduite.)

— Les jeunes mariés ne vont jamais au lit sans avoir le verrou fourré dans son trou.






CHEZ LBS WALLONS DE BELGIQUE. 137


25. Dji m'èva so l'câvâ Avon n'madame tote nowe

Dji lî lîve li pai

Dji lî yens s'nawai. (Trad.: Je m'en vais au grenier — Avec une dame tonte nne — Je lui lève la peau — Je lui vois son noyau.)

— Au grenier, je soulève le suif de la chandelle, je vois le noyau (coton).

26. Cousin va so (sur) cousine Quand cousine est pleinte (pleine)

Cousin va djus (en descend).

— Un entonnoir sur une bouteille.

27. Je mets Mon-oncle sur Ma-tante Et je ne retire Mon-oncle

Que quand Ma-tante est pleine.

— Même réponse.

28. Nous irons au Lion d'or Nous ferons ce que vous savez Nous mettrons poilu sur poilu Et le petit joyeux dans son trou.

— Nous irons au lit, cils contre cils, l'œil au milieu.

29. Long, long comme un bâton, Poilu, poilu comme une souris, Les femmes en demandent, Les hommes en donnent.

— Le goupillon et l'eau bénite.






188 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


30. Li curé d'Pjoupèye

Qui tint si affaire à pougnèye. . Qwand el tchôque divine, i frotte Et qwand el sètche foû, i gotte. — Le coré de Jupille (petit village près de Liège) tient son objet à poignée; quand il l'introduit dedans il frotte ; quand il le retire il goutte (le goupillon).

On dit en commun dicton: tenir quelque chose à pougnèye comme le curé de Jupille Et en Ardennes, à pougnie comme le curé de Tintignv (près d'Arlon).


IX.

Jeux de mots.

Le Wallon facétieux aime à proposer à ses amis de prononcer ou de répéter Tune on l'autre phrase assez innocente, mais si diffi- cile à bien dire que, par quelque contre- petterie, elle amènera presque infailliblement un texte graveleux. Ce jeu est assez connu chez les enfants. Voici, indépendamment de la phrase en français signalée ci-dessus p. 29, lignes 4* et suivantes, quelques exemples qui ont leur place ici.

1. Les poyes de curé volet ponte „les poules du curé veulent pondre*. Mal prononcé, cela






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 189»

donne: Les coyes de curé volet conte „lefr conilles du curé voient contre . . . u 2. Ine poye qu'est so Vteut Qui crohe des crous peus. Crohe, poye, peus crous! Trad.: „Une poule qui est sur le toit — Qui croqne des crus pois. — Croque, poule,, pois crus. 4 *

Bien entendu, c'est encore ici le mot coye- ,couille" que Ton attend.

3. On blanc colon so Vblanc hayon. Deux blancs colons so Vblanc hayon. Treus blancs colons . . . etc. C'est-à-dire: „Un (ou denx, ou trois, etc> blancs pigeons sur le blanc échelon. 4 *

Ici, c'est le mot croyon, qui ne manque* pas de survenir. 4. On p y ti homme qu'est dzo Vpont Qui vind des cowettes et des corons. Si les cowettes si mouyet Les corons s'mouyeront. Trad.: „Un petit homme qui est sur 1» pont — Qui yend des cordonnets et des bout» (de corde, de ficelle, etc.). — Si les cordon* se mouillent, — Les bouts se mouilleront. 44 Les deux premiers yers de ce quatrain, n'ont rien de particulièrement dangereux à.






140 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


répéter. Mais le dernier, avec corons, et sa diphtongue ouye, amène le plus souvent la contrepetterie attendue: les coyons, les couilles.


  • * *


Dans le même ordre d'idées, on donne à traduire en wallon: Je n'ai jamais eu si froid mes doigts qu'aujourd'hui. Cela donne: Dji n'a jamais avu si freud mes deux qu'oûye (eouyes).

Ou hien l'on propose de dire à rebours : Nin <io si ma. Cela donne: mâssî conin (sale con).


  • *


Le langage usuel possède aussi quelques saints facétieux, par exemple S** Elise, dont on dit: S*e Elise quête, ce qui se comprend: sintez-lî s 9 guette (sentez-lui son vit). La phrase wallonne S te Elise keuse, traduite en français, donne: S* e Elise coud, ce qui pour des oreilles wallonnes, peut se retraduire: Sintez-lî j'cou, sentez-lui son cul.

S* Elie, S te Emelle. A une jeune fille qui part en voyage on dit pour la faire rire qu'elle va sans doute à Saint Elie, Ste Emelle (sentez-le lui, sentez-le-moi).






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 141

X.

Croyances physiologiques.

1. On croit que le plat de céleris augmente la facnlté génésiqne chez l'homme. An marché, on entend souvent répondre aux vendeuses qui offrent ce légume: Merci Dieu ! mon homme n'a pas besoin de cela.

2. On prétend que si la femme fait une profonde inspiration au moment de l'éjacu- lation, elle concevra ou donnera la chaude* pisse à l'homme.

3. Quand la jouissance du coït a été plu» profonde chez l'homme, le fruit sera un garçon. Si c'est la femme qui a joui le mieux, elle accouchera certainement d'une fille.

4. Une femme qui a bien joui la nuit craint de rencontrer l'accoucheuse: ce serait mauvais signe, la conception s'accomplirait.

5. Quand la jouissance arrive en 'même temps chez l'homme et chez la femme, celle-ci concevra. On voit souvent des femmes ex- pliquer par là leur immunité: J'attends, disent-elles, que cela s'en aille après mon mari. Cet état d'esprit s'explique par la croyance au sperme de la femme, dont le mélange avec le sperme de l'homme serait, dans l'esprit du peuple, nécessaire à la conception.






142 CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE.


6. Pour ne pas être enceinte, il suffit, après le coït, de s'asseoir sur un seau d'eau froide et de rester quelques instants dans cette position*).

7. La femme qui désire savoir si elle est «enceinte doit laisser reposer son urine dans le vase. Le troisième jour, si elle voit à la surface du liquide des „œils" comme ceux du bouillon, c'est que la femme est réellement •enceinte.

8. La femme qui croit avoir été „prise" dans la première quinzaine du mois accou- chera d'un garçon. Si elle a conçu dans la seconde quinzaine, elle accouchera d'une fille.

9. Pour savoir de quel sexe est l'enfant, on fait asseoir la femme enceinte ; l'opérateur applique ses mains sur les genoux de la femme et presse légèrement. S'il perçoit un léger recul de la jambe gauche, c'est que l'enfant est du sexe féminin.

10. Femme enceinte qui souffre de l'esto- mac aura une fille: ce sont les cheveux de l'enfant qui remontent „au cœur" et pro- voquent des nausées.

— Si elle souffre du pyrosis, on dit que les cheveux de l'enfant poussent.

  • ) Cette croyance est à rapprocher d'un usage signalé

•ci-dessus p. 7 (roir la note).






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 1 43


11. Si la femme enceinte boit nue petite goutte chaque jour ayant de se coucher, son enfant aura la peau très blanche.

12. Si la femme enceinte s'astreint & boire beaucoup d'huile, elle accouchera facilement. Dans les derniers temps, les femmes du peuple mangent une salade à l'huile avant de se coucher: c'est, dit-on, le bon moment.

13. Si la femme enceinte mange beaucoup de pommes de terre, son enfant aura une trop grosse tête.

14. Si une femme enceinte trébuche par hasard et tombe à genoux, c'est un signe certain qu'elle accouchera d'une fille. Si elle tombe de son long ou ne tombe pas du tout, elle donnera un garçon.

15. Une femme enceinte qui enlaidit, dont le visage est roux, „qui a le masque", en un mot, accouchera d'une fille. Si son teint est rosé, si ses traits restent agréables, elle donnera un garçon.

16. La femme enceinte ne doit pas pisser sur des plantes, sinon elle les fait mourir. On croit du reste que son haleine empoisonne et qu'elle ne doit, par conséquent, pas baiser un enfant.






144 CHEZ LB8 WALLONS DE BELGIQUE.

17. On croit que le dessin de l'objet désiré par une femme enceinte se reproduit à un endroit du corps de l'enfant, correspondant à- celui où la mère se touche au moment du désir ou tout de suite après. Aussi con- eeille-t-on aux femmes de se toucher au cuL Les gens bien élevés préfèrent conseiller de plonger le bras dans un seau d'eau.

18. Quand une femme a l'habitude de s'asseoir en croisant les jambes, on lui re- commande de ne pas faire cela pendant sa grossesse, car l'enfant viendrait avec le cor- don autour du cou.

19. Enfant naissant à sept ou à neuf mois vivra. S'il naissait à huit mois, il mourrait bientôt.

20. Quand la femme venant de donner son fruit est prise de frissons, c'est qu'elle guérira normalement.

21. Un enfant qui naît la nuit a été pro- créé la nuit. Quand il naît le jour, il a été procréé le jour: on plaisante la mère sur ce fait.

22. Si l'enfant vient les pieds en avant, il ne vivra pas longtemps.

23. Les enfants roux ont été procréés pen- dant la période cataméniale.






CHEZ LES WALLONS DE BELGIQUE. 145


24. Les femmes qui allaitent ne re- tomberont pas enceintes" avant le sevrage de leur enfant.

25. L'attouchement de la vulve d'une enfant par le membre malade guérit la chaudepisse ou gonorrhée chez l'homme.

26. Pour se guérir de la vérole, il faut „ aller avec 44 (coïter) sa mère. Le peuple croit fermement que ce remède est infaillible, mais qu'il est le seul.

27. Les jeunes filles ont des moyens secrets pour susciter l'amour chez l'homme. L'une cherchera à faire manger par celui qu'elle aime un bonbon qu'elle a porté sous le bras pendant un certain temps, afin de l'imprégner de sa sueur; une autre lui fera fumer un cigare qu'elle a tenu sous le sein gauche, dans le même but. Le sang menstruel inter- vient dans des pratiques semblables. La jeune fille qui parvient à tremper dans la boisson qu'elle destine à son amoureux, un linge chargé d'une simple goutte de son sang men- struel, est convaincue que l'affection de son amant se rallumera ou redoublera. Suivant que les amours sont libres ou honnêtes, la jeune fille croira que son amoureux n'aura alors de repos qu'il ne l'ait possédée, ou qu'il ne l'ait épousée.

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Le rôle du sang menstruel comme suscitant l'affection a été fortement étendu dans l'esprit des femmes, si Ton en juge d'après le fait suivant, parfaitement authentique. Il y a quelques années, une dame pria un professeur de la Faculté de Médecine de Liège, de bien vouloir analyser dans son laboratoire un échantillon de lait qu'elle lui présentait, et de rechercher s'il ne contenait pas de sang menstruel: elle avait remarqué qu'à certains époques, le lait se corrompait, elle avait trouvé un bout de linge dans le pot, et elle se figurait que la servante cherchait, par la pratique secrète signalée ci- dessus, à s'attirer l'affection de ses maîtres.

Le sang menstruel est encore réputé comme remède. Tous les médecins liégeois qui ont pratiqué dans le peuple, sachent que l'ingestion de ce sang, pris chez une femme saine, passe pour faire revenir les règles chez les ané- miques. Similia similibv$ curantur.






Table des traditions wallonnes.


I. Notes de vocabulaire 1

1. L'organe féminin 3

2. Le clitoris 11

8. Le périnée 13

4. L'organe masculin 13

6. Les noms du vit 15

6. Le scrotum 26

7. Les testicules 26

8. Le sperme 28

0. L'ouverture du pantalon 30

10. Baiser une femme 30

11. Supplément 37

II. Dictons moraux et autres 40

IIL Crâmignons 45

1. Les belles pîrettes 47

2. Li samain-ne 49

8. Le oonin a vendre 51

4. Les mains embrenées 52

5. L'étron de la béguine 54

6. Gatberinette 56

7. Le vieux curé de Paris 56

8. La servante 58






148 TABLE DES TRADITIONS WALLONNES.


TV. Mefrains de cràmignons 6a

y. Chansons du Jour des Bois es

VL Les airs importés 66

VII. Contes et facéties 68

Y1II. Devinettes m

EL Jeux de mots 166

X Croyances physiologiques ni





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