Gustave Courbet et la colonne Vendôme : plaidoyer pour un ami mort  

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Gustave Courbet et la colonne Vendôme : plaidoyer pour un ami mort (1883) is a text by Jules-Antoine Castagnary.

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PRÉFACE Dans la Norice qui précède le Catalogue des œuvres de Gustave Courbet exposées à l’E—coIe des Beaux—Arts, j’ai affirmé que, con—trairement à l’opinion répandue, le peintred’Ornans n’avait été pour rien dans lerenversement de la colonne Vendôme opéré le 16 mai I87I, et je me suis engagéà le démontrer. C’est cet engagement que je viens tenir aujourd’hui. 1 Page 3 ——2_ Je sais qu’il existe un jugement du troi— sième conseil de guerre, quia condamné Conrbet ‘a six mois de prison et 500 francsd’amende pour l’acre même dont je pré-tends exonérer sa mémoire; je sais que di—vers autres jugements du tribunal civil dela Seine, se fondant sur cette première sen-tence, ont condamné l’artiste à payer à l’Etat la somme de 323,091 &. 68 c.,montant des dépenses de reconstruction du monument détruit. Mais je sais égalementque les décisions judiciaires n’obligent pasl’historien. S’il en doit faire état dans les matériaux qu’il amasse, il n’est pas lié parleurs dispositions. Son droit d’interpréter lesintentions et d’apprécier les événements demeure absolu. Dans le cas qui nous occupe, d’ailleurs,un acte de la puissance souveraine, dont les effets ont été étendus aux héritiers Courbet, a supprimé du même coup les faits incrimi- Page 4 ... 3 _ nés et les jugements qui avaient frappéleurs auteurs : En efi‘açant le passé, l’am-nistie a ouvert le champ aux rectificationsde l’avenir. Laissons donc de côté ce qui a pu êtrepensé, dit, ou imprimé avant nous. Repre— nons les choses au point de départ, commesi elles se présentaient pour la premièrefois à l’examen. Il s’agit, en somme, d’unproblème historique à élucider. Or, l’his— toire n’écarte aucun renseignement, ne ré- cuse aucun témoignage; à sa barre, quicon—que le demande, est admis à déposer, sousla seule condition de parler sans haine et sans crainte et de dire toute la vérité, rien que la vérité. 9 septembre 1882. Page 5 Page 6 CHAPITRE PREMIER LA COLONNE VENDÔMB AU 4 SEPTEMBRE 1870 Quand une dynastie est renversée, il esttout simple que ses emblèmes disparaissentavec elle : de là, aux jours d’insurrection,‘ certaines destructions permises et même com- mandées. Le 4 septembre 1870 ne pouvait, sous ce rapport, différer du 29 juillet 1830, ni du 24février 1848. Je vois encore, sur les marches du corpslégislatif envahi, les gardes nationaux arra- cher l’aigle de leurs shakos et la jeter à terre,aux applaudissements de la foule. Quelquesheures plus tard, dans la rue de Rivoli, sur Page 7 le passage de la colonne qui portait JulesF avre à l’Hôtel de Ville, les armoiries impé-riales volaient en éclats aux portes des four— nisseurs, pressés de faire acte d’adhésion aunouveau pouvoir. La même scène se repro- duisant de proche en proche, avant la fin du jour l‘abattage était complet. Ces premières exécutions étaient trop ano- dîmes pour calmer l’irritation populaire.Quand Paris, qui avait oublié les Prussienspendant vingt-quatre heures, se retrouva lelendemain en face de la réalité, qu’il entrevitla grandeur du désastre où la nation allait être précipitée, il y eut, contre le criminel auteur de la guerre, un redoublement de fu- reur. L’idée que son image ou celle des siens pût subsister sur nos places, dans nos carre—fours, au front de nos monuments, devint insupportable à l’esprit. L’autorité entrevit des excès. Elle comprit que, pour les éviter,il fallait diriger le mouvement, et pour le di- riger, en prendre la tête. Par ses ordres, le bas-relief de Barye, représentant Napoléon III à cheval, fut décroché du tympan qu’il occu-pait au—dessus du guichet du Carroussel et Page 8 _ 7 _. relégué dans les magasins; le Napoléon enredingote grise, de Beurre, qui se dressait au rond-point de Courbevoie, fut transporté de nuit au.pont de Neuilly et précipité dans la Seine; le prince Eugène de Bcauharnais, descendu à son tour de son piédestal, futremplacé par la statue de Voltaire [1). Restaicnt l’Arc-de-Triomphe de l’Etoile, le tombeau de Napoléon I" aux Invalides, la colonne de la place Vendôme. Pas une voix ne s’éleva contre l’arc de 1‘E- toile, ni contre le tombeau des Invalides, preuve manifeste que les monuments où la politique n’a point été mêlée n‘ont rien à craindre de la colère des révolutions; aucontraire, les protestations contre la colonneVendôme furent nombreuses, et si violentes, qu‘un moment elle parut trembler sur sa base. (l) Le Napoleon Ier de Seurre et le Napoléon III deBarye sont aujourd’hui au dépôt des marbres del’Etat, rue de l‘Université; la Statue du prince Eu-gène, après être restée jusqu’en 1873 dans le maga-sin du boulevard Morland, a été placée dans le jar-din de l’Hôtel des Invalides, où elle est encore. Page 9 A qui s’étonnerait de ce déchaînement, il suffira de rappeler que la colonne Vendômea toujours été un monument plus napoléo-nien que national. Elevée par Napoléon I“ à sa propre gloire, restituée par Napoléon IIIdans son pur caractère de glorification famil-liale, elle éveillait ou consacrait, au 4 sep-tembre 1870, la mémoire des deux hommes qui ont fait le plus de mal à la France,'à la liberté, au progrès. . Ce n’était pas suffisant pour la Protéger. A la vérité, elle donnait bien un souvenir à la grande armée, et, par là, àla nation sou- veraine; mais quel hommage détourné! Re- gardez ce ruban de soldats qui s’enroule au- tour du fût dans la pâte ferme du bronze, vous sentez tout de suite qu’ils sont la moinspour eux-mêmes que pour faire cortège àl’invincible empereur. La vraie pensée du monument a d’ailleurs été consignée dans son acte de baptême;c’est là qu’il faut aller la chercher et la sur- prendre. Le ministre de l‘intérieur Champagny écrivait à Napoléon, le 14 mars 1806 : Page 10 — 9 — Sire, J’ai arrêté, après avoir consulté M. Denon, et d’a-près l’avis de la classe des Beaux-Arts de l’Institutnational, les dispositions préliminaires pour prépa-rer l’exécution des ordres de Votre Majesté à l’égardde la colonne qu’elle a décidé d’élever à la placeVendôme (1). Mais il reste, Sire, une intention à donner à ce monument ; les vœux de la nation française l’ont dé- signée. Votre Majesté l’avait d’abord destiné à recevoir lastatue de Charlemagne; mais elle a depuis renducette statue à la ville d’Aix—la—Chapelle. ' Que Votre Majesté daigne me permettre de lui dire qu’Elle se rendrait aux sentiments unanimes de sessujets, si Elle consentait à ce que cette colonne, for-mée avec le bronze des canons enlevés à l’ennemi, (1) Le 8 vendémiaire an Xll (1" octobre 1803),Bonaparte avait pris un arrêté par lequel il ordon-nait l’érection d’une colonne au centre de la place Vendôme. Le fût de cette colonne, orné dans son contour ou spirale de 198 figures allégoriques, de-vait supporter la statue pédestre de Charlemagne.Cette décision cachait-elle une arrière—pensée person-nelle? On peut le soupçonner avec d’autant plus deraison, que le monument ainsi décrété demeura surle papier, et qu’on s’en souvint seulement le jour où, Bonaparte étant devenu empereur, l’intention du monument, pour parler comme le ministre, put êtrechangée à son profit.



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