Dinias et de Dercillis  

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Dinias et Dercillide: fragment traduit du grec d'Antonius (1745) by J.L Le Sueur

DIN IAS E T DERCILLIDE Fragment traduit du Grec d Antonius Diogenes. PAR M ' LE SUEUR . UR.T.L.) WOO M. DCC. XLV. 41411 A Mr. B *** A L'ombre de ton nom mes ellais vont paroître , J'offre un tribut à l'amitié , Aujourd'hui qu'en tous lieux ſon culte eft oublié , Tu connois ſes douceurs , & tu les fais connoître . De con eſprit ni de ton coeur Je ne vais pas ici te tracer la peinture

Ne faiſant que loüer , on me croiroit fla teur

Au véritable ami ce ſoupçon fait injure

Seulement ſi mes verspercent la nuit des tems , 1 On ſçaura quelque jour que penſant comme Oreſte , De Pilade , en un fiécle à la vertu funeſte , Tu rencontras dans moi les ſentimens.

DINIAS E T D DERCILLIDE. Fragment traduit du Grec ďAntonius Diogenes. Inias réſolut de quitter { a Patrie , eſperant trou ver dans l'abſence un remede à ſon amour ; mais à peine fut il ſur les flots qu'il ſe repentic de ſon deſſein , & pria les Matelots de le remettre à terre . Ils n'y voulurent point conſen cir , lous' prétexte qu'il leur A reſtoit une longue route , & qu'ils n'avoient pas de tems à perdre. Déſeſperé de ce refus il s'affic ſur la poupe du vaiſſeau , & regardant triſtement le ri vage ; c'en eſt donc fait , s'ć cria-t-il, je ne la verrai plus ! Derçillide ... A ce nom les fan glots étoufferent ſa voix , & des larmes lui tomberent des yeux en li grande abondance, que les Matelots même en fu rent attendris. Cependant les côtes s'éloi gnent , & ne paroiſſent plus que comme un nuage qui enfin s'échape à la vûë. Un vent fa vorable enfle les voiles ; les Dauphins ſe jouent ſur les flors; & le calme qui y regne invite l'équipage à ſe livrer à la joye ; on couronne des coupes de 3 y avoir feurs, on fait des libations à Neptune & à Thétis , l'air re tentit des hymnes qu’on chante en leur honneur & à celui de Venus Aphrodite. Le ſeul Dinias ne prend point de part à ces divertiſſemens ; les yeux tournés vers un rivage qu'il ne voit plus , il ſemble laiſſé ſon ame , & le peu qui l'anime encore , ne ſe ſoutient que par l'idée de Dercillide. Il y avoit dans le vaiſſeau une Dame de l'Iſle de Chypre nom mée Cidippe. Elle avoit fait le voyage d'Epheſe par curio ſité , & s'en alloit à Tarente recueillir la ſucceſſion de ſon frere , qui étoit mort depuis peu en commerçant ſur les côtes d'Heſperie. Cidippe tou choit à ſon lixiéme luſtre, mais Aij 4 cile eut pû , ſans que fon viſage la démentît, n'avouer que vingt ans. Des cheveux blonds , des ſourcils noirs , des yeux pleins de volupté , un teint de roſes , de belles dents , une bouche charmante , une foſſete au men. ton creuſée par le petit doigt de l'amour ; voilà ſon portrait. Sa gorge même n'avoit rien perdu de fon élaſticité , & l'on y voyoit l’Amour ſur un tas de iis montrer de la main la route des plaiſirs. Du reſte elle avoit les inclinations de ſon pays ; & belle comme Venus qu'on y adore , elle n'étoit pas plus cruelle. En cherchant desyeux quel qu'un qui pût la deſennuyer dans le voyage , elle apperçut Dinias. Elle s'approche de lui, " &prenant occaſion de la triſtef ſe où il étoit plongé pour entrer en converſation , elle lui en demande la caufe. Dinias ne répond que par un ſoupir , & la pudeur rougit ſon front com me à une jeune fille à qui l'on vient propoſer un époux. La curioſité de Cidippe en fut ex cicée ; quel que ſoient vos mals heurs , lui dit - elle , ne rougiſſez pas de m'en faire pas coupable pourêtre malheu reux. D'ailleurs vous trouverez en moi un caur ſenſible , & il ſemble qu'on reſſente moins le poids de ſon infortune , quand on rencontre quelqu'un qui la partage. Un ſeul mot vous en inſtrui: ra , répond Dinias , j'aime les tigres de l'Hircanie , les rochers part ; on n'eſt A iij. du Caucaſe ont moins de du reté que Dirçillide ; j'ai mis tout en æuvre pour in'en faire aimer , mais ſans ſuccès voyant que rien ne pouvoic vaincre ſa rigueur, j'ai eu re cours pour m'en détacher aux ſecretsdela Theffalie; ſes yeux ont des charmes plus forts ; un ſeul de ſes regards détruiſoit la puiſſance de tous les filtres ma giques. Enfin j'ai crû trouver quelque foulagement dans l'ab ſence ; vain eſpoir ! l'amour s'eſt embarqué avec moi ; & plus je m'éloigne de Dercillide, plus il en grave l'idée profon dement dans mon cæur. Je n'aurois jamais crû , repart Cidippe , que ce fût là la cauſe de vos larmes. Vous n'êtes pas fait pour eſſuyer des diſgraces 1 en amour. Il en eſt qui vous rendroient plus de juſtice que Dercillide. En diſant cela elle baiſſe les yeux & rougit , ( car les femmes commandent à leur viſage ) comme pour faire en tendre quc c'étoit d'elle qu'elle vouloit parler. Enſuite flattant ſa paſſion pour mieux l'inſinuer dans ſon eſprit : Il faut mettre un frein à vos ſoupirs , conti nue -t-elle , peut-être que votre déſeſpoir aura touché Dercil lide,bien ſouvent la pitié ouvre les cæurs à l'amour ; je vais vous conter à ce propos une hiſtoire, arrivée dans l'Ile de Chypre. Il y avoit autrefois une Ber gere nommée Aglaé. Elle étoit belle comme peut être Dercil lide , ( carje nedoute pasqu'elle A iiij 8 ne ſoit aimable , puiſque vous l'aimez , ) mais ignorantcomme elle que la beauté n'eſt donnée que pour le bonheur des hom mes, elle la faiſoit ſervir à les rendre malheureux. Inſenſible aux charmes de l'amour , ſon unique plaiſir étoit d'attraper des oiſeaux. Un jour qu'un jeune Berger la preſſoit d'aimer , & qu'elle luijuroir de n'en rien faire , elle entendit du bruit dans ſes filets. Venez , venez Tircis , dit- elle , je ne ſçais ce qui vient de ſe prendre cela , a des aîles comme un oiſeau & la voix d'un homme. Ah, dit le Berger , à ſon arc & à ſes traits ne reconnoiſſez - vous pas l'amour , c'eſt moi-même , rće pond le petit Dieu , fecourez noi par pitié ; ſi je reſtois ainſi . ſe . tre , છે. toute la nature languiroit. Cs Berger ſe baiſſe deja pour le dégager , en lui demandant comment il avoit fait pour prendre dans les filets d'un au lui qui prend tout l'univers dans les liens. Non , non , dic Aglaé , je m'en garderai bien je veux le mettre en cage, c'eſt un petit perfide dontil faut débarraſſer la terre. Mais , ô prodige , elle ne fait que tour ner la têre , & ce n'eſt plus l'a mour , c'eſt une petite fille les cheveux negligés, les yeux en larmes. Ah , s'écrie Aglaé , l'amour s'eſt enfui ; hélas, oui, dit la fauſſe petite fille , j'ai voulu le ſecourir, mais le trai. tre qu'il eſt m'a laiſſée à fa . place ; je ſuis la Picié ne me re fuſez pas votre åſliſtance . Le 1 IO " ز eæur de la Bergere s'attendrit gi elle la dégage , la prend dans ſes bras , eſſuye les larmes. L'amour auſſi- tôt reprend la premiere forme, elle le repouſſe & veut s'enfuir ; il n'étoit plus tems , ſon cæur étoit déja tout en feu , & Tircis en profita . Je pourrois , ajouta Cidippe, vous conter bien des hiſtoires ſemblables ; le plus ſûr cepen dant quand on n'eſt point aimé eſt de fe guérir de ſon amour ; je ſçais qu'on n'eſt point maître de ſon cæur, que la raiſon ne peut rien ſur le ſentiment; mais fouvent on n'eſt ſi conftant à aimer quelqu'un , que parce · qu'on n'a pas eſſayé d'en aimer d'autres. La nuit vine interrompre leur entretien , & les obligea de ſe : II feparer. Le ſommeil n'eſt pas. fait pour les Amans, auſſi leur refuſa-t-il ſes pavots à tous les deux , car Dinias avoit fait impreſſion ſur le cæur de Cidippe, & cette belle Cyprienne reſſen tit un trouble & des inquiétu des qui lui annonçoient ſa dé faire. A peine l'Aurore commen çoit à paroître qu'eile paſſa auprès de lui ; un negligé'étu dié la rendoit encore plus pi quante , & fon miroir l'avoir Aattée de faire oublier Dercil lide. Les Amans font mari neux ; elie trouva Dinias levé à une rêverie pro fonde. Pourquoi , lui dit-elle , toujours ſombre & mélancolia que : hier je vous ai fait grace , pour aujourd'hui je vous or & en proye 12 1 donne d'être gai.... Comment avez-vous paſſé la nuit ? En parlant ainſi , elle ſe jette ſur ſon lit & le fait aſſeoir à côté d'elle ; comme il veut lui ré pondre , elle luicoupe la parole; mais à quoi ai-je donc penſé ? venir trouver ſi matin un hom me que je ne connois pas.... ſeule avec lui .... n'allez rien en conclure au moins. Ces propos . ſont ſuivis de niches d'agaceries. Elle lui prend la main , la - lui ſerre , & la portant ſur ſon coeur , de façon qu'une partie poſe ſur ſa gorge ; ſentez vous comme le coeur me bat ? c'eſt ainſi répond- il qu'il me battoit quand j'approchois de Dercillide. Toujours Dercil lide , interrompit Cidippe , je grétends vous la faire oublier;, 13 & vous rendre amoureux de moi , inais amoureux juſqu'à la folie... Vous vous plaignez de Dercillide , avez - vous été quel quefois un peu entreprenant avec elle ; non , dit -il , le veri table amour eſt toujours ref pectueux & timide. C'eſt une erreur , répliqua-t-elle , un peu de témérité ne nuit pas auprès des femmes, elles pardonnent plutôt de n'être pas aſſez ſage que de l'être trop. Je parle des femmes en general , car. ... je ne vous conſeillerois pas de l'ef ſayer avec moi . Dinias prit ſes diſcours à la lettre , & lui promit de les met tre à profit ſi jamais il retour noit àEphéſe. Alors quelqu'un de l'équipage étant venu les interrompre, elle ſortit & mon IA4 ta ſur la prouë du vaiſſeau , où elle s'amuſa pout · calmer ſon dépit à contempler le Soleil , qui fortant des bras de Théris réfléchiffoitdans les nuages l'or de ſes rayons. . La navigation continuant à être heureuſe, ils découvrirent les Ciclades ; leur deſſein étoit de les doubler , mais un vent contraire les obligea de relâ cher dans l'Iſle de Delos. A peine eurent-ils pris terre que le peuple accourut- en foule ſur le rivage , & leur demanda s'il n'y avoit pas quelqu'un parmi eux que l'amour eut banni de' fa Patrie. Le Prêtre d'Apollon étoit mort depuis peu; &c'étoit IS ainſi que l'oracle avoit déſigné celui qu'il deſtinoit à le rem placer. On entourre Dinias. On le couronne delauriers , il eſt conduit au temple parmi les acclamarions publiques , les jeunes filles & les jeunes gar çons jettant des Aeurs ſurſon paſſage. A ſon arrivée les por tes s'ouvrent d'elles- mêmes les murs s'ébranlent, l'antre mugit, le laurier ſacré s'émeut, ſigne manifeſte ; qu'il étoit ce lui dont l'oracle avoit voulu parler. Un évenement fi ineſperé ne laiſſa pas de déconcerter Cidippe. Elle avoit formé ſur Dinias des deſſeins qu'elle ſe trouvoit par-là hors d'état d'exé cliter. Cependant tout bien conſideré, elle réſolut d'en tirer 16 parti autant que le tems pouvoit le permettre . Au milieu de la nuit lorſque tout dort , excepté les Amans, elle ſe rendit dans un bois de myrtes qui touchoit aux murs du Temple. Les rayons em pruntés de Diane perçant àㅎ peine à travers l'épaiſſeur du feüillage, n'y répandoient qu'u ne clarté ſombre & incertaine , telle que Venus l'exige dans ſes myſteres. Il y regnoit un ſilence qui n'étoit interrompu que par les Roſſignols partiſans des veil les amoureuſes, & par les ruiſ feaux & les zephirs,qui agitant leurs aîles embaumoient l'air du parfum qu'ils avoient déro bé pendant le jour ſur le ſein des fleurs. Enfin ce lieu reſpi roit la volupté plus que tous les lieux . 17 lieux du monde , mais moins encore que Cidippe. Elle avoit envoyé avertir Di nias qu'une inconnuë avoir un ſecret d'importance à lui réve ler ; à peine fut-il arrivé que prenant la parole la premiere : Vous ne compriez pas me trou ver ici , lui dit-elle , une dé marche pareille a ſans doute de quoi vous ſurprendre ; je vous aime Dinias , l'amour excuſe tout. J'eſperois arrivée à Ta rente vous offrir la moitié de ma fortune, & de retour dans - l'Iſle de Cypre goûcer avec vous les plaiſirs d'une tendreſſe réciproque ; les Dieux en or donnent autrement : je les au . rois rendus jaloux ; du moins , ajoute-t -elle , en lui ſerrant la main , profitons du peu de tems B 18 de com pour moi ; qui nous reſte , je vous aime Dinias, ne refuſez pas bler mes væux . Dinias refte interdit , & veut lui remontrer qu'il n'eſt plus maître de ſon cæur... Il n'eſt pas queſtion de votre cæur , lui repart- elle , je donnerois tout au monde pour le poſſeder ; tant de bon heur n'eſt pas fait mon amour ſe contentera de ce qui vous reſte. A ces mots elle l'attire für l'herbe , & lui donne un baiſer dans lequel il ſembloit que toute ſon ame ſe fût transfor mée ; enſuite déchirant fa robe, elle lui prend les mains & en porte une ſur les tréſors les cachés de ſon beau corps, & l'autre ſur la gorge que le plai fir fait palpiter. Elle le preſſe plus 19 toute en tol . dans les bras , & redoublant baiſers ſur baiſers : Dinias , lui dit-elle , mon cher Dinias , fais qu'on ne ſçache s'ils ſont don nés ou reçus ; attends que je dé vore ton ame... ſerre... étouffe moi , fais que la mienne paſſe Dinias n'étoit pas inſenſible, elle s'en apperçût, & l'einbraſ fant de nouveau : Eh bien , ne à préſent maîtreſſe de ton cæur , quelle plus grande preuve d'amourpourrois-tu don ner à Dercillide ? Oüi tu m'ai mes , Dinias ... alors elle l'en traîne dans ſes bras , & par des treflaillemens involontaires lui . prouve le feu de ſes deſirs, la volupté enchaîne ſes ſens, ſes yeux ſe troublent , elle expire , & ne renaît que pour mourir Bij ſuis-je pas encore. 20 ور Leurs plaiſirs durerent juf qu'à ce que l'Aurore vînt les obliger de ſe ſéparer. Cidippe. la maudit cent fois , &. après. avoir embraſſé Dinias s'en re tourna au- Port où les Matelots n'attendoient qu'elle , pour ſe . remettre en mer ; pour Dinias, déchiré de ſes carrefkes , ne l'a voit pas poſſedée , & il avoit ſenti que la jouiſſance d'un objet indifférent ne vaut pas baiſer la main de ce qu'on aime. L'image de Dercillide le ſuis voit par-tout ; ſouvent au mi lieu des ſacrifices , oubliant le Dieu dont il étoit Miniſtre, il adreſſoit les væux à Dercillide ; enfin il tomba dans une lan gueur mortelle , & qui le rendît méconnoiffable. Dercillide n'étoit pas dans 21 un état plus tranquille ; le déo. ſeſpoir de ſon Amant l'avoit. attendrie ; elle ſe le repréſentoit ſans ceſſe errant de rivage en rivage inconnu ', malheureux. Peut-être expire-t-il dans quel que pays barbare , ſans avoir perſonne qui reçoive ſes der niers ſoupirs & lui- ferme les yeux ! qui ſçait s'il n'eſt point péri dans quelque tempête , & L ſon corps privé de ſépulture, ne ſera point la proye des mon Itres marins. O amour s'é crioit- elle : détournez : dé lui de ſemblables malheurs ; qu'il n'é prouve les vents contraires , que s'il perſiſte à s'éloigner encore de ces lieux , & qu'ils l'y ramé. nent malgré lui. Enfin après deux ans voyant qu'on n'en recevoit aucune 22 nouvelle , elle ne put tenir con tre ſes remords , & réſolut d'al ler le chercher en quelque pays du monde qu'il fût , & de re noncer à la lumiere , ſi elle ap prenoit qu'il ne la vît plus. Un vaiſſeau qui faiſoit route vers Delos ayant relâché dans ce Port , il lui vint en penſée d'al ler conſulter l'oracle, &ſçavoir de lui fi Dinias vivoir encore , & en quel lieu elle le pourroit trouver. Il y avoit pluſieurs paſ ſagers , entr’autres une Theſſa lienne habile dans l'art d'expli quer les fonges. Lorſqu'on fut en mer on convient pour ſe deſennuyer que chacun racon teroit les fiens. Le tour de Dera elle rougit , baiſſa les yeux , & ſentit å diverſes repriſes la parole expirer ſur ſes cillide venu , 23 lévres ; enfin s'étant un peu raſ ſurée : J'ai crû , dit- elle, voir l'A mour qui ſuſpendoit ſes armes à un myrte , & s'aſſayoit ſur l'herbe au bord d'un ruiſſeau . Il comptoit par ſes doigts, ap parement les tours qu'il avoit joiié ce jour-là , car de tems en tems il ſourioit malignement; enfin il eſt tombé languiffam ment en étendant les bras & s'eſt endormi , ce qui m'a ſur priſecar l'Amour ne dort guére, Pendant ſon ſommeil des abeil les qui revenoient du butin , ſont entrées dans ſon carquois & y ont dépoſé leur neįtar ; qu'il leur faudra long-tems me fuis-je dite , pour lui faire prendre toute ſon amertume ! cependant l'amour s'eſt éveillé ; 10 > 24 i ſé frotte les yeux , agite ſes aîles , & va pour reprendre ſon carquois ; les abeilles en ſortent avec un bourdonnement ef froyable , épouvanté il le jette par terre; mais un aiguillon lui entre dans la main . - Il pouſſe un cri , frappe du pied , ſoufle ſur ſa bleſſure , & j'ai vû de jeunes Nymphes qui en ſou rioient en rougiſſant ; enfin re venu de fa crainte , il ramaſſe ſon carquois , & comme il ne il le porte à ſon oreille pour écouter ſi quelqu'a beille ne bourdonne point en core ; voyant qu'elles étoient toutes envolées, il mange le miel qu'elles avoit laiſſé , en leur difant de le piquer toujours à pareil prix. Alors comme je me ſuis apperçuë qu'il ajuſtoit voit goute , une 25 de ſes fléches , j'ai voulu pren dre la fuite , ce qui a terminé mon ſommeil & mon ſonge. L'explication n'en eſt pas dif ficile , dit la Theſſalienne , il fignifie qu'après avoir éprouvé les peines de l'amourvous gou terez ſes plaiſirs. Dercillide ſe prit àpleurer: Hélas j'ai trop offenſé l'Amour pour qu'il mette fin àmestour mens ; j'avois un Amant le plus tendre , le plus fidéle quifût au monde ; ma cruauté l'a jetté dans le déſeſpoir ; depuis deux ans on ne ſçait ce qu'il eſt de venu ; que l'Amour m'a bien rendu tous les maux que je t'ai fait ſouffrir , cher Dinias , ma mort juſtifiera mes regrets ; en parlant ainſi elle verſoit un tor rent de larmes ,; en vain vou с 1 26 tout lut-on la conſoler & diſtraire ſon ennui , elle ne ceſſa de pleu rer pendant tout le voyage , c'eſt l'unique plaiſir des Amans malheureux . On touchoit preſque à Delos, & les Nochers apprêtoient déja des guirlandes pouren couron ner la proue duvaiſſeau , quand à coup il s'éleva une tem pête horrible . Le ciel s'obſcur cit , la foudre gronde, les vents ſe heurtent dans les airs , l'onde blanchiſſante fe fouleve , & la mort ſe préſente dans chaque flot ; le Pilote donne en vain des ordres , le mugiſſement de l'onde , le bruit des cables qui ſe briſent, les cris des Matelots qui ne ſe voyent qu'à la lueur des éclairs , l'empêchent de ſe faire entendre

enfin ſon art

1 27 l'abandonne, & toutl'équipage déſeſperé adreſſe des vaux à Neptune , à Théris , à Caſtor & Pollux ; inſenſés qui s'ima ginent que les Dieux prennent de pareilles inquiétudes, & que pour quelques atomes ils dé rangeront l'ordre de la nature. Cependant le vaiſſeau va heur ter contre un écueil avec un fracas épouvantable ; la plâpart des Matelots ſe jettent dans la mer , & gagnent en nageant le rivage qui n'étoit paséloigné ; les autres ſautent dans une cha loupe avec Dercillide & la Theſſalienne à qui la crainte avoit donné du courage , & vont échoüer contre un'rocher ſur lequel ils ſe retirerent. Comme ils cherchoient quel que endroit où ils puſſent ſe Cij 28 ! mettre à couvert de l'orage , ils apperçurent une grotte tail lée dans le roc. Ils y entrerent & furent agréablement ſurpris de la trouver ornée de coquil lages , & de voir dans le fond une ſtatue de marble blanc qui reſſembloit trait pour trait - à Dercihide . Dinias l'avoit fculp tée d'après ſon cæur ; & cette grotte étoit ſon ouvrage. Il s'y retiroirſouvent pour s'entretenir d'une Amante trop chérie , & ſe plaindre de ſes rigueurs. Le cæur de Dercillide s'ou vrirà l'eſperance, il lui vint dans l'eſprit que c'étoit un monu ment de l'amour de Dinias & qu'elle le pourroit trouver à Delos ; oubliant le danger qu'el le avoir couru ſur les flors elle ſe livra tout entiere- à cetre flatteule idée. . O Amour pourquoi faut-il que quelqu'amertume empoi. ſonne toujours tes faveurs ! tes plaiſirs perdroient-ils de leur douceur s'ils n'étoient affaifon nés par des peines. Tandis qu'elle examine tous les coins de la grotte , & qu'elle cherche fi, elle ne : trouvera point quelque part le nom de Dinias, elle jette les yeux ſur une tombe de marbre de Paros où elle lût cerce inſcription : Ci gît Dinias que les rigueurs de Dercillide ont fait mourir. Paſſant ſi tu veux honorer fa eendre , rends hommage à la ftatue de cette ingrate. Dinias l'avoit gravée lui même , voulant qu'après ſa mort ce lieu lui ſervir de ſepul ture. Je vous laiſſe à juger de Ciij 30 de ſon amne , l'état de Dercillide. D'abordla douleur la rend comme immo bile ; enfin le déſeſpoir s'empare elle s'arrache les cheveux , & fait retentir la grotte de ſes gémiſſemens. Bar bare , ton Amant n'eſt plus , & tu vis encore ! c'eſt toi , c'eſt ta fureur qui lui a plongé le poi. gnard dans le ſein ; malheu reuſe , écoit-ce pour m'en ren. dre certaine que je ſuis échap pée à la fureur des flots : Dinias... C'eſt lui ... Je l'en tends ... Ah , ceſſe des repro ches trop cruels , cher Amant, tu ſeras fatisfait ; la mort fera ce que l'amour n'a pû faire , & ce tombeau nous rejoindra tous les deux . Tout ce qu'on pouvoit lui dire pour la conſoler , ne faiſoic 31 qu’aigrir ſa douleur ; elle vou loit s'ôter la vie , embraſſant le tombeau de Dinias, elle l'arro foit d'un torrent de larmes , & chacun en la voyant ne pou voit retenir les ſiennes. L'o rage s'étant diſſipé on l'arracha de ce lieu funeſte , & on s'ache mina vers le temple d'Apollon qui n'étoit pas loin ; en atten dant que le Prêtre arrivât elle s’aſſic ſous le portique. Tous les étrangers qui s'y trouvoient s'aſſemblerent autour d'elle , demandant à ceux qui l'accom pagnoient ce qu'elle avoit à pleurer. Dinias arrive , il s'ap proche pour ſçavoir ce qui raf ſemble tant de monde , c'eſt Dercillide qui s'offre à ſa vûë. Peu s'en faut que l'uſage de ſes ſens ne l'abandonne , ſon pre 1 Cilj 32 mier mouvement eſt d'aller fe jerter à ſes pieds. La réflexion venant au ſecours, il veut au paravant s'informer du deffein qui l'amene, & de la cauſe de fon abbattement. Dercillidene leva pas les yeux ſur lui , d'ail leurs il étoit fi changé qu'elle auroit eu de la peine à le recon noître. Comme il voulut lui parler : Prêtre d'Apollon , lui dit- elle , envain voudriez-vous calmer ma douleur , la mort ſeule en ſera le terme. Les Dieux l'exigent pour prix de mon ingratitude , s'ils voul loient que je viſſe encore le jour ils auroient conſervé Dinias. Dinias hors de lui-mêmetombe aux genoux de ſon Amante ; il lui prend la main la lui baiſe, & l'arroſant de ſes larmes : Ils 33 l'ont conſervé, ma chere Der cillide , lui dit-il ; ce moment me rend la vie , & me paye de tous les maux que vos rigueurs m'ont fait ſouffrir. Dercillide lui ſaute au cou ; leurs bouches collées l'une à l'autre ne laiſſent de jour que pour paffer ces deux noms...... Dinias..... Dercillide... Leursames vien nent au bord de leurs lévres brûlantes, fecherchent , ſe con fondent. Enfin la joye de ces deux Amans fut fi vive qu'ils expirerent en s'embraſſant ; & leur dernier ſoupir fur de plaiſir. L'amour conduiſit leurs ombres dans les champs Eliſées où elles jouiſſent d'unevolupté toujours renaiſſante ; & leurs cendres repoſent dans la grotte , qu'on nomme encore aujourd'hui / 34 Grotte de Dercillide, où les jeu nes garçons & les jeunes filles - vont demander aux Dieux de finir comme ces deux Amans. 35 POESIES DIVERSES. A Mr. D... Tandisque l'Epoux d'Orythic Au ſein glacé de nos climats Souffle du fond de la Scithie Le froid , la neige & les frimats , Tu te fais une inquiétude De ſçavoir quels amuſemens , Dans ma paiſible ſolitude Peuvent égayer mes momens. Je ne peux plus dans les prairies Me coucher aux bords des ruiſſeaux , Et là laiſſer avec leurs flots Couler mes douces rêveries. Je ne peux plus un livre en main, Quand l'Aurore de la lumiere Revient dorer notre Hemiſphére , Mégarer dans un bois voiſin , Ni dire à celle qui m'engage , En voyant ſous l'épais feuillage Dés moineaux folâtrer entr'eux , Nos ardeurs ſeront éternelles , Hâte- toi de me rendre heureux ; J'ai leur feu , je n'ai pas leurs ailes . Mais quoique l’hyver ait banni les plaiſirs de la cam pagne , ne crois pas que ję m'ennuye. Près de mon foyer ſolitaire Au tribunalde la raiſon , En Juge équitable & revére Je cite chaque paſſion . Je condamne fur- tout , quoiqu'elle me ſoit chere ; Celle qu'on nommeamour , comme tu peux penſer , Et ne pouvant la ſatisfaire Je m'apprends à la mépriſer. Elle en a appellé aux yeux 57 de.... & je crains bien qu'ils - le la reſtituent dans tous les droits . Ceci ſoit die en cachette de l'Abbé...... car en fait d'amour il prend tout en maua vaiſe part. De la faine Philoſophie Je vais auſſi prendre leçon Le matin auprès d'Emilie Le ſoir auprès d'Anacreon , Dans leurs Ecrits dont le bon goût . eft pere , Je trouve .chaque jour de nouveaux agrémens , L'une m'apprend ce que c'eſt que le tems L'autre l'emploi qu’on en doit faire. C'eſt- là ce qui m'occupe ; du reſte je n’exerce à chaffer ſans crainte du ſort d'Acteon ; les Dianes de nos jours n'ont cou tume de le reſerver qu'à leurs maris . Adieu . 38 GLICERE, Pendan Endant qu'en nos plaines L'hyver , des fontaines Enchaîne le cours ; Coulons d'heureux jours , Aimable Glicere , Et par le ſecours Du Dieu de Cythere , Chaſſons loin de nous Les ennuis jaloux Qui nous font la guerre . A chaque plaiſir Dont ſur ſon paſſage , Le tems te partage Livre ton defir

Bien fou qui l'immole A l'eſpoir frivole D'un ſombre avenir

Scavons nous , hélas ! Si demain la Parque Ne nous fera pas Entrer dans la barque . 39 Qui paffe à la fois Les Bergers , les Rois. Il faut y deſcendre , Couronnés de fleurs, Braves les horreurs Qu'on t'y fait attendre. Croire que les Dieux Puniſſent l'uſage D’un penchant heureux Qu'on a reçu d'eux Seroit-ce être ſage ? A U TRE A la même. Dans cet azile , où tu dois Solitaire Des Aquilons attendre le retour , Veux- tu ſçavoir , docte & belle Glicere , Par quel moyen on abrege le jour ? Permers-le moi , j'y conduirai l'Amour , Mieux que perſonne il fçaura te l'ap . prendre Mais puiſqu'enfin tu ne veux pas l'ens tendre 40 D Au Dieu du Pinde il faut faire ta caur . Avec Virgile au bord d'une onde pure Grave des Vers ſur le tronc des ormeaux ; Aux Laboureurs montre l'agriculture ; Ou de l'abeille ordonne les travaux. Que la naïve & tendre Deshouliere A vos accords mélant la voixlegére Chante les fleurs , les oiſeaux , les ruif ſeaux . Chaulieu la fuit , . & la Farre & Lucréce , Sages charmans., avec la volupté On voit près d'eux folatrer la fagefre Et du cahos fortir la vérité. Dieux quels accords : les échos de la Thrace Ont- ils jamais oüi rien de fi doux ? Eſt -ce le Dieu qui préſide au Parnaſſe Qui vient encox habiter parmi nous ? Rouſſeau c'eſt toi ... viens ici prendre place , V ens à côté du Chantre de Henri , Laiffe expirer ta haine contre lui Voltaire ; on vit Virgile ami d'Horace. Le Pinde encor à d'autres demi Dieux Dont tu pourras ſavourer les quyrages. Dans 41 Dans la Legende, amour au rang des fages A de la main écrit leurs noms fameux. Quinaut, Gallus , la Fontaine , Tibulle, Properce , Ovide , Anacreon , Catulle ; Mais prends y garde Ovide eſt dange reux ; De l'art d'aimer penſe qu'il eſt le pere , Livre hérétique & qu'avec fondement L'amour a mis à l'Index de Cythére . Ce n'eſt que l'Art de tromper en aimant. A Mr. ' D ... Pendantſon ſejour à Montpellier. Tant qu'une injufte négligence Au filence t'a condamné , Les ennuis m'ont plus lutine Qu'ils ne font aux jours d'abſtinence Un Chanoine au teint bourgeonné. Il n'eſt rien que la mort reſpecte , Difois-je ; aux bords de l'Acheron On voit Pithias & Damon Et ta Cité m'étoit fufpecte ; Que ſçais -je c'eſt- là qu'on apprend L'art fatal , la triſte ſcience D 42 D'affaffiner impunément Et qu'on en donne la puiſſance : Ce penſer d'un chagrin cuiſant , Verſant le poiſon dans mon ame , J'étois méconnoiſſable autant , Ou plus que l'humeur d'une femme Trois mois après le Sacrement. Si j'en raille , fi trop volage , Ma Muſe prend un libre eſfor , Cher ami quand il eſt au Port Le Nautonier brave l'orage , Et l'Acteur qui craint le fifflet De la terreur,rit en ſecret S'il emporte quelque ſuffrage. Mais ſi tu prétends de Greſlet. Etre encor confrere en pareſſe, Pour qu'on le ſçache je te preſſe De travailler comme il a fait. Et parce que de Philomele Apollon t'a donné la voix , Ne penſe plus de voir ſix mois Garder le filence comme elle. Mais qu’apperçois- je ? c'eſt l'Amour Qui m'apporte quelque nouvelle. Grands Dieux , à la courſe fidelle 43 1 Quand la ſoeur de l'altre du jour De Janvier fixant la durée Fera briller dans l'empirée L'écuffon des maris de Cour, Ami je reverrai l'azile Des plaiſirs & des agrémens Sur la terraſſe des Feuillans , Ma Muſe à rire fi facile Ira s'égayer aux dépens De ces veaux d'or que d'un ſot culte Honore la cupidité , Et dont la fauſſe vanité Au vrai mérite fait inſulte . De ces Petits -maîtres tronqués Qui confits dans l'art des grimaces S'en vont frédonnant à voix baſſes Quelques airs d'Opera croqués. D'une foule d'anti- pucelles Qui le front barbouillé de fard , Du Public qui rougit pour elles Viennent mandier on regard. De la monacale indolence , Qu du centre des voluptés Vient promener de tous côtés Des yeux baiſſés par bienſéance , Dij 44 De ces oiſifs gravement fous Grands Commentateurs de Gazettes Qui nous endorment malgré nous Des réflexions qu'ils ont faites. Je pourrois encor & leur tour Faire paſſer par l'étamine Les Adonis en manteau court ; Ceux qui du pied de la colline Où les Muſes font leur ſéjour Viennent crottés juſqu'à l'échine. Et ces veuves en appetit Qui font fçavoir par mainte oeillade Qu'une place vaque en leur lit; Mais je finis ma promenade , Adieu , bon ſoir , & bonne nuit : A Mr. V HEureux qui loin du fracas de Paris ; Ainſi que toi peut jouir de foi-même , Et dans les bois ſur les gazons fleuris Sans le chercher trouver le bien ſuprême, Ah ſi jamais ce zelé Protecteur , Qui tout enſemble eft Horace & Mecene, Du Dieu Plutus qu'il preſſe en ma faveur, 45 Pouvoit fléchir la trop injuſte haine ; Tu me verrois fuir la ville & la Cour , Et dans ce bois , dont l'ombre ſolitaire Met à l'abri des feux du Dieu du jour , Rire avec toi des erreurs de la terre.. Ne troublez - pas des entretiens fidoux , Fuyez Facheux fuyez ; ce n'eſt pas nous Qui vous dirons fi la Perfe eft en guerre, Ou fi... futpropre au Miniſtére. Que nous importe à nous tout l'Univers ; Que Mars ſoit libre ou qu'il ſoit dans les fers ; Autour de nous regne une paix profonde, Et nous croyons être ſeuls dans le monde. Mais le jour tombe & déja les zéphirs Meuvent des bois les ombres incer taines. Le frais invite à de nouveaux plaiſirs ; Toi , tu te plais à parcourir les plaines , A foudroyer & lapins & perdraux , Tu les pourſuis même ſur les côteaux, Moi loin du trouble , aſſis au pied d'un hétre , Je moraliſe entre Horace & Chaulieu Avec Maron j'eſſaie un air champêtre , 46 1 Nafon m'apprend que l'amour n'eft qu'un jeu, Mais qui me vient jetter des fleurs nou velles ? Je t'apperçois dans le buiſſon voiſin ... Philis c'eſt toi ; ces fleurs cédent à celles Que les Amours font briller ſur ton ſein, A ton aſpect je ſens que je m'enflame , Viens dans mes bras , viens. . . tu m'ar rache l'ame , Attends... je meurs... Dieux quels bai. ſers ! quel feu ! Donne m'en mille & mille autres encore. Leur nombre égalar- il les fleurs qu'on voit éclore ? Le ſable de la mer , oui c'eſt encor trop peu. Pardonne ami ; le nom de ce que j'aime , De la raiſon m'a fait rompre le frein. Effaçons-le. .. quel nom ! au moment même је ſens tomber la plume de ma main. Philis... ami pardonne , elle eſt li belle ! O jours heureux , ou du monde oublié Je pourrai vivre en Champagne avec elle 47 Entre l'Amour , Bacchus , & l'amitié, PHILI S. J'avois Avo juré d'oublier tes appas Je te voyois ſans changer de viſage A mes rivaux tenir un doux langage ; Si par hazard je rencontrois tes pas , C'étoit ſans être ému , ſans que mon ame Vînt ſur mon front ſe peindre en traits de Aâme, J'avois des yeux pour d'autres que pour toi , Cruelle ! alors tu t'en plaignis à moi. Que t'ai -je fait d'où vient ton incon ſtance ? Me diſois - tu , de nos tendres amours Rien devoit - il interrompre le cours. Que je te hais ... j'écoutois en ſilence ; D'aucun remord mon coeur n'étoit at. teint ; Tu ſoupiras , je voulus m'en défendre , Mais de l'amour en ce cæur mal éteint , Ce ſeul ſoupir fit rallumer la cendre. Mes yeux ardens s'attachent ſur les tiens ; 1 Prés de mon coeur tout mon ſang ſe retire ; Je perds la voix , je rougis , je ſoupire ; Lors dans tes bras entrelaflant les miens , Tu me donnas un baiſer plein de flâme. Tu me preſſois pour faireque mon amc , M'abandonnat & paffât toute en toi ; Tu ne parlois que pour dire je t'aime ; En ce moment que je ſuis ſous ta loi . Que de t'aimer je fais mon bien ſuprês me , En ce moment ta froideur eſt extrême ; Ta bouche ingrate a pû me l'atteſter ! Sçais- tu quels maux cet aveu me prépare ? Ah ſi ton coeur étoit changé , barbare , Il m'en falloit au moins laiſſer douter, AU TRE. Bornons Ornons nos voeux au ſimple nécef ſaire ; Qu'eſt -il beſoin d'avoir l'or par mon ceaux ? Quand on a foif , que l'on ſe déſaltére Dans un grand fleuve, ou bien dans des ruiſſeaux , Qu'importe ? 49 Qu'importe ? l'onde en eſt ſouvent plus olaire. Moi pour tout bien je veux -une chau miere , Où des tilleuls s'uniſſent en berceaux , Et qu’un ruiſſeau ſur l'émail d'un pars terre , En murmurant - y promene ſes eaux ; C'eſt là qu'enfin trouvant le bien ſus prême, D'aucun ſouci n'étant plus combattu , Je pourrai vivre aux humains inconnu , Peut - être , helas , me connoître moi même; Là j'agirai comme nos bons ayeux , Soumis aux loix de la ſimple nature , Et fans rougir je ferai vertueux. Champs fortunés ! ſéjour aimé des Cieux ! Hors des ruiſſeaux jamais rien n'y mur mure , Rien ne s'y plaint que l'Oiſeau de Pa. phos; Et fi l'on a recours à l'impofture , E 1 so Ce n'eſt jamais que contre les oiſeaux. Il eſt bien vrai ſur l'une & l'autre ſcene Je n'irai pas applaudir tour à tour Aux jeux divers qu'à Paris chaque jour Offrent aux yeux Thalie & Melpomene ; Je n'aurai pas , quand la tendre Gauffin Vient de Monime exprimer les allarmes , Le doux plaiſir de répandre des larmes ; Qu de la voir un ruban à la main Trainer Charmant , l'enchaîner ſur ſes traces , Comme elle fait & l'Amour & les Gta ces. Mais mon hameau m'offre d'autres plai firs , Les rollignols, les forêts , les prairies , La liberté , d'aimables rêveries , Un doux ſommeil, & de charmans loiſirs . On me verra chaque jour dès l'Aurore Faire épouſer la vigne par l'ormeau ; De ſes préſens rendre graces à Flore ; La fèrpe en main diriger l'arbriſſeau . Dans mon verger j'en veux planter moi même ; Et quand par cux du fruit ſera porté , SI En le faiſant cueillir à ce que j'aime Je lui dirai , c'eſt moi qui l'ai planté. Avec Philis aflis ſur la fougere Les plus longs jours nous feront des mo mens , Nous nous dirons , que ces lieux ſont charmans : Eh bien ſans vous ils ne pourroient me plaire. Philis ici nous ſommes fans témoins , Sur cet ormeau vois - cu ces tourterelles , Viens donnons- nous mille baiſer comme elles . Que de tranſports , d'ardeur, de petits ſoins, Dedoux propos , de ſouris , de tendreflc , Sans nous laſſer nous nous verrons ſans celle , Nous jouirons ſans nous en aimer moins. Lorſque touchant au bout de macarriere L'âge aura fait tomber mes cheveux blancs. Quand d'un bâton appui de mes vieux ans , En la frappant j'avertirai la terre E ij 52 De me rejoindre enfin à mes ayeux . Content du bail fait avec la nature J'en attendrai le terme ſans murmure , Pour qui vit bien la mort n'a rien d'af . freux , Philis en pleurs me fermera les yeux ; Oüi , chere amie , à mon heure derniere Je veux , ouvrant ma débile paupiere , Serrer ta main , te regarder , mourir , Et que l'amour ait mon dernier ſoupir. A Mr. . . AMi qu'eft devenu ce tems Où cotoyant avec Climene Les rives qu'abreuve la Seine , Les jours nous feinbloient des momens ? Alors un rien donnoit matiere A d'aimables reflexions ; L'aurore ſur notre hemiſphere Venoit- elle de la lumiere Repandre les premiers rayons ; Le Soleil dillipe les ombres Par les couleurs dont il ſe peint , Diſions-nous ; mais aux ſéjours ſombres 53 Il regne une nuit ſans matins Qui ſçait ſi le jour qui ſe leve N'eſt point le dernier de nos jours ?" Faiſons que le tems n'en enleve Aucun inſtant vuide d'amours. Si la violette , ſous l'herbe Près du pavot qui vers les cieux Eleve fa tête ſuperbe Par haſard s'offroit à nos yeux ; . Qu'une Coquette , un Petit-Maître Fafſent montre de leurs appas z : Le plus aimable ce n'eſt pas Celui qui cherche à le paroître. Goutons l'amour dans nos beaux ans , Voyez ces fleurs qui vont éclore Si l'on attend après l'aurore A les cueillir , il n'eſt plus tems. Le cems qui détruit toutes choſes Ne fait pas grace à la beauté ; Sur ces ronces j'ai vû des roſes Répandre un parfum enchanté. Entendions-nous ſur quelqu'épine Des oiſeaux chanter leurs amours ; Fermons l'oreille aux vains diſcours D'une raiſon ſombre & chagrine 1 54 Ne contraignons aucun défir ; Chaque faculté fut donnée A notre ame pour en jouir. La Nature eſt la ſoeur aînée ; La raiſon lui doit obéir. Adieu qu'aucun ſoin ne t'accable ; Et ſi la vie eſt un ſommeil Amuſons-nous d'un fonge aimable ; Un beau longe vaut le réveil. L'ABEILLE ET L'ENFANT. F A B L E. 1 VOlant du jaſmin à la roſe Certaine Abeille exprimoit par hazard Ce doux parfum dont ſe compoſe Un miel plus pur que le nectar. Un jeune Enfant d'un pas rapide Accourt, la ſuit de fleurs en fleurs; L'attrape enfin . Mais au lieu des douceurs Dont le flattoit ſon eſperance avide , Il ne trouva qu’un aiguillon perfide, Dont le poiſon lui fit verſer des pleurs. De cette courte allegorie 55 Il eſt aiſé de pénétrer le jour : Nous ſommes cet Enfant, Silvie, Et cette Abeille c'eſt l'Amour. FIN . ERRAT A. Page s lig. Jo quelque foient , lifez, quel que ſoient P. 7 lig. 9. t'inſinuer , liſ. s'inſinuer. P. 8. lig . 16.un piſeau & la voix , lif. un oiſeau , le viſage & la voix P. 9. lig. 1. ce Berger , liſ. le Berger. P. 10.lig.4. la premiere, lif. fa pre miere. P. 11. lig. 19. Pourquoi.liſ. Eh quoi. P. 19. lig. 1. les bras. liſ. ſes bras. P. 201. 18. les veux. lif. ſes væux. P.21.1.19. détourner lif. détournes. P. 22.1. 8. ce Port lif. le Port. ibid. 1. 17. convient lif. convint. ol. s . s’aſſayoit lif, s'aſſeioit. Ibid .1. 21. prendre liſ. perdre. P. 23.1.s.




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